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14/07/2015

PAS DE NOSTALGIE

                          

Lorsque la vague de la nostalgie déferla sur la plupart des camarades de bureau, Jérôme ne se senti pas concerné, ce n'était pas son genre de se retourner de cette manière, de chercher à retrouver des amis perdus de vue ou perdus tout court, les copains d'avant, les anciennes amours... Il entendait et écoutait poliment exclamations de joie ou de tristesse, gloussements, couinements, rires ou reniflements, c'est pas vrai il est encore là ce vieil André, putain ce qu'elle a grossi on dirait la Merkel, et lui maintenant avec la barbe et les cheveux longs, oh la robe à fleurs de Monique et ses socquettes blanches, merde il est mort il y a une semaine le pauvre à combien 78 c’est jeune, et cette photo de groupe à l'école de la rue Bicoquet c'était quand ?, oh les tronches c'est toi là à droite ?, et là le chapeau de traviole et là combien de lardons, six et elle qui ne voulait pas d'enfants, quoi ? notre Robert en soutane lui qui bouffait du curé même que le jour de la communion qu'il avait pris une torgnole, et lui qu’est devenu maire de son patelin il est passé physiquement de Gandhi à Pavarotti comme un paquet à la poste…

Chez les filles, autre tonalité, plus douce, avec beaucoup de mélancolie ou de vague à l’âme, de l’amertume aussi devant le temps qui passe si vite sans qu’on s’en aperçoive autrement que par ces photos retrouvées, ses souvenirs qui sautent aux yeux, ces retours dans le passé qu’on croit révolu délibérément ou non, des choses dont on ne se rappelle pas mais qui se rappellent à vous, tiens là, Brigitte quand elle a pris le voile, Lucette la mal mariée qui s’est jeter sous un train, Micheline et son fiancé algérien balancé dans la Seine, Adèle l’hôtesse de l’air sur le mauvais vol et le crash, Roberte et son homosexualité refoulée, les avortements répétés de la belle Nicole, tu les reconnais toutes sur ces clichés ?, demandait Muriel inquiète.

 Ce soir, rentrés du bureau, Jérôme et Muriel évoquent ces instants avec un petit sourire gêné, c’est un peu bête tout ça non ?,  Muriel dit attend et revient avec un gros classeur et fouille dans les photos mal rangées, j’ai trouvé regarde, c’est qui là ? c’est moi répond Jérôme, avec mon père à une manif’ pour la paix en heu je ne me souviens pas de la date exacte, je devais avoir quinze ans Papa était très fier on chantait fort on y croyait putain et… on s’est rencontrés ce soir-là dit Muriel, et il éclate en sanglot. Il y a des moments où on se demande si les photos, on a beau se croire blindé…

 

Jacques Chesnel

17:56 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

06/07/2015

LE DOIGT

 

Allez savoir pourquoi… ce matin oui ce matin-là précisément Jérôme réveillé de mauvais poil mais encore tout endormi se dirigea vers la chaîne hi-fi l’alluma puis avec son bras droit sa main droite posa son doigt majeur droit sur ce CD précis presque machinalement ou pas allez savoir pourquoi Miles Davis pourquoi Someday My Prince Will Come et tout aussi machinalement appuie sur la plage 6 IThought About You sans penser à rien ou si peu Jérôme le petit déjeuner est prêt j’arrive voilà voilà dans la cuisine elle fait la gueule plus que d’habitude renfrognée l’air des mauvais jours allez savoir pourquoi tu ne prends pas de jus d’orange si ça va ? Jérôme il faut quoi ? il faut que je te dise et dans la pièce à côté la trompette de Miles si tendre et écorchée que je pars tu pars ? je pars camarade je te quitte je n’en peux plus il y a trop de mauvaises choses entre nous quoi quoi par exemple attends je suis encore dans le cirage Jérôme tu sais bien tu vois bien que ça ne peux pas durer tous ces prénoms que tu marmonnes bredouilles bafouilles avec des aaah langoureux des ooooh voluptueux dans ton sommeil tes Ella Dinah Sarah Nina Anita Aretha Cassandra Patricia ou encore plus Billie Blossom Carmen Shirley le plus exaspérant cette Diana tu me tripotes en murmurant Dianaaaah moi c’est Muriel MURIELLLL bordel qu’est-ce qu’elles ont de plus que moi toutes ces pétasses et ces chansons que tu passes en boucle ces balades comme tu dis j’ai envie de tout envoyer balader de leur péter la tronche tu me prends pour qui mais Muriel ah il se souvient de mon prénom il est temps je suis vivante moi Jérôme je sais je ne chante pas tu veux que je chantes tiens non rien de rien je ne regrette rien (elle chante) tu n’aimes pas Edith tu dis pas Edith oooooh je regrette tout Jérôme surtout ce jazz quand il n’est pas bop il est frit quand il n’est pas niou machin ou à l’ouest n’importe il est quoi ce que je ne supporte plus ce sont ces prénoms dans mon lit mais ce sont des prénoms de chanteuses Muriel de grandes chanteuses je m’en fous Jérôme est-ce que je braille moi des Julien des Charles Christophe Johnny Eddy Florent non pas lui et Etienne Raphaël les deux Alain ça te plairait d’entendre aaaaaaah Laurent oooooh mmmmm Michel celui qui chante pour un flirt hein le disque s’est arrêté il n’y a plus de musique je n’entends plus que Muriel qui hurle pour un flirt avec moâ en se précipitant vers la salle de bains avec la porte bang et les pleurs de l’autre côté pour un flirt demain cela devrait aller mieux faudrait que je me contrôle mais comment faire en tous cas me dis-je sentencieux faut pas mettre son doigt n’importe où quand on est dans le coltard et si j’avais choisi au hasard Un Jour Mon Prince Viendra est-ce que tout cela serait arrivé vous n’êtes pas obligé de me croire… mais je me demande quand même si…

 

Jacques Chesnel

16:47 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

27/06/2015

LE COUP DE LA PANNE

 

 

Il y a encore quelques années, quand les automobiles étaient moins fiables que maintenant, le coup de la panne restait pour les timides comme Jérôme un moyen d’approcher les filles, il en avait fait souvent l’expérience. Le problème, son problème à lui, était qu’il arrivait parfois que la panne du moteur, mécanique ou carburant, entraînait une panne plus délicate : la panne des sens et alors là rideau, consommation impossible, nada. Non seulement il était vexé mais il avait quelquefois reçu une ou deux bonnes gifles, une pour la bagnole de merde, une pour être resté en rade. Pour remédier à une éventuelle défaillance, il avait eu recours à sa roue de secours perso : des aphrodisiaques naturels d’abord, fruits de mer, ail, piment, céleri, coriandre, gingembre, raifort, vanille ou bien des vitamines (arginine, dopamine, maca…) ou des produits achetés dans les sex-shops (genre power capsules) qui lui coûtaient bonbon. La pire situation : les pannes conjointes, impossible de redémarrer la bagnole, pas possible de réveiller le commis qui roupillait sur les pruneaux affalés sur la banquette en skaï. 

Il fallait donc, dans le premier cas, utiliser la manivelle, dans le second reprendre son mâle en patience, l’avoir bien en main, repartir à zéro, recommencer tout le boulot, retrouver son coup de main et le bon chemin et ne pas s’endormir de nouveau sur le rôti, plus facile à dire qu’à faire sauf si, hélas, la conquête avait décidé que la fête était foutue et qu’on ne l’y reprendrait plus jusqu’à la prochaine fois mais avec quelqu’un de plus performant, pauvre Jérôme. Il avait changé plusieurs fois d’automobile en fonction du confort pour pratiquer plus aisément ses galipettes et, en équilibrant son budget suite à sa promotion de nouveau trader efficace, il avait pu s’offrir enfin un 4X4 d’occasion quasiment comme neuf. Il passait ainsi des minettes en peu bêtasses aux donzelles dans le vent excitées comme des puces sur la vue de l’engin, certaines n’hésitant pas à le tanner, ce qu’il considérait comme une manne inespérée. Ça se bousculait au portillon de sa rutilante caisse, mais allez faire le coup de la panne avec une tire mastoc et flambante, les filles qui montaient n’étaient pas dupes, elles voulaient juste savoir quand et comment le Jérôme allait s’y prendre ou se méprendre ; d’abord le choix du lieu, l’heure et le baratin du genre tiens mais qu’est-ce qui se passe j’ai pourtant fait le plein, c’est bien la première fois que cela m’arrive, ah je vois et les filles ne voyaient rien du tout à part la mine déconfite quand elles sortaient en claquant fort la portière vlaaam ou s’étonnaient quand le petit oiseau de monsieur ne voulait pas sortir malgré les manipulations parfois épuisantes, et là c’était pire que la Bérézina, l’humiliation, la honte, la flétrissure , voire l’infamie. Quand ça marchait, il ne se tenait plus de constater sa réussite et le faisait savoir devant la jouvencelle extasiée par ses prouesses sexuelles autant que voiturières.

 Pour corser ces aventures, Jérôme essaya le con-voiturage pas très concluant, puis le stop avec les surprises bonnes et mauvaises qui vont avec, la plus étonnante pour son ingénuité relative fut la difficulté de se débarrasser d’un travelo d’une beauté à vous couper le souffle et à faire monter l’adrénaline ainsi que le reste. Les bonnes fortunes le dispensaient du coup de la panne obligatoire mais un incident mémorable est à venir et à raconter. En allant à un rendez-vous dit galant, Jérôme s’arrêta pour prendre un homme qui faisait des signes désespérés sur le bord de la route ; il vit à son col et à la croix qu’il portait que c’était un prêtre, un abbé, un curé, un chanoine, un évêque, un cardinal, allez savoir maintenant qu’ils ont tous le même costume gris neutre. Les deux occupants devisent aimablement, le régulateur de vitesse indique 4000 tours, vitesse 130 kms à l’heure, la radio en fond sonore, ah ! le deuxième concerto pour piano de Brahms par Nelson Freire, interrompu parfois par les indications du GPS… quand, brutalement le moteur hoqueta et que l’ordinateur de bord annonça un grave problème dans la pompe à essence… et la voiture s’immobilisa : la panne, totale !.

Alors le prêtre, l’abbé ou le curé, le chanoine, l’évêque ou le cardinal allez savoir pose affectueusement sa main sur le genou de Jérôme et dit vous savez mon jeune ami on m’a fait souvent le coup, je vous comprends, je suis gay comme vous, je vous trouve très mignon et je pense que maintenant il serait temps de penser aux choses sérieuses, n’est-ce pas !, dit-il en basculant le siège avec un sourire si prometteur que…. 

Pour Jérôme, ce ne fut pas le coup de la panne… plutôt la panique… puis le coût de la panne.

 

Jacques Chesnel

12:03 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

18/06/2015

FIN DE PARTI (E)

 

Quand on lui tendit le micro, ce n’est pas sa main qui trembla mais le micro, du moins c’est ce qu’il prétendit après sa brève allocution. Il avait dû beaucoup ramé, faire beaucoup de circonvolutions pour admettre à la fin qu’il avait un peu perdu, un peu seulement. Ses amis, du moins ce qu’il lui en restait, se contentèrent de ricaner comme d’habitude, on ne se refait pas, on ne le refait pas. L’après-midi, il n’était pas allé au bureau, préférant resté en famille à regarder les chaînes du câble à la télé, faire un peu de piano sur son vieux Yamaha au son pourri pour se changer les idées car les nouvelles n’étaient pas très bonnes, il faudrait trouver des arguments et surtout ne pas faire grise mine, conserver cet air mi-hautain mi-méprisant qui était plus ou moins volontairement son image de marque. Il joua quelques standards de jazz, toujours les mêmes qui plaisaient aux vieilles dames qui le soutenaient avec leurs regards énamourés ce qui lui plaisait et le rassurait mais fit quelques fausses notes qu’il essaya de noyer dans ses improvisations habituelles. A cinq heures, il alla se changer et revêtit un costume sombre sur une chemise bleue clair et une cravate bleue foncé. Se baissant pour lacer ses chaussures en croco, il ressentit un léger vertige ce qui l’inquiéta quelques secondes après, cela faisait longtemps que cela ne lui était pas arrivé, comme un léger trouble dans ses certitudes ?. Il allait falloir coûte que coûte faire contre mauvaise fortune bonne apparence mais cette fois ce serait plus difficile. Quand l’auto vint le chercher pour le bureau, il ne salua pas son chauffeur et se trompa de porte pour entrer dans le véhicule, il prit la gauche et vit comme un présage, un mauvais présage. Son arrivée fut saluée par les vrais amis, du moins par ce qu’il lui en restait constata-t’il en regardant ses mains et ses dix doigts et pensa d’un coup aux rats qui quittent le navire, déjà ?. Il accentua son sourire dans un sens moins carnassier et fit la bise à sa secrétaire qui ne tendit pas l’autre joue. Un regard vers les journalistes dont il perçut l’air narquois et se rendit dans précipitamment dans son bureau dont il ferma la porte plutôt brutalement. Assis, il respira un bon coup et assura la dizaine de personnes que tout irait bien. Il savait comment réagir à ce genre de situation et le patron le savait aussi lui faisant totalement ou presque confiance, bien que depuis quelque temps le temps justement n’était pas ou plus au beau fixe sur le tactique, car c’était bien de tactique dont il s’agissait, à adopter. Faire le dos rond n’était pas son genre, mordre il savait faire mais là pas question, cela sonnerait comme un aveu visible. Ah ! l’ironie, railler l’adversaire, voilà, non, pas cette fois, astuce au retournement trop prévisible, parler d’abord d’autre chose, voilà voilà, commencer par parler d’autre chose, les sujets ne manquant pas, oui bon mais après revenir au sujet du jour où la France entière l’attendait et boirait ses paroles que certains trouveraient imbuvables et d’autres, quelques autres ?, circonstanciées, voilà voilà : circonstanciées, le mot adéquat. Pas besoin de notes, tout devenait de plus en plus clair, il esquissa un sourire de circonstance (bien entendu) qui rassura ce qui lui restait d’amis du moins pour l’instant car il savait qu’un jour cela pourrait, devrait, changer sinon il lui faudrait écoper l’eau de la barque après le naufrage. Il se leva, passa un coup de peigne dans les quelques cheveux sur son front dégarni ce qui lui donnait cet air de crâneur qui lui allait si bien, rajusta sa cravate, but une gorgée d’eau, c’est à vous dans trois minutes, les caméras sont prêtes, quand faut y aller.

Il se racla la gorge, fit un clin d’œil à sa secrétaire qui ne lui rendit pas, et sortit sous le feu des projecteurs.

Il commença son allocution avec un large sourire, mesdames, messieurs, chers amis, les choses étant ce qu’elles sont, je voulais vous dire que…

Il sortit sous de rares applaudissements et quelques ricanements puis se fit communiquer les derniers chiffres ; ce n’était pas bon, mais alors bon pas du tout.

 

Jacques Chesnel

17:27 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (3)

12/06/2015

NOUS AVANT

 

C'est en rentrant de chez Elvire après le dîner pour fêter l'anniversaire de Django que nous avons eu cette discussion sur un sujet que nous repoussions chaque jour : qui étions-nous avant de nous connaître et de vivre ensemble depuis toutes ces années, combien au fait, Muriel pensait 9, Jérôme affirmait 12… alors ?… peu importait ; notre couple fonctionnait bien, mais oui qui étions-nous avant notre rencontre, on n'en avait jamais parlé ou si peu, les parents, la famille, nos enfances, les études, les boulots tout ça oui, mais le reste, quelles avaient été nos vie amoureuses ? Était-il nécessaire d'en parler ? De remuer un couteau dans les plaies, d'ailleurs, y avait-il des plaies, des blessures, des drames enfouis ? Autant de questions jamais posées donc sans réponse… Les exemples de couples amis ou ennemis ne pouvaient les rassurer, la plupart des histoires s'étaient souvent mal terminées, par des ruptures définitives, des vaudevilles ou des tragédies. Qui allait commencer, se lancer dans le récit de souvenirs joyeux ou amers, volontairement ou non oubliés ou au contraire encore présents. On en avait des exemples quotidiennement avec les films ou les lectures que ce soient des chefs-d'œuvre ou des navets, des histoires vécues ou romancées, avec aussi l'étalage des aventures de gens célèbres qui inondaient la presse people ou les chaînes d'infos merdiques… alors à quoi bon !.

Sans compter sur la jalousie feinte ou avouée, les dérapages ou ce qu'on appelle les coups de canif dans le contrat, l'épisode du footballeur avec Muriel, les flirts en plans rapprochés/serrés/ferrés ou terminés en coucherie de Jérôme avec Aurore la nympho au cœur infidèle… sans parler des soupçons, bon dieu, les soupçons, quelle saloperie, un regard jugé trop insistant, un sourire trouvé peu résistant, une parole mal placée, un geste déplacé, une allusion, un sous-entendu entendu, un mot de trop ou pas assez, la plaisanterie à sens unique ou à contresens, une contrepèterie douteuse, des jeux de mots et de maux contrariant, des chemins dits de traverses hors des clous de la bien-séance, de la bien-pensance, des conventions convenues ou connes tout court, des présomptions, des doutes qui s'installent, s'implantent de façon pernicieuse et si et si et si…

Donc, c'est au moment de s'endormir ce soir-là au retour de chez Elvire que Muriel demanda à Jérôme si c'était vrai cette aventure avec Damien au collège et jusqu'où ?, hein, et toi la gougnotte avec Monica à la surprise-partie du nouvel an chez les Dubois, et l'autre pédé tu sais qu'il aime encore sucer les bites des copains de préférence les plus grosses, et ton footeux arrière de l'équipe avec sa coupe de cheveux à la con il t'a sodomisée, hein ?, ah on les connaît tes frasques, oh tu peux parler toi l'aguicheuse toujours prête à sauter sur tout ce qui bouge, mais moi j'ai pas de tendance pédophile à mater les petits garçons… et patati et patata et patate et toi et…. Ils s'endormirent au petit matin à bout d'arguments...

 

Le lendemain au petit déjeuner chacun dans leur coin en évitant de trop se regarder, Jérôme au moment de partir dit à Muriel :

- N'oublie pas que c'est ce soir qu'on dîne chez Elvire pour l'anniversaire de Django, tu penses au cadeau.

 

Jacques Chesnel

11:23 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

05/06/2015

MON ÉTÉ 44

 

L'année de mes 16 ans, juillet, le premier mois de liberté enfin retrouvée.

Je portais des lunettes, souvent des pantalons de golf, je terminais ma période zazou, je n'avais pas de moustache (car je n'avais pas encore rencontré le pilote de la RAF et son superbe attribut qui me servira de modèle jusqu'à aujourd'hui) j'étais maigre comme un clou, encore puceau, enfin presque, et je jouais de la clarinette en autodidacte ; la veille on avait répété de nouveaux morceaux pendant le bombardement du centre-ville, on avait l'habitude depuis le 6 juin au matin, on prenait depuis notre mal en patience et on attendait d'être libérés.

Les bombes qui tombaient sur le centre-ville étaient notre principale terreur ; j'allais chez un copain sur le toit-terrasse de sa maison et nous regardions les destructions à la longue vue, c'est ainsi que j'ai vu tomber le clocher de l'église Saint-Pierre, la mairie voler en éclats et des quartiers entiers disparaître en quelques secondes, boum !. Ce dont nous avions le plus peur ma famille et moi c'était des obus, ceux venant de nos libérateurs vers les forces d'occupation, du nord au sud, puis après la libération l'inverse, celles des repaires, planques et tanières de la wehrmacht vers les forces alliées et plus précisément des canadiennes basées près de chez nous, une pluie d'obus, puis des tirs soutenus ou sporadiques…

 

Ce matin là du 9 juillet, dans notre quartier de Venoix, nous étions encore dans la cave parce que ça les bombes tombaient toujours quand, pendant une accalmie, un voisin nous appela, ils sont là, c'est moi le premier qui les ai vus, ils sont là ; nous sortîmes et au coin de la rue il y avait une chenillette avec trois soldats dedans qui nous font signe d'approcher et demande à mon père : « vous avez pas vu des allemands par là » avec un drôle d'accent (v'savez point vu d'allemins par lô) vous êtes qui ? demanda mon père, « des canadiens français, on est en patrouille », mon père fit le salut militaire, ma mère se mit à pleurer et mon frère et moi à rire bêtement, on ne comprenait rien. Lorsqu'ils sont repartis, mon père à dit ya plus qu'attendre la suite, c'est à dire cinq longs jours où toute une compagnie arriva et s'installa dans notre quartier, une partie devant chez nous… et c'est là que commence l'histoire de l'Indien

 

Notre indien

 

D'abord, était-il Iroquois ou bien appartenait-il à la tribu de Mohawks ou des Hurons, nous ne le sûmes jamais, nous ne lui avons jamais demandé, c'était notre Indien à nous, pas besoin de savoir ; par contre, ça coiffure en « crête » ou « coupe mohawk », cheveux rasés sur les côtés nous intriguait ainsi que les quelques amulettes accrochées au ceinturon mais on n'a jamais voulu le questionner, cela faisait partie du mystère alors que je venais juste de terminer « Le dernier des Mohicans ».

Donc, notre Iroquois, incorporé dans une unité de l'armée canadienne avait débarqué mi-juin; nous le reçurent en héros dans notre famille ainsi que quelques autres soldats de la Belle Province, cousins très bavards avec leur accent typique alors que lui parlait rarement, quelques mots seulement avec le Capitaine Grégoire. Ma maman, fille de militaire (notre grand-père ancien aide de camp d'un Maréchal de la Grande Guerre) avait trouvé l'occasion de réaliser son rêve : être la cantinière du régiment, elle qui regrettait tant de n'avoir pu le faire en 14/18 car trop jeune. Nous faisions ripaille avec les boites de singe et autres rations du contingent, avec les légumes de notre jardin qui disparurent à une vitesse phénoménale ainsi que le beurre lait et camemberts que nous allions chercher mon frère et moi parfois sous la mitraille chez des fermiers voisins, nous dégustions aussi les tartes que la cantinière fabriquait en chantant comme on ne l'avait jamais entendu depuis ces années d'occupation. Les tablées étaient animées, joyeuses, les soirées interminables, tant d'événements à raconter, tant de choses à se dire avec parfois des moments de nostalgies quand les soldats nous montraient les photos des femmes, enfants, fiancées, parents…

 

Mais nous n'étions pas encore sortis des bombardements. En effet, un groupe de soldats allemands replié à quelques kilomètres dans une carrière avait installé une ou deux roquette(s) qui nous distribuaient généreusement et régulièrement quelques salves qui passaient en sifflant au-dessus du quartier avec une régularité inquiétante en espérant pouvoir échapper à l'une d'elles. Le Capitaine Grégoire estima qu'il fallait en finir et demanda un volontaire en regardant fixement notre Iroquois qui avait compris et se déclara prêt. Il dit quelques mots au capitaine qui demanda à mon père s'il pouvait avoir un peu de cette eau de feu qu'il appréciait tant qu'il but près de la moitié de la bouteille sous nos yeux ébahis. Il partit tout de suite, aux environs de 17 heures.

Pendant deux jours, ces fumiers de boches continuaient à nous asperger et on redoutait la prochaine bordée de leurs saloperies qui serait pour nous… dans la nuit du deuxième jour, le silence nous inquiéta d'abord, et si c'était pour mieux repartir et cette fois de plus en plus fort, à moins que… au matin du troisième jour, toujours ce silence mais le capitaine regarda mes parents avec un sourire qui en disait long ; au moment de se mettre à table à midi, il y eut comme un raffut parmi les soldats et notre Indien arriva toujours aussi digne mais paraissant plus décharné que jamais dans son uniforme poussiéreux et déchiré, regarda mon père qui comprit immédiatement et ressortit la fameuse bouteille dont notre héros vida le reste d'un coup. D'un signe éloquent, le Capitaine Grégoire sollicita une explication et notre Iroquois fit le chiffre 3 avec sa main droite avec laquelle il fit semblant de se trancher la gorge. Il partit se coucher discrètement au milieu des cris des hourras et des larmes. Plus tard, nous apprenions par ses camarades qu'il avait repéré les engins grâce au tracé des obus, localisé l'endroit dans cette carrière de pierres, rampé pour y arriver en attendant la nuit, aperçu les trois soldats qu'il avait égorgé un à un après avoir pratiqué des feintes autrement dit des ruses de Sioux bien qu'il fut Iroquois comme on le croyait.

 

Quelques jours après, le bataillon devait partir pour suivre l'évolution du front. Après des adieux que l'on dit à juste titre déchirants tant d'amitiés s'étant affirmées, la troupe nous quitta avec force embrassades et promesses de s'écrire après la fin de la guerre et peur-être se revoir là-bas chez Sasseville ou Lêvèque nos meilleurs copains… À l'heure du dîner, ma mère appela mon frère plusieurs fois dans la maison sans résultat, je partis à sa recherche dans nos aires de jeux habituelles aux glissades notamment, pas de frère, personne ne l'avait vu depuis le départ de la troupe ; à la tombée de la nuit, une chenillette nous rapporta mon frère qui s'était caché dans un camion et voulait continuer la bataille avec eux. Je revois encore le visage énigmatique de notre Iroquois et enfin son franc sourire lorsqu'il embrassa Maman en lui remettant en mains propres son petit guerrier furieux de revenir.

 

Le temps a passé, 71 ans se sont écoulées mais je garde intacts tous ces souvenirs.

 

La douche écossaise

 

Il y a quelques jours, je suis tombé, façon de parler, sur un article dans un journal au sujet de la douche écossaise que prend tous les jours un ministre du gouvernement, alors je me suis précipité, façon de parler, sur mon Robert des expressions et locutions, j'y ai trouvé ceci : traitement fortement contrasté, où l'on est alternativement bien ou mal traité… la douche écossaise étant donc une hydrothérapie par jets d'eau alternativement chauds et froids, l'expression datant de la fin du XIXième siècle, fin de citation. Je m'étais toujours demandé pourquoi le fait de prendre une douche me faisait immanquablement penser au sifflement des bombes ou des obus, il devait bien y avoir une explication logique ou pas… était-ce pour cela que je ne prends que des bains depuis si longtemps… pour ne pas entendre le sifflement de ces satanés explosifs ?. Je passe vite sur les gros problèmes dudit ministre pour vous conter ce qu'est pour moi une véritable douche écossaise, telle que je l'ai vécue quelques jours après le débarquement de juin 44.

Je ne peux maintenant préciser le jour exact mais l'heure, oui, vers dix heures ce matin-là. Nous avions passé toute la nuit dans la cave de notre maison récemment construite avec des planchers en béton armé ce qui nous rassurait un peu, quoique, il y avait eu quelques tirs mais au matin cela recommença de plus belle (façon de parler) et cela sifflait fort au-dessus de nos oreilles, (il y avait des poches de résistance de l'armée allemande)… quand nous avons entendu une musique qui semblait se rapprocher, ce n'était donc pas la radio qu'on aurait oublié d'éteindre ; surmontant notre peur, nous montâmes à l'étage pour voir arriver un groupe de soldats (une vingtaine) marchant en rangs, en kilt et calot à rubans, serviette de bains sur l'épaule, avec à leur tête un joueur de cornemuse qui jouait : des soldats écossais allant prendre leur douche à l'établissement de bains tout proche, indifférents au tintamarre et au danger tandis que les obus allemands passaient au-dessus d'eux sous une pluie d'orage étouffante et battante… Je ne me souviens plus de les avoir entendu repasser ; par contre, j'ai encore et toujours dans la tête la musique du cornemuseux, la vision de ces hommes imperturbables sous les rafales, puis plus tard le bruit énorme d'un obus tombant sur la maison d'en face, pas la nôtre, comme quoi le béton armé…

Depuis ce temps fort lointain, je sais vraiment ce qu'on entend par « douche écossaise », moi qui ne prend que des bains pour éviter d'entendre le sifflement des obus…

 

Un soldat allemand, un blondinet

 

J'ai aussi un autre souvenir que je vais conter sous la forme d'un témoignage où se mêlent réalité (ce qui m'est arrivé) et la fiction (le récit imaginé de ce soldat bien réel) :

J'avais 18 ans et l'armée m'avait envoyé sur le front de Normandie quelques jours après le débarquement des alliés ; Hitler affolé menait à l'abattoir les vieux, les jeunes, tous ceux qui pouvaient défendre sa fureur guerrière à l'agonie. Mon arrière-grand-père était mort pendant la guerre de 70, mon grand-père trois jours après l'armistice de 1914 car la nouvelle n'était pas parvenue dans certaines tranchées éloignées, mon père avait été tué au début de ce conflit, foudroyé le deuxième jour, mon frère se trouvait maintenant sur le front russe et moi j'arrivais exténué dans les environs de Caen, à l'aéroport de Carpiquet ou où l'armée en déroute avait enterré et camouflé les tanks pour les dissimuler face à l'aviation britannique qui pilonnait sans cesse, avec comme mission impossible de repousser la prise de la ville en attendant des soutiens qu'on n'espérait plus. Les forces ennemies, britanniques et canadiennes se trouvaient déjà dans les villages environnants, nous avions du mal à les cerner sous la pluie continuelle de bombes, je n'avais pas mangé depuis trois jours, pas dormi d'autant… je frappais à de nombreuses portes de maisons vidées de leurs occupants, je mâchonnais quelques racines dans les jardins à l'abandon, des fraises sous des colonies de fourmis… je flottais dans mon uniforme et mes armes, fusil et grenades me semblaient peser des tonnes, une sorte de fièvre me donnait des hallucinations, j'entendais gémir les mourants, je voyais des morts partout… je ne croisais personne dans les rues ou sur les routes, parfois une chenillette roulant à toute allure, les nuits sentaient la poussière, la poudre, la mort… en pillant une cave je trouvais une bouteille cachée derrière un tas de fagots, de l'alcool que je bus en deux heures avec ensuite des moments interminables de vomissements et brûlures… j'étais comme un cauchemar à l'intérieur d'un cauchemar, j'errais à la recherche de mes compagnons, à la recherche de je ne savais plus quoi… aux portes de Caen, un soir au coucher de soleil de juin, je frappais à coups de crosse au hasard des portes, alors que je ne me faisais plus d'illusions, quand une porte s'entrouvrit… un jeune garçons, blondinet de 15 ou 16 ans se trouvait devant moi, il essaya de refermer la porte que je repoussais le plus vigoureusement, « Papa, Papa, appela-t-il, il y a un bo… un soldat allemand »… le père furieux arriva d'une pièce où cela sentait la cuisine et où on entendait la radio, « à manger tout de suite ou bien je fais sauter la maison» dis-je avec mon épouvantable accent français en lui montrant une grenade, une femme inquiète vint ensuite en disant nous n'avons rien non, rien, je répétais « manger maintenant ou... »… le jeune garçon dit  « attendez », alla dans la cuisine et revint avec un œuf dur et un morceau de pain, « c'est tout ce que j'ai à vous donner, c'est mon repas »… je suis parti comme un voleur sans rien dire… vers mon destin… avant que je me rende ou que...

 

Oui, ce blondinet, c'était moi, quelques heures avant que n'arrive la fameuse chenillette de nos premiers libérateurs.

 

© Jacques Chesnel

10:53 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

26/05/2015

CHAUFFEURS

 

Ce petit restaurant est vraiment sympa ; normal me direz-vous puisque routier, donc… Il ne désemplit pas de l'année du matin pour le jus jusqu'au soir pour le dernier verre, oui vraiment sympa, on ne peut vraiment pas dire ce qu'il a de plus que les autres mais il l'a, tout le monde est d'accord, Julien le premier qui n'a jamais hésité à faire le détour et une halte pour retrouver des collègues et refaire le monde qui en a bien besoin, n'est-ce pas ? 

Tous les camions ou presque, très gros ou moins, portent le sigle TIR c'est dire s'il font du chemin et traversent l'Europe de l'Ouest dans tous les sens, on se connaît, se reconnaît (les Déménageurs Bretons, les Norbert Dentressangle, les Juan Alvarez de Valencia, les Calberson, DHL, Dimotrans et autres transporteurs de logistics, meubles et diverses cargaisons mystérieuses qui nous interrogent parfois…l'apparition de nouvelles immatriculations internationales, les AL, BG, CS…) avec un appel de phares et un signe de la main quand on se croise, on salue les nouveaux qu'on chambre un peu, une sorte de bizutage cordial pas comme ces connards d'étudiants des grandes écoles, on ne cherche pas à biturer ni humilier non, on chambre un peu c'est tout c'est pas grave…

En dehors de notre confrérie de la chauffe, autres habitués ou non, les clients de passage font bon ménage avec nous à quelques exceptions près sans jamais de gros problèmes oh on se regarde parfois, on toise on se toise, on côtoie des jeunes cadres dit dynamiques, des VRP affairés ou abattus, des retraités en goguette, des étudiants en balade avec sacs à dos, des cars entiers de voyageurs fatigués ou d'écoliers turbulents, parfois rarement des artistes en tournée, des cyclistes, randonneurs seuls ou en groupe, sportifs avant match les plus musicaux étant ceux du rugby, les plus braillards ceux du foot, des étrangers perdus ou affamés, des bobos qui s'encanaillent, des putes avec ou sans les macs, des paumés inquiets, des inquiets paumés, des amoureux béats, des fugueurs affairés, des rigolos ou gueules à l'envers, bref tout un monde qui se réunit pour la bonne bouffe, l'atmosphère conviviale, le patron qu'on tutoie, la serveuse dont on défait le nœud du tablier et qui rigole. Il y a toujours un coin où on se réunit entre nous pour les derniers potins, propositions d'embauche ou les échanges de photos ou calendriers, les filles du Pirelli ou les rugbymen ou plus hard pour les vicelards qui rencardent sur les lieux de plaisir sur les parkings d'autoroute…


Julien, physionomiste, a le chic pour repérer les futurs copains. Il se trompe rarement, le physique peut-être mais surtout une attitude, un geste, une phrase. Enthousiaste souvent, déçu parfois, il a une foule de potes qu'il aime rencontrer au gré des trajets, tenez, Lulu avec ses innombrables fiancées, Bernard qui parle de ses mioches qu'il adore et ne voit que rarement, Edouard qui imite Balladur à pleurer de rire, une jeune femme belle et triste, Estelle qui est venue au camion parce que son mari taxi l'a abandonnée, Mouloud qui rêve de conduire au Japon et apprend la langue, Roger qui dit toujours tu vois alors qu'il perd la vue et s'interroge sur son avenir, Debureau qu'on appelle Baptiste parce qu'il fait parfaitement le même bien qu'il se prénomme Auguste, un p'tit jeune Sam dont les bras lui font souvent mal parce que son camion vieux modèle n'a pas de direction assistée, un quinqua qui veut arrêter mais a trop de pensions alimentaires à payer et dont on se moque alors Galabru encore une nouvelle ?, un beau garçon aux cheveux longs, toujours solitaire, que Julien ne voit pas assez souvent et dont il ne sait pas grand-chose, il cause peu, donne l'impression de toujours s'ennuyer, sent le parfum bon marché, lit des revues musicales de rock ou des romans américains, ne fume pas et ne boit que du coca ou des jus de fruits. 

Cet été Julien a revu le jeune gars dans ce routier on the road again     entre Nevers et Moulins tiens te revoilà toi comment va le boulot ça fait une paie dis donc je ne t'ai jamais demandé t'es chauffeur chez qui toi maintenant oh je change souvent ça dépend des tournées ah bon ben oui tout de suite je fais celle d'Eddy pour les premières parties on donne un concert demain… avec Eddy Machin ?... ben oui quoi, mon boulot c'est chauffeur de salle... hé, t'entends ça Maurice !.

 

Jacques Chesnel 

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15/05/2015

LE FESTIVAL DE CANNES

                              

-       quelle chaleur, v’là la clavicule qui recommence

-       nan, ma chère Ginette, par contre la canicule oui on y va comme en quarante

-       on ne sait plus quoi se mettre pasqu’en mai on enlève tout c’qu’on a su l’dos et par moments ça caille sec

-       faut s’adapter c’est tout et en plus on aura la sécheresse

-       bon, je vais aller m’acheter une tenue à des couates, figurez-vous que Maurice a gagné des places avec un jeu pour le festival de Cannes du cinéma et à Cannes en plus

-       ben dites donc, ça alors c’est génial, vous allez rencontrer de vedettes, peut-être même Strauss-Cannes

-       j’en suis toute frémissante, vous pensez, avec  le tapis rouge et la montée des marches, les effusions et les fusions

-       et pour Maurice ?

-       il a retrouvé son costume de not’ mariage que je suis en train d’ajuster surtout pour le gros ventre qu’il a pris entre deux

-       et vous vous voyez comment

-       ben… dans une glace comme les autres

-       j’veux dire qu’allez-vous choisir car les tenues là-bas c’est du fossistiqué avec des plumes et tout le tralala, les décolletés du nichon, les fesses plein la vue, les guibolles à l’air jusqu’à plus haut qu’on voit la culotte quand c’est pas le sting ou rien, les talons aiguilles, les cheveux en choucroute, les bijoux en faux à cause des vols à la tirelire enfin tout le cirque qu’on voit à la télé, et vous êtes plutôt du genre Ted Tapirusse ou Lady Gaga ?

-       mon idole c’est le gars au pull rayé Jean-Paul Gaultier comme pour Maradona mais j’crois que je vais faire plus simple, d’abord à cause du prix puis j’ai pas envie de faire des envieuses avec des simagrées, je vais copier un peu sur Line Renaud vous voyez, le genre mémé classieuse sans épate à ressort et pas faire comme celle qu’a perdu sa bretelle et montré son nibard que tout le monde a vu en évidence pour la publicité

-       ah ! Sophie Marceau la fille unique du mime… bonne idée et vous savez où vous serez dans la salle, vous verrez tous les films ou c’est-y que pour l’ouverture de cérémonie avec les deux Niro ricains d'autant plus que c't'année, le jury est présidé par les frères Couenne qu'on a jamais vu leurs films au village c'est trop intello pour nous mais y paraît qui en a de drôles, alors

-       tout c’qu’on sait c’est qu’on va recevoir not’ carton et les instructions par la poste alors après on verra pour après, n’empêche que tout ce bazar est terriblement excitant et ex hausse tifs que demain je vais chez le coiffeur pour voir les modèles adaptés à ma situation

-       et vous serez logés dans un palace ou à l’hôtel ?

-       tout est compris dans le bouclier fiscal à ce qu’ils ont dit à Maurice qu’était tout retourné, vous pensez on attend les précisions qui vont nous préciser le protocole ou trop cool, quèque chose comme ça d’approchant

-       alors si c’est protocolaire faut pas s’en faire, s’ils prennent tout en charge vous êtes traités comme des princes mais ça dépend des concours, on dit qu’ya eu de l’arnaque ou toute autre forme d’art, alors faut rester sur vos gardes, on entend tellement de choses désagréables comme toutes ses histoires de chiite, de cannes à bis qu’on dit parfois le festival de came avec des soirées spéciales où l’alcool roucoule à flots avec la fumette qu’on y voit pas à deux mètres sous les tentes avec toutes ces tantes et ces starlettes, les p’tits fours, la boustifaille et la bibine comme pour le film sur le Saint Laurent qu'est un film fleuve à c'qui paraît  d'après le couturier pris pour modèle

-       nous on mange pas de ce pain-là, Maurice en dehors de ses dix bières quotidiennes, les tournées d’apéros avec les copains, de ses deux paquets de gitanes et le ouiski avec d’abord le facteur, puis le curé et enfin le garde-champêtre, il touche à rien d’autre, alors vous voyez… maintenant il est tout frétillant, il espère être assis à côté de la Scarlett, l’actrice avec un nom pas possible heu vous voyez une petite blonde aguichante et moi si ça pouvait être Brad Pitre j’en tremble déjà, je l’avais déjà entrevu une fois au Grand Journal sur la plage de Martine Èze avec les zozos du gars De Caunes qui cancanent sur Cannes à coup de cannettes et les guignols de l'info que c'est plus du tout drôle comme avant sauf la Marceau qui nous fait voir sa culotte car elle est culottée cette-là

-       vous trouverez bien le moyen de vous faufiler comme je vous connais, si vous pouvez toucher un mot pour moi à ma vedette préférée le beau Georges Clowné, je vous serais éternellement reconnaissante par contre pour Vincent Cassel c’est pas la peine j’aime pas sa bobine et que je préférais son père

-       je vous promets pas à cause de ses gardes du corps, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir

-       pouvoir reconnu, ma chère Ginette, vous êtes les cinq bols de la séduction dans le canton et j’espère qu’on vous verra à la télé au journal de vingt heures en bonne compagnie, dame, c’est sûr que vous devriez faire un malheur en essayant d'approcher et d'accrocher not' Gégé Dipardiou comme disent les snobs qui joue la Déesse Ka pendant un ouikaide à Niou York que ça fait du bruit dans le petit lanterneau du cinoche pasque c'est pas sur les crans, fallait 'core un escandale, un de plus ya qu'ça qui marche sur le tapis rouge de la montée jusqu'en haut, un malheur que j'dis

-       un malheur à Cannes ?... c’est tout l’bonheur que je nous souhaite avec mon Maurice. 

                      

© Jacques Chesnel

10:08 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

12/05/2015

ORSON WELLES

 

 

Cette année-là, j’avais été accueilli non pas par une, mais par des trombes d’eau, des avalanches de pluie drue et froide pour un mois de juillet, bref le déluge. Pas d’arrêt au parking déjà encombré (il devait y avoir pas mal de monde, remarquai-je), plutôt directement et provisoirement devant l’entrée principale… ça commençait bien !, contrairement aux années précédentes si ensoleillées et chaudes à Belavit. Des signes amicaux de la main des occupants derrière les fenêtres, contradictoires, venez vite pour les uns, attendez pour les autres, c’est ce que je comprenais, putain de flotte… et en plus d’après la météo, l’été serait pourri, certains paysans disant toujours oh ben vous savez dessus c’est tout sec et dessous c’est tout pourrrrrri avec encore plus de rrrrrrroulement… bon on était prévenu ; il y avait de quoi assurer chez nos hôtes question alimentation et ce qui va avec, pour les longues soirées aussi, le piano ½ queue, des partitions, des tonnes de livres, de disques 33 tours et CD et autre lecteur de DVD pour les amateurs de cinéma que nous étions tous ou presque… j’avais choisi et emporté quelques sélections de célèbres pointures, Bergman, Bunuel, Carné, Scorcese, Truffaut, Visconti et pour moi le plus grand d’entre tous, le génie à l’état pur, Orson Welles…

 

J’avais sagement poireauté une bonne heure, débarqué dans la gadoue, reçu comme une altesse royale et bu un thé suivi de quelque chose d’irlandais de plus corsé ensuite… la fête pouvait commencer, les agapes aussi, cela continuait en fanfare… Pas question de terrasse par ce temps là, nous étions presque entassés dans la grande cuisine, table géante, bonnes bouteilles et saveurs prometteuses, oublié le déluge et à la tienne Etienne je veux mon neveu tu parles Charles, ce genre de conneries… Le repas fut copieux et animé comme d’habitude, blagues, rires, toasts, encore un peu de fromage quelques fruits, rires niais… pas le temps de dire ouf, champagne brut de décoffrage, allez la veuve Cliquot, encore une tite goutte, oui, ma voisine (la ricaneuse, toujours la même blonde) wouah rota-t-elle ça réchauffe pas vous… et hop, on débarrasse la table, tout au lave-vaisselle et tout le monde au salon… où comme d’habitude de petits groupes se formèrent pour finir la soirée et commencer la nuit… de la musique, Chet Baker avec Mickey Graillier, amateurs de jeux divers et pour d’autres le cinoche en réduction devant la télé et le choix du premier film… bon alors aux voix, un Bunuel, va pour Le charme discret de la bourgeoisie, quelqu’un railla oh on est entre nous n’est-ce pas, très drôle dit un autre et chut ça commence… commentaires en cours, rires ou grincements… fin. Bon dis-je, il est trop tard pour un autre ? non alors un Welles (j’avais apporté les trois shakespeariens, Macbeth, Othello et Falstaff) allez comme tu veux tu choises, va pour Othello, ôtez l’eau y reste pas grand chose suggéra un invité déjà imbibé… personne ne connaît ? 1952, palme d’or à Cannes, vous allez pas être déçus les p’tits gars…moteur, départ.

 

Aussitôt tous scotchés par le noir et blanc, éclairage et cadrage superbes, Orson le Maure de Venise impérial, la délicate Desdémone interprété par la canadienne Suzanne Cloutier qui remplaça Cécile Aubry initialement prévue, un Iago retors à souhait, Iago ah le salaud diffusant le poison de la jalousie, qui complote, magouille, soudoie, corrompt, puis décide qu’il faut supprimer le brave Rodrigo… la scène du meurtre dans l’établissement de bains (tournée dans le hammam d’Essaouira, l’ancienne Mogador) où il plante son épée à travers les lattes de bois à la recherche de la victime, et que je te transperce avec une incroyable fureur au hasard là, là puis encore là, le voilà, une incroyable sauvagerie, les chairs meurtries, égratignées, lacérées, écorchées, déchirées, écartelées, tailladées, déchiquetées par la dague, et maintenant tout s’emmêle inexorablement c’est Lady Macbeth qui tend les poignards à un Macbeth halluciné pour tuer, massacrer, égorger, éventrer, fouailler, dépecer, dépiauter le roi Duncan, Macbeth et ses poignards ensanglantés, dégoulinant du sang royal et alors voici Falstaff caché pendant la terrible bataille de Shreasbury avec ces centaines de soldats dans la brouillasse et la bouillasse, la piétaille sauvagement mutilée hurlant sous les ordres, cris de guerre et plaintes des mourants à fendre l’âme, ces blessés agonisant, cadavres dans la fange innommable, les nobles en armure ferraillant dans leurs armures cling cling gling montés sur des chevaux apeurés, hennissant et piaffant, aux yeux exorbités pendant que Iago s’acharne sur Rodrigo qui s’effondre désarticulé, la béance des plaies et Macbeth hébété, son épouse, va tue aussi les garrrrdes Macbeth tue les, tous ces cris déchirés et déchirant, ceux trois des sorcières piaillant vociférant, la prédiction, la forêt de Dunsinane qui avance, Macbeth hagard, Othello errant, Orson démiurge shakespearien aux yeux déments et revoilà Iago ladre assoiffé de ce sang qu’il fait gicler, flot continu, torrent pourpre, avalanche carmine, cascade de magenta et déluge d’amarante qui se répandent partout sur moi, il faudrait que je me protège mais comment…non non arrêtez…et et et…

oh oh hé l’ami réveille-toi bon dieu, calme toi, ces bras qui me secouent, secousse encore, une petite claque, une grande baffe ça va hein ça va dis, répond nous… c’est quoi ce sang ? oh ! tu était dans un tel état, une telle agitation… à nous faire vachement peur, tu sais… qu’est-ce qui s’est passé, dis…

… alors camarades, ce film, hein ? formidable, non ?...

 

© Jacques Chesnel

 

 

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24/04/2015

LE CAGIBI ou L’ENFANCE D’UN CHEF

 

C’est aujourd’hui mon anniversaire et Papa vient de me mettre dans le cagibi…

 

Cette fois, c’est du sérieux ; enfin pour lui, moi, j’ai mon opinion et j’ai eu le tort de la donner, de la crier haut et fort, ça m’apprendra, mais de là à me coller dans ce vieux placard à balai qui pue…

 La bande avait vraiment déconné après la dernière réunion dans la cave du gros Xavier, faut foncer les gars, ne pas rester les bras ballants et balourds ou ballots, Jean-François qui ne perdait pas un occasion de le chambrer dit faut quand même y aller mollo, faudrait faire des débats pour ou contre et Nadine toujours à l’affut en remettait une couche comme d’habitude en disant une connerie de plus ces mecs font vraiment chier yaka y aller au karcher pour les garçons et à l’essoreuse pour les filles ben tiens, moi j’attendais les ordres de notre chef dont la cote dans le groupe commençait à baisser grave depuis qu’il tergiversait ou changeait d’avis constamment sous l’influence de plus en plus grande du fameux Patrick (que Nadine appelait buisson ardent allez savoir pourquoi) qu’on pouvait pas beaucoup blairer avec ses prises de position trop extrémistes en copinant sec minute par minute avec Marie et Jean-Marie qu’étaient pas de notre bande à nous, Gérard, l’autre Patrick dit Patou2 et Hervé nous bassinait toujours avec l’occident qu’on comprenait pas pourquoi dans notre banlieue orientale mais bon, François disait qu’on aurait besoin de fric et qu’il s’en chargerait comme fort en calcul ce qui nous posait question, Christine disait qu’on avait tous à notre âge des problèmes de croissance et qu’il fallait grandir avec ou la revoir à la baisse tandis que Jean-Pierre radotait ou plastronnait, que Fifi boudait dans son coin, que Christian faisait les gros yeux en rotant… et on discutait on jactait on palabrait on tergiversait tous les vendredis dans la cave de Xavier avec Roselyne la boulotte qui trouvait le lieu trop exigüe vu sa taille et que ses parents râlaient pasque qu’on foutait le bordel dans les sous-sols et  aussi pasque elle était pas toujours d’accord sur tout avec le reste de la bande. On avait nos têtes de turc, nos binettes de truc disait la Nadine, avec tous les problèmes qu’ils nous causaient à venir chez nous et qu’on se demandait quelles étaient les solutions à trouver. Alors pour lever le voile intégral sur tous les sujets, c’est là que j’ai proposé que, après avoir consulté notre chef bien-aimé, fallait agir manu militari comme pour la branlette et empêcher la bande rivale de bougnouls du coin  de continuer à envahir notre territoire et qu’il fallait nous protéger de leur invasion excessive et illégale au regard de notre code de bonne conduite à nous. Ce fut presque l’unanimité (Michèle s’était excusée, elle était en Tunisie en vacance avec ses parents et Alain jouait à la guéguerre on ne sait où) au vote avec cris de joie et tapes dans le dos voilà qui est bien parlé, tu nous dit tout haut ce que nos copains d’autres quartiers chics ne veulent pas dire ou entendre dire, tu ferais un excellent préfet ou encore mieux un très bon ministre, je n’étais pas peu fier surtout devant Brice que le chef avait écarté d’un revers de main et qui faisait une gueule longue comme le bras disait Nadine avec en prime son sourire carnassier, on allait voir ce qu’on allait voir, on allait pas se faire marcher sur nos couillettes et se faire dicter leurs lois par tous ces étrangers d’à côté, c’est pas parce que on a tous, ou presque, dix ans qu’on n’est pas de futurs vrais hommes comme elle raillaient Nadine et Chantal qui elle voulait les remettre dans leurs canots de sauvetage vite fait sans autre forme de procès. On sortit de la cave en hurlant dans la rue déserte, les trois Eric, le maigrichon, l’aboyeur de service qui perd ses cheveux et l’autre le joufflu patapouf sont en tête, à l’attaque à l’assaut on les aura dehors à la porte  à la mer à la flotte aux chiottes tous les ratons les melons les bicots les négros les crouilles, on scandait tous dehors dehors dehors deh….

… et on tomba sur Papa qui rentrait tout juste de sa réunion intersyndicale à cause des grèves et des manifs…

 

Maman vient de me sortir du cagibi où j’ai trouvé le temps long ; elle me dit en me tirant par les oreilles : « cette fois-ci, j’espère que c’est la dernière, Claude, tu as bien compris ?... faire ça en plus  le jour de tes dix ans avec ta bande de copains minables, ah ! ça c’est malin ».  

 

 Jacques Chesnel

12:37 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

13/04/2015

J'AI RENCONTRÉ QUELQU'UN

 

 

Aussitôt la porte ouverte, elle se précipita sur le sofa du salon et nous dit, en essayant de calmer son essoufflement : « j'ai rencontré quelqu'un ! ».

D'habitude, c'était d'abord au téléphone pour annoncer les nouvelles, mais là cela devait être trop sérieux pour qu'Elvire se contente d'un coup de fil, on commençait à bien la connaître. Ayant repris sa respiration, elle répéta avec un sourire éclatant comme on en n'avait jamais vu : vous avez bien entendu, j'ai rencontré quelqu'un. Bon, Elvire, on rencontre des personnes tous les jours, non ?...oui mais celui-là ce n'est pas pareil. Allons bon, dirent en chœur et en cœur à deux Muriel et Jérôme tandis que leur amie ajoutait : d'ailleurs je vais vous le présenter... maintenant ?... oui, il attend sur un banc dans le petit square à côté de chez vous... et la voilà partie laissant le couple pantois et inquiet . Etait-elle tombée dans un piège suite à une rencontre par l'intermédiaire de ces sites qui exploitent la solitude de certaines personnes ?, était-elle devenue la proie facile d'un gigolo, d'un marlou, d'un prédateur à l'affût , à cause de sa grande solitude depuis la mort de son René?, car Elvire avait l'emballement facile pour un tableau, une exposition, une pièce de théâtre, un livre, un musicien, alors pour quelqu'un qui, croyait-elle, pouvait lui apporter quelques chose ?... elle a la générosité et sa fragilité si transparentes...

- C'est nous, claironna-t-elle en revenant, et je vous présente Django. Elle poussa doucement devant elle un gamin de dix/douze ans, malingre, l'air souffreteux, emprunté et visiblement mal à l'aise.

- Voilà, Django, c'est un rom de Bulgarie, son prénom veut dire « je m'éveille », terme romani, je l'ai rencontré il y a quelques jours, il errait dans les rues de mon quartier depuis que ses parents et toute la famille avaient été dénoncés par de bons français pour être reconduits à la frontière, il avait réussi à échapper à la rafle, il n'avait pas mangé ni dormi depuis quatre jours, il parle un peu le français, il apprend vite.

J'ai pris une décision irrévocable, mes amis, vous connaissez ma solitude et combien j'apprécie votre amitié, alors je vais adopter Django, il va devenir le fils que je n'ai pas eu, en réalité il a quinze ans, une intelligence au-dessus de la moyene et une prédisposition pour les langues, il est affamé de savoir... et je crois bien que c'est lui que j'attendais depuis la disparition de mon cher mari.

Vous savez, il fait déjà la joie de René qui a un problème avec son prénom car il ne peut prononcer le « dj » trop compliqué pour un perroquet alors il l'appelle Tango et alors nous rions, nous rions.

Jérôme se leva, alla à la cuisine et revint avec une bouteille de champagne, nous levons notre verre, dit-il, à la santé de notre nouvel ami, tchin tchin Tango !

 

Jacques Chesnel

 

20:42 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

03/04/2015

VOUS AVEZ UN NOUVEAU MESSAGE

 

Après avoir enlevé ses chaussures et posé les clefs de l'appart' sur la commode, Muriel appuya sur la touche du répondeur : «  vous avez un nouveau message : je pense rentrer un peu tard, problème au bureau, ne m'attends pas, je t'expliquerai, bises ». Elle savait que depuis quelque temps déjà, cela se passait mal à l'agence, Jérôme lui en avait dit quelques mots évasifs mais bon ça devrait s'arranger, apparemment cela ne s'arrangeait pas. Il rentra très tard, Muriel dormait, il ne la réveilla pas. Le lendemain, au saut du lit, il lui raconta tout.

Les trois patrons étaient en complet désaccord sur tout, c'était engueulade sur engueulades et tout le personnel encaissait les conséquences de leurs mauvaises humeurs. Il y eut une assemblée générale à la demande du syndicat peu représenté, tous dans la grande salle de réunion à 16 heures. L'agence était au grand complet., une cinquantaine. Le plus ancien architecte, le créateur de la boite prit la parole le premier en pleurnichant comme d'habitude ; le second, le plus sympa, le plus respectable et respecté prononça un discours bref mais précis sur les buts à atteindre et les résultats à attendre ; le troisième, cauteleux et onctueux d'abord commença à bafouiller à s'énerver à perdre le fil et les pédales et c'est là que l'incident redouté/espéré arriva. Un de nos collègues, un cadre bâti comme un pilier d'une équipe de rugby et qu'on appelait Bernard en référence à Bernard Laporte, manager du Rugby Club Toulonnais, leva la main pour demander la parole, qu'est-ce que tu veux ? lui demanda le troisième patron d'un air furieux, ben on pourrait peut-être s'interroger sur votre façon de faire fonctionner l'agence, non ? On a notre mot à dire et je... t'est pas content ?... non... eh bien si t'es pas content, Bernard, tu peux prendre la porte et fissa, TU ENTENDS BORDEL TU PRENDS LA PORTE... et c'est là que l'affaire se corse comme on dit sur l'île.

Bernard dévisagea les patrons avec son air arrogant qu'on lui reprochait souvent, nous regarda aussi avec son sourire provoquant dont on se moquait parfois, alla vers la porte de celle salle de réunions, la souleva d'un coup d'effort stupéfiant et la fit retomber avec fracas, reluqua l'assistance médusée, reprit la lourde à bout de bras et sortit avec elle et un grand éclat de rire sardonique qu'on apprécia à sa juste valeur. C'est alors le plus âgé d'entre nous que les patrons soupçonnaient d'avoir créé le syndicat qu'ils jugeaient contre nature éructa subitement : « allez les mecs on y va  tous».

Et nous sommes partis décrocher les portes de nos bureaux respectifs que nous avons balancées dans la cour par les fenêtres pendant que les patrons fulminaient et couraient dans tous les sens ; puis Bernard a pris de l'essence en mettant un chiffon trempé dans le réservoir de sa voiture et a foutu le feu au gros tas tandis qu'on commençait à entendre les sirènes des flics... tu parles d'un joyeux bordel, c'est pour ça que je suis rentré en retard...

- Chéri, tu as bien fermé la porte de l'appart' en rentrant hier soir ?

Le téléphone sonne. Le répondeur : vous n'avez pas de nouveau message.

 

Jacques Chesnel

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27/03/2015

LES TRIBULATIONS DÉLIRANTES DE SARAH V. (9)

                             

                                                            9

 

                                                  Sarah meute

 

Nous étions tous assis à Teule et le beau V., j’osais le dire pensa Sarah, avec nous par terre aussi. Ce devait être une belle manif-fête-station. La police démontée veillait au grain mais il ne pleuvait pas, pas encore. Sarah pensa en fait de pluie on prendra plutôt la flotte par les lances d’un sang dis que par les nuages car elle voyait les arroseurs à rosée se pointer dard-dare avec leurs gros zinzins style vers Marthe. Les cops n’avaient pas l’air de vouloir faire ami-ami et mon plus proche voisin un nippon nippé chicos (du moins je suppose à cause de son bandana, du drapeau à point rouge dessus et ses naike fluo) riait jaune ; on va prendre une dégeléeu, me confia-t-il, en souriant et en s’inclinant du plus qu’il pouvait, ahahah, vous françaiseu ?, j’aimeu roquefort ahahah avec baguetteu pain ahahah non ?… Sarah pensa s’il veut fleurtallier on va se comprendre avec les mains ou quoi… et avec tout le tintouin, ça va être duraille et il continue à se marrer ahahah…

Le beau V. empoigna un mégaphone, le nippon ne riait plus, les cops allez allez on dégage dirent-ils en américain et à cheval mais pas en souriant, mais alors là pas du tout… et personne ne bouge de là… on déroule les lances merde pensa Sarah j’ai oublié mon cas ouais et quatre moustachus genre rang beau en quatre fois plus fort  le beau V. qui hurle à Bush cousue qu’on entend rien dans le vacarme ambiant. Un grand gaillard d’avant se lève alors, sort un épi de maïs mahousse transe gène nique de sa poche et vlan sur le pif du premier canasson (canne à son) qui hennit, piaffe et te fout le cavalier en l’air et tout le monde oh hisse oh hisse non aux O G M à bas les flics en français et dans toutes les langues et tout le bordel… avec les  tuyaux qui dégorgent maintenant sur les bacchantes du beau V. et celles des brutes qui l’encadrent le soulevant comme une plume toute dégoulinante… et Sarah que l’eau lui donne envie crie pipi pipi pitié les mecs en se tenant là où ça part pipi pipi pipi assis assis faut pas se dégonfler faut tenir et le nippon « vous pipi culotteu ahahh » ah le con pensa Sarah ça le fait marrer tous pareils et qu’est-ce que je fais moi assis assis oh les mecs vous pouvez toujours pisser sur les pattes des bourrins assis assis qui maintenant chargent de plus belle tandis que les projos des cars à lances  s’allument et un qui me prend dans le colis mateur pensa Sarah qui n’en peux plus assis assis et que maintenant tout le monde fout le camp enfin essaie enfin pasque les sbires arrivent en rangs forts serrés sous la flotte avec leurs capuchon de pères fouettards et matraques en rognes bien encastrées dans chaque…

… et le beau V. tout rouge de colère et transi toujours dans le bigophone les méfaits de la mondialisation que nous combattrons jusqu’à bing une claque sur le museau et il t’est embarqué manu mille et tari tricotant des guibolles dans le vide que des mecs se marrent tu pédales dans la choucroute j’osais l’dire et le nippon (il commence à me gonfler pensa Sarah) ahahah, tous les porteurs de pancartes GTO WTO ohohoh et encore OMC OIC SLURP ORD ATAC STO RIB OHIO GPT INRA RFI MGM ONU SOGEMA FMI IRAK (Interruption Résolue d’Aventures Kafkaiennes) hihihi la flicaille aie aie ai aux dadas huehuehue les badauds (bas du dos) on n’en finissait pas avec ahahah le nippon ponpon collant… « vous vous appeler comment ahaha moi Toshiro » dans le vacarme Sarah entendit trop chie beau et répondit tant mieux pour vous ahaha et lui de s’incliner encore plus bas qu’il glisse sur les œufs et tombe par terre se ramasse les quatre fers en l’air que Sarah pensa maintenant c’est le nippon ponpon volant… relevé il recolle à la meute et recommence moi Toshiro ahaha et paf prend un pet tard en plein sur la tronche, Sarah pensa un fumigène fumi fumi mifu mifu oh putain mais c’est bien sûr j’ai compris c’est le fils de Toshiro Mifune mon acteur fétiche mon héros des Sept Samouraïs le film de Kurosawa ahaha…  vous Mifune cria Sarah comme le Mifune du cinéma vous fils de Mifune et l’autre qui écarquille les yeux à fond ce qui pensa Sarah n’est pas facile pour un nippon… elle a envie de faire une annonce comme celle de Marie et ne trouve à dire que moi Jane merde qu’est-ce que je raconte il va se prendre pour Tarzan le Toshiro euh moi Sarah avoue-t-elle subito… il s’est enfin relevé et se casse de nouveau en deux quand Sarah repense qu’elle a toujours une terrrrrrible envie de faire pipi que…que faire… nom de merde ça y est je vais tout lâcher pensa Sarah… qui se réveille à côté de son mâtin Romain mutin et son sourire à la Mifune… avant de se précipiter en sursaut de lit aux gogues oh il était temps… et au retour d’entendre sa voix ensommeillée lui chuchoter tendrement à l’oreille « alors Sarah ahaha vous pas pipi culotteu ahaha »… Sarah se demanda si elle aimait vraiment les nippons ou alors si c'était le pompom net , oh !

 

                                                          10 

                                                                 Sarah croche… 

À ce stade du récit, Sarah fourbue, moulue, éperdue et perdue décida de mettre un point final à ses, ces (cesser) maudites pensées…

C'est bien le moins qu'on puisse en penser… et surtout, honni soit qui mâle y pense.

 

                                                    FIN DÉFINITIVE

                                                             (ouf !) 

 Jacques Chesnel                                                          

 

 

       

       

 

 

  

09:33 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

19/03/2015

LES TRIBULATIONS DÉLIRANTES DE SARAH V. (8)

 

 

8/ SARAH CHATOUILLE

 

Mon p’tit chat si à moi de six mois que j’aime tant a pour ma personne des attentions particulières,tenez par exemple quand j’ai faim il fait du pain sur mon ventre et cela m’assouvit, il ronronne fort quand j’ai du mal à m’endormir et alors je m’assoupis, si j’ai envie de fumer il va chiner six clopes à six clones de cyclopes dans l’œil du cyclone tout proche, quand des pensées coquines m’assaillent il sait où trouver le bon endroit et même parfois l’envers car il aime le rose des deux côtés, si l’on sonne il miaoute pour m’avertir un cri c’est Jean-Pierre, deux Jean-Louis, trois Jean-Marie, il ne se trompe que pour Eustache qui vient si rarement ou qui me pose des lapins, dans mon auto il me sert de klaxon sur lequel je n’appuie pas, chez le le couturier il dégriffe mes robes et recoud les boutons, dans le métro il me trouve toujours une place assise en faisant les gros yeux, il me fait la lecture mais déteste Chateaubriand (on le comprend) mais admire Colette (pas moi), à la télé il remplace Chabot (chouette pasque la bouille à l’Arlette !!! ) et Dechavanne (beurk, le roi des trouducs), à la météo il ne prévoit jamais de pluie car il n’aime pas, quand il dessine c’est toujours du Siné, au ciné il fait l’acrobate sur les gouttières en première partie dans le chatoiement des sunlights et adore Les félins le film de René Clément ainsi que le minois de Macha Meryl et la voix de Macha Béranger, il chatouille les parlementaires là où ça fait mal et débusque les préd(ict)ateurs envahissant les médias, à l’étranger il cause toutes les langues chatières, en Italie il éclipse Berlusconi le Connard vrai chat-puant (c’est dire !), au Royaume-Uni on le confond avec la Reine qui déteste les chats qui le lui rendent bien, en Russie il joue à la souris avec Poupoutine qui ne sourit jamais, à Hollywood il a détrôné Félix, à Charleroi il est le Roi et à Charleville le Maire, il est pote avec Jimmy Smith et surtout Gato Barbieri et ne loupe jamais un concert de chazz, ses meilleurs copains se nomment Wayne et Herbie les mistigris rouquins de mon vieux pote Michel, il est le meilleur pour le bavardage en anglais (*), il lacère quotidiennement leFigaro qu’il ne supporte pas (j’approuve aussi), il donne de sérieux coups de pattes en aide aux bénévoles du DAL, il apporte son soutien aux travailleurs sans papiers et ne fait pas de blagues racistes sur les chats auvergnats (« un chat si à moi ça va, c’est quand il y en a plusieurs »…) bien que ce soit un matou de banlieue, il n’est pas le chat du chouchou président mais bien le chouchou des présidents chats, il considère Xavier Bertrand comme un gros matou matois nocif avec sa mine de chat fâché, il a une trouille verte quand il voit et entend les aboements de Marine Le Pen, il pouffe quand il regarde les contorsions de Bruno Le Maire et sa face de Lou Ravi de la crèche, il s’étouffe de rire ou pique colère quand il voit et entend Jean-Pierre Raffarin et sa tronche de guignol lyonnais ou les effets de cheveux de l'amère de Paris la délicate NKM, il fulmine de rien sur les portraits gros plants de Paul Bismuth l'agité de sévices, il défile avec les syndicats pour le pouvoir des chats (**) et la retraite à 60 ans pour les greffiers, milite activement au sein de l’UMPC (Union Mirifique pour le Paradigme des Chats ; statuts déposés), il lutte contre la chatonphobie et pour le respect des minourités, la normalisation des vibrisses et autres moustaches, le raidissement rapide et généralisé de la queue, il boycotte les pubs pour la bouffàchat minable, croquettes ou pâtés, la lessive du même nom (imposture), question souris il emballe grave en dansant la chavanaise bien chaloupée ou le cha-cha-cha endiablé (normal) et me raconte ses exploits nocturnes au retour de ses échappées mais me revient toujours comme maintenant car il miaule à la porte avec impatience pour que je lui ouvre, te voilà mon filou alors raconte…

il est tout cela et il fait tout ça mon p’tit chat si à moi de six mois…

 

Jacques Chesnel

 

Note du traducteur : (*) là, Sarah fait fort, on attend les commentaires

(**) un peu facile, mais bon

12:57 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (3)

10/03/2015

LES TRIBULATIONS DÉLIRANTES DE SARAH V. (7)

    

                   7

 

                SARAH CONTE N’IMPORTE QUOI

 

Cela commençait plutôt bien. 

Au coin d’une avenue près d’un havre dans le dessert ça à rien du grand nord, elle rencontra un tout à règle en d’gel de là-bas avec un chèche chic un peu chiche en tissu tissé ; blizzard, non ?. Vit guette, l’apostropha-t-elle maladroitement le prenant pour un germain du rein bien qu’il ne soit pas son cousin rhénan. Je vous laisse deviner lasse huître ce qu’on ne trouve plus hélas dans ce genre de marais-cage. Le gars en resta tout baba et lui fit un doigt d’horreur. Dans l’instant tannant, elle prit une pose qu’a fait sans café qu’on ne trouvait qu’à mille bottes de ces lieux d’issy sans molyneux ce qui lui sembla comme Marcel un peu loin, fallait René flair avec…(*)

Coïncidence dans ce coin si dense en incidence, elle fouilla dans la poche de son corsair si court voir si son panta si long contenait de l’élixir de luxure de luxe car elle était prise de tout le tremblement de sens à sion dix verses tout ça à cause de l’insoutenable légèreté du hêtre principal con posant de la mixture mixée à tort, ouille ou ouïe dit-elle au choix ce qui déclancha toute une embrouille avec bouille douille couille fouille houille non pas louille mais mouille nouille pouilles ou Pouilles rouille souille touille zouille (non) toute la patrouille, ce qui emballa son arbre à came et le con (encore) danse à tort de sa machina intériore faut ralentir ma vieille, bon les salsifis de midi ça suffit les sulfates les sulfites les sulfamides les sépharades les salafistes les salutistes les salamistes et autres salmigondis aussi, saperlipopette…

Tout ça lui tourneboulait le ciboulot et même tourneboulot le ciboulet à la façon d’une bouffée de l’herbàrire quand elle était colombienne pure souche et qu’elle tirait trop sur le mégot quand son magot l’autorisait ; il lui revenait des souvenirs lointains d’enfance, de démolition/démembrement de poupées arrrghhh, de séances de vomissures volontaires spontanées et abondantes, d’élégations clitoridiennes, de bagarres avec ses sœurs cacaproute et son frère en érection constante, de leur haleine de pingouin, d’odeurs d’anciens pipis rances de vieilles tantes enperlousées, de vieux oncles libidineux du nœud et d’ailleurs, de leurs genoux cagneux délabrés, des séances d’escarpolette avec Paulette sa meilleure copine si détestée et Bernadette qui ressemblait à la Lafont tellement qu’elle se demandait si, des déjeuners sur l’herbe nue comme dans le tableau si beau de Manet, les regards enfiévrés des garçons quand elle écartait les cuisses exprès vous en voulez encore plusse connards, sa passion pour la bicyclette qui lui procurait d’agréables frissons dans le bas du dos dans le devant du ventre et entre les deux, son adoration pour les vedettes de cinéma comme Dana Andrews, James Dean, John Garfield, Ben Gazzara, Steve McQueen, Mickey Rourke, ah le seul français bandant Mathieu Amalric et tout ce qui allait avec côté seulette branlette, puis pour les coureurs cyclistes surtout ceux du Tour de France à pédaler dans la semoule comme des cons pour des nèfles sauf les caïds ah les espagnols putain les Bahamontes, Delgado et son maillot yaune, Ocaña, Indurain et son coup de rein, Carlos Sastre…et maintenant le tout nouveau prodige, elle lui sussurait tendrement « t’es un vrai conquistador, Alberto, pas con, j’t’adore », et les rugbymen alors hou les chassés-croisés de Poitrenaud, les éclairs de Clerc, l’émancipation d’Heymans, les déboulés de saint Médard à la Maxime, la mâle assurance du cap’ Dusautoir, la bouille de Bouillou et sa mèche blanche, les sauts de chat de Fritz the cat, les feintes de Byron Kelleher, les charges héroïques de Servat William le Conquérant, le sourire énigmatique et pas toc de Guy Novès… sans parler des boxeurs/tappeurs/frappeurs Marcel serre-dents, Sugar Ray Robinson le virevoltant à la Fred Astair, la tronche pas possible à Carlos Monzon, la force de grosse frappe à Tyson et le golden boy Oscar de la Hoya bordel ce mec…Sarah pensa de nouveau à ses premières amours, le beau Jo Raisse (il prononçait djo) et son copain Jacques Huze (on prononçait djack) elle ne savait lequel choisir alors allons-y pour les deux ensemble cela durait des heures infinies parfois même trois ou quatre on allait pas rechigner sur la marchandise en évoquant tour à tour vedettes de cinéma coureurs cyclistes rugbymen et boxeurs quel boxon, les gars devaient assurer car Sarah était toujours au top avec un appétit d’ogresse oh avec le gars Fritz quel panard ya vraiment que les trois-quarts aile, ah si Monzon parfois bien que, souvent il y avait du monde au balcon gratos pour le feune comme disent nos cousins canadiens, pour le foehn quand il y avait grand vent, fallait éponger avec plein de serpillières car on s’en donnait à cœur-joie dans la lascivité… c’était le bon temps alors que maintenant au cours de cette journée qui commençait si bien il n’y a plus que les souvenirs dans ce dessert ça à rien où il n’y a plus personne, pas même ce tout à règle, pauvre Sarah…

qui tomba brusquement de son lit et dit merde aïeueu je me suis encore pété quelque chose, décidément… 

 Jacques Chesnel

 

Note du traducteur : Sarah fait sans doute allusion au parfums Molyneux, à la station du métro parisien Marcel Sembat (ligne 9) et à l’inoubliable et oublié écrivain René Fallet (1927-1983)

11:23 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)