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22/05/2016

LA MÉPRISE

 

Claude et moi sommes inséparables depuis longtemps, je crois bien que cela remonte au début de notre adolescence plutôt tapageuse, au lycée on nous appelait Castor et Pollux ou Cul et Chemise selon les affinités avec les autres élèves, on en riait. Cela avait commencé par les jeux, échecs et mots croisés, le sport avec le tennis de table et le basket, disciplines où nous nous défendions bien, un peu au-dessus de la moyenne. Puis ce fut les filles, les flirts, les confidences, les secrets, plus tard les partages consentis, aucun nuage à l’horizon de notre amitié. A tel point que nous nous sommes mariés le même jour, lui avec une ancienne fiancée, idem pour moi. Nous nous fréquentions plus ou moins régulièrement, soirées et vacances. Lors d’un voyage de nos deux épouses, seuls tous les deux, il me confia qu’au bout de quatre ans de vie commune, il avait quelquefois des aventures alors que moi j’étais toujours fidèle car profondément et désespérément amoureux, ce qui l’amusait. Nous nous recevions une fois par semaine sans compter des réceptions avec d’autres couples, ce qui arrivait de plus en plus souvent au grand dam de Patricia, mon épouse devenue un peu casanière. Lors d’une confidence, Claude m’assura que les jeunes filles se jetaient littéralement à ses pieds, qu’il ne pouvait résister et avait été obligé d’organiser ses sorties avec un planning clandestin ; il avait le démon de midi moins le quart car tout juste trentenaire et toujours aussi beau garçon genre latin lover Marcello ou blond cuivré Redford type surfeur californien, cela changeant suivant les saisons, vous voyez, résultat impressionnant ; et comme, il était trrrès intelligent, beau parleur, blagueur, alors là ! le succès assuré à tous les coups pour tous les coups.

  • Chérie, nous sommes invités chez les Margerien demain soir
  • Chic, il y aura Claude
  • Heu, oui sûrement, tu sais qu’il adore ce genre de soirée pour faire des rencontres
  • Oh, tu peux parler, c’est là qu’on s’est connus
  • Et qu’il y trouve du gibier à sa guise
  • Je t’interdis de parler comme ça, Claude est un type bien, un peu coureur certes mais très gentil
  • Tu ne vas pas me dire que maintenant tu as re…
  • Non rassure-toi, mais n’empêche, il a d’ailleurs très bon goût
  • Surtout dans le cheptel des tendres ados
  • Et dire qu’Eléonore ne s’aperçoit de rien, enfin
  • Bon, tu es prête ?
  • Presque , j’enfile un collant et j’arrive
  • Ah, tu te protèges donc
  • Mais non, idiot chéri, et contre qui, dis le moi ?
  • Attention, ya ta combinaison qui dépasse
  • Qu’il est bête, mon Dieu qu’il est bête         

Il y avait toujours beaucoup de monde et du beau aux fêtes des Margerien. Claude pensait souvent à Gatsby le Magnifique avec tout ce luxe un peu tapageur et ces invités qu’on disait mondains et profiteurs, et même les deux à la fois. Ce soir-là, anniversaire de la maîtresse de maison, on avait mis les petits plats dans les grands et les bouteilles débordaient abondamment des coupes et verres , un quintette de jazz jouait des ballades langoureuses, on entendait des petits cris, de grosses exclamations, parfois des soupirs ou des bulles de conciliabules, les messieurs rentraient leurs ventres éminents et proéminents, les dames bombaient leurs avantages plus ou moins généreusement décolletés, tout était dans l’ordre naturel des choses friquées. Nous embrassons nos intimes, saluons nos connaissances regardons le spectacle des arrivées, cherchons un visage ami, notamment celui de Claude qui…

  • Je me demande bien où il est
  • Dans un coin ou un recoin en train de draguer
  • Tu crois ?... ah ! bonjour chère amie, comment allez-vous ?
  • Penses-tu qu’il sera seul ou avec une conquête
  • Va savoir avec lui
  • Et avec sa femme alors ?
  • Il peut pousser les choses jusque-là, tu le connais bien

 Derrière une grosse dame type baleine échouée dans un fauteuil, un mobile de Calder, quelques serveurs en train de papoter en attendant un convive, quelques bimbos en pleine action de pépiement, une silhouette connue en discussion avec un jeune éphèbe d’une beauté à couper le souffle de Patricia ce qui d’ailleurs arriva quand elle découvrit en même temps que moi que les deux hommes se tenaient délicatement par la taille, qu’un sourire épanoui éclairait leurs visages… et que la silhouette reconnue mais oui était bien celle de notre ami tandis que mon épouse faillit défaillir avant que je la reprenne dans mes bras oups, que t’arrive-t-il ?

-   Va me chercher un verre, s’il te plaît, je ne me sens pas bien

- Ne t’en fais pas, il ne va pas lui rouler une pelle en public

- On ne sait jamais avec lui, tiens le voilà on dirait

 Claude nous avait aperçu avant que l’on s’éclipse et il nous fit un signe chaleureux de la main tout en arrivant vers nous avec sa nouvelle conquête en chaloupant.

  • Je ne veux pas le voir, on s’en va

Je la retins doucement et Claude fut subitement devant nous

  • Ah !, mes amis, que je suis content de vous voir, comment allez-vous, un peu pâlotte Patricia hein ?, laissez-moi vous présenter mon ami Arnaud, Patricia, Jérôme, mes chers amis dont je viens de te parler
  • Enchantés

Il a fallu ensuite se dépatouiller pour trouver une solution et sortir de cette situation, une sorte de malaise installé… quoi ? Claude devenu gay ?, dis-moi que je rêve…nous trouvâmes donc un prétexte qu’on dit toujours futile et dont je n’ai pas souvenance pour nous débiner lâchement en laissant notre Claude abasourdi, dépité, je n’ose écrire la queue entre les jambes...

 Comme il fallait s’y attendre, le lendemain soir Claude nous appela au téléphone, répondeur en fonction oblige.

  • Allo, vous êtes partis bien trop vite, amigos, je n’ai pas pu vous expliquer, je crois qu’il y a une méprise de votre part concernant Arnaud, ce n’est pas du tout ce que vous croyez, c’était juste heu une façon de pouvoir par ce biais de séduction rencontrer sa femme que je guigne depuis un certain temps et que, vous me comprenez, je ne savais pas comment faire autrement, alors oui bon, il m’a en quelque sorte servi d’appât, de go-between, c’était seulement un moyen et je crois enfin j’espère que ça va marcher, voilà, c’est tout, je voulais vous le dire parce que allo, allo, vous êtes là ? allo... et merdeu !

19:03 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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