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27/06/2015

LE COUP DE LA PANNE

 

 

Il y a encore quelques années, quand les automobiles étaient moins fiables que maintenant, le coup de la panne restait pour les timides comme Jérôme un moyen d’approcher les filles, il en avait fait souvent l’expérience. Le problème, son problème à lui, était qu’il arrivait parfois que la panne du moteur, mécanique ou carburant, entraînait une panne plus délicate : la panne des sens et alors là rideau, consommation impossible, nada. Non seulement il était vexé mais il avait quelquefois reçu une ou deux bonnes gifles, une pour la bagnole de merde, une pour être resté en rade. Pour remédier à une éventuelle défaillance, il avait eu recours à sa roue de secours perso : des aphrodisiaques naturels d’abord, fruits de mer, ail, piment, céleri, coriandre, gingembre, raifort, vanille ou bien des vitamines (arginine, dopamine, maca…) ou des produits achetés dans les sex-shops (genre power capsules) qui lui coûtaient bonbon. La pire situation : les pannes conjointes, impossible de redémarrer la bagnole, pas possible de réveiller le commis qui roupillait sur les pruneaux affalés sur la banquette en skaï. 

Il fallait donc, dans le premier cas, utiliser la manivelle, dans le second reprendre son mâle en patience, l’avoir bien en main, repartir à zéro, recommencer tout le boulot, retrouver son coup de main et le bon chemin et ne pas s’endormir de nouveau sur le rôti, plus facile à dire qu’à faire sauf si, hélas, la conquête avait décidé que la fête était foutue et qu’on ne l’y reprendrait plus jusqu’à la prochaine fois mais avec quelqu’un de plus performant, pauvre Jérôme. Il avait changé plusieurs fois d’automobile en fonction du confort pour pratiquer plus aisément ses galipettes et, en équilibrant son budget suite à sa promotion de nouveau trader efficace, il avait pu s’offrir enfin un 4X4 d’occasion quasiment comme neuf. Il passait ainsi des minettes en peu bêtasses aux donzelles dans le vent excitées comme des puces sur la vue de l’engin, certaines n’hésitant pas à le tanner, ce qu’il considérait comme une manne inespérée. Ça se bousculait au portillon de sa rutilante caisse, mais allez faire le coup de la panne avec une tire mastoc et flambante, les filles qui montaient n’étaient pas dupes, elles voulaient juste savoir quand et comment le Jérôme allait s’y prendre ou se méprendre ; d’abord le choix du lieu, l’heure et le baratin du genre tiens mais qu’est-ce qui se passe j’ai pourtant fait le plein, c’est bien la première fois que cela m’arrive, ah je vois et les filles ne voyaient rien du tout à part la mine déconfite quand elles sortaient en claquant fort la portière vlaaam ou s’étonnaient quand le petit oiseau de monsieur ne voulait pas sortir malgré les manipulations parfois épuisantes, et là c’était pire que la Bérézina, l’humiliation, la honte, la flétrissure , voire l’infamie. Quand ça marchait, il ne se tenait plus de constater sa réussite et le faisait savoir devant la jouvencelle extasiée par ses prouesses sexuelles autant que voiturières.

 Pour corser ces aventures, Jérôme essaya le con-voiturage pas très concluant, puis le stop avec les surprises bonnes et mauvaises qui vont avec, la plus étonnante pour son ingénuité relative fut la difficulté de se débarrasser d’un travelo d’une beauté à vous couper le souffle et à faire monter l’adrénaline ainsi que le reste. Les bonnes fortunes le dispensaient du coup de la panne obligatoire mais un incident mémorable est à venir et à raconter. En allant à un rendez-vous dit galant, Jérôme s’arrêta pour prendre un homme qui faisait des signes désespérés sur le bord de la route ; il vit à son col et à la croix qu’il portait que c’était un prêtre, un abbé, un curé, un chanoine, un évêque, un cardinal, allez savoir maintenant qu’ils ont tous le même costume gris neutre. Les deux occupants devisent aimablement, le régulateur de vitesse indique 4000 tours, vitesse 130 kms à l’heure, la radio en fond sonore, ah ! le deuxième concerto pour piano de Brahms par Nelson Freire, interrompu parfois par les indications du GPS… quand, brutalement le moteur hoqueta et que l’ordinateur de bord annonça un grave problème dans la pompe à essence… et la voiture s’immobilisa : la panne, totale !.

Alors le prêtre, l’abbé ou le curé, le chanoine, l’évêque ou le cardinal allez savoir pose affectueusement sa main sur le genou de Jérôme et dit vous savez mon jeune ami on m’a fait souvent le coup, je vous comprends, je suis gay comme vous, je vous trouve très mignon et je pense que maintenant il serait temps de penser aux choses sérieuses, n’est-ce pas !, dit-il en basculant le siège avec un sourire si prometteur que…. 

Pour Jérôme, ce ne fut pas le coup de la panne… plutôt la panique… puis le coût de la panne.

 

Jacques Chesnel

12:03 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

Pauvre Jérôme! Tu lui fais subir tant d'avanies, je ne comprends pas pourquoi il ne t'a pas planté au bord de la route!

Écrit par : Nicole Giroud | 02/07/2015

La prochaine fois, il roulera en Papamobile afin d'afficher plus clairement la couleur liturgique !

Écrit par : Dominique Hasselmann | 04/07/2015

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