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15/12/2009

CINÉODEURS

CINÉODEURS

Bon, l'amour de ma vie et moi aimons le cinéma et on ne s'en prive pas. Dès qu'on peut y allez hop une toile et pas besoin des conseils de machin ou des recommandations de truc des critiques de téléramoche ou des cahiers du cinéma ou d'autres revues depuis le temps qu'on y va au cinoche ça fait bien une bonne quarantaine d'années avec l'amour de ma vie quand nous fréquentions le ciné-club un peu blabla et baba aussi mais reconnaissons-le c'est quand même là qu'on a découvert Eisenstein Bergman Visconti de Sica Rossellini  Orson Welles le plus grand et Buñuel et Renoir et Truffaut et Resnais et Malle alors que le trio Godard-Chabrol-Pialat nous passait très loin au-dessus de la tête sans qu'on sut vraiment trop pourquoi ah si A bout de souffle et Pierrot le fou super après bof Chabrol plouf pas une toile pour sauver l'autre et alors ces discussions on découpait la pellicule en quatre tout y passait l'histoire la technique les acteurs parfois ça frisait l'engueulade la mauvaise foi l'admiration ou le rejet inconditionnels nous les premiers je me souviens avoir défendu un film que je n'aimais pas rien que pour rallumer la discussion il y avait un grand mec qu'avait toujours la pipe au bec éteinte et voyait tout politique un autre qui flippait sur les starlettes le côté glamour et disait que le cinéma c'était pour assouvir des fantasmes surtout les siens il draguait même les spectatrices enfin les plus jolies sans aucun succès alors qu'un autre affirmait que Visconti faisait des films pour antiquaire et traitait Bergman de pasteur intégriste Renoir de gros cochon un dernier qui voyait des plan-séquences partout même quand il n'y en avait pas ça a duré un certain temps puis après on a fréquenté les salles art et essai avec les nouvelles sorties des plus grands cinéastes révélés par le festival de Cannes un peu trop tapis rouge et montée des marches cérémonie pompeuse et pompière on a bien rigolé quand Machine s'est pris les pinceaux dans le tapis ahahah et en 68 ahahah avec l'amour de ma vie ce fut la découverte des cinémas d'URSS et des pays de l'Est avec une préférence pour Milos Forman et ses films tchèques Les amours d'une blonde et Au feu, les pompiers, de l'Inde de Corée de l'Afrique le cinéma indépendant les festivals où on ne pouvait pas aller nos goûts étaient identiques sans concertation jamais une discussion n'a dégénéré il y avait parfois des détails sujets à ergotage de vaines chicanes sur untel ou unetelle...

On ne se souvient pas exactement quand cela est arrivé.

Quoi ?; les odeurs. Peut-être après voir lu je ne me souviens plus où un article intitulé Les odeurs peuvent-elles modifier nos comportements ? écrit par un aromaticien et un spécialiste en analyses sensorielles. Et c'est dans une salle de cinéma puis une autre que les muqueuses olfactives de l'amour de ma vie et les miennes se sentirent agressées par notre voisinage immédiat. Les senteurs d'haleine et de rot du gamin d'à côté, les effluves provenant des aisselles de la dame du fauteuil d'en face, les émanations des pieds de celui de derrière, le fumet d'un péteur récidiviste proche, les exhalaisons de mauvaise digestion d'un quidam, les remugles d'entrejambe d'un pantalon ou d'une culotte mal lavés non identifiés, bref je passe sur les différentes fragrances que nous ne pouvions plus supporter ; nous avons essayé toutes les salles, tous les programmes, toutes les heures, rien n'y faisait alors nous nous sommes résignés au home cinéma, le cinoche à la maison avec nos DVD et l'écran raplapla ; s'il nous arrivait d'être parfois incommodé, ce serait au moins avec nos propres odeurs, les nôtres à nous.


©  Jacques Chesnel  (l'amour de ma vie)


 

14:54 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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