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17/01/2014

L’INTRUS

 

Cette année-là le petit nouveau de la bande des joyeux convives de l’été nous bassina pendant des heures interminables avec son auteur favori dont il semblait connaître l’œuvre mieux que l’auteur lui-même sans doute : le grand Will, non pas Shakespeare, l’autre William, Faulkner, le grand Bill… enfin si on peut dire grand quand on mesure un mètre soixante et encore… Le petit nouveau, beau brin de garçon bronzé genre James Dean tendance Chet Baker celui des années 50, souriant-avenant-prévenant avait tout pour plaire aux dames et messieurs pas pour les mêmes raisons quoique… Sitôt débarqué donc, le voilà avec son héros qu’il nous présente sur toutes les coutures et son œuvre par ci et sa vie par là, apparemment grand connaisseur avec forces détails et anecdotes que même les plus amateurs et il y en avait deux ou trois hochèrent et opinèrent du chef et du reste… on n’échappa pas au bruit et à la fureur qui semblait avoir ses préférences surtout pour une dénommée Caddy , aux turpitudes de la pauvre Temple et de son bourreau l’infâme Popeye qu’on en avait les yeux qui sortaient de la tête, les péripéties du voyage d’une morte, la crue d’un fleuve, les colères d’un colonel, des histoires de familles, les Sartoris, Snopes et autres McCaslin, la cousine Rosa, l’avocat Benbow… de paysans, des meurtres, des larrons, des larcins, tout ce qui se passe dans le comté imaginaire de Yoknapatawpha… et de nous conter ma foi fort bien par le menu tout le contenu des livres qu’il disait avoir lu et relu au moins trois fois dans l’ordre dans la collection de la Pléiade quel boulot mais quelle plaisir de la redécouverte affirmait-il tout sourire, tenez dans… c’était parti… 

Nous nous connaissions tous ou presque depuis quelques années et se retrouver chez nos chers amis était un moment délicieux pour un séjour plus ou moins long qui ne l’était pas moins… c’était la première fois que Beaubrin comme nous l’appelâmes venait à ici et sa présence bien que nous ne soyons pas tous des vieillards loin de là apportait un petit coup de jeune qui ne laissait personne insensible surtout du côté des dames…

Alors là on en appris sur le William, ses amours (ah ! Meta Carpenter) et ses cuites, son amour du cheval et du Jack Daniels ou l’inverse, ses rapports avec les Noirs, puis sur Hollywood et son petit monde de producteurs plutôt moches genre derniers nababs, de secrétaires affolantes et incapables sauf de… bon… tout cela raconté de fort belle façon devant un auditoire captivé au début et il nous casse les couilles trois jours après et on s’en fout de son pochtron libidineux et du reste dirent quelques énervés alors que d’autres un peu moins nombreux semblaient toujours aussi fascinés… lui souriait toujours…

 

Dites jeune homme, racontez-nous alors votre approche de l’écrivain, est-ce l’histoire ou sa façon de la raconter qui vous subjugue le plus, et cette complexité de lecture, la démesure, la notion de temporalité, le, la… et (ultime question)  vous devez bien avoir un livre favori, réponse de Beaubrin : bien sûr, L’intrus… et aussitôt d’embrayer sur l’histoire, sur le personnage principal, le Noir Lucas Beauchamp, le lynchage… vous savez le titre original est « Intruder in the dust, L’intrus dans la poussière » ajouta-t-il en grattant ses pieds comme démonstration…

 Au bout du quatrième jour, après son départ aussi inattendu que son arrivée, un invité, un pilier de la bande, un de ceux qu’on retrouvait toujours avec plaisir tous les ans demanda à notre divine hôtesse :

mais dis nous c’est qui ce mec ?... ben je crois que c’est le fils d’une amie de ma meilleure amie, tu sais la blonde ricaneuse et dragueuse, il a débarqué un beau matin au p’tit dèj comme dans Théorème, a dit bonjour simplement, s’est assis à table avec nous, s’est servi un café, on lui a seulement demandé son prénom dont personne ne s’est souvenu, Guillaume je crois, il connaissait parfaitement ceux de chacun d’entre nous, il a ri nous aussi … on ne s’est pas posé de question, il était venu à pied sans bagage sans rien, il a aussitôt commencé à parler de son écrivain de prédilection avec tellement de conviction, de chaleur qu’on en restait bouche bée devant tant de passion… il était si sympa, non ? hein ?...et tant pis si personne ne semblait savoir qui il était d’où il venait…

au fait, tu le connaissais, toi ?...

qui ça ? FAULKNER... ?

 

© Jacques Chesnel

Commentaires

Voilà Jacques en pleine forme pour ce début 2014 (cela tient de vœux annuels, mon cher Jacques)mais c'est un peu vache pour Faulkner, non? Du vide verbeux qui mène au bruit et à la fureur des anciens vaguement jaloux: j'ai beaucoup ri.

Écrit par : Nicole Giroud | 21/01/2014

Il eset vrai qu'il finissait pas taper sur les nerfs, avec son écrivain : au lieu de taper sur son ordi, il aurait dû essayer la Remington. Il aurait mieux compris la nécessité de la mettre en veilleuse (sa jactance).

Écrit par : Dominique Hasselmann | 26/01/2014

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