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24/04/2015

LE CAGIBI ou L’ENFANCE D’UN CHEF

 

C’est aujourd’hui mon anniversaire et Papa vient de me mettre dans le cagibi…

 

Cette fois, c’est du sérieux ; enfin pour lui, moi, j’ai mon opinion et j’ai eu le tort de la donner, de la crier haut et fort, ça m’apprendra, mais de là à me coller dans ce vieux placard à balai qui pue…

 La bande avait vraiment déconné après la dernière réunion dans la cave du gros Xavier, faut foncer les gars, ne pas rester les bras ballants et balourds ou ballots, Jean-François qui ne perdait pas un occasion de le chambrer dit faut quand même y aller mollo, faudrait faire des débats pour ou contre et Nadine toujours à l’affut en remettait une couche comme d’habitude en disant une connerie de plus ces mecs font vraiment chier yaka y aller au karcher pour les garçons et à l’essoreuse pour les filles ben tiens, moi j’attendais les ordres de notre chef dont la cote dans le groupe commençait à baisser grave depuis qu’il tergiversait ou changeait d’avis constamment sous l’influence de plus en plus grande du fameux Patrick (que Nadine appelait buisson ardent allez savoir pourquoi) qu’on pouvait pas beaucoup blairer avec ses prises de position trop extrémistes en copinant sec minute par minute avec Marie et Jean-Marie qu’étaient pas de notre bande à nous, Gérard, l’autre Patrick dit Patou2 et Hervé nous bassinait toujours avec l’occident qu’on comprenait pas pourquoi dans notre banlieue orientale mais bon, François disait qu’on aurait besoin de fric et qu’il s’en chargerait comme fort en calcul ce qui nous posait question, Christine disait qu’on avait tous à notre âge des problèmes de croissance et qu’il fallait grandir avec ou la revoir à la baisse tandis que Jean-Pierre radotait ou plastronnait, que Fifi boudait dans son coin, que Christian faisait les gros yeux en rotant… et on discutait on jactait on palabrait on tergiversait tous les vendredis dans la cave de Xavier avec Roselyne la boulotte qui trouvait le lieu trop exigüe vu sa taille et que ses parents râlaient pasque qu’on foutait le bordel dans les sous-sols et  aussi pasque elle était pas toujours d’accord sur tout avec le reste de la bande. On avait nos têtes de turc, nos binettes de truc disait la Nadine, avec tous les problèmes qu’ils nous causaient à venir chez nous et qu’on se demandait quelles étaient les solutions à trouver. Alors pour lever le voile intégral sur tous les sujets, c’est là que j’ai proposé que, après avoir consulté notre chef bien-aimé, fallait agir manu militari comme pour la branlette et empêcher la bande rivale de bougnouls du coin  de continuer à envahir notre territoire et qu’il fallait nous protéger de leur invasion excessive et illégale au regard de notre code de bonne conduite à nous. Ce fut presque l’unanimité (Michèle s’était excusée, elle était en Tunisie en vacance avec ses parents et Alain jouait à la guéguerre on ne sait où) au vote avec cris de joie et tapes dans le dos voilà qui est bien parlé, tu nous dit tout haut ce que nos copains d’autres quartiers chics ne veulent pas dire ou entendre dire, tu ferais un excellent préfet ou encore mieux un très bon ministre, je n’étais pas peu fier surtout devant Brice que le chef avait écarté d’un revers de main et qui faisait une gueule longue comme le bras disait Nadine avec en prime son sourire carnassier, on allait voir ce qu’on allait voir, on allait pas se faire marcher sur nos couillettes et se faire dicter leurs lois par tous ces étrangers d’à côté, c’est pas parce que on a tous, ou presque, dix ans qu’on n’est pas de futurs vrais hommes comme elle raillaient Nadine et Chantal qui elle voulait les remettre dans leurs canots de sauvetage vite fait sans autre forme de procès. On sortit de la cave en hurlant dans la rue déserte, les trois Eric, le maigrichon, l’aboyeur de service qui perd ses cheveux et l’autre le joufflu patapouf sont en tête, à l’attaque à l’assaut on les aura dehors à la porte  à la mer à la flotte aux chiottes tous les ratons les melons les bicots les négros les crouilles, on scandait tous dehors dehors dehors deh….

… et on tomba sur Papa qui rentrait tout juste de sa réunion intersyndicale à cause des grèves et des manifs…

 

Maman vient de me sortir du cagibi où j’ai trouvé le temps long ; elle me dit en me tirant par les oreilles : « cette fois-ci, j’espère que c’est la dernière, Claude, tu as bien compris ?... faire ça en plus  le jour de tes dix ans avec ta bande de copains minables, ah ! ça c’est malin ».  

 

 Jacques Chesnel

12:37 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Plus tard, une voyante lui prédisit que dans on boulot il serait mis au placard.

Écrit par : Dominique Hasselmann | 25/04/2015

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