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16/12/2009

IMPATIENCE

J'ai commencé très tôt, tout de suite; je me souviens, à peine sorti du ventre de ma mère je voulais déjà tout tout tout sans le savoir vraiment. Je ne vais pas en faire des tartines sur mes premières grandes impatiences de bébé, d'enfant, d'ado, de jeune homme, je n'ai pas tout mémorisé, je n'ai pas envie de faire de tels retours en arrière inutiles ou bien alors si vous le désirez trouvez une camionnette voire un cinq tonnes; donc je ne vous raconte pas les trépignements, piaffements, précipitations, énervements, agitations, crispations qui se sont succédés… jusqu'à la rencontre avec l'amour de ma vie qui a su immédiatement calmer mes pulsions par son calme et sa douceur, sa gentillesse, pour tout dire son amour… oh, il y avait des résurgences, des rappels plus ou moins contrôlés, tenez…

A peine parti en voyage je voulais être déjà arrivé, au cinéma j'attendais fébrilement la fin depuis le début, pareil pour un livre ou un disque, aux repas vite au dessert dès l'entrée, au lit, sauf pour l'amour, à peine couché déjà l'envie d'être debout… je pourrais  aligner des centaines d'exemples mais petit à petit j'ai commencé à me détendre…

Je vais vous narrer ma dernière grande impatience.

Cette année-là, 1990, nous avions décidé d'aller à Prague, puis de visiter les villes d'eau surtout Mariánské Lázné, la Marienbad d'autrefois et film d'Alain Resnais que nous avions aimé. Ce fut un émerveillement constant, à Prague, le Pont Charlles

 

Pont Charles.png

évidemment, le Château et la cathédrale Saint Guy, l'église Saint Nicolas à l'intérieur si baroque (nous logions en face chez l'habitant, une gentille dame dont le mari opposant au régime communiste avait été déporté (nous arrivions à nous comprendre en charabia franco-allemand-anglais-dico), le quartier Mala Strana sur le bord de la Vltava où nous aimions flâner, la place de la vieille ville et le vieil hôtel de ville où nous assitâmes à un mariage (on embrassa les mariés), le cimetière juif, le Kaffee Kafka et le Musée Mozart dans la villa Bertramka, le piano sur lequel il joua et où je pus poser mes doigts pendant que l'amour de ma vie faisait le guet… ah ! vous vous impatientez de connaître ma dernière grande impatience ?...

Marianské Lazné.png

attendez donc la fin notre séjour à Márianské Lázné, la centaine de sources d'eaux ferrugineuses (on pensa à Bourvil, l'alcool, non!), la somptueuse architecture de la colonnade de 1889, les promenades, le retour à l'hôtel 3*** merdique et son restaurant où le maître d'hôtel ressemblait tant à Olivier Stirn notre député qu'on avait du mal à ne pas pouffer… visite ensuite à Karlovy-Vary et Ceské Budéjovice avant dernière soirée au restaurant et dîner aux chandelles ; en rentrant notre logeuse nous apprit que c'était bientôt la libération de l'occupation russe discrète mais là quand même et le lendemain nous partions vers l'Autriche pour le retour… et c'est à la frontière qu'eut lieu cette fameuse dernière impatience :

Il y avait une bonne vingtaine de voitures d'étrangers devant nous et nous voyions la barrière de contrôle se lever et s'abaisser régulièrement après vérifications des papiers quand alors qu'il restait huit voitures la barrière ne s'ouvre plus, on attend cinq puis dix minutes et là je commence à transpirer grave, bordel, que se passe-t-il ? ne t'énerve pas chéri, non mais quand même, juste quand c'est presque à nous boum rideau c'est pas croyable, ils le font exprès non, je klaxonne, devant on lève les bras d'impuissance, je sors de la voiture ainsi que les autres occupants devant nous, quand nous voyons tous les gardes s'en aller un à un derrière le batîment du contrôle et entendons un bruit épouvantable de moteur qui hurle, nous nous approchons et suivons les derniers contrôleurs : tout le monde regardait le dernier char de l'armée russe qu'on tractait dans une remorque pour son départ au milieu des hourras et de bravos… LE DÉPART DU DERNIER CHAR RUSSE… cela valait bien la peine de s'être impatienter ; depuis ce jour, je suis beaucoup plus calme.

 

©  Jacques Chesnel  (L'amour de ma vie)

 

19/07/2009

COUTEAUX

Les attirances pour les objets me semblent incompréhensible aussi quand l’amour de ma vie s’est mise à collectionner les couteaux cela devait remonter jusqu’à son adolescence chez les scouts pendant une année elle conservait précieusement le premier religieusement et le second qu’un grand connard brun lui avait offert torturant bêtement ma jalousie il ne s’est rien passé je t’assure il était amoureux moi pas j’aimais les couteaux c’est tout… durant nos nombreux voyages dans tant de pays la chasse au couteau était ouverte d’abord la Suisse pays providence partout les mêmes recherches pour les couteaux fixes ceux de poche à lames multiples ou à cran d’arrêt les éjectables les automatiques les pliants les marques bien sût elle savait tout sur les Laguiole Opinel Pradel Victorinox Papillon les italiens et toute leur panoplie avec attirance pour celui typique de Scarperia les espagnols la navaja la coutellerie d’Albacete ville qu’il a fallu visiter elle savait tout sur les Smith & Wesson des USA et les Okapi sud-africains évitant bien évidemment les couteaux de viande boucher ou chasse pouah bien vite cela tourna à la collectionnite aigüe sans que jamais nous en venions à couteaux tirés bien sûr parfois je moquais un peu réponse automatique et toi avec Bill Evans ce n’est pas du fétichisme dis chéri ? l’amour de ma vie faisait une fixette sur Thiers la capitale française du couteau nous avions toujours le projet d’y aller mais à chaque fois on choisissait plutôt Sienne ou Porto Prague ou Salamanque Marrakech ou Djerba Munich ou Copenhague ou les festivals de jazz dans le midi à chaque fois que nous roulions sur l’autoroute A72 après Clermont-Ferrand elle frémissait en apercevant l’indication Thiers prochaine sortie ses yeux s’assombrissaient une sorte de nuage et faudra quand même un jour hein ? chéri quand on en aura marre de tous ces longs voyages voui amour de ma vie un jour viendra et il ne fallut pas attendre longtemps j’avais du mal à supporter ses soupirs couteliers ses attentes émoussées son espérance émorfilée je me sentais coupable ma décision était prise et moi qui suis incapable de garder un secret je réussis à me contenir jusqu’au jour où…

 

le départ un mardi comme d’habitude moins de monde sur les routes en ce moi de mai en effet personne vitesse de croisière et le fameux panneau premier frémissement de l’amour de ma vie et moi à la flèche Thiers hop clignotant à droite mais mais qu’est-ce que tu fais tu voulais aller à Thiers eh bien on y va oh doucement chérie je conduis chut et nous voilà arrivés dans une ancienne coutellerie le Parc de Geoffroy hôtel trouvé dans le guide Michelin belle demeure dans un espace avec grands arbres cuisine excellente qu’on dégustait en se tenant par la main en attendant les plats avec les verres de Saint Pourçin rosé et la nuit flamboyante le petit déj vite fait en route pour le musée (plus de six siècles de coutellerie) avec photos films historique démonstrations d’ancien couteliers montrant le calvaire des premiers ouvriers en position allongée sur le ventre face à la meule avec leur chien sur le dos en hiver pour se réchauffer plusieurs belles collections (plus de 800 couteaux… que l’amour de ma vie n’avait pas assez d’yeux pour tout regarder) et rebelote le lendemain (la vallée des rouets, sur les traces des rémouleurs) après une autre nuit merveilleusement incandescente au cours de laquelle j’essayais de ne pas voir ces maudits couteaux qui m’envahissaient me submergeaient dans mon délire tous ces couteaux ceux à air à eau à vent (les fameux coupe-vents) à nuages à pluie ou à neige à musique à films à couture à tricoter à fil à couper le beurre les couteautomobiles couteautoroutes couteauberges  couteaubergines couteaugures (de mauvaise) couteautocollants couteautoradios couteautonomes couteautrements couteauréoles couteautopsies couteautochtones couteautorisés couteautorité couteauxilliaire et tant d’autres les volants rampants glissants pétaradants bavants  éructants déconnants vibrionnants tous ceux en forme d’animaux ah celui en forme d’escargot l’autre de tamanoir de fleurs oh celui en forme de pivoine ou d’aubépine et d’arbres comme celui en forme de cèdre du Liban ou de cornouiller tous ceux en…

 

… je fus heureux de savoir à mon réveil et en partant de Thiers que  le petit couteau suisse favori de l’amour de ma vie reposait toujours au fond de son sac… vous savez celui qui ne la quitte jamais.

 

©  Jacques Chesnel  (l’amour de ma vie)

12/07/2009

DOUCHE ÉCOSSAISE

Je suis tombé, façon de parler, sur un article dans le journal au sujet de la douche écossaise que prend tous les jours un misinistre du gouvernement (mi-ministre et sinistre) alors je me suis précipité sur mon Robert des expressions et locutions : "traitement fortement contrasté, l'on est alternativement bien ou mal traité"… la douche dite  écossaise est une hydrothérapie par des jets d'eau alternativement chauds et froids ; l'expression date de la fin du XIXième siècle (fin de citation). Je m'étais toujours demandé pourquoi le fait de prendre une douche me faisait immanquablement penser au sifflement des bombes ou des obus… il devait bien y avoir une explication, logique ou pas… était-ce pour cela que je ne prends que des bains depuis si longtemps… pour ne pas entendre le sifflement des obus ?.  

Je passe vite sur les gros problèmes dudit misinistre pour vous conter ce qu'est pour moi une véritable douche écossaise telle que je l'ai vécue quelques jours après le débarquement de juin 1944.

 

Ne parlons pas des bombes, notre première terreur, qui tombaient sur le centre ville ; j'allais chez un copain sur le toit terrasse de sa maison et on regardait les destructions à la longue vue, c'est ainsi que j'ai vu tomber le clocher de la cathédrale, la mairie voler en éclats et des quartiers entiers disparaître en quelques secondes. Ce dont nous avions le plus peur ma famille et moi c'était des obus, ceux venant de nos libérateurs vers les forces d'occupation, du nord au sud, des plages du débarquement vers les bases allemandes puis après la libération l'inverse, des repaires, planques et tannières de la wehrmacht vers les forces britanniques et canadiennes basées près de chez nous, une pluie d'obus puis des tirs soutenus ou sporadiques provenant principalement d'une artillerie planquée dans des carrières.

 

Je ne peux maintenant préciser le jour mais l'heure oui, vers dix heures ce matin-là. Nous avions passé toute la nuit dans la cave de notre maison récemment construite avec des planchers en béton armé (!) ce qui nous rassurait un peu quoique, il y avait eu quelques tirs mais au matin cela recommençait et ça sifflait fort au-dessus de nos oreilles… quand nous avons entendu de loin une musique qui semblait se rapprocher, ce n'était donc pas la radio qu'on aurait oublié d'éteindre ; surmontant notre peur latente, nous montâmes à l'étage pour voir arriver un groupe de soldats ( une vingtaine) en rangs, en kilt, avec serviette de bains sur l'épaule, avec à leur tête un joueur de cornemuse : des soldats écossais allant prendre leur douche à l'établissement de bains tout proche, indifférents au tintammarre et au danger tandis que les obus passaient au-dessus d'eux sous une pluie d'orage étouffante et battante…

 

 

Je ne me souviens pas du tout les avoir entendu repasser et à l'établissement de bains endommagé le personnel n'avait aucun souvenir précis ; par contre j'ai encore et toujours dans la tête la musique du cornemuseux puis plus tard le bruit énorme d'un obus tombant et détruisant la maison d'en face, pas la nôtre comme quoi le béton armé…

Depuis ce temps fort lointain, je sais vraiment ce que veut dire une douche écossaise moi qui ne prend que des bains pour éviter le sifflement des obus…

 

©  Jacques Chesnel (Miscellanées)

 

05/07/2009

CONVERSATION 4

- qu’est-ce qu’il tombe heureusement qu’on a les parapluies

- comme vous dites

- c’est moche de partir avec un temps pareil

- avec le soleil c’est plus gai

- pour lui ça ne fait rien

- mais pour nous

- vous le connaissiez bien

- heu en qualité d’amant d’un jour oui

- d’un jour ?

- à une fête vite fait par terre dans la salle de bain

- c’était pas trop dur

- non par contre lui était très dur

- une aventure en somme

- oh ! on a pas eu le temps de s’endormir

- et alors ?

- un peu trop rapide pour moi mais bien quand même

- sa femme c’est la petite là-bas

- nous étions très amies

- elle est beaucoup plus jeune que lui

- lui n’aimait que les minettes

- comme vous

- merci

- je ne l’ai pas connu il devait être grand vu le cercueil

- du genre Rock Hudson

- l’acteur gay ?

- Christian lui était gai et homo seulement avec les femmes

- comment c’est arrivé ?

- après un match de tennis

- sans prévenir ?

- les mauvaises langues ont dit un match de pénis de trop

- la pluie s’arrête enfin

- j’ai les pieds trempés

- il était dans les affaires ?

- un port et l’autre ex-port

- trop de boulot

- il faisait tout tout seul

- c’est le moment des condoléances

- on est obligées ?

- vous non moi oui

- ah bon

- la famille

- parce que vous êtes de la famille ?

- une sorte de belle-sœur

- évidemment ça crée des liens

- les liens du sang je suis enceinte

- de lui ?

- il n’avait plus de rapports avec sa femme

- je ne vois pas le rapport

- ma chérie je suis de tout cœur avec toi dans ton chagrin

- ma chérie tu peux te coller mon chagrin où je pense

- ce n’est pas le moment ici

- j’en ai rien à foutre

- moi pareil

- mes condoléances madame

- merci

- non mais vous avez entendu pour qui elle se prend

- elle était au courant pour

- bien sûr elle nous a surpris dans la chambre

- je croyais que c’était dans la salle de bain

- avant oui et après dans la chambre

- le même jour ?

- à une heure d’intervalle

- vous allez à la crémation ?

- là je suis pas obligée mais quand même

- ah oui les liens

- non le souvenir

- ça vous a marqué

- j’avais pas l’habitude

- vous avez recommencé ?

- une fois avec mon mari

- et alors

- différent mais pas aussi troublant ni aussi vénéneux

- il reste encore beaucoup de monde

- comme pour l’homme qui aimait les femmes

- ah oui le film de Truffaut

- j’adorais Charles Denner

- bien différent de Rock Hudson

- en plus hétéro

- et plus cérébral

- parce que pour vous c’est dans la tête

- pendant la cérémonie oui

- sa femme vous regarde

- je ne peux plus la sentir

- maintenant ça sent le brûlé

- entre nous oui pour toujours

- hé ben vous alors

- quoi ?

- c’est quelque chose

- non plutôt du genre quelqu’un

- à la prochaine

- crémation ?

- si on peut dire ça comme ça, oui

 

©  Jacques Chesnel  (Conversations)

 

28/06/2009

PARKING

Le chemin d’accès à Belavit avait été goudronné, fini les ornières, et autres fondrières, pour un peu on se croirait sur l’autoroute dis donc… on modère quand même la vitesse car c’est toujours aussi étroit… au bout du chemin juste après les bâtiments, la propriété des amis, un parking dans un champ attenant disons plutôt une aire de stationnement certainement nécessaire en été vu le nombre de voitures des invités de mai à septembre et au bout une sorte de rond-point nécessaire pour la manœuvre des véhicules d’entretien et le chasse-neige, on arrête pas le progrès quoi !... chouette me dis-je on pourrait faire un rodéo de bagnoles, rigolo, non ?... cela nous changerait un peu des soirées si délicieusement proustiennes…

 

Beaucoup de voitures cette année, même une rosbif immatriculation A 999 CONS, lis-je, j’espère que ce n’est pas un programme plutôt une sorte d’humour so funny… et en effet les occupants inconnus jusqu’alors (des nouveaux amis de nos hôtes ?) étaient vraiment sympas, un peu raides dans leurs baskets de luxe mais complètement pétés dès le chant du coq à croire qu’ils devaient boire en dormant ce qu’on verra par la suite… lui sorte de John Wayne même chemise à carreaux sur bedaine de buveur de bière et autre, près de deux mètres, elle genre mini pot à tabac style nain de jardin en gamine néanmoins très sexy… hello, hello à vous aussi… bon, ça commence bien, super les english oh no we come from scotland if you please, heu yes bon comme Sean Connery alors, vouuui…

 

Formidable cet été là, comme d’habitude, ah ces Florine et Axel !, sacrés tauliers , généreux amigos !... la veille du départ de Mac et Mary, John Wayne me propose de conduire la Bentley pour aller chercher des cigares au village, il avait fumé ou donné tous les scottish siens… o. k. man et je démarre doucement pour l’avoir bien en mains cool Raoul, pas un bruit, y a-t-il un moteur ironise-je ahahah et quelle conduite, y a-t-il seulement un conducteur oui moi… maintenant retour après une longue étape au « Paradis des papilles » chez Marcel Laristo ça ne s’invente pas et la descente je vous dis pas… sur le nouveau chemin je me décide à tâter du champignon pour lui faire voir à John Wayne qu’on ne me la fait pas question rallye circuit formule un et tout le toutim Fangio ou Prost McLaren ou Renault…hé doucement l’ami ce n’est pas un bolide de course, of course dis-je tu fouettes hein John…  le compteur s’affole et moi aussi quand au bout du chemin se précipite le rond-point sur moi à combien 150 ou plus c’est comment qu’on freine crie Bashung dans la radio volume maxi et que j’te loupe le virage et John Wayne qui hurle stop stop man et moi oui mais comment et je tournicote tournicoton sur le rond-point et je repars à fond la caisse stop stop STOP good braking NOW yes John qui vire au rouge au violet aux couleurs de sa chemise écossaise hihihi et moi un coup à droite un à gauche et je rentre dans le champ et bingo je me tape la première bagnole, la BM d’Axel oh non pas la sienne pas lui oooh no, puis la deuxième re-bing plutôt bang la Clio de la blonde celle qui me drague (toujours la même sans résultat mais bon) et de deux je braque contrebraque, je redresse je suis un redresseur de sport et BANG la troisième que j’ai pas eu le temps de voir en foncé enfoncée tiens pan dans le moteur qui fume puis explose maintenant je ne me tiens plus merde on dirait que ça me plaît et John qu’a pas mis sa ceinture merde le con big bang et rebelote bang dans toutes les bagnoles un coup dans une portière dans les deux en même temps youpi dans le coffre de la C3 et j’te chante ya d’la rumba dans l’air avec le Souchon dans le poste les bagnoles de travers faut savoir y faire comme aux autos tamponneuses à la foire pareil… ta gueule John Wayne caisse qu’on s’marre non ? je suis le roi de la casse l’empereur de la démolition le surdoué du badaboum le géant du destroy le héros de l’écrabouillage l’Attila de la chignole l’Armageddon de la tire… à moi l’apocalypse de la guimbarde l’anéantissement du tacot la solution finale du bahut… encore une hein ? allez pas de chichi ni de regrets tout le monde à la même enseigne tchoc blam toutes dans le même panier boum here we go hé John ça va pas la tête dans le pare-brise tout rouge de son hémoglobine qui coule jusque sur le tableau de bord et justement la rouge raisiné celle-là oui celle-là en plein dedans vlan et rebelote vlan... BONG !

PUTAIN DE MERDE… LA MIENNE…

 

Quand je vous disais qu’on se marre bien à Belavit…en plus des soirées si proustiennes…

 

©  Jacques Chesnel  (Jours heureux à Belavit)

 

09/04/2009

AGACEMENT

Ce qu’il pouvait m’agacer, quand il répondait au téléphone à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit ; il était toujours en train de manger : abo, mbonjur, mmnattend, et il continuait de parler au lieu d’attendre d’avoir avalé sa foutue bouchée de je ne sais pas de quoi, ah si de la bouillie et patatif em fapata, arrête de parler merde bouffe et répond après mais… rien’y faisait… tout le monde lui a dit, sa famille, ses copains, ses femmes actuelles ou ses ex… et en plus il avait un appétit à se demander si son estomac allait pas un jour réclamer un peu de répit, une pause, une suspension, une récréation, surtout quand il baragouinait dans le bigophone… alors j’ai commencé à raccrocher abo clac alors il rappelait aussi sec aboo clac bon t’as pas compris mec on ne cause pas la bouche pleine, sa maman lui avait pourtant bien dit elle qui s’esbaudissait sur la gargantuamanie de son pantincruel de lardon plein de victuailles que déjà tout petiot il pleurait la bouche pleine normal, il tétait vorace, engloutissait tout ce qui lui tombait dans les mandibules, plus tard les filles se l’arrachaient et se le refilaient connu qu’il était comme un lécheur et aspirateur-suceur de première bourre d’où sa réputation de don juan au grand savoir faire-jouir, il avait été obligé de planifier c’est dire… sa grande hantise, les dents, la peur de perdre d’autant que dans la famille il y avait pas mal d’édentés et des dentiers chez presque tous les membres actifs ou pas…

si encore il n’enfournait pas les aliments les uns avec les autres (pas l’un après l’autre) en d’énormes bouchées qui défigurent sa trogne, cette façon de mâââcher, de tordre sa gueule en vrille, de se goinfrer dans la culture du gras par-ci du surgras par-là, non, que je t’engloutisse, bâfre, empiffre, tortore, ripaille… si encore il prenait le temps de goûter, déguster, savourer, de se délecter, non, c’est l’entonnoir immédiat comme s’il avait peur de manquer, comme si on allait lui retirer la bouffe de la bouche, récupérer les morceaux, faire des provisions avant la prochaine guerre, la disette en vue, l’immédiate famine…

quelqu’un m’a demandé : et alors, au restaurant ?... eh bien, cher ami, il ne va pas au restaurant, il ne peut aller au restaurant il est interdit de restaurant (comme d’autres de casino) suite à des réclamations et plaintes si nombreuses qu’il fallut bien en arriver là… on avait essayé de mettre un paravent devant sa table mais le bruit, l’avalement, la déglutition, le borborygme et autres gargouillements ou soulagements un temps pestifs faisaient un tel barouf que…

 

… à écrire tout cela d’un trait comme lui entasse ses provisions, je me sens une petite faim à moi, va falloir penser à couper le téléphone, j’ai pas envie qu’il m’appelle pendant, mambo mbonmjour…

 

Précaution : toute ressemblance avec une personne existante n’est pas fortuite ; ce personnage existe bien… dans mon imagination…

 

©  Jacques Chesnel  (Miscellanées)

04/04/2009

LUMIÈRE

Il y avait quelques exceptions dans mes amitiés lors de mes séjours à Belavit disons plutôt de rares incompatibilités d’humeur ou d’humour… je demeurais poli sans plus surtout pour ne pas faire de peine à nos charmants hôtes, car tous les gens présents étaient leurs amis… mais il y en avait quand même un que je ne pouvais vraiment pas sacquer et je suis sûr que c’était réciproque, restait à ouvrir des négociations ou à déclarer la guerre ouverte ce que je ne souhaitais nullement… je l’avais à l’œil si j’ose dire et pareil pour lui sans doute… on allait donc faire avec… à table lieu principal de rencontres on s’éloignait l’un de l’autre, au cours des conversations on prenait peu part, le plus souvent sauf sur les sujets consensuels… bon on évitait le pire… jusque là pas de problèmes, on faisait des efforts tous les deux faut reconnaître hormis quelques regards peu amènes… il portait beau ses quarante ans le Jean-Luis, une coquetterie, mais je lui trouvais l’air ou fanfaron ou veule selon les circonstances ou occasions… parfois il se mettait à débiter des diatribes logorrhéiques du genre Luchini l’acteur en aussi fou et plus chiant absolument sans intérêt pour moi et aussi certains autres avec des formules abracadabranle-bas de combat au cours desquelles je lui faisais de gros doigts d’honneur sous la table et sous les yeux horrifiés de ma voisine la blonde ex-dragueuse qui ne draguait plus vu qu’elle avait trouvé chaussure petite pointure à ses grands pieds mais qui devait se demander tout de même si ce n’était pas pour elle en souvenir de ses échecs cuisants avec moi il y a quelques années… bref tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles…

 

Un soir au cours d’une insomnie inhabituelle peut-être à cause de la grosse chaleur je sortis sur le pas de la porte de ma chambre pour prendre un peu l’air quand j’entendis de la musique en sourdine que je ne parvins pas à identifier et je vis une lumière allumée dans la cuisine située dans le bâtiment d’en face et mon zozo lui-même attablé en train d’écrire… ah bon parce qu’en plus il écrit ce con… un peu plus tard toujours sans trouver le sommeil je sors de nouveau… la lumière est encore allumée il est pourtant 2 heures 12 mais pas de scribouillard… j’attends un moment et me décide d’aller voir ne serait-ce que pour éteindre… j’arrive dans la pièce déserte… sur la table à côté d’une tasse à café vide et un cendrier plein une feuille remplie d’une écriture pattes de mouche à côté d’un stylo bic… et je me mis à lire immédiatement ce que vous venez à l’instant de lire…

 

©  Jacques Chesnel  (Jours heureux à Belavit)

28/03/2009

CHARLES, LEQUEL ?

Tout le monde connaît un Charles, dans sa famile, un père, un oncle (qui me fit découvrir le Paris-Brest aller-retour), un cousin, un ami de la famille aussi, un voisin ou une personnalité, tenez, ce prénom surgit au moins une fois dans une journée, vous voulez des exemples, bon, dans l'admiration collective, les rois de France et de Navarre, Charles le Grand, le Chauve, le Simple, le Bel, le Sage, le Fol ou le Bien-Aimé, le Mauvais, le Noble, sans compter tous les étrangers et puis le grand Charles, de Gaulle, le sauveur de la patrie et de la partie comme auparavant Martel à Poitiers, pour les pressés : Charlemagne, sans parler du Quint, Aznavour le grand,  chanteur préféré des français avec le fou chantant, le Trenet qui traîna jusqu'à sa mort sa nostalgie du refus des vieux barbons de l'acacadémie française de l'accueillr au sein d'icelle, le canadien Charlebois, pour les zamateurs de jazz d'abord le grand Oiseau  Parker dénommé Charlie puis Mingus le rebelle avec causes qui refusait qu'on le nomme Charlie et Ray le malicieux qui permuta nom et prénom, Charles Delaunay qui s'offrit une danseuse nommée Jazz-Hot afin de défendre le jazz moderne, pour ceux de musique dite classique le compositeur Gounod (on passe), le chef d'orchestre Münch, la musique contemporaine l'américain Yves et son Central park in the dark, bon, pour la littérature ou la poésie quelques auteurs célèbres, Baudelaire, Bukowski (gloup), Dickens, Péguy, Perrault, le théatre avec Dullin vu au cinéma dans le rôle de Corbaccio du Volpone de Maurice Tourneur en 1941 et d'un vieux fétichiste dans Quai des Orfèvres et son fameux n'enlevez pas les chaussures, jamais les chaussures, le cinéma avec Charles Vidor et sa Gilda avec Rita Hayworth, les comédiens l'immense Chaplin, notre Charlot international, Boyer le séducteur, l'irrésistible et troublant Laughton, Bronson, Berling et Vanel…

il doit y en avoir d'autres, mais pour l'amour de ma vie et moi, il n'y en a qu'un seul, on vous le donne en mille: CHARLES DENNER, oui, lui, NOTRE Charles à nous. (Ecartés le Lindbergh l'aviateur nazillon et Millon le salopard dit le con pour la rime).

On l'avait entr'aperçu dans quelques films, avec le magnétoscope on faisait arrêt sur image pour mieux voir sa silhouette, un valet dans Volpone aux côtés de son maître , oui c'est bien lui l'adjoint de l'inspecteur Cherier dans Ascenseur pour l'échafaud mais alors le premier grand choc: Landru de Chabrol, vedette principale, ses regards fiévreux, sa voix métallique, sa diction hésitante, fluctuante, séduisant Michèle Morgan, Danielle Darrieux, Stéphane Audran, puis la/sa rencontre avec François Truffaut avec La Mariée était en noir, Une belle fille comme moi (ah bon dieu, Bernadette Laffont en combinaison si courte ! que j'avais couru acheter la même pour l'amour de ma vie aussi belle pour moi que la Bernadette), et surtout l'inoubliable et inoublié dans L'homme qui aimait les femmes…

l_homme_qui_aimait_les_femmes_b.jpg

"C'est en jouant avec Ginette que j'ai découvert le goût des femmes" déclare Bertrand Morane adolescent… au cimetière de Montpellier où il est enterré décédé à 40 ans suite à un accident de voiture alors qu'il suivait une femme entrevue dans la rue, elles sont toutes là : blondes, rousses, jeunes, mûres, mariées ou veuves, compagnes d'un jour ou plus de ce chasseur solitaire sans famille, sans amis, avec dans son agenda ce mot : "personne à prévenir en cas d'accident", elles seront toutes là, les actrices Brigitte Fossey / Geneviève, Nelly Borgeaud / Delphine, Geneviève Fontanel / Hélène, Nathalie Baye / Martine… toutes les autres… pour ce "double" de François Truffaut, autant amoureux des femmes avec ces dialogues superbes : "les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie", "vous avez une façon de marcher, on ne peut rien vous refuser", toutes ces phrases consignées dans un livre qui sera publié post-mortem ; et la dernière prononcée par Brigitte Fossey, la narratrice : "Bertrand a poursuivi le bonheur impossible dans la quantité, la multitude… pourquoi nous faut-il chercher auprès de tant et tant de personnes ce que notre éducation prétend nous faire trouver en une seule ?"…

 

Nous avons, l'amour de ma vie et moi, vu et revu souvent ce film et notre admiration pour Charles Denner augmentait à chaque fois. J'avais quant à moi trouvé le bonheur, total, et je ne m'identifiais pas à celui qui affirmait " malheureusement, il n'est pas question de les avoir toutes" ; rien que regarder le si beau sourire et l'éclat des yeux de l'amour de ma vie me rassurait :

" heureusement que je t'ai rencontré… sans cela, Charles, celui-là, peut-être ? qui sait ?... gros bêta ".

 

©  Jacques Chesnel  (L'amour de ma vie)

16/02/2009

CONVERSATION 3

- Ououououh ! que ça fait du bien de s’asseoir

- à qui le dites-vous

- il y avait du monde à la sortie de l’école

- ben demain c’est mercredi alors

- oui tu peux aller sur les balançoires mais tu fais attention

- la mienne c’est pareil on s’demande ?

- ce qu’elles ont à vouloir s’envoyer en l’air si jeune

- oh ! c’est pas ce que je voulais dire mais

- ou s’étourdir un peu avec les devoirs qu’elles ont

- on n’est pas bien assis sur ces nouveaux bancs

- ah ! dame oui je préfère les anciens ceux en bois

- n’empêche que ce square est vachement bien non ?

- pratique à côté de l’école et bien entretenu

- oh ! mais il y en a qui

- Muriel pas si haut je t’ai déjà dit

- la mienne elle préfère les portiques

- vous avez vu la manif à la sortie

- c’était pour les clandestins enfin j’veux dire contre

- quand même venir les chercher à la sortie

- ils ont renvoyé un copain de Muriel un petit malien mignon

- oh !

- il y a eu de la bagarre

- faites attention à mon sac je vais aux toilettes

- attention hier y avait pas de papier

- comme les sans… hihihi

- n’empêche… non madame la place est prise

- et aujourd’hui y a pas d’eau

- faut réclamer au gardien

- Muriel arrête encore une fois et j’arrive

- ils ont même tabassé un p’tit vieux qui venait chercher

- ma grand-mère dit qu’en quarante-deux c’étaient les juifs

- quand même

- bon cette fois Muriel tu descends tu deeescends

- tiens voilà le gardien

- c’est pas un gardien c’est un préposé maintenant

- hep monsieur ya les chasses d’eau qui coulent

- on a prévenu le plombier mais vous savez ce que c’est

- manman j’ai faim

- attends je cause

- faudrait augmenter le impôts

- les impôts… pour le square ?

- ça pour piquer not’ pognon

- faut écrire au maire

- écrire au maire pour l’eau des chiottes ?

- manman j’ai faim euh

- tu attends ou t’en prends une et arrête de pleurnicher

- nous en vacances on va à Pornichet

- la Bretagne avec la flotte très peu pour nous

- c’est dans le sud

- dans le sud ? non c’est en Bretagne

- c’est ça qu’est-ce que je dis en Bretagne du sud

- bon on va y aller parce que Muriel m’énerve

- la mienne c’est pire elle devient tobèse

- ben moi je la rédime sans ça

- on est toujours en train de la surveiller car elle

- je compte dans le frigo moi aussi

- et puis elle commence à ricaner devant les garçons

- tant qu’elle ricane… elle commence pas un peu tôt

- ya plus d’âge à douze ans elles ont des seins partout

- et puis après les fesses

- et après je vous dis pas ha ha ha

- si on écrit au maire on lui dit aussi pour les bancs

- pendant qu’on y est mais vous savez

- des fois ça marche

- une fois mon mari a signé une pétition

- et alors

- alors peau de balle et balai de crin

- c’était pour balayer dans les rues ?

- oui à la voirerie

- votre portable sonne

- non le mien c’est pom pom pom pom

- allo allo oui  non  d’accord  à tout à l’heure

- mon mari sera encore en retard ce soir

- le mien c’est tout les jours

- ou bien ils ont du boulot ou ils nous racontent des

- ou les deux le mien est vraiment crevé

- on finit par se faire des idées

- Muriel on rentre

- tiens voilà le préposé qui revient

- les ouatères sont réparées

- jusqu’à la prochaine fois

- et vous avez remis du papier toilette

- on est en rupture de stock

- faut venir avec le sien c’est plus sûr

- soyez pas si fatalitaire

- merci quand même

- Muriel je t’appelle une dernière fois et après

- il est temps qu’on parte il tombe des gouttes

- c’est pas étonnant avec ce temps pourri

- à la météo ils se gourent tout le temps

- oui demain c’est mercredi

- encore un car de flics pour l’école

- tous les jours maintenant faut faire du chiffre qu'y disent

- allez à jeudi

- si on est encore vivant

- Muriel donne-moi la main pour traverser ou sans ça

 

©  Jacques Chesnel  (Conversations)

09/02/2009

LE SECRET DE BELAVIT MOUNTAIN

Il n’y avait jamais eu de problèmes à Belavit au cours de mes fréquents séjours, quelques saines colères, pas de brouille si ce n’est se faire la gueule un moment, quelques chicanes, pas de grosses tempêtes, certains flirts poussés ou pas, pas d’adultère déclaré… du moins à ma connaissance. Tout se passait dans l’allégresse et la petite ripaille bien proustienne, jamais les choses ou autres n’allaient trop loin, nous étions entre gens de bonne compagnie n’est-ce pas… mais n’anticipons pas, trop.

 Je faisais quelques balades seul avec (mon MP3) ou en bande (magnétique) pour l’entretien de la forme ou la forme de l’entretien jamais de jogging… la forêt était attenante avec chemins et sentiers qui avaient été balisés par nos hôtes pour leurs hôtes… je m’égarais parfois volontairement et découvris un jour ce que les gens du coin appelaient la montagne, oh juste une colline paraissant énorme dans ce pays plat comme la main enfin presque… c’est par là que la jolie bergère passait avec le troupeau et je la saluais parfois de loin ohé… cette montagne était parsemée de clairières apaisantes pour mes muscles citadins à l’épreuve de la marche et je goûtais avec avidité la sieste sur herbe ou tas de feuilles une pâquerette entre les dents la bouteille d’eau à proximité… j’avais repéré un petit coin très ombragé genre chapelle à ciel ouvert où je me sentais tellement si bien que je voulais vivre ce moment intensément avec un sourire permanent large d’un kilomètre… mon plaisir était parfois gâché par un bruit de voiture proche et insolite en cet endroit mais je ne me posai pas trop de questions bien que ce bruit tiens !… je poursuivais ces balades de découverte en découvertes dans un périmètre relativement restreint et je découvris un jour une espèce de cabane faite de bric et de broc qui se voulait dissimulée sans trop y parvenir… curieux je m’approchais pour ne rien voir d’autre que poutres mal taillées, rondins, quelques tôles mal ondulées et une bâche ce qui aiguisa ma curiosité… et ce bruit de voiture en forêt qui se rapprochait…

Je n’insistai pas sauf que le lendemain curieux j’y revins dégageant quelques morceaux de bois pour apercevoir ce qui me sembla être des caisses… des caisses qu’est-ce ? me dis-je… en approchant mes yeux de plus près j’entrevis des inscriptions en quoi en cyrillique putain de merde des armes ? et une flamme dessinée sur les caisses… des explosifs !... il y avait bien quelques cinglés dans le coin qui arboraient des uniformes genre camouflage, qui pavanaient en jeep et jouaient comme des cons à la guéguerre mais des caisses d’armes de provenance d’où… des Balkans ?... et cette voiture noire une 403 qui rôdait... on l’avait vu une fois dans le chemin d’accès privé à la maison… tiens tiens !...

 au retour j’en parlai à la gent masculine aussi surprise et indignée que moi… des caisses d’armes, des explosifs… c’est pas vrai… tu es sûr ?... on va pas rester comme ça les bras croisés, non ? que peut-on faire ???

 

lu dans le journal daté du 15 juillet dans le rubrique faits divers :

 

On nous a signalé un feu d’artifice dans la forêt non loin du lieu-dit Belavit le soir du 14 juillet… les habitants des fermes environnantes furent surpris par des explosions en chaîne qu’ils mirent sur le compte de fêtards éméchés bien connus dans la région…  les pompiers durent intervenir mais aucun grand feu, aucun dommage ne furent signalés… une enquête est en cours par la brigade de gendarmerie ainsi que certains services de  l’armée car on a retrouvé des débris d’armes plus ou moins lourdes…

 

Au cours de ces enquêtes on ne sut et ne put rien dire à Belavit mais on pensait quand même qu’on n’avait pas été pas loin de la destruction d’armes massives hein ?… ah ! si dit-on à la maréchaussée enquêtrice, seulement la présence occasionnelle de la voiture noire la fameuse 403… qu’on retrouva quelques jours plus tard entièrement calcinée sur le bord d’une petite route non loin de là… ouf !.

 

©  Jacques Chesnel  (Jours heureux à Belavit)

26/01/2009

VOYAGE(S)

On dit qu’il faut savoir poser ses valises j’ai longtemps essayé jamais pu y arriver et voilà qu’avec l’âge je m’affole même pour une petite course. C’est pas la peine d’être allé partout ou presque sur la planète et avoir les jambes qui flageolent en prévoyance d’aller chercher le pain à côté on dirait que c’est comme pour une expédition et ça ne s ‘arrange pas avec l’amour de ma vie qui me tanne avec le cache-nez ou le parapluie hé oh je ne vais pas en Sibérie et la mousson est passée. A chaque fois que je prends l’ascenseur je me dis que cette fois la panne en plein milieu je ne vais pas y échapper  ah la porte s’ouvre je me suis encore trompé je suis au deuxième sous-sol avec la fumée d’un vieux diesel dans les narines, sacrées bagnoles. Bon ça continue le boulanger est fermé pour cause de mariage le prochain est où commence une sorte de trouille suivie d’un bref spasme intestinal quelle expédition pour une baguette un vélo qui roule sur le trottoir ohé vous ça va pas ta gueule vieux con je me retourne c’est pour moi je n’ai pas pris mon portable elle doit être encore chez la voisine du septième ciel et son chihuahua teigneux on m’appelle houhou la voilà à la fenêtre me faisant des grands signes fais-bien-at-ten-tion oui oui ça va je me débrouille un léger vertige frissons il fait de plus en plus chaud cela devient étouffant j’ai comme l’impression que et un nouveau paysage nous sommes en route pour Tabato petit village de Guinée-Bissau dans une vieille 404 avec notre chauffeur Ali qui cherche désespérément à éviter les fondrières de la route depuis Bissau en passant par Bafata un  jour de grand marché on avait remarqué un cochon braillard sur la galerie d’un vieux bus plein à craquer ce qu’on avait ri et les jeunes qui m’appelaient papa et l’amour de ma vie de plus en plus belle sous ce soleil de plomb nous allions retrouver les musiciens français de jazz qui avaient joué la veille une rencontre avait été organisée avec les hommes du village qui construisent dit-on les meilleurs balafons de tout l’ouest de l’Afrique il est six heures le village est désert aucun bruit hormis pépiements d’oiseaux et bêlement de chèvre quelques minutes un léger coup de klaxon un vieil homme apparaît dans une longue robe violette la tête coiffée d’une calotte le chef de village discussion des artistes français venus rencontrer des artistes guinéens il avait été prévenu mais ne se rappelait pas du jour exact il frappe dans ses mains et tout le monde sort des cases hommes femmes enfants explications fin exceptionnelle du ramadan allez mettre vos habits de fête et sortez les instruments pour honorer nos visiteurs

 

 

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je halète un peu je suis trempé de sueur j’ai dû me tromper de chemin pour cette foutue boulangerie quel con suis-je il faudrait les hommes apportent deux balafons et des instruments de percussion les femmes arrivent une à une avec les robes multicolores les enfants nous entourent sourient et font des grimaces aux appareils photo et au caméscope l’amour de ma vie n’en croit pas ses yeux moi non plus un concert improvisé commence les femmes chantent et se mettent à danser à tournoyer  un adolescent noir casquette et jean troué me demande ça va monsieur dites ça va oui mais où est la rue à tournoyer et nous battons des mains et tapons des pieds la tête d’un enfant surgit entre les balafons les rythmes changent l’amour de ma vie me regarde de son si beau sourire les femmes me regardent elle regarde les hommes les petits qui se trémoussent aussi le temps est comme suspendu dans le soleil déclinant entre les arbres et les cases nous sommes heureux dans cet autre monde nouveau pour nous on les remercie on s’étreint un tout petit gamin vient vers l’amour de ma vie et lui tend les bras elle a des larmes de bonheur plein les yeux je crois que je suis dans la bonne rue maintenant tout près de cette foutue boulangerie dans l’auto nous rions en nous tenant par la main comme depuis toujours  Ali pouvez-vous arrêter nous voulons boire tenez Ali merci je ne bois pas c’est le ramadan il faut que j’attende encore oh Ali excusez-nous ya pas de mal et j’aperçois l’enseigne baguépi rétrodor machin là tout près bonsoir je voudrais une baguette tradition bien cuite désolé monsieur il ne nous reste plus de pain  avec ces vacances et notre collègue qui est fermé pour le soir à l’hôtel dans notre chambre climatisée qui ronronne nous regardons le film de cette journée et alors l’ascenseur la voisine du septième son chihuahua la rue la boulangerie le pain et le reste qu’est-ce qu’on s’en fout mais alors là totalement.

 

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©  Jacques Chesnel  (l’amour de ma vie) 

24/11/2008

CHAMPIGNON

Aujourd’hui

j’ai balayé la cuisine avec des mouvements lents précis j’ai repoussé la poussière les miettes du repas sur les marches vers le jardin puis sur le sol l’or a de nouveau monté sur le marché international le napoléon a atteint sa cocotte maximum le dollar se déprécie encore un peu plus et même on dit que l’euro va

notre couple de merles fait in cessant aller/retour au nid derrière les roseaux de la lapalissade pour alimenter les petits affamés

le jardinier a bien ratissé les allées et déjà les merles refont le voyage avec parfois des cris stridents lorsqu’ils m’aperçoivent de leur œil rond il va falloir remettre de l’eau dans le vase celui que Simone nous a offert le lilas aspire toute l’eau et le champignon pousse sur ou dans ma tête sur ou pas dans ma peau sous mes cheveux que

le dollar plonge et même on dit et une ministre de plus inaugure avec un discours insipide de plus et le petit chef se prend toujours de plus pour le roi des

sous mes cheveux dans lesquels le vent ramènera peut-être la poussière et les miettes avec au loin le bruit de la ville et de près la radio qui débite le discours de plus et les autos pleines de gens qui ne plus jamais attention aux merles qui refont le voyage de plus entre celui qui se prend pour le roi et…

aujourd’hui

je me suis lavé soigneusement peut-être plus que d’habitude sans savoir pourquoi les parties de mon corps que j’aime laver de tout soupçon pendant que dans le poste on annonce une grande manif’ de plus faudra penser à regarder le compte-vomi à la télé entre feuilletés et variétons

le carillon deux tons la porte s’ouvre raclant le carrelage deux tons de plus avez-vous les oignons de dahlia de vot’ dame parce qu’il est encore temps quelle pluie dites-moi mais au moins comme ça la pelouse est bien verte au prix qu’est l’eau privatisée tout augmente malgré la ministre de plus je vais la tondre parce que je suis de noce samedi une nièce de plus dix-neuf ans c’est bien trop jeune enfin je suis témoin peut-être un divorce de plus ah ! à partir du premier juin  ce sera dix euros de l’heure c’est le même prix partout dites donc quel temps

aujourd’hui

je ne sais pas pourquoi à moins que de plus le dollar et le jardinier je ne peux m’empêcher de penser à Pavese et à Scott au métier de vivre et de mourir à la tendresse de la nuit qui rend le jour plus cruel à l’imbécile qui se prend pour le roi et que l’eau a encore baissé d’un centimètre de plus dans le vase de Simone avec Mingus dans le lecteur de CD son gros outil entre les doigts et dans le jardin le merle avec quatre morceaux de ver de plus dans son bec si jaune ce qu’il est noir encore plus avec son bec encore plus jaune les petits sont donc quatre dans le nid derrière la lapalissade peut-être est-ce lui qui me répond quand je lui siffle les premières notes de round about midnight ?

aujourd’hui

le jour est plus cruel pour qui comme moi le vit entièrement

l’or et les merles la ministre et l’eau dans le vase le bruit des voitures au loin l’imbécile qui une ambulance maintenant tout le monde me paie dix euros de l’heure la contrebasse du grand Charles le vent qui se lève et ramène le bruit sourd et continu venant de la ville le champignon dans ma tête sous les cheveux un champignon qui pousse comme un champignon et le dernier Muñoz Molina dans la vitrine du libraire penser à l’acheter la musique qui s’est tue maintenant Mingus ne joue plus mais la musique continue pour lui pour moi malgré le silence qui s’installe dans le bruit sourd et continu et l’ambulance et l’imbé qui

aujourd’hui

c’est le moment que choisit l’amour de ma vie pour m’annoncer qu’il n’y avait pas de fromage pour ce soir si tu en veux il n’est pas trop tard faudra penser aussi aux vêtements d’été pour les enfants à la révision annuelle de la voiture et à la grève de mardi contre la vie chère l’inflation et la ministre sinistre c’est important tu viendras promis ? tu as vu les merles le lilas est en avance la voisine m’en a réclamé et ton champignon qu’il faut que je soigne ce soir avec une nouvelle crème homéopathique qui devrait te réussir

ton champignon

mon champignon

qui

aujourd’hui

brutalement sans prévenir

comme un champignon

explosa dans ma tête

comme ça

BOUOUOUOUMMM !!!

 

©  Jacques Chesnel  (l’amour de ma vie)

17/11/2008

CONVERSATION 2

 - bonjour

- …

- pas de réponse c’est pas grave

- on n’a pas entendu

- alors je répète bonjour

- vous l’avez déjà dit

- oui mais vous m’avez pas répondu

- oh vous savez depuis le temps qu’on attend

- Madame Arondel

- Darondel avec deux D c’est moi docteur c’est à moi enfin

- oui mais moi j’étais là avant vous

- j’ai rendez-vous à quinze heures

- bon il est dix-sept et c’est à moi

- j’attends depuis deux heures alors

- Eliane donnez-moi le carnet de rendez-vous

- vous avez pris du retard docteur c’est bien à Madame Arondel

- Darondel

- c’est le docteur qui commande quand même

- voui mais on sait ce qu’on sait

- quèque vous voulez dire par là

- rien par là mais par ailleurs on

- vous voulez dire les combines ou passe-droit ou bien

- je me comprends

- nous aussi n’empêche

- j’ai un car pour rentrer c’est assez loin

- mon mari vient me chercher il aime pas poireauter

- vous êtes venue pour quoi moi c’est mes jambes

- vous avez de la chance moi c’est les glandes

- j’ai tout fait même les espécialistes rien n’y fait

- pareil alors j’essaie tout le monde

- y paraît que ce docteur fait des miracles

- je ne suis plus croyante mais

- moi je suis aux témoins

- ben ça alors c’est de l’embrouille à midi

- c’est une secte qu’y disent sur RTL

- Madame Rolanda

- voilà voilà enfin

- on dit ça une sec peut-être mais au moins on chante

- vous vous tenez par la main non ?

- pas obligé on chante beaucoup

- il est quelle heure ? mon mari qu’attend

- et moi mon car c’est dans

- ya encore une personne avant vous

- au train où y va

- ah pour ça il auscute bien

- et il donne pas des tonnes de médicaments lui

- tenez j’en connais un l’ordonnance est recto verso

- des fois ya comme des guérisons à la sec

 

- et ça a rien fait à vous

- ils disent que je suis pas assez croyante

- faut vous concentrer plus

- je m’efforce ya un monsieur qu’a été guéri d’un sauna

- par la position des mains qu’ils disent

- il aurait pas eu la varicelle des fois

- nan mais des varices oui tout plein

- ces nouvelles maladie tenez mon gendre il

- et à un autiste qu’a une otite qu’est-ce qu’ils font

- ça dépend de sa croyance

- et les nouveaux médicaments dans les pharmaceries

- ah les médicaments génétiques

- génétiques génériques c’est du pareil au même

- il paraît que c’est de la poudre de perles à Pinpin

- moi je reste fidèle aux classiques

- comme moi tenez pour la

- Monsieur Taurin

- ça a pas été long cette fois

- tant mieux pour mon car

- dites ce qu’il est maigre ce vieux bonhomme

- peut-être qu’il mange pas à sa faim

- vu avez vu tous ces zobèses maintenant

- ils veulent pas faire le régime

- faut manger que de la viande blanche

- moi je pourrais pas j’aime que le biftec

- et arrêter les frites avec

- passez-moi la revue là siouplait à côté du bigarreau

- c’est le figaro madame

- mon mari dit bigarreau parce qu’ils nous prennent pour des cerises

- le mien à part paris-turf pour les courtines

- vous avez vu les grèves

- personne veut plus rien foutre

- c’est pour ça qu’ils mettent le service minimum

- y en a que pour le pouvoir des chats

- normal c’est eux qui commandent

- vous croyez le mien il

- qu’est-ce que c’est long non

- ça doit être sérieux avec sa mine de papier mâché

- j’voudrais pas louper mon car car

- et le mien qui moisit y va faire la gueule toute la soirée

- j’vais aller voir la secrétaire

- elle y peut rien il est toujours en retard

- on est plus que toute les deux vous avez l’heure

- des fois il s’absente pour une urgence alors là

- parlez pas de malheur y repasse par la salle d’attente

- il va pas nous faire ça quand même

- manquerait plus qu’ça

- peut-être qu’il lui fait passer une radio

- on peut vivre jusqu’à cent-vingt ans maintenant

- le p’tit vieux lui j’sais pas si

- il y en a d’increvables

- ma grand’mère on s’demandait si

- Madame Morano

- c’est moi au revoir

- tâchez pas d’être trop longue

Le vieux monsieur sort en souriant.

 

©  Jacques Chesnel  (Conversations)

27/10/2008

CASA ALCALDE

(À quelques inconnus de là-bas)

 

La toute première fois où je découvris l’Espagne, ce fut sous la dictature du Caudillo, l’innommable Franco, en 1953. Le train s’arrêtait à Hendaye, sévère vérification d’identité par les sbires de la Guardia Civil d’alors, puis changement de convoi à la frontière jusqu’à ma première destination, San Sebastian. Découverte de cette ville superbe, de sa baie la célèbre Concha avec la petite île en forme de tortue au milieu, le Monte Igueldo sur la gauche. Après un tour de plage où je remarquai une jeune fille se faire traiter de pute  par les soldats puis se faire embarquer tout ça parce qu’elle portait un bikini, je commençai une virée dans les bars de la vieille ville, un chiquito dans l’un la même chose dans l’autre una pesata le petit verre à fond plat et très vite je trouvai mon port d’attache dans un bar de la calle trenta y uno de agosto, la Casa Alcalde. Une fois franchie la porte d’entrée un énorme brouhaha enfumé une foule compacte assourdissante le long d’un long bar au-dessus duquel pendaient des outres en peaux de chèvre enduites de poix à l’intérieur (pellejo) contenant ce vin corriente si épais et fort. Que des hommes, peu de jeunes, langue parlée fort le castillan ou très bas le basque car interdit, la gentillesse de l’accueil au francès de donde ah de Normandia en el Norte hombre, l’impossibilité de payer son verre le premier comme les suivants coño et ce chorizo comme on n’en fait plus maintenant et les guindillas piments verts qui vous embrasent le gosier feu qu’on éteint avec un chiquito uno mas por favor. Au bout de trois jours le Santiago de Normandia avait plein de potes hola que tal amigo on ne savait pas trop quoi se dire moi dans mon castillan approximatif mais avec l’accent qui me faisait comprendre donc pas de politique surtout car il y avait des mouchards pas de femmes ni de curés alors on parlait de cinéma de Cantinflas comique mexicain autorisé par la censure ou de la beauté et des charmes aussi de la débutante Sara Montiel et surtout des toros ah ! les Miura les autres ganaderias celle de Victorino Martin des toreros de Manolete le plus grand de la rivalité avec Belmonte de Pamplona et les fêtes de la San Fermin et les encierros après le deuxième cohete Hemingway et Antonio Ordoñez les frères Gijon Dominguin et Chamaco les cris de la foule en délire quand il faisait el telefono au cours de sa faena toutes ces histoires entre mecs…

J’y suis retourné plusieurs fois avec l’amour de ma vie et le passage à la Casa Alcalde était obligé j’y ai retrouvé quelques anciennes connaissances alors on ne se quittait plus et on pouvait enfin parler toute la nuit car le Franco tant haï n’était plus là mais le nationalisme basque commençait à faire parler de lui. Une année au printemps 1981 je crois peu importe j’étais venu seul pour un congrès de trois jours sur l’architecture et il m’arriva une aventure singulière. Alors qu’on m’avait averti de la présence de plus en plus nombreuse de pickpockets dans le vieux quartier attirés par les touristes eux aussi de plus en plus nombreux, je garai ma voiture non loin et décidai de laisser mes papiers et mon argent dans le coffre de ma voiture mais étourdi par le voyage d’une traite et impatient de peut-être retrouver des connaissances, je rangeai portefeuille passeport et porte-monnaie avec les clés de la voiture et… fausse manœuvre… c’est au retour de la Casa Alcalde que je compris que je ne pouvais pas ouvrir ni les portières ni le coffre putain !!! rien sur moi tout dépensé tout les précieux documents à l’intérieur. Attroupement devant mon automobile discussion interrogations les gardes civils armés s’approchent je leur explique clés dans coffre pas pouvoir ouvrir vous papiers moi papiers dans coffre méfiance défiance les premiers attentats on eut lieu récemment on part téléphoner une voiture arrive enfin avec quatre renforts armés jusqu’aux dents tous autour de l’auto et dégagement du groupe écartez-vous ho vous allez pas exploser ma bagnole calla te hombre discussion menaces et je me retrouve encadré fusils pointant pendant examen approfondi de l’extérieur du véhicule qu’on va embarquer où quand un gros bonhomme fait une suggestion là sur le côté de la grande vitre un petit déflecteur pourquoi pas essayer conciliabule oui c’est cela faire sauter délicatement le déflecteur et le chef me demande mon identité si c’est pas bon au poste immédiatement et la suite hum… quelques minutes plus tard opération réussie tout rentre dans l’ordre si on peut dire car ma voiture était mal garée je devais payer une amende avec un immense soulagement et on retourna tous sauf la flicaille fêter ça à la Casa Alcalde tassés comme des sardines dans le même brouhaha haha…

La dernière fois que nous y sommes allés douze ans après ce fut pour nous comme une désolation, la façade avait été refaite, pas en mieux, à l’intérieur les outres avaient disparues remplacées par d’affreux tonneaux, le chorizo n’avait plus de goût de même les guidillas tout cela à cause des règlements de Bruxelles disait gravement le nouveau jeune propriétaire, du rock à l’espagnol au lieu du flamenco ou des chants basques des sandwiches au lieu des tapas des pâtisseries trop sucrées le vin devenu de la bibine sans compter l’omniprésence du coca-cola ou du fanta…

Nous ne sommes pas revenus à San Sebastian ni à la Casa Alcalde… sauf certains soirs en Normandia là-bas en el Norte de Francia avec l’amour de ma vie et le souvenir des outres en peaux de chèvre qui pendent des guindillas des tapas et des chiquitos trinqués avec des inconnus qui parlent fort coño et qui ne veulent pas que je paie hombre…

 

©  Jacques Chesnel  (l’amour de ma vie)

20/10/2008

LE FACTEUR

Tous les jours ou presque le facteur passait toujours ou presque à la même heure midi et demi on entendait le couinement des freins de la voiture jaune défraîchie et alors vite à la boîte au bout du chemin… parfois un recommandé et donc l’occasion de parler un peu et d’ouvrir une bouteille de Tariquet première grives évidemment… grand lecteur de littérature Ferdinand le facteur n’oubliait jamais de lever son verre à la mémoire de René Fallet et Louis Guilloux qu’il avait découvert à la fin de la guerre avec aussi René-Louis Laforgue le chanteur poète et les films de René Clair paix à leurs belles âmes disait-il… un jour de courte tournée il avait confessé un autre de ses penchants avouables, jouer de l’orgue à la messe le dimanche matin avec la bénédiction du curé qui était au courant bien sûr de son athéisme… il se souvenait aussi que pendant sa parisienne jeunesse il allait écouter Olivier Messiaen à l’église de la Trinité le dimanche puis Eddy Louiss au Caméléon avec Ponty et Humair dans les années 60 j’avais sympathisé avec deux amateurs maousse-costauds Mick Tanner et Marcel Québire je me souviens de leurs noms et des discussions… j’étais fasciné je n’entendais pas beaucoup de différence entre eux à part le rythme peut-être et maintenant j’étudie les partitions je travaille sur du Bach que c’est vraiment difficile pour moi car je n’ai pas beaucoup de technique et par contre un peu d’arthrose alors ma femme me dit oh c’est pas de l’art rose hein ? et attention à tes jambes avec le pédalier tu vas devenir de la pédale elle me taquine la Suzanne… ah tiens j’ai pas une bonne nouvelle pour vous monsieur Axel je crois bien que c’est le tiers provisionnel ils ne vous ont pas oublié… vous avez cinq minutes je vais vous faire écouter un vieux Larry Young de derrière les fagots son disque Unity et on reste une heure à s’en mettre plein les oreilles parce qu’on va replacer le 33 tours plusieurs fois de suite… là il y a des drôles d’harmonies un peu espéciales non ? il est connu ? il a joué avec Miles Davis ah ! ça me tue tous ces types et en plus d’improviser ils ne savent souvent pas lire la musique même que moi j’ai vraiment du mal… bon c’est pas le tout hein mais faut que j’y aille finir la distribution à la revoyure…

 

Toute la petite bande d’amis s’était prise d’intérêt pour ce gaillard d’avant qui avait un mot gentil pour tout le monde et dont personne n’aurait osé se moquer pourquoi donc, incollable sur le fameux  Aristide Cavaillé-Coll et son oeuvre, sur le répertoire de J.S.Bach, Haendel, Vivaldi, Couperin, César Franck, Messiaen pour Ascension, La Messe de la Pentecôte, ses organistes favoris surtout Marie-Claire Allain et Michel Chapuis, des grands maîtres, il avait lu la méthode de Jean-Jacques Grunewald, la petite histoire de l’orgue de Nelly Johnson, il évoquait les douleurs musculaires et osseuses des organistes devant un auditoire attentif et intéressé…

 

… et puis l’année dernière plus de Ferdinand oui il a fait valoir ses droits à la retraite il doit vous manquer oh on va l’écouter de temps en temps il est appliqué mais il joue bien au fait vous savez maintenant pour compléter ses revenus et pour son plaisir de génial bricoleur…

…il est redevenu facteur, facteur d’orgue pour entretien et petites réparations dans les églises d’alentour, il se défend bien paraît-il…on attend toujours le couinement des freins vers midi et demi cela nous manque répondîmes nous tous en cœur…

 

©  Jacques Chesnel  (Jours heureux à Belavit)