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19/07/2009

COUTEAUX

Les attirances pour les objets me semblent incompréhensible aussi quand l’amour de ma vie s’est mise à collectionner les couteaux cela devait remonter jusqu’à son adolescence chez les scouts pendant une année elle conservait précieusement le premier religieusement et le second qu’un grand connard brun lui avait offert torturant bêtement ma jalousie il ne s’est rien passé je t’assure il était amoureux moi pas j’aimais les couteaux c’est tout… durant nos nombreux voyages dans tant de pays la chasse au couteau était ouverte d’abord la Suisse pays providence partout les mêmes recherches pour les couteaux fixes ceux de poche à lames multiples ou à cran d’arrêt les éjectables les automatiques les pliants les marques bien sût elle savait tout sur les Laguiole Opinel Pradel Victorinox Papillon les italiens et toute leur panoplie avec attirance pour celui typique de Scarperia les espagnols la navaja la coutellerie d’Albacete ville qu’il a fallu visiter elle savait tout sur les Smith & Wesson des USA et les Okapi sud-africains évitant bien évidemment les couteaux de viande boucher ou chasse pouah bien vite cela tourna à la collectionnite aigüe sans que jamais nous en venions à couteaux tirés bien sûr parfois je moquais un peu réponse automatique et toi avec Bill Evans ce n’est pas du fétichisme dis chéri ? l’amour de ma vie faisait une fixette sur Thiers la capitale française du couteau nous avions toujours le projet d’y aller mais à chaque fois on choisissait plutôt Sienne ou Porto Prague ou Salamanque Marrakech ou Djerba Munich ou Copenhague ou les festivals de jazz dans le midi à chaque fois que nous roulions sur l’autoroute A72 après Clermont-Ferrand elle frémissait en apercevant l’indication Thiers prochaine sortie ses yeux s’assombrissaient une sorte de nuage et faudra quand même un jour hein ? chéri quand on en aura marre de tous ces longs voyages voui amour de ma vie un jour viendra et il ne fallut pas attendre longtemps j’avais du mal à supporter ses soupirs couteliers ses attentes émoussées son espérance émorfilée je me sentais coupable ma décision était prise et moi qui suis incapable de garder un secret je réussis à me contenir jusqu’au jour où…

 

le départ un mardi comme d’habitude moins de monde sur les routes en ce moi de mai en effet personne vitesse de croisière et le fameux panneau premier frémissement de l’amour de ma vie et moi à la flèche Thiers hop clignotant à droite mais mais qu’est-ce que tu fais tu voulais aller à Thiers eh bien on y va oh doucement chérie je conduis chut et nous voilà arrivés dans une ancienne coutellerie le Parc de Geoffroy hôtel trouvé dans le guide Michelin belle demeure dans un espace avec grands arbres cuisine excellente qu’on dégustait en se tenant par la main en attendant les plats avec les verres de Saint Pourçin rosé et la nuit flamboyante le petit déj vite fait en route pour le musée (plus de six siècles de coutellerie) avec photos films historique démonstrations d’ancien couteliers montrant le calvaire des premiers ouvriers en position allongée sur le ventre face à la meule avec leur chien sur le dos en hiver pour se réchauffer plusieurs belles collections (plus de 800 couteaux… que l’amour de ma vie n’avait pas assez d’yeux pour tout regarder) et rebelote le lendemain (la vallée des rouets, sur les traces des rémouleurs) après une autre nuit merveilleusement incandescente au cours de laquelle j’essayais de ne pas voir ces maudits couteaux qui m’envahissaient me submergeaient dans mon délire tous ces couteaux ceux à air à eau à vent (les fameux coupe-vents) à nuages à pluie ou à neige à musique à films à couture à tricoter à fil à couper le beurre les couteautomobiles couteautoroutes couteauberges  couteaubergines couteaugures (de mauvaise) couteautocollants couteautoradios couteautonomes couteautrements couteauréoles couteautopsies couteautochtones couteautorisés couteautorité couteauxilliaire et tant d’autres les volants rampants glissants pétaradants bavants  éructants déconnants vibrionnants tous ceux en forme d’animaux ah celui en forme d’escargot l’autre de tamanoir de fleurs oh celui en forme de pivoine ou d’aubépine et d’arbres comme celui en forme de cèdre du Liban ou de cornouiller tous ceux en…

 

… je fus heureux de savoir à mon réveil et en partant de Thiers que  le petit couteau suisse favori de l’amour de ma vie reposait toujours au fond de son sac… vous savez celui qui ne la quitte jamais.

 

©  Jacques Chesnel  (l’amour de ma vie)

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