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28/12/2016

ATTENTION A LA MARCHE

 

Jérôme aimait beaucoup se poser les questions que personne ne lui posait et qu’il aurait tellement aimé qu’on lui pose.

C’est toujours le cas aujourd’hui, cependant les matières à discussions ont évolué avec le temps ; le temps justement parlons-en, il ne s’agit pas du temps-météo (le temps qu’il fait, tiens ! ce matin ça caille) mais du temps-durée, l’espace-temps (je n’ai jamais le temps), la mesure du temps (celui qu’on perd toujours), la marche du temps… tiens la marche justement : « élément plat et horizontal d’un escalier, sur lequel on pose le pied pour monter ou pour descendre » lit-on dans un dico… donc, la marche est un module sur lequel on peut monter, faire un premier pas vers l’avenir ou re/descendre sur le passé, pensait Jérôme. Oui, mais alors quid de la première et de la dernière marche ?, méditait Muriel, d’où la notion du temps qu’on met à réfléchir, de l’interrogation, du choix, on y revient toujours. Et aussi, pourquoi se dirigeait-on vers le futur et retournons-nous vers le passé ? pourquoi pas se retourner sur le futur ? et aussi donner du temps au temps sans aucun espoir de le reprendre, marche inexorable malgré les efforts désespérés pour le suspendre, ah ! le temps suspendu, cette seconde du présent fugitif où l’on n’est pas encore dans le futur mais où on est si peu éloigné du passé inexorable mais que nos souvenirs peuvent rendre malléables, enrichis ou déformés, embellis ou massacrés volontairement ou inconsciemment tels qu’ils peuvent apparaître dans les songes, dans les rêves ou les cauchemars. Jérôme pensait à cette phrase de Gustave Flaubert : « l’avenir nous tourmente, le passé nous retient, c’est pour cela que le présent nous échappe », ce à quoi Muriel répondait par une autre citation, celle de Raymond Aron: « Connaître le passé est une manière de s’en libérer » ou cette affirmation du grand-père Antoine : « il n’y a pas de vrais souvenirs, on n’arrête pas de les modifier ».

Et Jérôme se mit à raconter l’histoire de la voiture.

En allant un soir à un concert, ils tournaient en rond depuis dix minutes quand Muriel s’écrie : là, là, Jérôme, juste une place ; ils y garent la voiture faisant les quelques centaines de mètres à pied pour rejoindre la salle. Formidable concert de Marcus Miller, pots et discussions avec des amis tous emballés et retour à la voiture… tu es certain que c’était là ? car à la place de la Golf noire se trouve bien une Golf mais rouge… avec les bonnes plaques d’immatriculation et le bon warning, donc c’est bien notre voiture mais devenue rouge… dans laquelle nous sommes rentrés chez nous.

Jérôme avait toujours désiré une Golf et au moment de la choisir il y avait eu discussion sur la couleur car il s’était vu plusieurs fois dans une auto de cette couleur en pilote de rallye ; de son côté Muriel avait rêvé conduire souvent une Golf tout en roulant dans sa vieille Clio noire qu’elle trouvait poussive. Qui vous dit alors que les souvenirs réels ou supposés ne sont pas pures constructions de votre esprit, produits de votre imagination et quand on connaît celles de nos tourtereaux tout est possible.

Le lendemain matin, à la radio du réveil, Muriel et Jérôme entendirent cette information : cette nuit, accident dans une rue proche de l’Olympia, une Golf noire a été emboutie par un véhicule dont le conducteur avait perdu tout contrôle, le choc fut si violent que le jeune couple qui se trouvait dans la Golf a été tué sur le coup.

  • On s’en est pas trop mal sortis, dit Jérôme en déposant un baiser sur le front de sa compagne.

 

 

13:49 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

07/12/2016

L’ATTIRANCE

 

Pendant qu’elle dormait paisiblement à côté de lui avec un léger ronflement qu’il trouvait plutôt amusant, Jérôme se demandait ce qu’il avait pu trouver à cette Muriel, sa compagne depuis maintenant si longtemps ou si peu. Il se posait la question de l’attirance, cette force qui l’avait conduit à jeter son dévolu sur cette fille qu’il trouvait jolie sans plus, pas très maligne sans plus, un peu maniérée sans plus mais avec tellement de, comment dire, charme, oui un charme fou à ses yeux, à ses oreilles (quelle voix !), à son cœur qui cognait comme un fou. Il avait donc ressenti un irrésistible attrait pour cette grande gigue un peu trop dégingandée, qui lui souriait gentiment pendant qu’il lui faisait des yeux qu’elle repéra si doux, ça commençait bien. Maintenant, elle se retournait brusquement en lui donnant un léger coup de pied dans ce lit étroit pour personne seule. Il eut subitement envie de lui embrasser ce peton dont il avait déjà fait plusieurs fois le tour avec jubilation (fétichisme du pied ?, tiens !). Pendant longtemps Jérôme avait fonctionné sur le physique uniquement et avait obtenu de bons résultats autant que de cinglants échecs lorsqu’il était passé à la vitesse supérieure : les goûts et le couleurs, les affinités exposées ou secrètes une fois la séduction évacuée. Il repensait à la liste assez impressionnante de ses aventures sans lendemains pas plus loin que la semaine en cours, sur tant de désirs assouvis ou refoulés. Et puis Muriel s’était pointée sans prévenir, par surprise, par effraction, avec le choc qui s’ensuivit, boum. Il croyait pourtant être blasé, aguerri et suffisant du genre on ne me le refera plus, j’ai déjà payé et basta. Tenez, prenons le cas de Claire que certains d‘entre vous ont bien connue, elle était bien plus jolie que Muriel, bien plus intelligente, bien plus drôle, bien plus que cela et pourtant… Jérôme avait tout entendu, tout lu sur l’art de la séduction et de la stratégie des grands séducteurs, sur la signification du baiser, le rituel érotique, l’embrasement et l’embrassement amoureux, sur les phéromones, la passion son labyrinthe ou ses méandres, tout, mais il ne comprenait toujours pas cette fascination subite qu’il avait eue pour la personne qui ronflait doucement à ses côtés, il avait ressenti comme un appel, un signe, un déclic, un flash immédiat, une attirance foudroyante et non contrôlable. Ses parents lui avaient raconté leur première rencontre semblable à la sienne, il admirait la durée de leur amour, cinquante ans de mariage, il s’étonnait de les voir s’embrasser souvent, c’était, disaient-ils, un des clés de leur bonheur perdurant, s’embrasser pour un oui pour un non pour rien pour tout, n’importe où n’importe quand n’importe. Il avait essayé avec Muriel, attention on nous regarde, oh ça va pas non, c’est pas le moment, arrêteueu, mais têtu il s’était entêté et maintenant elle en redemandait, alors il ne rechignait pas, il y allait de bon cœur, à cœur joie, la cœur à l’ouvrage, à vot’ bon cœur m’sieur dame, elle répondait la diablesse comme maintenant tandis qu’elle dormait ou somnolait, elle lui donna une petite tape de remerciement, elle se réfugia et se lova dans ses bras murmurant d’une voix ensommeillée encore encore Jérôme embrasse-moi encore, il est quelle heure déjà c’est pas vrai…

  • Chéri, j’ai rêvé ou tu étais en train de m’embrasser ?

Et que croyez- vous qu’il fît, que croyez-vous qu’ils firent, que croyez-vous qu’ils font,

là, tout de suite, maintenant…

 

23:55 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)