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18/11/2013

MARIE, EN BAS

 

On s'y était habitué, tous, tellement, si bien que je n'ai pas été étonné lorsque j'ai entendu les cris des enfants de l'école proche, ce hououou continuel braillé avec force au moment de la récré : le démantèlement de Marie avait bel et bien commencé et cela ne plaisait à personne dans le quartier car de presque toutes les fenêtres des immeubles voisins parvinrent huées et sifflets pour saluer à leur façon colérique l'arrivée de « Christophe », la grue automotrice sur pneus géants qui commençait son œuvre de destruction massive.

Ces derniers jours, il y avait eu des signes avant-coureurs impossible pour nous à déchiffrer mais visibles à l'œil nu et aux oreilles attentives : les nombreux vols d'étourneaux ne venaient plus se poser près de la petite pancarte Marie nichée au milieu de la flèche, ils semblaient l'éviter avec de grands détours en forme de vagues grondantes, tout comme les mouettes criardes ou les pigeons et colombes croucroutant à qui mieux mieux, ainsi qu'Ariane ma tourterelle favorite qui avait déserté mon balcon à mon grand désespoir. Même les vents s'étaient mis de la partie en secouant cette imposante flèche qui semblait trembler de peur, la pluie aussi qui tombait souvent en rafales vindicatives comme pour inonder la pauvre Marie sans protection.

Christophe, nom donné à cet engin dévastateur, était arrivé de bon matin au jour naissant et les ouvriers avaient attendu huit heures trente pour commencer la manœuvre sans trop de bruit. Il était peint d'un jaune agressif qu'il devait considéré comme aimable dans un paysage si gris d'habitude mais qui aujourd'hui faisait tache, une grosse souillure, immense merde malfaisante portant le prénom d'un saint martyre du III ième siècle, soit-disant protecteur des utilisateurs (un comble) de moyens de transport, quelle honte. Sous le tollé général augmenté du concert de klaksons des voitures de parents d'élèves excédés, voilà le redoutable engin en train de déplier son unique bras en phases successives pour arriver en fin là-haut et commencer à descendre les morceaux de la flèche où se trouve le petit panneau affichant le nom de Marie, ainsi que la cabine de téléscopage, raccourcissant son envergure il s'attaque maintenant au chassis fait de poutrelles disposées en croix, puis, dernière étape de sa funeste action à dézingué le fût constitué d'empilement de parallélépipèdes rectangulaires, quel salopard.

Il souffle dans cette portion de quartier comme un vent de révolte, certains n'hésitant pas à crier à sacnder avec force libérez Marie, mort au tortionnaire Christophe, à bas le démantèlement de notre Marie à nous, le fascisme ne passera pas (là, quelques moues dubitatives, faut qaund même pas pousser trop loin), il y avait longtemps qu'on avait pas vu ni entendu un tel bordel dans notre coin réputé si tranquille. Imperturbable, l'ignoble Christophe une fois son sale boulot terminé (le repliement de son immonde et répugnant bras et la pauvre Marie, là, terrassée en bas, désarticulée, fracassée) fit ronfler de plus belle le moteur de sa grosse carcasse jaunâtre et disparut dans un vacarme inouï ; il était 11 heures 59, après quatre heures de cauchemar inter-minable. 

Le temps a passé, mais j'avoue que depuis j'ai, à l'évocation de ces deux prénoms, Marie et Christophe, des sentiments fort contradictoires ; quand je pense que mon meilleur ami, non, je préfère ne pas y penser...

 

© Jacques Chesnel, outré 

vous aurez compris, cher lecteur, que ce texte est la suite hélas logique de MARIE LÀ-HAUT paru antérieurement sur ce blog

18:05 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (4)

Commentaires

paru "ultérieurement", Jacques ? Anté, hanté, plutôt, non ?

Écrit par : Clopine Trouillefou | 20/11/2013

corrigé, merci Clopine

Écrit par : Chesnel Jacques | 21/11/2013

Clopine a raison, Jacques, "anté"rieurement. Au fait, je ne trouve pas de bouton pour mettre des commentaires sur le blog de Clopine, est-ce normal?

Quant à votre texte, Jacques, c'est toujours un plaisir de retrouver votre écriture syncopée, pleine de reprises et de hachures, un solo toujours reconnaissable.

Écrit par : Nicole Giroud | 23/11/2013

Une "Marie-couche-toi-là" que l'on plaint, saccagée par un engin prédateur : ils ont réussi à lui passer sur le corps, la ferraille a vaincu... L'épisode restera-t-il impuni ?

Écrit par : Dominique Hasselmann | 23/11/2013

Les commentaires sont fermés.