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12/03/2013

ALORS ?

 

Jérôme : Tout était à refaire, à repenser d’abord, cela ne pouvait pas, ne devait pas continuer comme cela, il ne fallait pas que le doute s’installe encore plus car on serait dans l’intolérable et comme j’étais déjà passé par là, je ne voulais pas que cela recommence, je n’aurais pas pu le supporter, Muriel connaissait le problème, elle ne pouvait le résoudre et d’ailleurs elle n’était plus là, je ne savais même pas si elle me manquait. Nous étions sortis de la dernière dispute complètement anéantis, était-ce suffisant pour se perdre de cette façon ou pour mieux se retrouver d’une autre ; ces chamailleries finiraient pas laisser des traces en espérant qu’elles ne deviennent pas trop indélébiles. Nous étions tous les deux du genre soupe-au-lait qui ne demande qu’à déborder mais nous avions réussi à ne pas en venir aux mains, ce qui était rassurant jusque-là ; quant à justifier l’état dans lequel je me trouvais, un état indéfinissable et inconfortable… Etait-ce encore ce reproche permanent concernant ma liaison ancienne avec Claire avant notre rencontre, elle ne pouvait, ne devait pas m’en blâmer, par contre elle voulait passer l’éponge sur son aventure avec le footeux pendant notre union. Alors ?

Muriel : Il y avait autre chose, autre chose de plus profond, j’en avais eu la révélation lorsque j’avais lu la première phrase du livre qu’il m’avait offert, Le rabaissement  de Philip Roth : Il avait perdu sa magie. L’élan n’était plus là. Son élan à lui, sa magie aussi, envolés petit à petit, paroles et expressions, gestes et comportements, comme s’il se dépersonnalisait, devenait un autre sans s’en rendre compte, un étranger maintenant que je ne le voyais presque plus parce qu’il marchait trop vite comme pour me fuir, petite silhouette voûtée perdue dans l’espace et comme  hors du temps. Etait-il trop tôt pour parler de gâchis total  et d’en chercher les causes mutuellement alors que le fil du dialogue s’était brusquement rompu. Oui, j’étais jalouse de Claire bien que ce fut avant, oui, je regrettais ce coup de folie avec ce qu’il appelait mon footeux. Etait-ce encore ces reproches permanents qui avaient entamé notre relation vacillante et pourtant tenace. Nous avions des amis qui avaient les mêmes problèmes, nous en parlions parfois mais, disait Jérôme, ce n’est pas pareil, si Jérôme, c’est identique.  Alors ?

 

Je me demande encore pourquoi je leur avais dit d’aller là-bas, en ce lieu historique, ce souvenir de ma visite après la guerre. Grand-père, raconte-nous, m’avait demandé Jérôme, et après mon récit et ma description, il avait approuvé puis regardé Muriel et dit alors qu’en penses-tu on y va ?. J’étais gêné lorsque j’assistais à leurs disputes interminables, surtout minables et je pensais que cela finirait mal mais pas à ce point ; les torts étaient partagés, lui trop impulsif, elle rouée avec son air de ne pas y toucher, un côté machiavélique qui me chagrinait à chaque fois.  Arrêtez ou alors allez faire vos chicaneries ailleurs, leur intimais-je, en pensant que tout ce foutoir inutile trouverait bien une solution avec un bon coup sur l’oreiller en fins baiseurs qu’ils sont. Depuis quelque temps, j’avais l’impression désagréable d’une accélération dans la destruction, je m’attendais à des blessures profondes, des choses dites qu’on ne pardonne pas… de là à imaginer qu’il pousserait brutalement Muriel du haut de cette satanée falaise…

©  Jacques Chesnel

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04/03/2013

EN REVENANT DU CINÉMA

 

  • Alors ?

  • Bof !

  • Quoi bof, ça ne t’as pas plu ce film

  • C’est pas mal

Déjà, cela me rappelait quelqu’un que j’aime bien, pas mal donc bien, sinon nul égal pas bien. Muriel était comme cela depuis notre rencontre, des jugements évasifs quitte ensuite à se contredire, c’était vachement bien mais celui-là ?. Comme nous étions tous les deux dingues du septième art, nous avions nos films ou, surtout, nos cinéastes préférés, souvent les mêmes sauf que nous avions aussi nos inimitiés et alors là, ça bardait quelque fois. Tenez, on prend le cas de Woody Allen (j’en connais déjà qui sourient ou font la grimace), elle aime beaucoup les premiers de la veine dite comique exemple Guerre et Amour, moi les plus bergmaniens comme Stardust memories ou Une autre femme, par contre nous étions raccord et emballés pour La rose pourpre du Caire ou Match point ainsi que sur le cas de Le rêve de Cassandre que nous trouvions bien mineur. Orson Welles et Buñuel pour l’un, Luchino Visconti et George Cukor pour l’autre, on faisait équipe pour La nuit du chasseur et Certains l’aiment chaud. Kif-kif pour les acteurs et les actrices, des ah ! pour Cary Grant et Pierre Brasseur, des oh pour Ingrid Bergman et Charlize Theron, à chacun ses préférences qui se rejoignaient souvent en mélangeant le cinoche et le cinéma, le passé et le présent, exercice réjouissant et périlleux.

  • Ce que j’aime moins, tu vois, c’est son utilisation trop fréquente des panoramiques, ça fait trop technique genre ce qu’on apprend à la Fémis, hein ?

  • Oui, mais son choix des chefs op et la fréquence des ellipses, c’est quand même quelque chose, son style, non ?

Par moment, on se croyait revenu à ce que nous racontait le grand-père de Muriel sur les discussions de ciné-club dans les années 60 quand on décortiquait un film pendant des heures avec des engueulades épiques du genre Bory/Charensol. Ce que Jérôme trouvait intéressant était la possibilité de refaire le film selon lui, selon ses goûts et avec ses interprètes à lui. Il y avait bien des intouchables, pas question de bricoler ou de bidouiller sur Casablanca ou La soif du mal mais sa liste impressionnait Muriel qui était plutôt du genre à ne toucher à rien car elle avait peur de l’effet papillon cinématographique. Alors on continuait à s’extasier sur films ou des interprètes, tenez comme Ricardo Darin, l’acteur argentin vedette de Dans ses yeux avec la sublime Soledad Villamil ou encore Vincere de Marco Bellochio et son interprète époustouflante Giovanna Mezzogiorno, les réalisations de James Gray avec Joachin Phoenix ou de Wes Anderson (La vie aquatique) et George Clooney (Les marches du pouvoir) ; il n’y a avait pas beaucoup de français dans leurs choix ou alors des anciens comme Carné/Prévert, les deux Jean, Renoir et Grémillon ou plus récemment les œuvres de Robert Guédiguian avec ce Jean-Pierre Daroussin qui faisait craquer tout le monde ainsi que les films dont Vincent Lindon et Karin Viard étaient les vedettes…

Une petite bande de cinéphiles s’était réunie autour de Muriel et de Jérôme, on refaisait le monde et celui du cinéma en particulier lorsqu’un soir, presque au matin, nos deux amis annoncèrent à l’assemblée stupéfaite la nouvelle suivante : ils avaient en chantier un film qui serait constitué uniquement d’extraits de leurs pellicules préférées (sans modifications) en ayant acquis leurs droits respectifs car tout le monde de la profession était emballé, ils avaient même déjà trouvé le titre :

EN REVENANT DU CINÉMA (3 heures 12)

La sortie est prévue en 2014, on compte sur vous.

11:24 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (6)

24/02/2013

JUSQU’AU BOUT…

 

On était à peine parti pour cette ballade, en rando comme disait Muriel, que j’en avais déjà plein les bottes dans mes pataugas neuves qui me compressaient les arpions, c’était mal barré. Malgré la météo annoncée, le temps était exécrable, trop froid avec une bise de nord-est qui me faisait pester contre ce temps de merde. Le grand-père de ma copine nous avait bassiné quelque temps sur ce lieu où il était allé dans sa jeunesse après la guerre avec sa bande de copains. Nous avons donc laissé la voiture au parking en route pour ce voyage dans le passé et le présent, dans l’entre- temps.

Cela faisait maintenant quatre heures que nous marchions dans ce no man’s land, tantôt désert, tantôt foret et maintenant le soleil nous accablait, on commençait à se poser des questions, en me retournant je ne voyais pas une Muriel mais plusieurs silhouettes au loin derrière et je me demandais si c’était bien moi ce vieillard chancelant et essoufflé qui marchait à mes côtés et à côtés de ses pompes qui me faisaient autant souffrir ; je me trouvais totalement dépaysé et dépersonnalisé et cela ne me plaisait pas tellement. Je me demandais même ce que nous allions faire dans cette galère qui tournait à la galéjade avec un sens du ridicule évident sans avoir d’explications rationnelles à se mettre sous la dent alors que j’avais déjà épuisé tout ce qu’il y avait comme casse-croûte dans ma musette. Les silhouettes de Muriel se faisaient encore moins nettes, une sorte de flou artistique qui commença à m’inquiéter moi qui ne panique jamais ou pour si peu. J’aurais bien aimé faire une pause mais une sorte de précipitation me poussait à aller toujours de l’avant sans but précis, en un mot il faut y aller quoiqu’il en coûte et je n’ai pas un seul centime sur moi, allons bon. J’avais l’impression d’être attendu au tournant alors que le chemin restait désespérément droit tout en se rétrécissant et devenait de plus en plus caillouteux ; je n’avais plus aucune vue et nouvelles de Muriel ni de ses silhouettes ou de ses ombres, m’avait-elle abandonné ou ne pouvait-elle plus me suivre, c’était pourtant une bonne marcheuse. Maintenant que se présente un croisement, plus de ligne d’horizon, tout semble bien bouché, sur les panneaux les indications de direction sont identiques, cela ne laisse donc aucun choix possible ; je ris sous cape en pensant à celui qui lira cela, il cogite, suppute, estime, fait des plans sur la comète, s’interroge : où l’auteur veut-il nous embarquer, vers quelle destination, allez allez donc un peu d’effort, vous avez bien une petite idée qui pourrait m’éclairer alors qu’on commence à ni voir goutte et que quelques-unes se mettent à tomber n’importe comment merde je n’ai pas pris de parapluie et d’ailleurs qu’en ferais-je ?.

Au croisement donc, je prends la sente de gauche n’ayant jamais bien senti la droite, question d’habitude cette mauvaise maladie. Je regarde ma montre subitement disparue, je ne connais pas l’heure et plus la date, j’ai également perdu mon horloge interne, je suis hors du temps et pourtant je me dépêche, j’ai le feu au cul et cela ne m’excite pas, je ne comprends plus rien de moins en moins, je suis comme Robert Le Vigan dans Quai des brumes « je cherche à peindre les choses derrière les choses » sauf qu’il n’y a pas de choses à peindre ou à dépeindre, j’ai l’impression de reculer tout en avançant, de paraitre et disparaitre en même temps, de devenir transparent, je parais, je transparais, je fais le plein de sensations diverses alors que le vide m’envahit, j’en arrive à douter de mon existence tandis que je me sens de plus en plus vivant, ces états m’exaspèrent mais je garde un calme olympien ce qui est inhabituel chez moi avec ma tendance à m’énerver pour un oui pour un non, sans repère j’avance maintenant à tâtons, point de lumière en vue, pas de point d’ancrage, j’ai comme l’impression que mon radar perso me lâche ainsi que mon disque dur existentiel et mon dernier logiciel de personnalité mis à jour, aurais-je perdu la boussole, celle qui dans ma tête guide toujours mes pas, mais subitement tout devient plus calme même mon pouls un temps affolé reprend la bonne cadence, le rythme adéquat, je retrouve mon souffle, la saine respiration…et maintenant j’en arrive à me demander tout simplement si je n’étais pas en train de faire une poussée d’onirisme ou pire : peut-être une crise d’oniromancie ; manquerait plus que maintenant je tombe dans la dysphorie, mais ce n’est pas le genre de la maison. Alors ?

 

© Jacques Chesnel

 

13:29 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

18/02/2013

PETIT JEU AVEC NOMS & PRÉNOMS

                                        

Elle est au nord  /  Jus liens  /   Benne et dicte

Berne hard  /  Berne à dette  /  File hip  /   Natte à lit

Clef ment  /  Nique colle /  Mot nique  /  Miche elle

Auguste teint  /  Halle banc  /   Cas cendre

On dîne  /   Math et eau  /   Aime A  /   Ça chat

Halle est-ce skis   /   Gaz part  /   Cul n’est gonde

Sa turne hein  /   Mât Ti as  /   Tarte en pion

Mir ah belle  /   Laid en Dreux  /  Mets Derrick

Mort hisse  /  Rome et eau  /  Âme et lit

Hante où âne  /  Des bords ah !  /  Laie au nard

Robe air  /  Hé dis  /  Halle fonce  /  Riz gobe air

Verre oh nique  /  Riche art  / Rets mont

Clos dîne  /  Vers singe et tort x  /  Mite riz datte

Marre selle  /  Mords anneau  /   Nico là Sarcle aussi

Deux villes peintes  /  Gode froid  /  Suce âne

Vain sang  /  Pas de loup (Wolfgang)

Mie cas elle  /  Rafle à rien  /  Rein beau

Maux lierre  / Bout gros  /  Cul pie donc

Brune oh Le maire  /  Mords anneau

Elle lisse sa bête  /  Quai vain  /  Dors au thé

©  Jacques Chaîne elle

 

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11/02/2013

LA FEMME DU PATRON

                               

Les avis étaient partagés, certains la trouvaient vachement bien, les autres carrément moches ou pas loin de l’être malgré sa silhouette avantageuse avantagée par les fringues. Jérôme disait la femme du patron, Bernard qui se targuait d’anglicismes  la femme du boss, Alain la meuf du vieux, la gonzesse du taulier pour Paul notre marlou, tout le staff l’avait ainsi baptisée. Patron, boss, vieux ou taulier, tous le détestaient à cause du mépris qu’il affichait pour ses employés, des laquais, des serfs, des sous-merde. Et tous ou presque, à part Dominique qu’on croyait homo, n’avaient qu’une idée en tête, qu’on la trouve bien ou moche : se taper sa meuf et le faire savoir pour faire chier ce sale con qui justement se tortillait comme une fiotte quand il reluquait le Domi. Vue de loin, elle avait de l’allure et de l’allant, elle faisait illusion avec son port qu’elle croyait royal, son long cou orné de perlouses, ses cheveux de teinte indéfinissable suivant la lumière tout cela dû à son coiffeur particulier. Elle vous matait de son air hautain, clignant les yeux d’une façon ostentatoire genre use tant cils au mascara d’égout sans savoir quelque signification en donner, faisant la moue molle toujours de la même façon avec sa bouche fardée comme une stripteaseuse de bastringue. Ayant jeté son dévolu sur Jérôme (lequel raconte cette histoire), elle  le demandait pour satisfaire ses besoins personnels, entrant dans le grand bureau de l’étude et clamait devant tous les mecs plus ou moins extasiés, crispés ou plutôt rigolards « Jérôôôme j’ai besoin de vous » éructé de sa voix faussement haut perchée, c’était pour la conduire chez le merlan ou chez une copine du même acabit ou faire une course pour des achats, un boulot de larbin et le patron présent ne mouftait pas.

J’avais été surpris lors de mon engagement dans cette grande étude notariale par le fait qu’il ne s’y trouvait aucune femme, tous les postes étaient tenus par des hommes triés sur le volet du type mannequin, même le standardiste ; c’était à qui serait le plus mignon, moi en premier bien sûr, sauf le stagiaire japonais Akira qu’on appelait Kurosawa qui était plutôt laid mais si sympa et faisait les courbettes qui plaisaient au vieux schnock émoustillé. J’attendais avec appréhension et délectation cumulées le moment où la vieille bique entrerait en gueulant Jérôôôôme, ce qui n’allait pas tarder, tiens, que vous disais-je

-       Aujourd’hui, mon chou, les grands magasins pour les soldes de lingerie, ça vous dit, hein mon lapin, et qu’ça saute, hihhi

Dans le BMW, elle se regarde dans le miroir de courtoisie, se passe la langue sur ses lèvres outrageusement maquillées et me dit go on y va et c’est parti, elle me guide, se marre, hennit une fois ou deux quand j’accélère ou double, doucement les basses, tu as la trouille manman alors encore un p’tit coup et tu vas voir vroum vrouououm ; la légitime de notre négrier poussa un soupir de soulagement quand nous entrâmes dans les entrailles du magasin, le parking débordant de bagnoles de luxe. Maintenant dans le noir éclairé des phares, en cherchant une place, elle gloussait d’une intrigante façon, d’une inquiétante manière quand ayant enfin trouvé une place libre, la voiture arrêtée, elle prit ma main droite, retroussa sa robe et en me disant tu vas voir enfin mon petit chéri me mit illico la main entre ses cuisses…

Nous avions pris l’habitude à la sortie du bureau de nous retrouver quelques-uns dans un bar proche. Le soir de cette aventure, on ne manqua pas de demander comme d’habitude : alors ?, raconte

-       Eh bien, les mecs, vous voulez vraiment tout savoir ?...ben,  la femme du patron… c’est … comment dire …un travelo.

Le lendemain, dans son bureau, le patron m’informa que j’étais viré séance tenante sans plus d’explication. Jérôôôôme !

 

© Jacques Chesnel

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03/02/2013

L’ONCLE TROMBONISTE

                      

La lettre venait de Cherbourg ; écrite par tante Yvette.

Mon cher Jérôme,

Ton oncle Raymond va bientôt avoir quatre-vingts ans, dans quinze jours, il est en bonne santé et j’en remercie Dieu tous les jours. Hier, il a demandé de tes nouvelles parce que tu ne nous écris plus depuis longtemps et tu ne viens plus nous voir. On sait que tu as beaucoup de travail mais un petit mot à défaut de ta visite nous ferait le plus grand plaisir. Nous espérons que tu vas bien ainsi que ta dernière compagne ; est-ce toujours Muriel ? a demandé ton oncle qui se souvient toujours de la première, la Cécile qu’il aimait bien mais il y a longtemps.

En espérant ta venue prochaine, nous t’embrassons très fort

Ta tante Yvette

Le numéro de téléphone n’a pas changé

A la lecture de cette lettre, Jérôme eut un sentiment de culpabilité, ce qui n’était pas son genre. Il ne se souvenait  pas beaucoup de ce vieil oncle, de sa carrière de tromboniste de jazz (il en était fier bien que pour lui la musique, bon, c’était pas son truc) et qui avait arrêté de jouer  suite à une alerte cardiaque à soixante-douze ans puis s’était retiré dans les environs de Cherbourg.

Dans l’auto pendant tout le voyage, Muriel fit la gueule parce qu’il ne voulait rien lui dire sur cette Cécile, c’était qui celle-là ? et c’était quand ? tu te prends toujours pour don Juan ? regarde la route merde fais attention quand tu doubles… Arrivés devant le pavillon en bord de mer, descendus de voiture, ils entendirent le son du trombone, ce n’est pas possible, c’est lui à son âge ? Reçus à bras ouverts par la tante toujours prompte aux effusions, ils virent l’oncle reposer son instrument et venir vers eux l’air heureux, Jérôme mon Jérôme enfin te voilà et avec cette fameuse Muriel, qu’il serra dans ses bras. Pendant le goûter (ah les petits gâteaux de la Tantyvette) l’oncle Raymond répondit à ma question : tu joues encore ? je joue toujours, nuance, une heure après la sieste tous le jours, seul ou avec des disques pour me maintenir en forme surtout le souffle, je fais de la gym respiratoire deux fois par semaine, les lèvres pas de problème, les bras les mains non plus. Il est intenable, dit Yvette avec son merveilleux sourire et un air entendu, je dois quand même le surveiller, à son âge, sinon…

-       Ne l’écoutez pas, elle voudrait que je me retienne mais il faut que je joue sinon je suis foutu, quand on est attaché comme moi à ce foutu biniou, c’est comme une drogue, voilà

A mon grand étonnement, Muriel détendue, lui posa toutes sortes de questions sur sa carrière de musicien ; il fut intarissable. Avec son instrument posé sur ses genoux, il raconta sa découverte du jazz avec le Hot Five de Louis Armstrong, puis la claque prise lors de l’écoute de l’orchestre de Duke Ellington avec Tricky Sam Nanton et sa sourdine wa-wa, ensuite Jack Teagarden, tout cela déclenchant sa vocation, il deviendrait tromboniste ; les études au conservatoire, sa montée à Paris, ses relations avec les musiciens français et ceux de passage, les bœufs dans les boîtes, son amitié avec Guy Paquinet qui lui donnera moult conseils en raison de son expérience dans l’orchestre de Raymond Legrand, la révélation/révolution du be-bop, son admiration pour Jay-Jay Johnson… avant sa rencontre avec Yvette qui venait de décrocher un boulot de secrétaire au Ministère des Affaires Etrangères… ce qui allait bouleverser leur existence après leur mariage quand elle décrocha un poste à l’ambassade de France aux Etats-Unis. Installés à New York où le jazz était en pleine effervescence, il trouva des engagements dans de grands orchestres qui jouaient dans les hôtels, fréquentant after hours les clubs de la 50ième rue. Il prit conscience de ses limites devant tous ces nouvelles vedettes et se contenta de rester un musicien de pupitre. Rentrés en France, ils s’installèrent dans la région parisienne ; il devint professeur dans une école de jazz et continua de jouer dans des orchestres en raison de ses qualités quand l’occasion se présentait. Un soir, il fit la connaissance du pianiste Georges Arvanitas qui lui proposa de jouer avec son trio lors d’un contrat pour une semaine dans un nouveau club dont il ne se rappelait plus le nom. Il avait eu de bonnes critiques et beaucoup d’engagements par la suite. Médusés, Jérôme et Muriel écoutaient cet oncle, dont ils ne savaient pas grand-chose jusque-là, égrener ses souvenirs avec gourmandise. Depuis son retrait forcé et la retraite de Tantyvette, il pensait, devant l’insistance de son épouse, raconter tout cela dans un livre qui s’intitulerait « De la coulisse aux coulisses », car disait-elle, il a pas mal de choses à raconter, ça en vaut la peine.

-       Et tu as quelques photos de tout cela, demanda Jérôme

-       Bien sûr, même celles de grands photographes, c’est dans une boîte à chaussure au grenier, faudra rechercher, hein, chérie

Quelques jours après leur visite, Jérôme reçut une grande enveloppe qui contenait une lettre et un cliché de l’oncle tromboniste avec le trio de Georges Arvanitas, photo signée Jean-Pierre Leloir ; celle-ci était attachée à la lettre… par un trombone.


© Jacques Chesnel

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27/01/2013

LE PET DE CINQ HEURES DU MAT’

                          

On a parfois de ces surprises !. Je me suis toujours endormi rapidement sous la couette, je me tourne et retourne trois ou quatre fois, ensuite position en chien de fusil bien que je déteste les armes et c’est parti pour huit heures de sommeil… sauf que depuis quelque temps, deux ou trois mois peut-être va savoir je me réveille à cinq heures souvent pile, des fois entre 4 : 58 et 5 :03 pour balancer dans la nuit calme un seul mais un énorme pet, un prout bien sonore, une flatuosité à faire pâlir de jalousie le sieur Gérard Depardieu qui n’est pas avare en la matière et la manière, un pétard donc qui fait tanguer l’immeuble comme lors d’un tremblement de terre et me soulage putain que c’est bon ; un seul, rarement deux quand le premier n’est pas suffisamment explicite ou alors trop timide de peur de me réveiller, mais je veux absolument me réveiller pour entendre cette déflagration bienfaisante pour mon organisme, pour l’apaisement de mes entrailles vaille que vaille.

N’allez surtout pas croire que je sois pétomane, que je me complais dans cette acte, que j’y trouve quelque façon de m’affirmer, que je désir péter plus haut que mon cul, pas du tout, cela se passe que j’ai beaucoup normalement ou pas du tout diné ou soupé, à cinq heures le pet est là, le fait est là et ce n’est pas un pet de travers, la fête est là car c’est bien une délivrance qui se manifeste ainsi, un pet de satisfaction, de félicité, de jouissance et, autant l’avouer, de volupté ; j’irais jusqu’à dire un pet de paix. Ne pas croire que je recherche ou provoque absolument ce délicieux moment en me gavant de produits  qui favoriseraient ce genre d’évacuation, je mange et bois normalement  et le plus raisonnablement possible. Je ne suis ni péteux, ni pète-sec, ni pétochard, je n’ai pas d’attirance particulière pour les pétroleuses et les pétrolettes, je ne suis jamais allé à Pétra-la-Magnifique  ni à Petrograd ni à Petrópolis ni à Pétaouchnok et j’adore Michel Petrucciani ainsi que Pétillon, Pétronille  et Screamin’ Jay Hawkins chantant son Constipation blues qui fit scandale en 1969 ; je me régale de pétoncles et d’adore les pétunias ;  peut-être suis-je parfois un peu pétulant mais je sais aussi me contrôler sans me pétrifier, ce qui n’est pas le cas de mon grand-père qui aime choquer ses visiteurs en les gratifiant de ce qu’il appelle « les pets de Pépé qui aime les pépées et le pépettes, hihihi » et dont la devise, qu’il annonce toujours doctement l’index haut levé comme un phare : « un pet tous les jours, la santé pour toujours, et allez au cinoche voir guéguerre et pet, ahahah ! ».

On peut s’interroger alors sur cette circonstance : pourquoi la nuit et pas le jour, pourquoi cinq heures et pas d’autres ?… mon médecin favori n’ayant pas de réponse satisfaisante se propose d’en avertir des confrères avisés, voire de lancer une enquête mais je n’ai pas l’intention de devenir un être exceptionnel ou un cas d’école : je pète à cinq heures du matin tous les jours et c’est ainsi, je ne vais tout de même pas me retenir. Au début, cela agaçait Muriel quand elle venait passer le week-end en quête de gros câlins et puis elle m’a dit que cela ne la gênait pas du moment que c’était inodore, ce qui est le cas, alors !. Elle m’appelle son pétardeur et hardeur chéri, son pétaradant et pétillant favori, son chevalier sans pétoche et sans reproches et ça me va bien.

Si dans votre entourage ou parmi vos connaissances vous trouver un individu porteur de ce cas, n’hésitez pas à me le faire savoir, nous formerons ainsi une confrérie, celle des péteurs  bienheureux… qui valons beaucoup plus qu’un simple pet de lapin sur une toile cirée ou pas.

Prouououtttt !

p-s : j’en entends dire d’ici que je me lâââche… bien entendu ; ce n’est pas scatologique juste un peu eschatologique, encore que !

© Jacques Chesnel

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23/01/2013

LA FUITE

                                                               

D’abord, une goutte, une toute petite goutte assez loin du radiateur de la cuisine, tiens ?... à surveiller… quelque négligence ? je n’ai rien renversé, je n’ai pas bavé (il y a longtemps que je ne bave plus et pas encore pour l’instant), il n’y a pas d’animal dans l’appart’, et maintenant on dirait que le goutte s’agrandit pour former une petite flaque, au choix flaquette ou marouille, rien de bon : le radiateur doit fuir; je passe la main par en-dessous (n’y voir rien d’érotique) et effectivement ça suinte… en souhaitant que ça ne se mette pas à pisser, d’autant que je dois partir demain de bonne heure par un temps de merde annoncé, voyage impossible à différer, on est samedi il est plus de 22 heures, quoi faire ? impossible de contacter un chauffagiste et voilà le téléphone qui driiiingue tandis que la flaque s’agrandit, vite un récipient dessous, une casserole, allo, non ce n’est pas moi, un faux numéro, ne nous affolons pas, la casserole se remplit doucement et stop ouf cela semble s’arrêter, je vide la casserole et la remet et hop au plumard et fais de beaux rêves mon gars jusqu’à demain six heures…

Je suis au bord de la mer, le temps est superbe, les filles encore plus et l’eau est plus que bonne, que c’est agréable de flotter ainsi porté par les douces vagues qui deviennent de plus en plus fortes et m’emmènent au loin, trop loin, eh oh doucement les basses faut pas que je commence à paniquer d’autant que ça fait longtemps que je n’ai pas niqué et en plus je n’ai plus pied je barbotte ya trop de flotte ça clapote et crapote, regagnons la rive je m’essouffle je bois la tasse je barbotte, je patauge, je grenouille, je vais couler je coule je me réveille imbibé, mouillé, trempé, nom de dieu la fuite !, je m’emberlificote dans les draps dégoulinants et en quelques brasses papillon je rejoins la cuisine…la casserole est presque vide, il est 3 heures 25 au réveil…

Quand ça redrinnnnngue cette fois c’est réveil il est six heures Paris s’est éveillé et moi ça commence, ou plutôt c’est reparti car la casserole est pleine et s’apprête à déborder, je vais mettre la plus grande ça devrait suffire pour trois jours à moins que allez bon faut que j’y aille… Dans l’avion, le film qui passe, prémonitoire ? : La grande inondation de Tony Mitchell, une histoire de flotte à frémir, à l’aéroport de Glasgow c’est le déluge et la première chose que je vois : une pub pour de nouveaux calorifères performants, je suis poursuivi par une sorte de malédiction, au congrès l’organisateur annonce « la parole est maintenant à notre ami Jean-Marie Aubin pour sa communication sur les progrès des traitements pour les maladies dégénératives »… et je m’emmêle les pinceaux car au cours de mon développement je revois mon radiateur et l’eau qui s’échappe de la casserole et le voisin du dessous qui appelle les pompiers car l’infiltration s’est aggravée… murmures dans la salle… je sors affolé et pour tout arranger l’avion de retour a du retard à cause d’une tempête et pas dans un verre d’eau…

Rentré, le constat est curieux, pas de liquide dans la casserole mais des bruits divers inquiétants dans la tuyauterie, crachotements, borborygmes et autres gargouillis, comme des pétarades et quelques minutes plus tard nouvel écoulement tandis que le chauffagiste alerté ne se manifeste toujours pas… et que je demeure comme un con avec tous mes récipients à écoper…

Une chose est certaine c’est que voilà un radiateur qui a un drôle de comportement sinon de la fuite dans les idées.

© Jacques Chesnel

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14/01/2013

JÉRÔME N’EST PAS RENTRÉ

                                 

-       Je vais rentrer l’auto au garage

Muriel  finissant de débarrasser la table répondit OK tout en haussant les épaules, bizarre pour une fois qu’est-ce qui lui prend ? on est  en hiver mais bon. Le repas s’était mal terminé, une fois de plus, l’engueulade avait monté d’un cran, à qui criait le plus fort. C’est Jean-Luc Godard qui avait mis le feu à la poudre qui ne demandait qu’à prendre rapidement, après que nos deux tourtereaux susceptibles eurent visionné Pierrot le fou sur une chaîne du câble. Jérôme trouvait que le film avait pris plein de rides, que Belmondo cabotinait trop mais qu’Anna Karina était toujours aussi craquante. Muriel affirmait que Bébel était parfait dans son rôle mais que la Karina minaudait trop. Quant au scénario et aux dialogues, l’un trouvait que c’était n’importe quoi avec des trucs ringards comme ce je m’appelle Ferdinand à répétition ainsi que les reproductions de tableaux tandis que l’autre pensait que cela faisait « style » pour l’époque, comme un pied-de-nez au cinéma de grand-papa, les désaccords étaient profonds, le verbe de plus en plus haut jusqu’à ce que Jérôme se lève en jetant sa serviette sur la table et dise tu ne comprends vraiment rien à rien ma pauv’ fille et encore moins au cinéma, il est vrai que tu préfères le football ; c’était ce qu’il ne fallait surtout pas dire, cette allusion à l’aventure de Muriel avec un joueur de foot minable ; elle sauta sur l’occasion pour lui rappeler son flirt poussé avec Laura lors d’une fête chez des amis où elle les avait trouvés en train de se peloter dans la salle de bains à moitié à poil et complètement en action les mains et le reste tout partout tu peux toujours causer connard, mais de quoi tu parles là Muriel on avait à peine commencé et on allait en rester là quand tu, ouais t’avais tout de même entrepris de lui mettre ton p’tit instrument tout flasque hein ?, mais moi je ne me suis pas barré pendant un mois avec une andouille qui tapote dans un ballon quand même, oui mais lui au moins il aimait bien Pierrot le fou et il est pas tout le temps à critiquer tout et n’importe quoi et à reluquer sa bagnole toutes les cinq minutes tandis que toi et merde…

Jérôme ne revient pas

Il était parti rentrer l’auto au garage disait-il, la toute nouvelle tire de luxe dont il était si fier d’avoir en plus profité des 8000 euros d’avantages client sans rien comprendre à ce que cela voulait dire mais la bagnole hybride était vraiment chouette et puisqu’on avait un garage alors autant en profiter. Il mit le moteur en marche et alluma la radio, sur France-Inter c’était Le Masque et la Plume émission consacrée au cinéma et les critiques encensaient justement la  diffusion de Pierrot le fou, il se retint de foutre un coup de poing sur le tableau de bord, ça n’allait pas recommencer y en avait marre de ce trouduc  de Pierrot à la fin, tiens je vais faire un tour pour le rodage.

Jérôme ne revient pas

Restée seule un peu sonnée, Muriel se servit un nouveau verre de beaujolais et repensa à Robert, son fouteux qui comprenait que dalle au cinoche et ne parlait que de clubs comme le PSG et de joueurs comme Zlatan ; elle en avait soupé de ces sempiternelles histoires de rivalités et des comportements de Ribery, Messi, Rooney, Drogba et autres Cristiano Ronaldo tous ces noms qui lui ressortaient par les oreilles et alors il a ajusté son tir, l’autre lui a fait un tacle, il a encore loupé sa passe… mais par contre, il était d’une gentillesse émouvante et déconcertante, jamais un mot plus haut et fort que l’autre, il aimait tout ce Muriel aimait, ah son emballement à la pièce Le retour de Harold Pinter qu’il prononçait Paintère, il détestait tout ce qu’elle détestait, oh son aversion pour Despléchin qu’elle trouvait surestimé par la bande de Téléramoche, lui aussi, en un mot un seul : il était TROP gentil, d’une gentillesse qui devenait insupportable, tu ne peux pas me lacher un peu, dis…

Jérôme ne revient toujours pas

Dans cette folie de voiture, Jérôme avait un sentiment de puissance et de plénitude comme jamais auparavant, tout était parfait, c’était même à de demander s’il fallait conduire soi-même, s’il ne fallait pas mieux laisser faire la machine pendant qu’il pensant à Muriel et à la nouvelle dispute, la combien de ce mois, toujours la même susceptibilité, toujours vouloir avoir raison, le dernier mot, tous les torts pour moi, le compteur affiche 140 dans la nuit noire,  quelle tenue de route ma poule, tout est automatique et l’autre là le Robert pot de colle, faudrait pas qu’il me cherche, maintenant à la radio Chet Baker chante Everyday we say goodbye I die a little, et je vois bien la Muriel qui ricane toujours dans son coin, le nombre de fois qu’on s’est dit adieu et je ne suis pas toujours mort nom de dieu de bordel de merde, et je reviens ou bien c’est elle et c’est reparti pour oui pour un non pour un rien pour un flirt avec toi, il savait bien qu’il allait rentrer, qu’il fallait revenir et que tout se passerait comme toujours, tiens ! Tony Bennett fredonne I’m lucky to be me dans le poste, moi aussi je suis content d’être Moi et de rentrer bientôt pour prendre Muriel dans mes bras et qui pleurera comme d’habituuudeu ô Jérôme et moi qui, que se passe-t-il ya du verglas  maintenant putain ou quoi mais…

Le téléphone sonne, Muriel décroche :

- allo, Mademoiselle Branlon-Lagarde, bonsoir, ici le lieutenant de gendarmerie de votre secteur, je voulais vous dire que enfin, nous avons trouvé votre heu ami oh ça n’a pas l’air trop grave mais faudrait que vous alliez à….

Jérôme n’est pas encore rentré

© Jacques Chesnel

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09/01/2013

VERSIONS / INVERSIONS / SUBVERSIONS

                

. mettre une jambe de bois sur un cautère

. écouter Saint-Saëns avec ses cinq sens

. mettre les bœufs derrière la charrue

. se mettre un coup de cul au pied

. retrouver l’un, perdre les dix autres

. l’ancre à la bouteille comme la soupe sur les cheveux

. le midi du démon à regarder de près

. sauter pour mieux reculer en allant de l’avant

. intermarché : la distribution des mousquetaires

. mettre sa poche dans la main

. plutôt rechercher un abandon qu’abandonner une recherche

. mieux vaut une belle trouvée qu’une balle perdue

. faire des simagrées à la soupe plutôt que la soupe à la grimace

. se faire une tartine plutôt qu’en faire tout un plat

. plutôt une bonne érection qu’une mauvaise élection

. mettre la porte sous la clé des champs

. en avoir sa claque de cette clique toute en cloques

. plumer le dindon de la farce par force

. un arrangement téléphonique en dérangement

. récupérer Fields aux W.C.

. lire Aragon à Saragosse en Aragon

. AVC César !

. l’œil d’or dans un reflet (John Huston)

. avoir rue sur pignon

. rentrer dans ses gonds

. perdre connaissance en reconnaissance de cause

. rameuter la meute

. respirer comme on ment

. s’inscrire en vrai, se désinscrire en faucille

. tous les mondes du matin (Alain Corneau)

. libidineux, le bout du nœud

. un milk-shake, un lait chacun

. vertu parée de petite femme

. engeance de drôle

. le lange de Monsieur Crime (Jean Renoir)

. se ruiner à courir

. le slip de l’éminence grise

. les gros galets d’un gringalet (galéjade)

. la ville des lumières (Charlie Chaplin)

. abandon du temps retrouvé (Marcel Proust)

. une sole pleureuse

. la main du zouave dans la calotte du masseur

. ya des coups de cul aux pieds qui se trouvent

. manger la racine par le pissenlit

. trousser sans retrousser ni tousser

. des monstres hâtifs

. une campagne de curés

. l’Otan suspend ton vol

. la renommée des trompettes

. un retard en avance sur le temps (Erroll Garner)

. épiphanie : les rois de la galette

 

© Jacques Chesnel

23:22 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

13/12/2012

DÉBUT DE DÉBÂCLE

 

Il ne disait rien mais n’en pensait pas moins. Elle parlait sans arrêt sans penser à rien. Ils étaient donc faits l’un pour l’autre, ce qui paraissait tout naturel. Ils s’étaient tout dit ou presque mais il y avait tellement de non-dits, alors c’est elle maintenant qui ne disait rien mais pensait quand même alors qu’il s’était tu depuis longtemps et pensait toujours comme d’habitude ; on n’était pas sorti de l’auberge ni d’ailleurs. Cela paraissait compliqué ; il aurait fallu élaguer, essarter, faire un impossible tri, mettre les choses désagréables de côté, en sursis, en veilleuse, pour mieux les ressortir dans des habits neufs ou raccommodés. Et il y en avait de ces petites choses anodines qui laissent des traces ; tenez, par exemple c’était quand Jérôme était en ligne avec les enfants en vacances à New York que Muriel s’écriait que ce salaud n’avait pas remis de papier toilette dans le distributeur vide et que donc Jérôôôôme merdeu… ou bien Muriel laissait ses collants de la semaine en tas sur la descente de lit et Jérôme dans le coltard s’emberlificotait toujours dedans en se levant et de se casser la figure plaf ! nom de dieu… ou bien, une autre fois, au théâtre pendant le spectacle de Lucchini, le portable de Jérôme sonne furieusement et c’est Muriel qui se fait fusiller du regard par l’assistance et engueuler par l’insupportable Fabrice déconcerté pour une fois… en pleine discussion sur la littérature avec des amis Muriel confond Céline l’écrivain génial également ordure avec Dion la brailleuse canadienne  et quand Jérôme s’emmêle les pinceaux à propos de l’écrivain Paul Léautaud qu’il confond avec l’acteur Philippe Léotard, fallait voir leur yeux exorbités et furibards… La question se posait à tous deux : comment repartir à zéro quand on est à moins dix au-dessous de mille et qu’on ne connait plus l’échelle des valeurs, pourquoi tout aussi bien vouloir remettre tout en question alors qu’on avait épuisé toutes les réponses possibles et même les impossibles les plus souvent réitérées… Séparément ou en couple, ils étaient allés consulter les mêmes psys qui avaient tous avoué humblement que cela dépassait leurs compétences pourtant reconnues internationalement et recommandé soit un isolement volontaire dans couvent et monastère soit une série prolongée de douches froides ce qui les avait hérissés au point d’en venir aux mains avec un de ces connards qui avait averti l’hôpital le plus proche pour la camisole de force… Dans un cas comme le leur, les amis disparaissaient à vue d’œil, les enfants repoussaient indéfiniment leur retour, les grands-parents, désemparés, s’étaient réfugiés,  dans les prières, un comble alors qu’ils étaient athées pratiquants…

Ils essayèrent les thérapies de groupe que Muriel trouva prétexte à une grande partouze papattes en l’air et Jérôme à de la branlette intellectuelle façon Julien Lepers, puis les rebouteux de l’âme dont les rituels et simagrées les firent se gondoler, la lecture des grands penseurs bien-pensants qu’ils trouvèrent pompeux et prétentieux loin des réalités quotidiennes, le refuge dans les églises de toutes sortes dont ils sortirent en courant épouvantés en entendant leurs jargons dégoulinants de bêtises… bref, ils étaient, croyaient-ils, irrémédiablement perdus… quand, c’est tout bête quand on y pense, quelqu’un de leurs rares amis conservés leur conseilla d’aller voir du côté de plus gentiment tordu qu’eux-mêmes pour une cure de désintoxication par le rire : les films de Woody Allen ; ils allèrent voir tous les films et achetèrent tous les DVD… et depuis Muriel et Jérôme ont retrouvé le goût de vivre… comme moi, comme lui, comme vous.

© Jacques Chesnel

 

19:29 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

07/12/2012

UN COUPLE… COMME LES AUTRES

      

                        

Jérôme s’étonna d’être revenu alors qu’il n’était pas encore parti

Muriel en cherchant une anguille sous roche trouva une aiguille dans une botte de foin, elle n’en revint pas

Jérôme, au cours d’un fric-frac, ne trouva pas de fric mais un frac, il en fit dans son froc

Muriel avait la dent dure avant d’aller chez le dentiste, en revenant elle avait une dent contre lui

Jérôme éclata de rire en s’imaginant faire un coup d’éclat

Muriel en cherchant l’arsenic récupéra ses vieilles dentelles

Jérôme fit un bond en avant et tomba sur le derrière

Muriel dit à Jérôme que le rire était le propre de l’homme mais qu’il devrait se laver plus souvent

Jérôme dit à sa femme que maintenant elle n’était plus l’avenir de l’homme

Sa femme répondit à Jérôme que son avenir proche était derrière lui

Jérôme, en se retournant, pensa qu’elle avait tort car il ne voyait rien venir à cette heure

A tort ou à raison, Muriel courut s’enfermer  dans sa tour d’ivoire

Jérôme se demanda alors s’il ne fallait pas changer les règles, bien que

Tout juste cloitrée, Muriel se souvint de ses dernières, trop douloureuses

Jérôme, sans préméditation,  mit la clé sous la porte

Muriel, entrevit une sortie de secours en criant d’une voix de stentor « non, pas ça »

Jérôme lui chuchota à travers la porte des paroles d’apaisement qui ne portèrent pas leurs fruits

Muriel réclama d’urgence des fruits de la passion (en pensant à l’arsenic)

Jérôme y vit un piège et tenta l’impossible, voire un coup de force

A force de pleurer, Muriel, constata qu’elle n’avait plus de ressort

Il ressortit de tout cela que Jérôme était complètement désarmé, il chercha donc la clé

Muriel pensa que la clé était sous le paillasson comme d’habitude, ce qui l’énervait

Jérôme en ouvrant la porte buta sur le tapis-brosse et tomba dans les bras de Muriel, énervée, qui avait oublié de les ouvrir

Muriel demanda : « dans quoi nous sommes-nous embarqués, Jérôme »

Jérôme, en se relevant, considéra qu’il ne fallait pas trop charger la barque pour si peu

Muriel fut d’accord pour la mener à bon port de main de maître avec un vrai capitaine

Jérôme pensa qu’il ferait un excellent commandant de bord

Muriel le voyait plutôt comme le moussaillon et prit tout de suite l’affaire en mains

Jérôme n’allait pas en faire toute une affaire mais comptait prendre aussi ses responsabilités (ses affaires en mains l’excitait au plus haut point)

Muriel, dubitative, allait le mettre au pied du mur immédiatement

Jérôme, le dos au mur, capitula sans conditions pour ne pas tomber en capilotade

Muriel eut le triomphe modeste et n’en remit pas une couche, bien que l’envie fût tenace

Jérôme proposa un compromis mais sans compromissions, hein ?

Muriel, tout compte fait, accepta le dénouement dans un complet dénuement et se déshabilla précipitamment avec la lenteur convenue qui plaisait tant à son mari

Jérôme pensa que c’était la meilleure solution et conclut la discussion avec son franc sourire qui fit de nouveau craquer Muriel qui n’en resta pas là et le lui rendit aussitôt (en reprenant quand même ses affaires, on ne sait jamais)

Tout est bien qui finit bien… jusqu’à la prochaine fois ?


©  Jacques Chesnel

10:58 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

29/11/2012

FABLE D’UN JOUR… ET DE TOUJOURS ?

 

Jusqu’à hier on les supportait dans le village malgré leurs airs arrogants et leur prétention de tout savoir sur tout et sur tous. Les anciens, ceux qui n’avaient pas leur langue dans la poche de leur pantalon en velours côtelé façon Woody avaient trouvé, au cours d’une soirée arrosé à la maison du populo, des surnoms qui leur allaient comme des gants de crins dans une main de velouté au jasmin : Éclopé et Troufignon. Toute l’assistance avait applaudi et avait fait des pronostics sur les appellations d’autres gars du même acabit de cheval : un Basdufront, un Torpédo, un Lou Ravi, un Tire-Bouchon, une La grosse Tata, un petit Kaka, une Usetancils dite aussi L’essuie-glaces, un Grandadais, sans compter le plus rigolo d’entre tous le Microbe, leur chef perché sur ses échasses de sept lieux et plus. Toute cette petite bande s’était mise à vouloir tout régenter dans la commune au grand dam de Flamby qu’avait réussi à devenir notre maire qui se débattait tant bien que mâle avec toutes les problèmes du village et dieu sait si y’en avait. Et pis v’latypas que les gars Éclopé et Troufignon ont voulu prendre le gouvernail et cela a abouti à la foire d’empoigne avec manèges, tir aux pigeons, chenillettes et balançoires, chamboule-tout et attrape-couillons. Le bras droit de l’extrême du gars Éclopé, le Basdufront, un jacobin, avait mis de l’huile sur le feu qui n’attendant que ça pour s’enflammer et hop c’était parti. Pendant ce temps Flamby devait faire face à une troupe rameutée par notre curé l’abbé Cassetoi-Povcon qui voulait pas que les gars se marient avec d’autres gars comme les filles avec d’autres filles, ces gens-là coincé du bulbe et d’la quéquette ne trouvaient pas cela très gai contre l’avis de la majorité pourtant bien-pensante et de notre chaisière qu’allait pouvoir prendre son pied enfin avec la boulangère qu’on appelait Marcel à cause de son sempiternel tricot de peau en pure laine de vierge. Au cours des manifs les anciens se rinçaient les yeux avec les nénettes qui leur mettait les nichons sous leurs nez et ils en redemandaient. Les choses allèrent de pire en pis (tant pis) et les gugusses en arrivèrent presqu’aux mains qu’ils avaient oublié de laver, alors vous pensez !.  Les autres, ceussent de la communauté de commune, commencèrent à ruer dans les brancards de nos charrettes et menacèrent de couper les vivres autrement dit les subventions pour subvenir à nos fins, nos faims et tout le toutim. Si bien qu’on renvoya dosàdos Éclopé et Troufignon dont plus personne ne voulait entendre parler à Montorgueil sur Burnes et partout ailleurs d’ailleurs. Les anciens, à l’apéro cantonal et paroissial, trouvèrent que les plaisanteries les plus courtes étaient de toute façon les moins longues, alors ils levèrent leurs verres à leur propre santé qui était fort bonne et leurs doigts d’honneur brandis bien raides. Oh, ya bien eu un p’tit râleur  du genre ratichon échevelé et biberonnant qui s’époumona cinq minutes mais avec un bon coup de pied au derrière qu’il a gros, il fut vite remis à sa place, derrière le cimetière pas loin du troupeau des dindes de droite extrême qui prolifèrent outrageusement.

Moralité : à force de vouloir tout chambarder, on se retrouve cul par-dessus tête, et le nez dans l’purin, enfin !

©  Jacques Chesnel

26/11/2012

MES EMBALLEMENTS JAZZ 2012

                                   

Cette année, il me semble que ce sont les musiciens français qui ont présenté les comportements les plus audacieux, les démarches le plus novatrices, les expressions les plus régénératrices en explorant de nouveaux territoires… comme un vent de folie salutaire et enthousiasmant ; parmi eux :

Par ordre alphabétique :

. JEAN-PAUL CÉLÉA / YES ORNETTE

. MÉDÉRIC COLLIGNON / A LA RECHERCHE DU ROI FRIPPÉ

. LAURENT COQ – MIGUEL ZENÓN / RAYUELA

. DANIEL HUMAIR / SWEET AND SOUR

. ÉMILE PARISIEN / CHIEN GUÊPE

. PIERRICK PEDRON / KUBIC’S MONK

. JEAN-PHILIPPE VIRET / SUPPLÉMENT D’ÂME

… et

. COREA / GOMEZ/ MOTIAN / FURTHER EXPLORATIONS

. YARON HERMAN / ALTER EGO

. JARRETT – GARBAREK – DANIELSSON – CHRISTIENSEN / SLEEPER

 

Musicien de l’année : ÉMILE PARISIEN

 

25/11/2012   Jacques Chesnel       

20:54 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0)

24/11/2012

LES CONTRIBUTIONS COMPULSIVES

                 

Tous les matins, Jérôme allume son ordinateur vers 9 heures, après le toilette en grand et le p’tit dèj vite fait et hop tout de suite sur la toile, autant dire que c’est devenu une habitude  en pire, une vraie drogue dure, ce qui le console est le nombre d’individus qui comme lui font le même geste appuyez sur « démarrer » ce qui le fait sourire quand c’est pour « arrêter  », voilà, patientez, on attend quelques secondes et bonjour le monde entier s’ouvre sous vos yeux dans 40 x 30 centimètres d’écran lumineux, ouais, le monde c’est d’abord la photo de la Muriel en bikini mimi-mini-pile-face prise à Trouville l’an dernier et maintenant sous une avalanche d’icônes notamment sur ses fesses ce qui fait un beau poster rieur qui vous en met plein la vue mine de rien. On passe ensuite aux choses sérieuses, la lecture des journaux en commençant toujours par Libé et finissant par le NouvelObs en excluant délibérément le Figaro et l’Express qu’il trouve illisibles et les rédacs-chefs complètement débiles, chacun ses goûts, dégoûts et égouttoirs. Jérôme, encore un peu dans le coltard, se marre de savoir que dans le monde entier la même chose se répète des milliers peut-être des millions de fois à la presque même heure et rigole un bon coup en s’imaginant les tronches de toute cette armada webienne. Il revoit alors les dessins de Daumier que son grand-père lui a montré ou ceux de Reiser qu’il a fait voir à l’aïeul et ils se gondolent; il s’imagine alors tous ces types qui se précipitent la bave aux lèvres écumantes sur les touches qu’ils massacrent allègrement pour cracher leur venins dans les commentaires ou bien s’extasier sur la prose d’un tel ou d’untel écrivain connu seulement d’eux, les frénétiques de la popolitique avec leurs arguments, leurs certitudes certifiées, leur volonté de s’affirmer en écrivant plus fort que le voisin qu’on méprise ou qu’on injurie avec plus ou moins de popolitesse. Il compulse ainsi tous les blogs recommandés ou recommandables, il lui arrive de déposer aussi sa petite crotte ou un argumentaire sur un sujet qu’il connait ou croit connaitre, se redressant fier de son coup de patte ou de gueule ouf ça fait du bien… ou en se disant le plus souvent que tout cela est bien dérisoire… et d’y revenir le lendemain, comme les autres, surtout pour admirer encore une fois sur son écran-écrin le popotin de Muriel en bikini mini-mini-pile-face qui…

©  Jacques Chesnel

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