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26/10/2016

UN DRÔLE DE LOUSTIC

 

Lorsque le type me regarda de loin, je vis qu’il m’avait reconnu de près, il m’appela Michel alors que je me nomme Jérôme, c’est dire. Il me prenait pour quelqu’un d’autre alors que j’ai personnellement du mal à me reconnaître tout seul, c’est dire. Quand il vint plus près de moi, je m’aperçus qu’il grinçait des dents alors que je me faisais soigner pour un bruxisme intolérable aux oreilles de Muriel, c’est dire. En plus, ce type avait un teint de brouillard, une mine de papier crépon, des yeux globalement globuleux et un menton en cul de fouine, c’est dire. Il se força à sourire béatement avec un je vous ai pris pour un autre alors que pourtant il m’avait reconnu, c’est dire. Quand je lui dis que mon nom n’était pas Michel mais Antoine, je lui ai menti sur le coup et il m’a répondu que ce n’était pas si grave, c’est dire. Son sourire s’était envolé en pinçant des lèvres moi c’est Michel ânonna-t-il bonjour Antoine dit-il ensuite, c’est dire. Je ne relevai pas tant j’aime les quiproquos et les situations insolites pareilles, c’est dire. Comment va Catherine demanda-t-il Nicole va très bien maintenant répondis-je aimablement, c’est dire. Les choses allaient-elles s’arranger quand il regarda derrière moi et que je me retournai pour voir Catherine arriver toute blême et toute blette, c’est dire. Me dépassant par la droite elle lui tendit les bras de l’autre côté tandis que sa mâchoire s’affaissait brutalement, c’est dire. Le type la remit en place avec précaution et étreignit Muriel qui semblait anormalement heureuse pour une fois, c’est dire. Les choses ne vont pas en rester là dit le type on va s’assoir et causer sur ce banc tout près, c’est dire. Ya un truc qui ne colle pas sur les prénoms mais ça ne me gêne pas du tout dit-il enfin, c’est dire. Moi si rétorque-je parce qu’on n’est pas sorti de l’auberge avec cet imbroglio intolérable et d’abord je ne vous connais pas, c’est dire. Si Michel vous m’avez appelé Antoine alors là hein on est d’accord non ?, c’est dire.

C’est alors que j’ai remarqué sa petite taille à côté de Nicole qui est vraiment immense pour son âge, c’est dire. Il est vrai que moi avec mes un mètre cinquante-sept comme Prince on me distingue aussi des autres petits, c’est dire. Il continuait à grincer des dents alors je m’y suis mis aussi ce qui fait que Muriel faisait ses gros yeux qu’elle a déjà gros elle aussi, c’est dire. Le gardien du square nous dit qu’il serait bientôt l’heure de la fermeture et Michel lui répondit en sortant son couteau, c’est dire. On va pas se fâcher pour si peu que ça n’en vaut pas la peine moi ce que j’en dis, c’est dire. Dites-lui vous Antoine que les horaires ont changé et qu’on est en été depuis toute l’année, c’est dire. Le gardien haussa les épaules et partit en maugréant bande de mécréants et mecs réacs, c’est dire. Michel souriait tout en grinçant des dents dont la plupart cariées à cause du bruit, c’est dire. Catherine remit de l’ordre dans sa jupe plissée déplissée par le banc vermoulu de couleur verte, c’est dire. Julien avait rangé son couteau dans la poche de son imperméable qu’il porte nuit et jour, c’est dire. Il se leva et partit son Gros-Jean comme devant sans se retourner plus d’une fois avec une pirouette indescriptible et risible semblable à un entrechat à la Noureïev tandis que Nicole éclatait en sanglots longs comme les violons de l’automne, c’est vraiment dire alors que moi Michel je ne comprenais plus rien à rien depuis longtemps comme d’habitude et que je m’en allais je ne sais où la queue et le reste entre les jambes, c’est dire. Il y a vraiment de drôles de types tels Julien que ça fait tout de même peur, c’est dire. En rentrant chez moi, je me suis bien regardé dans la glace en me demandant si c’est bien encore moi là, c’est tout dire.

21:10 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

17/10/2016

POLAR NOIR

 

 

On était allé à la séance de 20 heures voir ce film policier dont on dit tant de bien, à juste titre, il nous a plu, surtout cette façon de filmer une poursuite en bagnoles avec virtuosité. Jérôme rentre la voiture sur notre place de parking en sous-sol et quand il claque la portière de la Golf on entend un coup de feu ou on entend comme un coup de feu on ne sait pas, dans l’ascenseur il me dit attends j’ai oublié mon ordi dans le coffre et, revenu, m’annonce que c’était vraiment un coup de feu, ya un type à terre à la place de 14, merde, il est mort ? demande Muriel, heu il agonise…

On sonne à la porte, on n’attend personne, c’est Barbara Stanwick tout de noir vêtue, je vous ai vu, vous avez tiré sur mon mari dit-elle en fourrageant dans son sac à main. Elle en sort un petit revolver. Elle vacille, va s’asseoir et demande un verre à Muriel, vous avez obéi aux ordres vous allez payer, dit-elle en grimaçant. Elle s’étrangle en buvant son ouisky. Il n’était pas en service commandé, c’était son jour de repos alors pourquoi lui dites.

On sonne de nouveau, je vais ouvrir. Se présente le mec du parking, couvert de sang avec des trous partout, Barbara s’évanouit, Muriel aussi mais presque. Il réclame un verre, ça tombe bien il reste du ouisky qu’il enfile mais qui ressort aussitôt par les trous, il tombe aussi, raide. On sonne (décidément !), c’est la voisine du dessous, Madame Lebowsky qui braille : ya un type qu’est venu répandre son sang sur notre tapis que mon mari a acheté aux Messieurs Coen, elle le voit alors et s’effondre en renversant la table aux liqueurs, Barbara et Muriel disent en ensemble c’est pas possib’ des trucs somme ça on dirait du mauvais cinoche que personne ira voir même dans le quartier au Majestic.

On sonne (ça commence à bien faire) : voilà le voisin du dessus, Monsieur Widmark yen a marre de vot’ barouf keskisspasse aboie-t-il, il a l’air très colère, la mâchoire plus crispée que d’habitude, on dirait qu’il se prend pour un gangster mais bon Muriel l’a toujours trouvé assez beau et si prévenant… surtout les yeux. 

On sonne (yen a vraiment marre) : maintenant la voisine de palier se pointe, Gene Tierney en compagnie d’Alan Ladd sans son légendaire chapeau et qui indique (indic) que la police est partout dans l’immeuble avec le commissaire Edward G Robinson et l’inspecteur Colombo, ça commence à faire beaucoup de flicaille pour un simple règlement de compte banal entre adultes consentants…

 

  • Cut, braille Otto, le metteur en scène, ya un truc qui va pas, on va refaire cette prise, Jérôme tu évites de regarder la caméra ou la scripte, ok ?, au fait, tu sais qu’elle est l’arrière-petite-fille de James Stewart, hein Gloria, elle a voulu faire ce métier en voyant son aïeul dans Fenêtre sur cour. François, osons reprendre la scène quand tu veux, Richard détends-toi bordel, arrête avec ton air furibard permanent on va finir par croire que t’es un méchant, bon Madame Lebowsky pour votre tapis faut voir avec l’attaché de prod’ des fois que ça marche mais c’est pas si sûr

  • Monsieur Preminger, chef, on en est où avec la bande-son, demande l’assistant, pasque le compositeur patauge un peu dans la scène du baiser, en majeur ou mineur et il manque de violons…

  • Foutez-moi la paix avec la musique, bordel… au fait, Muriel et Jérôme, que pensez-vous de tout cet imbroglio, c’est pas tout ça mais faut qu’on avance un peu quand même ?

 

16:34 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

08/10/2016

LE NUAGE ROUGE

 

  • Sept heures vingt-neuf, le temps

Le radio-réveil vient de s’allumer sur France-Inter et c’est la voix du petit-fils de Patrick Cohen qui prononce ces mots en ce jour de premier mai 2033.i prononce ces mots Chouette, la météo annonce du beau temps sur tout l’hexagone et, en général, ce météorologue ne se trompe pas. Tant mieux parce qu’aujourd’hui une balade est prévue de bon matin pour se dégourdir un peu les gambettes. Vite, une douche, on se fringue rapido, le petit dèj’ à donf et hop c’est parti. Dans l’ascenseur le bonjour aux voisins qui font la gueule comme dab’, sourires crispés crispants et enfin libre. Le météorologue a raison, le ciel est d’un bleu… à part ce gros nuage rouge tout seul dans l’azur, tiens ce n’était pas prévu mais personne ne semble le remarquer, personne tête en l’air, personne le doigt levé vers le ciel, personne non plus pour regarder le doigt, tout le monde vaque ou va vaquer à ces occupations et moi courir bien que du coup je reste sur place, que se passe-t-il ?. Personne autour de moi n’a l’air affolé surtout pas ma petite voisine qui court tout le temps même quand elle n’est pas pressée et qui me dit un bonjour déjà essoufflé, je lui montre le nuage, elle hausse les épaules et s’enfuit en riant. Je mets une main devant mes yeux en alternance, es-ce une illusion d’optique, le début d’une maladie, un mirage, un reflet, un phénomène météorologique que le spécialiste n’aurait pas prévu et vu de moi seul, un signe, une prémonition, un avertissement, ce n’est pas Jacques Kessler parti depuis longtemps qui m’aurait fait ce coup-là. Hier soir, je suis allé sur la chaîne Météo par précaution, le petit bonhomme perpétuellement agité n’a rien envisagé de tel, il a fait tous ses gestes convenus, repoussé les vents, évacué les tempêtes, attiré le soleil, annoncé les températures qui seront clémentes pour la saison, alors j’ai foncé chez Louis Bodin avec son sourire chauve qui a fait des pronostics identiques, alors ? Je fonce au centre de soins le plus proche, demande à voir le médecin de garde qui me raccompagne rassurant et moi pas rassuré car en sortant le nuage est toujours là, seule la forme informe n’est pas changé et le rouge toujours aussi rouge flamboyant, je cours, je cours toujours de plus en plus vite à perdre haleine et la laine, je fonce dans le tas et le vide, j’essaie d’échapper à ce gros nuage qui me court après, je décide de changer de parcours et décide de rentrer chez moi à toute blinde en changeant d’allure, épuisé mais curieusement de moins en moins inquiet car je viens de prendre une décision, oui, nuage ou pas, rouge ou pas, je m’en fous royalement, il n’y a pas d’explication, bon, de toutes façons je me suis toujours foutu de toute explication et merde je hais les explications, j’ai toujours préféré les mystères et c’est pas demain la veille que… et s’il était encore là, demain ?

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