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12/05/2016

REVOLVER

 

 

( à Hugo, mon fils )

 

La première fois que j'ai tenu un revolver dans la main c'était pour faire comme Richard Widmark dans Les forbans de la nuit de Jules Dassin, j'avais trouvé l'objet lourd, peu maniable et surtout froid, l'armurier avait eu l'air plus sidéré qu'étonné et moi plutôt con je le reconnais. A cette époque, je portais un trench-coat comme celui d'Albert Camus, un chapeau comme ceux de Jean-Pierre Melville, je prenais des airs à la François Périer ou à la Robert Mitchum, je lisais Dashiell Hammett, Raymond Chandler et tous les livres de la série noire de Marcel Duhamel, il ne me manquait plus que le pétard. Je l'avais bien planqué à la maison et le regardais tous les matins tous les soirs avec fascination, c'était donc ça un revolver, un Colt Detective Special d'occasion mais en parfait état de marche avec les balles prêt à tirer. Il y a avait plein de personnes à dézinguer, la liste était tellement longue que je ne savais pas par qui commencer en premier, ah! si, Pierre peut-être qui m'avait fauché Séverine mon premier amour mais néanmoins salope donc elle en deuxième place et puis...

La deuxième fois que j'ai tenu mon revolver c'était pour m'exercer au tir dans un champ sur des boites des conserves pendant qu'on était en train de me piquer ma mob que si j'avais vu le gars il aurait été ma première cible vivante pan! touché! crevé! ; j'avais détalé vite fait quand des chasseurs alertés s'étaient ramenés avec leurs flingues, j'avais pas osé tirer ils étaient trop nombreux et je n'avais plus assez de balles car les conserves avaient tout pris, le lendemain c'est un chien fou un pointer qui s'est pointé, comme il bougeait tout le temps je n'ai pas pu l'aligner, un sacré coup de pied et le clébard s'est barré en hurlant ; au cinoche, je voyais toujours tous les polars qui sortaient j'avais bien aimé Touchez pas au grisbi et Razzia sur la chnouf et j'étais tombé amoureux de Jeanne Moreau et de Magali Noël, je caressais toujours mon feu en pensant à elles et à des tas de poupées starlettes plus tard les psychiatres ont dit des tas de choses là-dessus que j'ai rien compris en parlant de substitution c'est ça non ? mais j'avais pas envie de les tuer le Ventura lui il chômait pas…

La troisième fois que j'ai tenu mon revolver le coup est parti tout seul j'ai à peine appuyé et le convoyeur est tombé tandis que Mimile gueulait j'avais dit de pas tirer bordel de merde faut qu'on s'casse maintenant connaaard que j'étais resté comme une andouille je voulais pas je voulais pas que les cognes m'ont cueilli debout près du mec à terre je voulais pas je voulais pas et que j'en ai pris pour quinze ans avec remise de peine il y avait un doute sur le tireur car on était plusieurs au braquage que je voulais pas… En sortant de tôle, j'ai acheté le même revolver parce que dans mon quartier tout le monde était armé jusqu'aux dents et même plus loin, j'allais toujours voir des polars, surtout ceux de Michael Mann, de James Gray, de Martin Scorcese, des fois je ne savais même plus où j'avais planqué l'engin c'est dire, j'étais toujours amoureux de la Moreau mais il n'y avait pas de nouveau Lino et les cinéastes français continuaient à se regarder le nombril au lieu de faire du cinéma, j'avais de nouvelles marottes, la musique baroque parfois un peu Purcell et surtout le hard rock, j'écoutais les vieux Van Halen ou les Scorpions, j'admirais AC/DC et Aerosmith, j'aimais cette pêche là, l'ambiance survoltée… quand un jour au boulot sur un chantier au moment de la pause un jeune mec m'a dit en souriant :

- alors l'ancien, toujours dans ta bulle hardeuse à mort ?... faut écouter autre chose pépère, un peu plus de délicatesse, demain j't'apporte du nouveau pour ton lecteur mp3

Dans le casque, ce fut comme un choc mais doux, quelque chose de mélodique, de chaleureux, d'inhabituel à mes oreilles habituées à la dure, je fus d'emblée emballé

- c'est qui ?

- les Beatles, un groupe d'angliches au top dans les années 60

- c'est un de leurs disque ?

- oui, REVOLVER.

 

 

12:17 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

Toujours aussi performant, Jacques, et quelle maîtrise du langage "semi-parlé". Bon, deux toutes petites fautes : "je l'avais bien planqué et je le regardaiS", "quanD un jour au boulot"...

Mais c'est aussi vif que la musique dont il est question ! Bravo !

Écrit par : Clopine Trouillefou | 13/05/2016

merci, Clopine, c'st corrigé... grosses bises
J

Écrit par : Chesnel Jacques | 13/05/2016

Les commentaires sont fermés.