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25/11/2013

CONFRONTATION AVEC MON DOUBLE

 

Il y a longtemps que cela ne m'était pas arrivé de penser à cela, je crois bien que la dernière fois, c'était avec Julio Cortázar au sujet du Jazz dans son œuvre, on avait ensuite parlé un peu de tout et aussi du dédoublement de la personnalité, ce qui l'intéressait, il évoqua même ce qui lui était arrivé personnellement. 

Ce soir, après mon habituel repas léger, je vais directement à mon canapé, feuillette les programmes télé, rien de bien folichon alors pourquoi pas un DVD, quand levant les yeux je m'aperçois dans le fauteuil en face de moi. Surpris pour ne pas dire plus, je m'interroge du regard et je me souris d'une manière que mes amis trouvent agréable à ce qu'ils me disent

- salut, comment vas-tu

- bien, et toi, me réponds-je

- tu as l'air étonné

- on le serait à moins

- ça on peut le dire

et notre conversation de moi à moi pourrait se poursuivre après que, voulant m'assurer que ce n'est pas un rêve, je me dirige vers moi pour me toucher et constater qu'effectivement, il ne peut y avoir de doute, quoique un détail me surprend : les jambes croisées, la gauche sur la droite alors que c'est plutôt l'inverse d'habitude mais bon pas de quoi trop s'interroger, et aussi le bras droit replié sur le ventre mais bon pas de quoi trop s'alarmer, et ce sourire un peu narquois qu'on me reproche parfois surtout Muriel quand je la regarde amoureusement, oui c'est tout moi dans ce face à face Jérôme devant Jérôme, côte à côte, dans et dedans Jérôme et Jérôme qui se regardent et ne savent pas quoi se dire, même pas entamer des Conversations with myself comme Bill Evans, ou bien évoquer le doppelgänger cher à Heinrich Heine, à Maupassant, Joseph Conrad ou Kiyoshi Kurosawa, en plein dans les phénomènes autoscopiques qu'ils ne savent pas ou ne veulent pas expliquer, anomalies ou prodiges diaboliques qui nous feraient croire que la plus belle des ruses du diable est de nous persuader qu'il existe comme l'écrivit Charles Baudelaire, je me relève pour quelques vérifications, je nous serre la pince, on se tapote doucement dans nos dos, tu veux un verre ya du Jack Daniels ça m'va et toi je commence à nous servir quand...

- coucou c'est moioioi, s'écrie Muriel dans le vestibule, j'enlève mes chaussures, j'arrive, je suis trempée et les bus qui sont en grève, putain

bon la voilà revenue de chez sa mère, on va bien voir si elle s'aperçoit de quelque chose

- et bien les garçons vous ne vous ennuyez pas à ce que je vois, déjà la picole, pour moi un porto ne sera pas de refus, et nous nous levons en parfaite symbiose pour la servir avant qu'elle ne s'effondre sur le sofa ah j'en peux plus les mecs avec ce temps de merde en plus de maman qu'a la crève et son mauvais poil plus que d'habitude

pas un mot pas un geste de surprise sur notre dualité, sur cette situation insolite et troublante à nos yeux de Jérôme et Jérôme, ou bien elle voit double déjà bourrée ou elle ne voit plus rien... je me renvoie notre grimace interrogative qui reste sans réponse

- bon c'est pas tout ça, allez on mange un morceau vite fait, je fais pipi et on va au cinéma pour nous changer les idées, alors un p'tit Woody ça vous dit-y les Jérôme, tiens :

Melinda et Melinda.

 

© Jacques Chesnel et Jacques Chesnel

13:41 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

Ils auraient pu aussi se taper Manhattan... en buvant un Manhattan...

Jacques revisite un récit de Jorge Luis Borges, l'Autre. (sur le même thème). Moi j'aime bien ce genre de divagation, mise en abîme etc. J'appelle ça : de l'écriture Vache qui Rit, à cause des boucles d'oreille à l'infini... Mais je crois qu'on appelle cela, plus sérieusement, l'écriture en miroir.

Bonne Journée, Jacques, et merci pour le message publicitaire sur facebook !

Votre

Clo

Écrit par : Clopine Trouillefou | 27/11/2013

merci Clo, l'avantage sur Borges (que je n'ai pas lu) c'est que c'est plus court !

Écrit par : Chesnel Jacques | 27/11/2013

Pendant ce temps-là, Jack & Daniel's s'en étaient enfilé plusieurs derrière la cravate.

Écrit par : Dominique Hasselmann | 03/12/2013

Les commentaires sont fermés.