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16/12/2009

IMPATIENCE

J'ai commencé très tôt, tout de suite; je me souviens, à peine sorti du ventre de ma mère je voulais déjà tout tout tout sans le savoir vraiment. Je ne vais pas en faire des tartines sur mes premières grandes impatiences de bébé, d'enfant, d'ado, de jeune homme, je n'ai pas tout mémorisé, je n'ai pas envie de faire de tels retours en arrière inutiles ou bien alors si vous le désirez trouvez une camionnette voire un cinq tonnes; donc je ne vous raconte pas les trépignements, piaffements, précipitations, énervements, agitations, crispations qui se sont succédés… jusqu'à la rencontre avec l'amour de ma vie qui a su immédiatement calmer mes pulsions par son calme et sa douceur, sa gentillesse, pour tout dire son amour… oh, il y avait des résurgences, des rappels plus ou moins contrôlés, tenez…

A peine parti en voyage je voulais être déjà arrivé, au cinéma j'attendais fébrilement la fin depuis le début, pareil pour un livre ou un disque, aux repas vite au dessert dès l'entrée, au lit, sauf pour l'amour, à peine couché déjà l'envie d'être debout… je pourrais  aligner des centaines d'exemples mais petit à petit j'ai commencé à me détendre…

Je vais vous narrer ma dernière grande impatience.

Cette année-là, 1990, nous avions décidé d'aller à Prague, puis de visiter les villes d'eau surtout Mariánské Lázné, la Marienbad d'autrefois et film d'Alain Resnais que nous avions aimé. Ce fut un émerveillement constant, à Prague, le Pont Charlles

 

Pont Charles.png

évidemment, le Château et la cathédrale Saint Guy, l'église Saint Nicolas à l'intérieur si baroque (nous logions en face chez l'habitant, une gentille dame dont le mari opposant au régime communiste avait été déporté (nous arrivions à nous comprendre en charabia franco-allemand-anglais-dico), le quartier Mala Strana sur le bord de la Vltava où nous aimions flâner, la place de la vieille ville et le vieil hôtel de ville où nous assitâmes à un mariage (on embrassa les mariés), le cimetière juif, le Kaffee Kafka et le Musée Mozart dans la villa Bertramka, le piano sur lequel il joua et où je pus poser mes doigts pendant que l'amour de ma vie faisait le guet… ah ! vous vous impatientez de connaître ma dernière grande impatience ?...

Marianské Lazné.png

attendez donc la fin notre séjour à Márianské Lázné, la centaine de sources d'eaux ferrugineuses (on pensa à Bourvil, l'alcool, non!), la somptueuse architecture de la colonnade de 1889, les promenades, le retour à l'hôtel 3*** merdique et son restaurant où le maître d'hôtel ressemblait tant à Olivier Stirn notre député qu'on avait du mal à ne pas pouffer… visite ensuite à Karlovy-Vary et Ceské Budéjovice avant dernière soirée au restaurant et dîner aux chandelles ; en rentrant notre logeuse nous apprit que c'était bientôt la libération de l'occupation russe discrète mais là quand même et le lendemain nous partions vers l'Autriche pour le retour… et c'est à la frontière qu'eut lieu cette fameuse dernière impatience :

Il y avait une bonne vingtaine de voitures d'étrangers devant nous et nous voyions la barrière de contrôle se lever et s'abaisser régulièrement après vérifications des papiers quand alors qu'il restait huit voitures la barrière ne s'ouvre plus, on attend cinq puis dix minutes et là je commence à transpirer grave, bordel, que se passe-t-il ? ne t'énerve pas chéri, non mais quand même, juste quand c'est presque à nous boum rideau c'est pas croyable, ils le font exprès non, je klaxonne, devant on lève les bras d'impuissance, je sors de la voiture ainsi que les autres occupants devant nous, quand nous voyons tous les gardes s'en aller un à un derrière le batîment du contrôle et entendons un bruit épouvantable de moteur qui hurle, nous nous approchons et suivons les derniers contrôleurs : tout le monde regardait le dernier char de l'armée russe qu'on tractait dans une remorque pour son départ au milieu des hourras et de bravos… LE DÉPART DU DERNIER CHAR RUSSE… cela valait bien la peine de s'être impatienter ; depuis ce jour, je suis beaucoup plus calme.

 

©  Jacques Chesnel  (L'amour de ma vie)

 

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