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01/02/2014

RUGBY, MY DEAR

 

 Nous étions tous les trois venus de régions différentes, Alan breton bretonnant, Antoine albigeois de souche et moi Ahmed pur beur de Normandie, pour suivre nos études à l’école supérieure de journalisme à Lille ; après un round d’observation partagée nous étions devenus copains comme cochon suivant l’expression consacrée. Chacun y allait de son pays critiquant ou glorifiant, le plus virulent étant le cathare qui ne chômait pas sur le sport régional, le rugby, un art de vivre se plaisait-il à dire citant Jean Giraudoux, Mac Orlan, Antoine Blondin, Samuel Beckett et évoquant sourire au coin des lèvres les valeurs de ce sport de voyous joué par des gentlemen comme on dit depuis toujours et non l’inverse hein… les hommes de l’ouest que nous sommes en apprirent tellement au cours de nos soirées que nous devînmes incollables sur les règles, les joueurs mythiques, les grandes équipes, le rugby britannique, les relations entre joueurs, les coachs et préparateurs, les troisièmes mi-temps, tout sur ce sport de combat que d’aucuns pratiquent comme une religion cong… Comme à Lille le rugby est une langue étrangère on se rabattait sur la télé on avait trouvé un bistro sympa avec le patron total fan et canal +, hors saison on passait des cassettes vidéo de matches enregistrés ; alors je peux vous dire qu’on en savait un maximum surtout sur les joueurs de ces cinquante dernières années : Serge Blanco, Jean-Pierre Rives dit Casque d’Or, Philippe Sella, Castaignède dit le petit Mozart de l’Ovalie, les Blacks avec Jonah Lomou et le fameux et terrifiant haka, les anglais nos meilleurs ennemis avec Jonny Wilkinson, les irlandais et leur fighting spirit et Ronan O’Gara, chez nous les gars de Toulouse et du Stade Français ou de Biarritz et Clermont, Vincent Clerc et Wesley Fofana et leur pointe de vitesse, les virevoltes de Cédric Heymans, les percées de Poitrenaud, les plaquages de Serge Betsen, les coups de pied à suivre et les drops de Juan Martin Hernandez et d’Elissalde, Jauzion, Skrela, Damien Traille, Emanol Harinordoqui, Dimitri Yachvili, les courses folles de Rougerie, celles de Yoann Huget et Sofiane Guitoune, la furia de Vermeulen l’Elvis du ballon ovale, on pourrait vous citer des pages et des pages, vous raconter les vestiaires et les après matches mais bon… on avait acheté en commun le Dictionnaire amoureux du rugby de Daniel Herrero le poète au bandeau rouge, lu Lacouture, je crois bien qu’on était devenu un peu fou à tel point que nous avions complètement changé les suites à donner après la fin des études, Alan ne voulait plus essayer d’entrer à Libération, ni moi au Monde diplomatique, Antoine voulait plus que jamais écrire pour Midi Olympique, bref nous voulions tous les trois devenir chroniqueurs sportifs spécialisés, c’était bien parti… De mon côté, je les avais initié au jazz, les grands musiciens, mes favoris et deux fois par semaine, je leur faisais écouter mes CD favoris et je les avais convaincu sur Coltrane, Miles Davis, Mingus et Monk que nous vénérions tous les trois.

Alan nous présenta un soir une créature de rêve rencontrée à Carhaix bénévole au festival des Vieilles Charrues et qui travaillait à Lille dans une boutique de mode ; elle s’intégra rapidement au trio ; nous étions naturellement admiratif et jaloux du succès de notre copain ; Manon, ah ! son prénom, s’était découvert une passion pour le chant et suivait des cours du soir au conservatoire, elle commença à nous parler des chanteuses qu’elle aimait, des musiciens qu’elle admirait et pendant ce temps on oubliait le rugby oh pour un temps parce que… Alan nous invita un soir dans une petite boîte de nuit où des amateurs se produisaient et nous vîmes avec stupéfaction notre Manon monter sur scène s’emparer du micro, se tourner vers le pianiste et annoncer sa chanson : du grand compositeur et pianiste Thelonious Monk je vais vous chanter RUGBY, MY DEAR … elle avait adapté de nouvelles paroles sur la géniale mélodie ; on en resta pétrifié, bien sûr, on applaudit à tout rompre avant et surtout après sa prestation plus qu’honorable et lorsqu’elle revînt elle nous confia : depuis le temps que je vous entends parler de rugby, il fallait bien que je vous fasse un petit signe à ma façon…

Bien entendu, cette fameuse composition de Monk était devenue notre hymne, il ne nous a jamais quitté et quand on y repense maintenant tous les trois dans nos métiers respectifs, Antoine au Midi Olympique, Alan éleveur de porcs dans sa Bretagne et moi cadre dans une entreprise de travaux publics (le pont de Normandie, autrement dit le viaduc de Millet, c’est moi !) cela nous émeut toujours, je le sais, ils me l’ont dit ; surtout moi et quand je réécoute Ruby, My Dear pour la millième fois, je n’oublie jamais d’embrasser très fort Manon, devenue mon épouse… pour son si beau cadeau… avec ce G, en trop. 

© Jacques Chesnel  

10:20 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

23/01/2014

L'ARRÊT PUBLIC

  

C'est un pays où on aimait beaucoup aller pour nos vacances... avant le coup d'état il y a tois ans... quand c'était encore un pays libre, une république alors que maintenant... Muriel a dit alors on n'y va plus ?, Jérôme a répondu si, ce ne sont pas ces connards qui vont nous en empêcher quand même... 

Le coup d'état avait surpris tout le monde et lorsque la Maréchale prit le pouvoir après un référendum truqué favorable à l'extrême-droite avec l'appui de l'armée, du parti conservateur et des syndicats, ce fut un vrai coup de tonnerre, d'autant qu'avec son compagnon comme premier ministre (ancien officier de marine) et toute la clique de vieux réacs revanchards, on savait à quoi s'attendre et ça n'a pas tardé, le pays s'était refermé sur lui-même après avoir mis les barbelés aux frontières, rétabli sa vieille monnaie dévaluée, mené une campagne de privatisation des services publics et des grandes entreprises, supprimé les libertés individuelles, installé la torture et restauré la peine de mort ; tel était la situation après ce soit-disant aggiornamento (!) mené de main de fer par cette blondasse haineuse, vindicative et vengeresse. Il y avait eu un peu de résistance, quelques émeutes réprimées dans le sang et tout était redevenu calme et bouclé. Le pays fut immédiatement mis au ban de l'Europe démocratique. Au bout de quelques mois, la situation intérieure s'étant dégradée notamment plus de tourisme, une de ses ressources prinicpales, la Maréchale (autoproclamée) dû se rendre à l'évidence : il fallait lâcher un peu de lest comme l'avait fait à leur époque ses chers modèles Salazar, Franco et Musso. 

Donc, ayant pris leur décision d'y aller malgré tout, Muriel et Jérôme commencèrent leurs démarches pour un séjour de 15 jours et durent surmonter des difficultés et problèmes à l'ambassde et au consulat après enquêtes minutieuses à leurs sujets (paperasses, queues et attentes interminables, interrogatoires...) et obtinrent enfin leurs visas au bout de deux mois. Partis !.A la frontière, rebelote, questions, papiers, fouilles... et nous voilà sur la route des vacances youpiiii... Premier constat, les routes privatisées ne sont pas entretenues, cabines de péage tous les vingts kilomètres sous le regard des soldats surarmés vigilants, peu de stations-service, rationnement de carburant... 

Jérôme, un œil dans le rétroviseur dit à Muriel ne te retourne pas on est suivi sur la route par une grosse voiture noire et sans doute par l'hélicoptère dont on entend le boucan infernal, on a encore plus de deux cents kilomètres putain c'est pas possible avec ces nids de poules...

Quelques pauses pipi sur des aires payantes quasiment désertes, toilettes abandonnées répugnantes... et la fin du cauchemar routier en vue, enfin la destination finale. On ne s'y reconnaissait plus, tout avait changé, peu de monde dans les rues, des magasins fermés rideaux de fer baissés, peu d'éclairage urbain, pas de panneaux de signalisation, le GPS ne fonctionnait plus, toutes les places de stationnement payantes et réservées avec arceaux de sécurité levés, après avoir déambulé pendant une demi-heure, on trouve un endroit pour s'arrêter et le vigile nous fait comprendre d'abord pas signes, puis vous pas stationner ici seulement « arrêt public », quoi ? oui arrêt public gratuit, Muriel rigole, la république, gratos ici ?, le vigile ayant enfin compris ou presque ne rigole pas du tout et devient menaçant, il gueule vous arrrrêter ici mais pas stationne... du vrai Kafka, en pire. Et Muriel de demander benoîtement, heu vous savez où on peut trouver un parking par là parce que... Le geste du gardien fut très explicite... Muriel ajoutant : et très républicain !. 

© Jacques Chesnel

12:05 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

17/01/2014

L’INTRUS

 

Cette année-là le petit nouveau de la bande des joyeux convives de l’été nous bassina pendant des heures interminables avec son auteur favori dont il semblait connaître l’œuvre mieux que l’auteur lui-même sans doute : le grand Will, non pas Shakespeare, l’autre William, Faulkner, le grand Bill… enfin si on peut dire grand quand on mesure un mètre soixante et encore… Le petit nouveau, beau brin de garçon bronzé genre James Dean tendance Chet Baker celui des années 50, souriant-avenant-prévenant avait tout pour plaire aux dames et messieurs pas pour les mêmes raisons quoique… Sitôt débarqué donc, le voilà avec son héros qu’il nous présente sur toutes les coutures et son œuvre par ci et sa vie par là, apparemment grand connaisseur avec forces détails et anecdotes que même les plus amateurs et il y en avait deux ou trois hochèrent et opinèrent du chef et du reste… on n’échappa pas au bruit et à la fureur qui semblait avoir ses préférences surtout pour une dénommée Caddy , aux turpitudes de la pauvre Temple et de son bourreau l’infâme Popeye qu’on en avait les yeux qui sortaient de la tête, les péripéties du voyage d’une morte, la crue d’un fleuve, les colères d’un colonel, des histoires de familles, les Sartoris, Snopes et autres McCaslin, la cousine Rosa, l’avocat Benbow… de paysans, des meurtres, des larrons, des larcins, tout ce qui se passe dans le comté imaginaire de Yoknapatawpha… et de nous conter ma foi fort bien par le menu tout le contenu des livres qu’il disait avoir lu et relu au moins trois fois dans l’ordre dans la collection de la Pléiade quel boulot mais quelle plaisir de la redécouverte affirmait-il tout sourire, tenez dans… c’était parti… 

Nous nous connaissions tous ou presque depuis quelques années et se retrouver chez nos chers amis était un moment délicieux pour un séjour plus ou moins long qui ne l’était pas moins… c’était la première fois que Beaubrin comme nous l’appelâmes venait à ici et sa présence bien que nous ne soyons pas tous des vieillards loin de là apportait un petit coup de jeune qui ne laissait personne insensible surtout du côté des dames…

Alors là on en appris sur le William, ses amours (ah ! Meta Carpenter) et ses cuites, son amour du cheval et du Jack Daniels ou l’inverse, ses rapports avec les Noirs, puis sur Hollywood et son petit monde de producteurs plutôt moches genre derniers nababs, de secrétaires affolantes et incapables sauf de… bon… tout cela raconté de fort belle façon devant un auditoire captivé au début et il nous casse les couilles trois jours après et on s’en fout de son pochtron libidineux et du reste dirent quelques énervés alors que d’autres un peu moins nombreux semblaient toujours aussi fascinés… lui souriait toujours…

 

Dites jeune homme, racontez-nous alors votre approche de l’écrivain, est-ce l’histoire ou sa façon de la raconter qui vous subjugue le plus, et cette complexité de lecture, la démesure, la notion de temporalité, le, la… et (ultime question)  vous devez bien avoir un livre favori, réponse de Beaubrin : bien sûr, L’intrus… et aussitôt d’embrayer sur l’histoire, sur le personnage principal, le Noir Lucas Beauchamp, le lynchage… vous savez le titre original est « Intruder in the dust, L’intrus dans la poussière » ajouta-t-il en grattant ses pieds comme démonstration…

 Au bout du quatrième jour, après son départ aussi inattendu que son arrivée, un invité, un pilier de la bande, un de ceux qu’on retrouvait toujours avec plaisir tous les ans demanda à notre divine hôtesse :

mais dis nous c’est qui ce mec ?... ben je crois que c’est le fils d’une amie de ma meilleure amie, tu sais la blonde ricaneuse et dragueuse, il a débarqué un beau matin au p’tit dèj comme dans Théorème, a dit bonjour simplement, s’est assis à table avec nous, s’est servi un café, on lui a seulement demandé son prénom dont personne ne s’est souvenu, Guillaume je crois, il connaissait parfaitement ceux de chacun d’entre nous, il a ri nous aussi … on ne s’est pas posé de question, il était venu à pied sans bagage sans rien, il a aussitôt commencé à parler de son écrivain de prédilection avec tellement de conviction, de chaleur qu’on en restait bouche bée devant tant de passion… il était si sympa, non ? hein ?...et tant pis si personne ne semblait savoir qui il était d’où il venait…

au fait, tu le connaissais, toi ?...

qui ça ? FAULKNER... ?

 

© Jacques Chesnel

10/01/2014

L'ATTRACTION AVANT

 

On ne sait jamais quand cela arrive, quand cela vous arrive, le plus souvent à l'improviste et alors il faut vite faire fonctionner la boîte à rangements dans le cerveau pour pas que ça vous échappe, mais quand vous vient ces quelques mots comme aujourd'hui : l'attraction avant ? que peut-il se passer, qu'en penser...

Bon il y a bien quelques semaines que je m'étais égaré dans une manifestation concernant des vieilles bagnoles ressorties du garage où des vieux pépés lustrent et peaufinent les carosseries à s'en luxer les abattis, à caresser des formes avantageuses en aérodynamique qu'ils semblent préférer à celles de leurs mémés et font tourner le moteur avec réglages précis et précieux chaque jour un peu plus tous les jours en vue de la prochaine sortie du dimanche, du prochain concours pour frimer du genre regardez c'est moi qui possède la plus belle, la mieux conservée, toujours en état de marche vroum vroum et je vous raconte pas la fierté avec les mirettes en merlan frit et la bouche en cucul de poule pour vous en mettre plein la vue ; donc, nous y voilà une attraction, d'accord mais avant ?. Je me suis fait une de ces prises de tête, une monumentale, j'ai cogité sans arrêt buffet ou presque, je me suis trituré ce qui me reste de méninges après ma méningite à avoir la caboche jouant à la chaudière kalamazoo, à se cogner la tronche contre les murs (aïe) plutôt que l'avoir au carré ou mieux dans les étoiles, pauvre Gégé…

 

…en 1936, Papa qui avait eu de l'avancement à la compagnie des eaux et qui rêvait tous les soirs à la nouvelle Citroën, cette fameuse 7CV, la première traction avant construite en grande série à partir de 1934, s'était débrouillé avec un copain garagiste pour en acheter une d'occasion, une véritable affaire après un décès, au grand dam de Maman, Roger c'est de la folie, on va croire que t'as gagné à la loterie nationale, mais oui ma bonne Marthe j'ai gagné oh pas le gros lot mais assez pour je ne t'avais rien dit pour te faire une surprise et voilà comment mon frère Lucien et moi on paradait dans notre "trésor à roulettes" qui faisait des envieux comme les copains du Front Populaire qui traitaient Papa de richard et de vendu au grand patronat et aux deux cents familles ce qui était faux puisqu'il avait adhéré au Parti Communiste l'année précédente au re-grand dam de Maman qu'est-ce qu'on va dire dans la famille avec Pépé Auguste qui n'aimait pas les bolcheviques et préférait les Panhard… les premiers jours on a fait de courtes balades parce que il y avait des grèves et des fêtes tout le temps partout, des manifestations et des contres avec parfois de la bagarre avec les ligues nationalistes mais nous on suivait les drapeaux rouges  on entendait crier vive Léon Blum comme à la première Fête de la Jeunesse où on avait défilé avec le petit Lucien qui chantait plus fort l'Internationale mais encore plus faux et s'égosillait vive Boum vive Boum … les copains de Papa le charriait toujours en l'appelant l'amerloque mais ils étaient contents quand ils allaient à la pêche dans la traction avant qu'était devenue l'attraction du quartier… bientôt, Papa allait prendre ses premiers congés payés pour aller passer une journée à Trouville puis à la campagne pour aider des cousins à faire les foins, dans la voiture on avait expérimenté les fameux "coups de raquette" à l'arrière quand la route était mauvaise, on avait emmené Mémé Albertine qui avait une des ces frousses parce que c'était la première fois qu'elle montait dans une auto moderne vous roulez trop vite Roger disait-elle en se tenant à la poignée de la portière attention a pas ouvrir Mémé, on ne se moque pas Gégé me dit Maman tu verras plus tard mais je ne serais jamais vieux Maman qui pour l'occasion avait mis une rose dans le petit porte-fleur sur le côté du pare-brise, on était heureux ça allait durer toute la vie… ça a duré jusqu'à la guerre, jusqu'à l'exode quand on est reparti chez les cousins, cette fois on ne chantait plus et on se foutait pas mal des "coups de raquette" à l'arrière de la traction avant, on avait entendu les chevrotements du "sauveur de la patrie" à la radio et Papa avait dit attention méfiance avec ce gars-là il ne nous aime pas à cause du Front Popu… puis avec ses copains il était entré plus tard dans la résistance avec les F.T.P. dans le maquis du Vercors sans pouvoir emmener la voiture faute de carburant ; pendant l'occupation la voiture était restée immobilisée, cachée dans une grange chez les cousins pendant quatre ans enfin presque car on a appris qu'en juin 44, quelques jours après le débarquement, des collabos du coin bien renseignés et armés jusqu'aux dents avaient réquisitionné notre voiture qui, après quelques tentatives laborieuses de démarrage pétaradant, put finalement embarquer ces salopards on ne sait où en espérant qu'ils n'iraient pas très loin…

 

… et aujourd'hui j'entends encore à la libération Lucien dire à Papa en pleurnichant, j'espère qu'ils ne sont pas allés très loin avec les coups de raquette à l'arrière et Papa de répondre oui je le souhaite mais tu sais elle est vraiment increvable cette attraction avant là, hein ? Gégé, me dit-il en ajoutant un clin d'œil…

- la preuve, Papa, j'en ai encore vu plusieurs cette semaine, tous ces pépés en train de tripoter leurs machines vroum vroum... avant que ça fasse teuf teuf et pfttt ptffff...

©  Jacques Chesnel

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04/01/2014

LA CHAMBRE, LA LOGE

  

Quand Martial ouvrit la porte de la chambre après avoir frappé si doucement que je n’avais rien entendu, je tenais la main de Melinda, je la retirai doucement elle la reprit la serra fort en murmurant non. Martial s’avançait gauchement avec son bouquet de fleurs, des arômes dont l’odeur se mélangea rapidement avec celle écoeurante de tout hôpital. Il s’approcha du lit et se pencha vers Melinda disant non dans un souffle, nos regards gênés se croisant, drôle d’ambiance.

Je, dit-il

Non, reprit Melinda, rien ne dis rien et pars vite

Je, dis-je

Non, toi tu restes

Mais

Tu restes, dit-elle, m’étreignant la main qui me fit mal, craquement des doigts, surpris de sa force.

L’odeur devenait vraiment insupportable, je ne veux pas de tes fleurs et sors, vite

Mais

La porte s’ouvre alors, une blouse blanche entre affairée, bonsoir il est l’heure on va prendre sa petite température maintenant, si ces messieurs veulent bien sortir un minute, elle lâcha ma main, Martial haussa les épaules, l’infirmière secoua le thermomètre, un peu de musique maintenant non ?, elle mit la radio sur FIP c’était Paul Desmond…


Quand Paul Desmond ouvrit la porte de la loge, son premier regard fut pour la table, bon c’était la bonne marque de whisky ouf. Le verre était en carton il aurait préféré qu’il soit en verre mais bon.

Derrière lui, une blonde enturbannée façon Beauvoir s’approcha et lui mit la main sur les yeux qui c’est hein Marina nan perdu Melinda petit voyou qui attendais-tu petit voyou mais toi bien sûr. Derrière elle, un balèze gominé du genre gangster années 30 hé Paul j’ai un nouveau contrat pour toi au Vanguard tu piges okay mec bonjour Marina nan moi c’est Melinda spèce de connard Desmond lui pris la main non pas toi, dégage mec dit-elle au gommeux. Il me gonfle, et en plus je peux pas saquer son odeur on dirait celle de l’hôpital ou des arômes

Tu restes, bouge pas

Holà vous deux, dit le gangster, vous jouez à quoi, hein ?

Aïe mes doigts heu tu serres trop fort

La porte s’ouvre c’est à vous Paul dans deux minutes, les gars du MJQ sont prêts


L’infirmière sortie, je suis rentré seul dans la chambre, Martial m’avait dit dans le couloir je n’en peux plus de la voir comme cela tu te rends compte, Melinda me souriait elle avait l’air heureuse elle avait éteint la radio, elle aimait bien Paul Desmond, alors après c'était pas la peine de continuer...

 

© Jacques Chesnel

15:44 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (4)

31/12/2013

AUJOURD'HUI…

 

 

je trouve tout d'un coup que l'éternité perd de plus en plus son temps sur ses axes planétaires comme certaines femmes égarent de moins en moins leur tampax en temps de paix, que les politiques malpolis tiquent sur le climat qui attaque, que les vieilles poules perdent leurs dents tandis que les moutons à cinq pattes panurgent tout autant et que les canards ne se cassent plus sur les leurs, que les guerres intestines sentent de plus en plus mauvais alors que le transit ne peut plus se renifler lui-même, que le pain frais sent le roussi et que le pain rassis prend un coup de mou et n'ose plus se rassoir, que les racines de pissenlit se bouffent entre elles tandis que les morts de rire jubilent, que Vauban ne prend plus de fortifiant mais que ses fortifications prennent l'eau de nulle part, que les digues ne chantent plus de chansons paillardes tandis que les carabins se tirent dessus à la carabine, que les prostituées se syndiquent et que les syndicats se prostituent, que les péripatéticiennes ne savent plus où donner de la tête tandis que les marlous se la prennent à deux mains avec le reste, que les avocats deviennent de moins en moins baveux alors que les magistrats en bavent de plus en plus, que les confitures remontent entre les trous des tartines et que les tartes se détraquent en se détartrant, que le gencives s'en prennent plein les dents à s'en claquer les mandibules, que la mort gagne du terrain vague et que les vagues peinent à mourir sur la grève en arrêt de travail, que le boulot perd ses plumes et que les plumes sont au bord du rouleau, que le bouleau perd ses feuilles tandis que les bonnes feuilles se perdent dans la nuit des temps et que le temps pète de plus en plus sous le vent, que la faim justifie de plus en plus les moyens du bord tandis que les bordures perdent leurs limites sur toute la ligne, que l'alignement reste aléatoire et que l'aléatoire se regarde par le petit bout de la lorgnette laquelle ne lorgne plus vers grand'chose depuis qu'elle a dépassé les bornes, que les bossus bossent de moins en moins et que les culs-de-jattes courent de plus en plus vite, que les princes n'en pincent plus pour les princeps alors que les princesses courent le guilledou avant de se mettre entre guillemets, que mon ficus produit des figues qui ont mauvaise figure et changent tout le temps de focus, que les bourreliers en voie de disparition se bourre la gueule sans bourse délier, que les mâchoires mâchent de moins en moins de mâche cultivée en serre pour desserrer les cordons de la bourse, que la boursicoterie à le mal de mer tandis que ne tanguent pas les traders dont les traditions se perdent, que les traditionalistes se tortillent en vaines contorsions, que les fondamentalistes bidouillent en pleines distorsions, que les papistes perdent leur onction et que la componction les envahit à coup de bulles à en perdre la boule, que les chasseurs fourbissent leurs larmes tandis que les pêcheurs se polissent la gaule, que les pacifistes ne rangent pas leurs armes au pied pour ne pas perdre leur self-contrôle, que les coureurs de fond ne voient jamais la fin du parcours tandis que le petit commerce refait surface sans rien demander à quiconque, que les patineurs piétinent la glace qui refuse de pondre, que la fente des neiges reprend du poli de la bête tandis que l'ours solaire se morfond au couchant, qu'un soit-disant savant assène allègrement cliques et claques sur le climat avant d'en prendre une bonne sur la tronche de son mammouth à la con, que tout part à vau-l'eau aux hormones et que le à-la-va-vite ralentit singulièrement le train-train, que les nains ont pris le pouvoir avant de se faire lancer et tancer par des inconséquents dont les conséquences sont invariables tandis que leurs valeurs varient inconsciemment dans la cognition collective, que les chefs de les tas perdent à ce point le sens unique de l'état qu'on n'y retrouve plus ses petits même les plus grands, que les braillards deviennent muets comme des carpettes, que le monde à l'envers continue de tourner dans le sens interdit des montres sans aiguilles tandis que le monde à l'endroit a perdu ses repères car privé d'aiguilleurs partis au septième ciel, que les prophètes font leur cinéma oscarcisé tandis que les profiteurs ont pognon sur rue dans les brancards, que le professeur Nimbus s'ecstasy devant l'ombilic des nimbes, que le nombril des lombrics exécute lascivement une danse du ventre tandis que le fond du ver est toujours solidaire, que la nuit des généreux n'est plus originale et tarde à voir le jour, que les disques durs ne tournent plus aussi facilement en rond, que j'ai bien comme l'impression de sentir une odeur de brûlé venant de la cuisine alors qu'il n'y a rien sur le feu et qu'il doit donc être temps que j'arrête mes sonneries parce qu'il est bientôt midi et que je commence à avoir une sacrée petite fin... d'année.

 

© Jacques Chesnel  

21/12/2013

L'ÉTREINTE DE BANLIEUE

 

(à Jacques Barozzi qui comprendra pourquoi)

 

Avec la crise, à cause de la crise, Alain avait décidé comme beaucoup d'autres, de réduire sa consommation de carburant trop cher, sensible également qu'il était aux problèmes de pollution et d'environnement depuis qu'il avait été séduit par les écolos, surtout ceux avec Dany le rouquin qu'il avait connu en mai 68 à Paris lors des manifs en balançant des pavés ; donc pour aller au boulot, prendre le train, pas marrant surtout quand on avait pris l'habitude de la bagnole même pour aller chercher son pain à la supérette à côté ; mais bon, cela changeait du train-train habituel, le matin il fallait se manier le train et au train où vont les choses ce n'était pas toujours à fond de train, il avait toujours eu du mal à se mettre en train, il n'y avait que le caoua qui le secouait un peu, en somme pour se botter soi-même le train ; maintenant il fallait réduire un peu le train de vie et éviter de prendre celui de nuit parce qu'on disait que sur cette ligne là aussi…

Depuis le départ fracassant de Claudia qui lui reprochait souvent de ne pas être un boute-en-train et d'avoir engagé un détective pour lui filer le train vu ses infidélités, Alain ne pouvait plus se permettre de mener grand train avec un gros salaire en moins et cela l'obligeait souvent à prendre le train en marche… 

Comme par ce beau matin du mois de mai quarante après les événements, putain comme le temps passe trop vite, se dit-il en montant dans le wagon de ce train dit de banlieue, celui de tête comme d'habitude. A l'arrêt suivant, il remarqua le peu de monde sur le quai contrairement aux autres jours tiens ?, une seule personne entra dans le wagon : Veronika Lake, reconnaissable à sa silhouette longiligne et surtout cette chevelure blonde cachant son œil droit. Oui, vous avez bien lu, vous ne rêvez pas, LA Veronika Lake, la vedette de La clé de verre, Tueur à gages, Le dahlia bleu, la star de tous ces films avec Alan Ladd comme partenaire. Elle regarde longuement et attentivement Alain alors que le train redémarre, elle s'approche de lui et dit lentement en français avec une pointe d'accent yankee : bonjour Alan, cela fait bien longtemps, que devenez-vous ? faites-vous toujours du cinéma, moi j'ai arrêté depuis si longtemps, on s'est bien amusés, non ? le cinéma a tellement changé mais vous, vous êtes resté le même, le même Alan qu'autrefois, mon cher acolyte des bons et moins bons moments, rappelez-vous nos visages affichés sur les murs de Broadway en 1942 : VERONIKA LAKE and ALAN LADD in THE GLASS KEY, a great movie by STUART HEISLER, les colères de la script-girl, les plaisanteries vaseuses des techniciens et les cuites de Dashiel Hammett…

Alain, qui se souvenait bien de ces films inoubliables, eut comme un léger vertige et fut obligé de s'asseoir, accompagné de Veronika qui lui prit doucement la main ; il pensait la retirer avec précaution mais en la gardant il voulait s'assurer que heu cette Veronika n'était pas un fantôme, un ectoplasme, une chimère, une illusion, la main qui serrait la sienne était une vraie main, son parfum lui rappelait le Dior de Claudia, sa respiration un peu haletante, ses yeux interrogeant son regard ; que lui répondre, que lui dire, il lui objecta simplement : je ne me prénomme pas Alan mais Alain, Alain Duval comme tout le monde, né à Courbevoie, je ne suis jamais allé aux Etats-Unis, je n'ai jamais fait de cinéma et c'est la première fois que je vous vois autrement que dans vos films, il y a si longtemps maintenant. Cette situation, cette plaisanterie, cette mascarade ne pouvaient durer plus longtemps. Gêné, il se leva, elle aussi tandis que le train entrait dans une nouvelle gare, il y eut un arrêt brusque et ils se retrouvèrent sans le vouloir dans les bras l'un de l'autre, alors à leur grand étonnement, leur étreinte dans ce train de banlieue dura une éternité le temps d'une seconde ou deux… 

En se détachant légèrement de lui, elle murmura à son oreille : en fait, je me prénomme Véronique, Véronique Dupont comme tout le monde, née à Chatou, je sais que tu n'es pas Alan, toi tu fais plus d'un mètre soixante-cinq, tu as le visage plus expressif… et moi, je suis brune dit-elle en retirant sa perruque blonde en un geste théâtral, mais je suis chauve car en pleine chimio et tu ne peux pas savoir, Alain, combien je suis heureuse de ces courts instants grâce à toi, avec toi, combien cette rencontre et cet enlacement furent bénéfiques, je n'y croyais plus mais je savais que cela arriverait un jour, que tu serais là, on s'accroche à des petites choses comme celle-là quand on connaît le peu de temps qui reste et que… 

Et le train entra dans un tunnel…

Noir de fin, comme au cinéma.

 

© Jacques Chesnel 

00:32 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (3)

15/12/2013

CD : MES PRÉFÉRENCES POUR 2013


. WHITOUT A NET / WAYNE SHORTER

et

SATURDAY MORNING / AHMAD JAMAL.

. ENCORE / PING MACHINE

. THE SIRENS / CHRIS POTTER

. ÜBERJAM DEUX / JOHN SCOFIELD

. TRIOS / CARLA BLEY

et

. FLYIN' WITH / AEROPHONE



rééditions:

. COMPLETE SUNSHIP SESSIONS / JOHN COLTRANE

. The complete remastered recordings on Black Saint &
Soul Note / PAUL BLEY



Avertissement : pour plusieurs raisons, je suspends
(provisoirement ?) les chroniques de disques 

Jacques Chesnel

12:56 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (2)

12/12/2013

CHUCHOTIS & GLOUSSEMENTS

 

 

C’est vraiment pas d’chance ; je me faisais une telle joie de voir ce film, j’en avais eu tellement envie après tout ce que j’avais entendu beaucoup de bien par les amis par la critique et les critiques des amis… et paf !. On était pas beaucoup ce soir là, une petite vingtaine dans la petite salle du complexe, je m’installe au dernier rang dans le fond où on peut encore allonger ses jambes ce qui devient de plus en plus difficile, je suis tout seul quand arrivent deux dames d’un certain âge certain qui s’assoient à deux fauteuils du mien et qui papotent aimablement en attendant le film.

Quand celui-ci débute tiens ils mettent les titres au début aujourd’hui gloussements - je préfère quand c’est à la fin on peut partir tout de suite plus vite gloussements - oh vous avez vu l’actrice celle-là il paraît qu’elle va encore divorcer pour la quatrième fois on peut pas la retenir elle saute sur tout c’qui bouge -gloussements - bon ça commence enfin c’est long tout ces panygériques - gloussements - génériques pasqui faut tout mettre dedans même l’assistant de la cuisinière ça aime bien bouffer les acteurs tenez Depardieu il grossit il maigrit il fait le yoyo - gloussements - vous trouvez pas la sono un peu forte on n’est pas sourde quand même ou bien c’est moi qui - gloussements - tiens le v’la encore lui on le voit partout depuis qu’il est mort il avait pas un peu grossi et sa cravate est même pas droite et la scrite elle fait pas attention - gloussements - ça démarre pas terrible non ? pour un film d’action ça stagne un peu et puis sur la table on voit pas c’qu’il boit ah si on cache plus les marques maintenant on fait de la pub sans en avoir l’air et dans la cuisine quel bordel ils ont pas de femme de ménage ? – gloussements - faut qu’on parle moins fort car le monsieur à côté fait des signes si on peut plus dire ce qu’on pense bon ils s’embrassent déjà au bout de dix minutes avec sa nouvelle coiffure elle a oublié les bigoudis - gloussements - vous aimez mieux les films français vous moi j’aime bien les italiens avec Mastrozanini ce qu’il était beau et la Claudia Cardinal quelle classe ils étaient pas ensemble non ? elle on a dit qu’avec Chichi il lui fallait plus de trois minutes douche comprise - gloussements - oh il m’a fait peur en entrant comme ça sans frapper avec l’air mauvais il joue bien ces rôles comme dans j’me rappelle plus le titre avec vous voyez aaah zut le petit Tom machin qu’a un nom de porto là heu Crouze - gloussements - faut que je retire ma veste il fait trop chaud avec la clim’ bon la scène tire un peu en largeur ils ont dû encore faire plusieurs crises - gloussements - pas crises prises comme pour la Carlita avec Woudi Alienne il en a fallu trente-cinq que le Sarko il fulminait pasqu’elle embrassait tout le temps trop son partenaire avec les flachebols des photographes - gloussements - ben quoi on parle pas trop fort monsieur on peut dire c’qu’on veut on est pas à la messe ici on a payé nos places - gloussements - et puis ce gars devant qui bouge tout l’temps… elle est toujours aussi jolie et toujours aussi mal fagotée not’ vedette ou alors ils avaient pas de quoi honorer la costumière de toutes façons c’est pas des chaussures pour prendre l’avion - gloussements plus rire moins étouffé - j’aime bien les films en costumes de l’époque qu’on sait jamais laquelle avec leurs perruques ma fille dit que c’est pour les vieux mais j’aimais déjà quand j’étais plus jeune ça dépaysait plus – gloussements - allons voilà que ça vire au polar dans l’aréoplane c’est pas ce qu’était indiqué sur le prospectus yen a marre des coups de flingue je préfère quand ils s’embrassent mais sans qu’ils couchent pasque là aussi yen a tout le temps à tout bout de champ n’importe où il paraît qu’il mettent pas la langue que c’est des bisous de cinéma allez savoir si les types ils en profitent pas pour faire des dons d’orgasme… yen a un dans un film tout est parti dans son pantalon qu’il avait pas eu le temps d’enlever pendant l’acte stimulé – gloussements - p’tête que les bonnes femmes aiment ça Lino il voulait pas coucher ni embrasser il avait d’la morale lui tandis que maintenant - gloussements - allons bon l’hôtesse de l’air a le mal de mer et le commandant de bord cause dans l’poste je m’en doutais qu’ils nous feraient le coup de l’occident – gloussements - l’accident… nan ça s’arrange dans le scénario… qui qu’vous pensez de Georges Cloné moi j’trouve qu’il arrive pas à la cheville de Gary Grant…vous vous rappelez La Mort au Frousse d’Albert Hitechoque… ah ! le monsieur d’à côté redouble de chuuut s’il est pas content il a qu’a partir rien n’en l’empêche - gloussements - il dit qu’il va appeler l’ouvreuse mais ya pus d’ouvreuse cher monsieur c’est comme pour les caissières on les remplace pas ou alors par des scanairs hihihi - gloussements - l’action traîne en longueur avec ces scènes courtes j’me demande ce que les critiques ont trouvé de bien au masque et à la plume où ils s’engueulent que c’est bidonnant vous vous rappelez Jean-Louis Borisse comme il y allait quand ça lui plaisait pas souvent ya plus de gars comme lui maintenant ils s‘écoutent parler ou ils écrivent à la solde des grandes frimes – gloussements - firmes oh yen a core des intègres tenez comment qui s’appelle le gros là dans la revue catomachin là - gloussements - allons bon ! c’est déjà la fin c’était pourtant annoncé une heure et demie ya tromperie sur la marchandise au fait c’était quoi l’intrigue générale de ce film pas très fofolichon ? - gloussements de fin ; la salle s’éclaire ; les mémés me toisent de haut. 

Il faudra bien que je retourne voir ce film, le vrai.

 

 © Jacques Chesnel

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03/12/2013

L'INSPIRATION

 

- enlevez votre chemise et votre sous-vêtement

Le docteur posa délicatement son stéthoscope sur le dos de Jérôme

- inspirez... bloquez votre respiration...., expirez..., recommencez et dites 33

33 33 33, il tousse et crache

- vous avez une bronchite purulente mais j'aimerais que vous alliez voir un pneumologue étant donnés vos antécédents familiaux.

Le spécialiste le rassura après avoir vu la radiographie et lui recommanda néanmoins une douzaine de séances de rééducation pulmonaire pour faciliter l'expectoration par un kinésithérapeute ; il alla donc chez Anna Corète qui se trouvait à deux pas de chez lui.

Jérôme ne la connaissait pas, il en avait entendu parler en plus grand bien par des proches, il arriva donc tranquille au cabinet de ladite dame ; et quelle ne fut pas sa surprise de voir une jolie silhouette de petite taille, apparemment frêle, aux cheveux d'un blond doré retenus par une queue de cheval, de grands yeux rieurs et qui lui serra vigoureusement la main, vous avez votre ordonnance ?, étendez-vous là. Jérôme n'était pas inquiet, il se posait seulement la question de savoir ce qui allait lu arriver quand elle posa ses menottes sur sa poitrine et lui dit : inspirez, j'ai dit ins-pi-rez, bon, c'est tout simple vous ne savez pas respirer, tout part de là. Alors, on recommence, inspiration par le nez, gonflez votre ventre, bloquez, expiration, soufflez, videz videz videz et on recommence, on stoppe, va y avoir du boulot.

Et là, pendant toute la séance Anna Corète lui expliqua comme à un enfant les bienfaits de la respiration, sa fonction vitale que l'individu peut maîtriser, ses trois types : thoracique (écartement des côtes), claviculaire (soulèvement du thorax), abdominale (aplatissement et abaissement du diaphragme), la relation entre respiration et état émotionnel, on recommence, inspiration, blocage, expiration...Jérôme commençait à ressentir d'étranges sensations de calme et de bien-être se questionnant à savoir sil il était sous le charme évident de la kiné ou si... Elle lui parla également de la respiration circulaire ou souffle continu, inspiration-expiration à l'aide de la bouche, technique qui une fois maîtrisée peut permettre de souffler de l'air en continu pendant plusieurs heures et cita les exemples de musiciens, notamment trompettistes ou saxophonistes (tiens, il pensa à Roland KIrk), elle évoqua la respiration yogique, véritable clé de la méditation, bon c'est pas tout ça on recommence allez inspiration-expiration, c'est mieux, vous paraissez plus détendu mais il y a encore des progrès à réaliser, ah ! vous avez un peu la tête qui tourne c'est normal vous commencez à en sentir les bienfaits, on se voit la semaine prochaine à la même heure, faites des exercices chez vous, vous verrez...

En sortant du cabinet, le temps lui sembla plus beau alors que la météo n'avait pas changée, il décida de rentrer à pied plutôt qu'en bus, il se sentait plus léger, les mouvements plus amples ou bien était-ce seulement une illusion.

En rentrant chez lui, Jérôme alla directement à son ordinateur et reprit la rédaction de ce roman qui lui donnait tant de mal, il se posa alors la question et si Anna Corète lui avait enfin donné ce qu'il cherchait désespérément depuis plusieurs mois :

l'inspiration !

 

© Jacques Chesnel

 

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25/11/2013

CONFRONTATION AVEC MON DOUBLE

 

Il y a longtemps que cela ne m'était pas arrivé de penser à cela, je crois bien que la dernière fois, c'était avec Julio Cortázar au sujet du Jazz dans son œuvre, on avait ensuite parlé un peu de tout et aussi du dédoublement de la personnalité, ce qui l'intéressait, il évoqua même ce qui lui était arrivé personnellement. 

Ce soir, après mon habituel repas léger, je vais directement à mon canapé, feuillette les programmes télé, rien de bien folichon alors pourquoi pas un DVD, quand levant les yeux je m'aperçois dans le fauteuil en face de moi. Surpris pour ne pas dire plus, je m'interroge du regard et je me souris d'une manière que mes amis trouvent agréable à ce qu'ils me disent

- salut, comment vas-tu

- bien, et toi, me réponds-je

- tu as l'air étonné

- on le serait à moins

- ça on peut le dire

et notre conversation de moi à moi pourrait se poursuivre après que, voulant m'assurer que ce n'est pas un rêve, je me dirige vers moi pour me toucher et constater qu'effectivement, il ne peut y avoir de doute, quoique un détail me surprend : les jambes croisées, la gauche sur la droite alors que c'est plutôt l'inverse d'habitude mais bon pas de quoi trop s'interroger, et aussi le bras droit replié sur le ventre mais bon pas de quoi trop s'alarmer, et ce sourire un peu narquois qu'on me reproche parfois surtout Muriel quand je la regarde amoureusement, oui c'est tout moi dans ce face à face Jérôme devant Jérôme, côte à côte, dans et dedans Jérôme et Jérôme qui se regardent et ne savent pas quoi se dire, même pas entamer des Conversations with myself comme Bill Evans, ou bien évoquer le doppelgänger cher à Heinrich Heine, à Maupassant, Joseph Conrad ou Kiyoshi Kurosawa, en plein dans les phénomènes autoscopiques qu'ils ne savent pas ou ne veulent pas expliquer, anomalies ou prodiges diaboliques qui nous feraient croire que la plus belle des ruses du diable est de nous persuader qu'il existe comme l'écrivit Charles Baudelaire, je me relève pour quelques vérifications, je nous serre la pince, on se tapote doucement dans nos dos, tu veux un verre ya du Jack Daniels ça m'va et toi je commence à nous servir quand...

- coucou c'est moioioi, s'écrie Muriel dans le vestibule, j'enlève mes chaussures, j'arrive, je suis trempée et les bus qui sont en grève, putain

bon la voilà revenue de chez sa mère, on va bien voir si elle s'aperçoit de quelque chose

- et bien les garçons vous ne vous ennuyez pas à ce que je vois, déjà la picole, pour moi un porto ne sera pas de refus, et nous nous levons en parfaite symbiose pour la servir avant qu'elle ne s'effondre sur le sofa ah j'en peux plus les mecs avec ce temps de merde en plus de maman qu'a la crève et son mauvais poil plus que d'habitude

pas un mot pas un geste de surprise sur notre dualité, sur cette situation insolite et troublante à nos yeux de Jérôme et Jérôme, ou bien elle voit double déjà bourrée ou elle ne voit plus rien... je me renvoie notre grimace interrogative qui reste sans réponse

- bon c'est pas tout ça, allez on mange un morceau vite fait, je fais pipi et on va au cinéma pour nous changer les idées, alors un p'tit Woody ça vous dit-y les Jérôme, tiens :

Melinda et Melinda.

 

© Jacques Chesnel et Jacques Chesnel

13:41 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (3)

18/11/2013

MARIE, EN BAS

 

On s'y était habitué, tous, tellement, si bien que je n'ai pas été étonné lorsque j'ai entendu les cris des enfants de l'école proche, ce hououou continuel braillé avec force au moment de la récré : le démantèlement de Marie avait bel et bien commencé et cela ne plaisait à personne dans le quartier car de presque toutes les fenêtres des immeubles voisins parvinrent huées et sifflets pour saluer à leur façon colérique l'arrivée de « Christophe », la grue automotrice sur pneus géants qui commençait son œuvre de destruction massive.

Ces derniers jours, il y avait eu des signes avant-coureurs impossible pour nous à déchiffrer mais visibles à l'œil nu et aux oreilles attentives : les nombreux vols d'étourneaux ne venaient plus se poser près de la petite pancarte Marie nichée au milieu de la flèche, ils semblaient l'éviter avec de grands détours en forme de vagues grondantes, tout comme les mouettes criardes ou les pigeons et colombes croucroutant à qui mieux mieux, ainsi qu'Ariane ma tourterelle favorite qui avait déserté mon balcon à mon grand désespoir. Même les vents s'étaient mis de la partie en secouant cette imposante flèche qui semblait trembler de peur, la pluie aussi qui tombait souvent en rafales vindicatives comme pour inonder la pauvre Marie sans protection.

Christophe, nom donné à cet engin dévastateur, était arrivé de bon matin au jour naissant et les ouvriers avaient attendu huit heures trente pour commencer la manœuvre sans trop de bruit. Il était peint d'un jaune agressif qu'il devait considéré comme aimable dans un paysage si gris d'habitude mais qui aujourd'hui faisait tache, une grosse souillure, immense merde malfaisante portant le prénom d'un saint martyre du III ième siècle, soit-disant protecteur des utilisateurs (un comble) de moyens de transport, quelle honte. Sous le tollé général augmenté du concert de klaksons des voitures de parents d'élèves excédés, voilà le redoutable engin en train de déplier son unique bras en phases successives pour arriver en fin là-haut et commencer à descendre les morceaux de la flèche où se trouve le petit panneau affichant le nom de Marie, ainsi que la cabine de téléscopage, raccourcissant son envergure il s'attaque maintenant au chassis fait de poutrelles disposées en croix, puis, dernière étape de sa funeste action à dézingué le fût constitué d'empilement de parallélépipèdes rectangulaires, quel salopard.

Il souffle dans cette portion de quartier comme un vent de révolte, certains n'hésitant pas à crier à sacnder avec force libérez Marie, mort au tortionnaire Christophe, à bas le démantèlement de notre Marie à nous, le fascisme ne passera pas (là, quelques moues dubitatives, faut qaund même pas pousser trop loin), il y avait longtemps qu'on avait pas vu ni entendu un tel bordel dans notre coin réputé si tranquille. Imperturbable, l'ignoble Christophe une fois son sale boulot terminé (le repliement de son immonde et répugnant bras et la pauvre Marie, là, terrassée en bas, désarticulée, fracassée) fit ronfler de plus belle le moteur de sa grosse carcasse jaunâtre et disparut dans un vacarme inouï ; il était 11 heures 59, après quatre heures de cauchemar inter-minable. 

Le temps a passé, mais j'avoue que depuis j'ai, à l'évocation de ces deux prénoms, Marie et Christophe, des sentiments fort contradictoires ; quand je pense que mon meilleur ami, non, je préfère ne pas y penser...

 

© Jacques Chesnel, outré 

vous aurez compris, cher lecteur, que ce texte est la suite hélas logique de MARIE LÀ-HAUT paru antérieurement sur ce blog

18:05 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (4)

11/11/2013

UNE SURPRISE

 

 

Jérôme regarde Muriel dormir. Il aime ça, surtout cet air étonné avec la lèvre supérieure légèrement remontée côté gauche, il lui trouve au air à la Bardot de la grande époque parce que maintenant avec les idées nauséabondantes et sa tronche. Il a envie de la réveiller, il se retient pour ne pas gâcher la journée avec une reviviscence loupée, il prend donce son mâle en patience. Muriel lève enfin les yeux qu'elle frotte doucement, le regarde et lui sourit tendrement ça va, pupuce ?

- voui, super... heu, cette nuit, j'ai eu un redressement productif

- un quoioioi ?

- UN REDRESSEMENT PRODUCTIF, j'te dis

- mais c'est énorme un truc pareil

- j'me rends pas compte, mais si tu l'dis

- mince alors,c'est pas vrai, qu'est-ce qui t'as pris qu'est-ce que t'as pris qu'est-ce que ?

- rien, j'te jure, c'est venu comme ça, d'ailleurs regarde Mumu, c'est pas si mince alors, au contraire je pense

Jérôme soulève délicatement le drap et là Muriel estomaquée pousse son petit cri d'étonnement favori waoouououh putain ben dis donc mon cochon tu as de la ressource étonnante ce matin pasque c'est plutôt rare ces temps-ci, si si, que je m'disais dépitée et attentriste

- tu sais, ces trucs là on ne peut rien y faire à part les pilules appropriées que c'est pas le genre de la maison, je préfère le naturel qui revient au galop à fond la caisse

- oui enfin bon, tu as eu des images érotiques, des pensées libidineuses, tu as pensé au journal du hard genre Clara Morgane ou Roselyne Bachelolotte, dis, tu n'as quand même pas un retour de manivelle façon chochotte Rock Hudson ou Freddy Mercury ?

- non non, proteste véhémentement le chéri soupçonné, je pense seulement que le céleri qui contient de l'apigénine avec la moutarde et la salsepareille au menu d'hier soir, tout cela a dû faire monter la pression pour éviter que le commis roupille trop sur les pruneaux, c'est tout bête, c'est bien connu

- eh ben mon vieux cochon, on peut dire que ça ça m'la coupe

- oh ne me regarde pas comme ça avec ton air vorace de louve affamée

- et ce petit miracle inespéré dure depuis combien de temps à ton humblavis

- je me le demande, blague à part, comme dans l'histoire de Fernand Raynaud sur le refroidissement du canon, un certain temps qui me surprend moi-même qui n'a plus de notion

- bon, dit Muriel, c'est pas tout ça mais on va procéder maintenant aux vérifications d'usage obligatoires et manuelles militari...

… et joignant le geste à la parole, Muriel précipite sa main sur l'objet du délit d'initié à la bourse en criant : je vais te le tenir le petit trésor matutinal fièrement dressé comme Artaban, je suis la Cléopâtre de Gautier de Calprenède, la Sally Mara de Raymond Queneau celle qui tient toujours bon la rampe, youpiiiii, à moi la félicité totale, le ravissement accompli, la béatitude parfaite, l'exaltation démesurée à la hauteur et à la raideur de l'événement, l'affaire bien en paluche experte en érection toutes catégories, you..., hein ? quoi ?, Jérôôôôme, hardi mon gars, garde ta flamberge au vent nom de dieu, l'étendard du dard bien élevé, pense à la manivelle du sapeur, à la culotte du zouave du pont de l'Alma, à sainte Thérèse du vit-là d'Avila, à celle d'attention Lisieux, au bout rouge du petit baigneur, à coquette-sur-roupette, au coquin-ravageur, à la seringue à perruque, au tromblon vibrionnant, au boute-joie d'antan et au dardillon d'aujourd'hui, au poireau flambant neuf et au popol littéraire, à TOUT cela, oh, vieux brigand, tu vas quand même pas me faire ça A MOI QUI... JÉRÔÔÔME … 

et vous pouvez, vous devez même, vous arrêter ci-devant 

néanmoins pour les plus curieux , voici les deux fins possibles : 

Fin 1 : débandade, déroute, désolation

Fin 2 : exocet, explosion, extase

au choix

 

© Jacques Chesnel

12:11 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (3)

04/11/2013

AU BOUT DU CHEMIN

 

- après trois cents mètres, prenez le rond-point, puis deuxième sortie 

Jérôme engagea la voiture dans la route proposée et dit à Muriel qu'il se reconnaissait malgré le temps passé et que décidément le GPS c'était une sacrée invention mais que parfois il avait envie de dire merde quand on lui imposait un trajet différent de celui qu'il prenait depuis toujours merde. Ils étaient partis ce samedi de bonne heure pour arriver en début d'après-midi et pour cela, ils avaient choisi l'autoroute que n'aimait pas beaucoup le conducteur, qu'est-ce qu'on s'emmerde oui mais pour la sécurité et puis les 130 c'est bien quand même non ?. Le temps était superbe et Muriel de bon poil, que demander de plus. Bien qu'ayant une mémoire qu'il trouvait d'éléphant, Jérôme ne se souvenait plus de la date de leur dernière visite, deux trois ans voire plus, hein ? Muriel oh moi tu sais les dates mais ça doit faire longtemps. Arrêt pipi pour Jérôme tandis que Muriel se refait une beauté supplémentaire devant la petite glace sous le pare-soleil. Je me demande quelles têtes ils doivent avoir maintenant et leur fille doit être grande dans les dix onze ans et 

- après le passage à niveau, prenez la première à droite 

est-ce que le Lucien a toujours aussi mauvais caractère, tu te souviens de l'engueulade au sujet de Maastricht qu'il prononçait masse trique comme l'autre cinglé du puits du fou, quelle colère ce jour-là et Alice t'énerve pas Lulu c'est pas bon pour ton cœur ahahah, et l'autre fois son emportement à cause de l'espace chaîne-gaine comme disait l'autre fou du puits du cinglé, bon maintenant ça commence à pleuvoir dru et les essuies-glaces qui déconnent mets la radio moins fort et allume tes phares pas les codes Jérôme les phareueux. On y voit comme dans le trou du cul d'un maigre putain de route pas éclairée et ces nids de poule yen a marre pour une nationale. Tiens, un voiture de gendarmes et cette loupiote qui nous fait signe d'arrêter, bonjour monsieur-dame, contrôle du véhicule et de l'alcoolémite vous avez votre équil aux tests, soufflez c'est bon vous pouvez repartir attention au brouillard qui tombe à c't'heure. C'est une illusion ou quoi, demanda Muriel recroquevrillée sur elle-même, j'ai toujours pensé qu'il y avait de beaux arbres en bordure de cette route non ? que ça formait comme un dôme de feuillages, on est encore loin à ton avis ?, écoute tu la fermes un peu ma cocotte car tu me gonfles autant que mes pneus sont dégonflés voilà alors hein, la dernière fois j'ai trouvé qu'Alice avait pris un sacré coup de vieux avec ses cheveux coupés trop courts quant à Lucien il lui fallait plus d'une bouteille aux repas, est-ce qu'ils ont toujours leur vieux clébard qui pue mais tais-toi donc Muriel tu me décontenances me fais pas perdre les pédales que je sens plus sous mes pieds, je pense que maintenant on ne devrait plus être très loin, juste après cette grange délabrée dont je m'en souviens

- vous êtes arrivés 

mais on n'est pas arrivés ya pas le panneau indiquant le nom de la ferme « Label meunière » qu'est-ce que c'est ce bordel de GPS qu'a perdu la trace et la jauge d'essence qui est au plus bas, on a fait trois cents dix kilomètres cent de plus que la normale toujours d'après cette foutue machine, on est mal barrés et ne pleurniche pas Muriel s'il te plaît, ton portable ne sert à rien ils n'ont plus le téléphone depuis belle lurette ces cons

- attends Jérôme, je crois que tu as dépassé le petit chemin caillouteux sur la gauche qui mène chez eux après le bosquet

- putain j'l'avais pas vu, ouf voilà la maison, on dirait qu'il n'y a pas de lumière, le vieux portique de la balançoire de la gamine a disparu et leur foutu clébard qui n'aboie pas 

Devant le portail d'entrée, une pancarte :

           « A VENDRE »

 

© Jacques Chesnel

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30/10/2013

RIEN QUE DU BEAU MONDE

 

Nous avons revu le grand type plusieurs fois après son gros coup de mou relaté ici ("Dérèglement momentané"). Toujours charmant et disert, racontant des tas d’anecdotes sur tous les sujets avec un humour constant. Il connaissait un nombre de personnes impressionnant et il avait sur chacune des tas de choses à raconter, sympathiques, gentilles et drôles. Il était intarissable, il fallait presque l'arrêter parfois. Sa classe de tai-chi-chuan était remplie de singuliers individus qu'il se fit un plaisir de nous faire connaître après un dîner bien arrosé ce soir-là. Tous les sexes, tous les âges, toutes les conditions sociales et intellectuelles réunies étaient représentées, donc, rien que du beau monde dans cette quarantaine d'élèves. Honneur aux dames en commençant par les donzelles un peu excitées (quant à la découverte de cette sorte de gymnastique bien que ce soit un art dit martial) jusqu'aux plus anciennes blasées à qui il ne fallait pas en raconter parce qu'elles savaient tout sur tout surtout et encore plus que tout le monde y compris le prof, vous voyez le genre. La Laura, la plus mignonne, affolait l'assemblée au moment de se mettre en tenue par une collection de soutifs des plus extravagants, la Geneviève, la plus ancienne, manifestait en ronchonnant qu'on était pas au cabaret de stripetise tandis que la gent masculine affolait les compteurs des nénettes principalement avec l'agent de police Marcelito (il s'appelait Roger et avouait un faible pour l'acteur italien) se prenant alors pour Tarzan ou Superman avec ses biscototos provocateurs. Les autres messieurs, des vieux qui voulaient ou croyaient vouloir rajeunir en jouant au p'tit djeune décontracté du gland et dont la plupart venaient pour les filles ou bien alors pensaient pouvoir se foutre sur la gueule avec plus d'élégance et en costume adéquat, des ados sûrs de leur prétendue perfection physique et heureux de la donner à voir... On dit qu'il faut de tout pour faire un monde ; dans cette équipe tenue d'une main de fer en crins de velours par maître Rodolphe, il y avait : un ancien transformiste de chez Michou, une danseuse de french-cancan sur le retour, un cadre supérieur d'une banque encore réputée, une charcutière spécialisée dans le boudin à l'ancienne, un ouvrier du bâtiment qui avait toujours une nouvelle histoire drôle à raconter qui n'amusait personne, une secrétaire perpétuelle provisoire de l'Académie Française, un goal gay, un clown triste et un nain jaune, une péripatéticienne périmée du périphérique, un cadreur mal encadré de France 3, une intermittente définitive du spectacle de rue, un blogueur bloqué sur le net, une directrice de casting de porno soft, une institutrice en retraite en retrait toujours bougonne... la liste serait longue à dévoiler entièrement. Tout ce beau monde cohabitait tout en se détestant cordialement avec une amabilité de façade toute en convenances qui provoquait parfois de grandes colères intérieures de Rodolphe qui savait garder néanmoins un calme que l'on dit toujours olympien dans ce cas-là.

Somme toute, il ne manquait plus que vous. Alors, vous venez ?, c'est tout près de chez vous.

© Jacques Chesnel

17:30 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (4)