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03/08/2011

MOI AUSSI… (2)

A Lulu (in memoriam)

 Je me souviens d’un cabaret pas très loin du bord de la mer qui était le rendez-vous d’homos tristes venant trouver un peu de bonheur ; on me dit que maintenant se rencontrent des gays gais dans ce genre d’établissement, comme quoi les temps changent. Ce lieu se nommait le Tourne-bride

 Je me souviens que le patron Lulu chantait tous les week-ends s’accompagnant au piano de ses mains manucurées aux ongles vernis, on considérait cela comme étant très chic ; à son répertoire cette chanson : « ah ! tu m’en as écrit des lettres » qu’il interprétait avec sa fausse voix de fausset ; quelquefois, un violoniste classique  très connu dans la région pour sa piété venait s’encanailler et jouer quelques morceaux de Fauré, des airs d’opéra ou des chansonnettes du genre cucul; Lulu était aux anges et nous aussi

 Je me souviens que le bar était tenu par un jeune homme extrêmement beau que les habitués appelaient Orangina, car de son métier il était représentant de cette marque de boisson ; nos femmes étaient toutes émoustillées et chagrinées quand on leur disait que… La copine d’un ami avait essayé de le draguer sans résultat couru d’avance, « je ne suis  pas pour toi, mon chou, au fait, dis, il s’appelle comment ton mec qui me plaît beaucoup ? »

 Je me souviens que pour aller à la salle principale on devait passer par la pièce où se tenait le bar et qui était très étroite, ce qui favorisait les frôlements plus ou moins involontaires, certains jeunes et vieux messieurs légèrement ou outrageusement fardés appréciaient, nous beaucoup moins mais on ne mouftait pas, on jouait le jeu sauf quand c’était parfois trop insistant, alors on disait « oh !, ça va pas la tête » et Lulu riait, nous aussi mais on en pensait pas moins

 Je me souviens des photos sur les murs, de beaux éphèbes dans des poses suggestives, on ne disait pas encore « sexy » avec des retouches visibles sur leurs virilités épanouies, des couilles énormes  qui faisaient rêver les filles « ils sont tous comme ça ? », des boxeurs noirs, des danseurs blancs en tutu et ballerines, des types en robes du soir avec des femmes en smoking, des photos de personnalités célèbres aussi, Jean Marais, Jean Cocteau, James Dean, Rock Hudson, Cliff Montgomery ,Marlon Brando, de travestis du show-biz, quelques femmes comme Liz Taylor, Marlene Dietrich, Judy Garland, Dalida, des icônes d’un cinéma porno qu’on disait underground ainsi qu’une photo de Jacques Anquetil avec cette légende « il en a encore sous la pédale », ce qui nous laissait perplexe…

 Je me souviens qu’on y entendait surtout les disques de Charles Trenet, André Claveau, Réda Caire, les trois Jean, Tranchant, Lumière et Sablon ainsi que Suzy Solidor, surtout le duo Charpini et Brancato, on était morts de rire quand ils interprétaient « j’aime bien mes dindons » et Lulu les imitait ; il nous disait qu’avant-guerre c’était des grosses vedettes des cabarets parisiens spécialisés à Pigalle où lui aussi avait été une vedette avec plumes, strass et tout le tralala

 Je me souviens de la fermeture provisoire de ce lieu suite à la maladie de Lulu ; on nous rapporta qu’il était très courageux et faisait rire les bonnes sœurs de la Miséricorde  venues lui faire des piqures pour soulager ses douleurs. On était tous très tristes quand on apprit son décès, on n’avait plus envie de rire ou de se moquer comme on faisait parfois en l’imitant se dandiner et faire la folle, je crois qu’on était un peu con comme tous les jeunes à cette époque avec leurs préjugés sur les pédés, les tantes,  les travelos et les gouines. Nous ne sommes jamais retournés au Tourne-bride, on n’a jamais voulu savoir si la boîte avait rouvert après la mort de notre Lulu à nous qu’on aimait bien.

© Jacques Chesnel

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30/07/2011

PARFOIS…

 

On attend tout, on n’attend rien, on n’attend plus rien du tout ou alors tout du rien (ce qui n’est pas facile mais ça arrive), on fait l’inventaire avant d’inventer ce qui va s’éventer, on part à gauche, à droite, dans tous les sens, pour revenir au même endroit en redoutant l’envers, les revers, les dévers, alors on reprend l’histoire avec l’espoir en pleine poire, on prend ce qui se trouve sous la main en sous-main ou en main courante en un tour de main avant de la passer, faux-semblant vrai faux et vrai de vrai, on se dit c’est reparti sans contrepartie, on en prend son parti sans parti-pris, on peut se faufiler sans faux filet et s’enfiler à l’anglaise, l’air bravache sans cravache, s’arroger ou abroger des droits sans arrogance, franchir les limites limitrophes, escapades avec ou sans escalades, dépasser les convenances sans outrance, pétarader aux départs, rétropédaler à l’arrivée, s’aplatir sans en faire tout un plat, déjouer le jeu, dérégler la boussole, déboussoler les règles, échapper sans s’écharper, courir à la ruine, ruiner ses espoirs, crapahuter et caracoler, carapate à quatre pattes ou carapace de cataracte dans les Carpates…

parfois…

tout ce qui vibre et vibrionne à l’air et à l’heure du leurre, mascarade mascara en rade, l’envie, l’envoi, l’envol, le désir, le défi, le déni, le désespoir ou l’amertume ou bien l’amer picon, tu vas voir ta mère p’tit con, revenir en courant, se tenir au courant sans coup férir, tiens bon la rampe Sally, faudrait voir à voir, monter sur la dune regarder la lune, planète pas nette, astre du désastre, astéroïde ovoïde, odyssée de l’espèce, se débattre dans l’espace, barboter ballotté puis rejoindre le réel, retourner aux spasmes ou aux psaumes, se blottir l’air penaud ou se terrer l‘air hagard, se tenir au chaud, humer de nouveau, vouloir aimer encore avec force pour échapper à cette farce et alors tandis qu’ on arrive enfin près de la rive, de l’autre rive, celle de la dérive finale, déjà, avec ou sans lutte…

parfois…

on se demande si

on recommence à

on est sûr que

on attend tout de nouveau

on n’attend rien comme toujours…

et puis te voilà apparue, toi

alors on se dit que

et c’est très bien comme ça.

 

             ©  Jacques Chesnel

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11/07/2011

UN DRÔLE DE LOUSTIC

 

Lorsque le type me regarda de loin, je vis qu’il m’avait reconnu de près, il m’appela Michel alors que je me nomme Julien, c’est dire. Il me prenait pour quelqu’un d’autre alors que j’ai personnellement du mal à me reconnaître tout seul, c’est dire. Quand il vint plus près de moi, je m’aperçus qu’il grinçait des dents alors que je me faisais soigner pour un bruxisme intolérable aux oreilles de Muriel, c’est dire. En plus, ce type avait un teint de brouillard, une mine de papier crépon, des yeux globalement globuleux et un menton en cul de fouine, c’est dire. Il se força à sourire béatement avec un je vous ai pris pour un autre alors que pourtant il m’avait reconnu, c’est dire. Quand je lui dis que mon nom n’était pas Michel mais Antoine, je lui ai menti sur le coup et il m’a répondu que ce n’était pas si grave, c’est dire. Son sourire s’était envolé en pinçant des lèvres moi c’est Michel ânonna-t-il bonjour Antoine dit-il ensuite, c’est dire. Je ne relevai pas tant j’aime les quiproquos et les situations insolites pareilles, c’est dire. Comment va Catherine demanda-t-il Nicole va très bien maintenant répondis-je aimablement, c’est dire. Les choses allaient-elles s’arranger quand il regarda derrière moi et que je me retournai pour voir Catherine arriver toute blême et toute blette, c’est dire. Me dépassant par la droite elle lui tendit les bras de l’autre côté tandis que sa mâchoire s’affaissait brutalement, c’est dire. Le type la remit en place avec précaution et étreignit Muriel qui semblait anormalement heureuse pour une fois, c’est dire. Les choses ne vont pas en rester là dit le type on va s’assoir et causer sur ce banc tout près, c’est dire. Ya un truc qui ne colle pas sur les prénoms mais ça ne me gêne pas du tout dit-il enfin, c’est dire. Moi si rétorque-je parce qu’on n’est pas sorti de l’auberge avec cet imbroglio intolérable et d’abord je ne vous connais pas, c’est dire. Si Michel vous m’avez appelé Antoine alors là hein on est d’accord non ?, c’est dire.

C’est alors que j’ai remarqué sa petite taille à côté de Nicole qui est vraiment immense pour son âge, c’est dire. Il est vrai que moi avec mes un mètre cinquante-sept comme Prince on me distingue aussi des autres petits, c’est dire. Il continuait à grincer des dents alors je m’y suis mis aussi ce qui fait que Muriel faisait ses gros yeux qu’elle a déjà gros elle aussi, c’est dire. Le gardien du square nous dit qu’il serait bientôt l’heure de la fermeture et Michel lui répondit en sortant son couteau, c’est dire. On va pas se fâcher pour si peu que ça n’en vaut pas la peine moi ce que j’en dis, c’est dire. Dites-lui vous Antoine que les horaires ont changé et qu’on est en été depuis toute l’année, c’est dire. Le gardien haussa les épaules et partit en maugréant bande de mécréants et mecs réacs, c’est dire. Michel souriait tout en grinçant des dents dont la plupart cariées à cause du bruit, c’est dire. Catherine remit de l’ordre dans sa jupe plissée déplissée par le banc vermoulu de couleur verte, c’est dire. Julien avait rangé son couteau dans la poche de son imperméable qu’il porte nuit et jour, c’est dire. Il se leva et partit son Gros-Jean comme devant sans se retourner plus d’une fois avec une pirouette indescriptible et risible semblable à un entrechat à la Noureïev tandis que Nicole éclatait en sanglots longs comme les violons de l’automne, c’est vraiment dire alors que moi Michel je ne comprenais plus rien à rien depuis longtemps comme d’habitude et que je m’en allais je ne sais où la queue et le reste entre les jambes, c’est  dire. Il y a vraiment de drôles de types tels Julien que ça fait tout de même peur, c’est dire. En rentrant chez moi, je me suis bien regardé dans la glace en me demandant si c’est bien encore moi là, c’est tout dire.

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CHRONIQUE DISQUES : KURT ELLING / JOHN SCOFIELD

 

              L’UN CHANTE, L’AUTRE AUSSI

 

     KURT ELLING / JOHN SCOFIELD

 

Depuis le début de ce siècle, les chanteuses sont de plus en plus nombreuses, quelques-unes pour le meilleur, d’autres… En ce qui concerne les chanteurs, à part Bobby McFerrin génial vocaliste, ceux-ci sont plus rares.

 

The Gate.jpgSe détache singulièrement, et ce depuis ses débuts il y a plus de quinze ans : KURT ELLING, né en 1967, dont le dernier disque The Gate (Concord Jazz), son dixième, est une pure merveille, un en-chant-ement  de bout en bout de ses neuf titres, suivant le même principe : adjonction de textes sur reprises et adaptation de standards, soit de jazz (une déchirante version de Blue In Green) ou de pop (les Beatles avec Norwegian Wood et Joe Jackson Steppin’ Out), de funk (Earth Wind and Fire, le décalé After The Love Has Gone)  et même du rock progressif avec le Matte Kudasai de King Crimson, notamment ; le tout avec la complicité de son pianiste habituel Laurence Hobgood, de Bob Mintzer, du guitariste John McLean et de John Patitucci à leur top. Un des meilleurs disques de ce chanteur à la voix de baryton médium sensuelle sans excès, diction parfaite, se plaçant à l’opposé du crooner classique, dont le travail sur le son est une de ces nombreuses qualités (sens du swing, émotion en filigrane).

 

A Moment'S Peace.jpgS’il ne chante pas avec sa voix, JOHN SCOFIELD n’en chante (et enchante) pas moins avec sa guitare dans A Moment’s Peace (Emarcy). Calme, élégance et modestie, luxe et volupté dans ces 12 titres (5 compositions personnelles plus standards) en compagnie de musiciens actuels du plus haut niveau : Larry Goldings (piano et orgue), Scott Colley (contrebasse) et Brian Blade (batterie). De ses nombreux opus, celui-ci est le plus serein avec cette absence de virtuosité gratuite qui est la marque des plus grands créateurs. On craquera plus particulièrement pour son interprétation de You Don’t Know What Love Is, point culminant de ces moments de paix débordant de sensualité et de feeling, en un seul mot : la sublimation du chant par un guitariste hors normes.

 

 

 

 

©  Jacques Chesnel

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01/07/2011

L’ÉNUCLÉAIRE (Ginette & Maurice)

         

-    Eh ben nous v’là propres avec ce truc japonais à la Foukouchimate après la tsoumanie qu’on a vu à la télé qui bouscule tout

-    On en frémit encore de cette cacastrophe que ça pourrait nous arriver chez nous avec les centrales décentralisées partout malgré les recommandations, avec la contamination par les rejetons de particules élémentaires

-    Voui, on nous cache tout, on nous dit rien, air connu et quand ça vous tombe sur le coin de la gueule comme dit Maurice sans prévenir alors là

-    Si encore y avait que ça  avec le nucléaire mais en plus les radars, le concombre, les stékachiés, la droite pas populaire et la Nadine Morano, les écocolos façon Hulot houchouaïeaïe et le reste on est mal barré que j’vous dis comme je le sens

-    Attention quand même à pas tout mélanger les torchons et les serviettes, le nucléaire c’est une question de la société pour l’avenir de la planète, tenez pour alimenter les radars routiers on pense au nucléaire pour flasher nos bagnoles qui seront contaminées, ça fait moderne pour les économies et ralentir la circulation

-    Non !

-    Mais si, déjà que ça touche toutes les parties du corps, tenez Ginette, une des copines de yoga a un fils qu’a un gros problème à l’œil : c’est le nucléaire pasque il a fallu l’énucléer rapido, alors ça vous en bouche-t-y pas un coin grave ?

-    Personne n’en ont parlé à la télé

-    Etouffé, passez muscade, circulez ya rien à voir alors que si on foutait une bonne vieille atomique énucléaire sur la gueule au gars Kadafi là-bas en Lydie on aurait déjà réglé le problème, non ?

-    Et l’affaire du gars DS K, vous allez pas insinunérer que c’est le nucléaire dans tout ça

-    Allez savoir, pensez aux ramifications avec le Effémi, le G 20, le H 21 et le J 22 v’là les cognes de la sécurité de l’internationale demain sera le genre humain, hein ?

-    Quand j’vais dire ça à Maurice pour les radars, il va plus vouloir rouler pour pas se faire énuclériser déjà qu’il veut pas porter de lunettes sans savoir pourquoi pourtant ça protège contre

-    D’autant, comme le vent, qui y aura plus de panneaux avertisseurs… heu dites-moi pas le bazar de l’hôtel de ville que ça va faire sur les routes

-    Tout ça c’est la mondialisation généralisée

-    Ah non ! vous allez pas vous mettre à vouloir remettre des frontières et des barbelés partout… et revenir au franc pendant que vous y êtes

-    Non non, j’aime pas du tout les bateaux que veut nous faire prendre la Marine avec mon mal de cœur permanent, mais les radars à l’énucléaire ça me turlupine autant sinon plus que l’histoire de l’œil

-    Ah ! vous avez aussi lu Georges Bataille que je viens de terminer, et ça vous a plu ?

-    J’ai toujours eu un p’tit faible pour les romans d’amour, ça donne du piquant dans la vie et comme ça on pense plus aux radars, déjà que je pouvais pas les voir en peinture incolore

-    Tenez, pour plus penser à tout ça, on m’a apporté une bouteille de Maury, c’est un vin doux, un p’tit coup pour nous rassurer et assurer ; on l’ouvre ?

-    C’est pas d’refus pasque moi je m’sens toute chose à cause de l’annonce de la fin du monde à Noël 2012 suivant les propositions

-    M’en parlez pas !, encore de l’énucléaire, on n’en sort pas, tout va sauter et nous avec.

705px-Explosion-atomique.jpg

©  Jacques Chesnel

photo Internet

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27/06/2011

CHRONIQUE LIVRES : KO-KO / ALAIN PAILLER

       KO-KO / ALAIN PAILLER

     Alter ego éditions / Collection Jazz Impressions

 

Koko.jpgCeux qui, comme moi, ont entendu cette composition de DUKE ELLINGTON quelques mois après la fin de la guerre en 1945 n’en sont pas encore revenus, tellement fort a été le choc. Les amateurs de Jazz en étaient restés à quelques 78 tours du Grand Duc religieusement écoutés avant ces quatre ans d’occupation où le jazz était en quarantaine, sous surveillance du pouvoir allemand, toléré à condition qu’il n’y ait aucune référence au Jazz américain noir (« nègre ») ou aux compositions écrites par des Juifs.

 Le mérite de cet ouvrage de 116 pages écrit par Alain Pailler, auteur de Plaisir d’Ellington (Actes Sud, 1998), de Duke’s place chez le même éditeur en 2002 et de La preuve par neuf (Rouge Profond 2007) est non seulement de nous remettre dans les oreilles ce chef-d’œuvre absolu, couronnement du style dit « jungle », mais aussi de nous éclairer sur de nombreux points grâce à cette étude approfondie dont la clarté et la précision sont autant d’atouts majeurs.

 Après une mise au point définitive quant à la contribution de Billy Strayhorn à l’univers ellingtonien, l’auteur nous prévient que la genèse de cette pièce (Ko-Ko) dont la structure harmonique est celle du blues… conçue à l’origine comme une pièce descriptive… traduction jazzistique de la frénésie vaudou… n’est pas facile à reconstituer. C’est pourtant ce qu’Alain Pailler va réaliser donnant moult détails impératifs sur cette pièce  comme l’histoire de l’orchestre, les discussions, apports et rapports avec ses musiciens, le lien avec l’Afrique, les spectacles dansés, le Cotton Club… tout en la replaçant dans le contexte musical de cette époque où les grands orchestres (la plupart pour la danse) font florès et l’objet de « batailles » mémorables. En complément d’une fine analyse de l’œuvre, nous suivrons grâce à l’auteur l’évolution et les différentes versions données par l’orchestre… ainsi que les appréciations et jugements de musiciens d’autres générations tels John Lewis, Charlie Mingus, Miles Davis, Don Sebesky… sans oublier la version (relecture, réapropriation) qu’enregistra  Steve Lacy à Paris en 1999. 

Le 21 août 1937 The New Yorker publiait un texte de l’auteur de Tales of the Jazz Age (1922), Francis Scott Fitzgerald : Un livre à soi.

Le 6 mars 1940 le Duke Ellington Orchestra enregistrait Ko-Ko, une musique bien à lui.

Point commun entre ces deux créateurs : le génie.

Voici donc un document essentiel sur une page de l’histoire du jazz… avec un grand H et un grand J.

                               ____________________

 

Dans la même collection Jazz Impressions, un ouvrage d’Alain Gerber, Longueur du temps, composé de longs poèmes en prose et en forme de langage musical où se mêlent souvenirs d’enfance et de voyages. Difficile d’apporter une objective appréciation  tant cela forme une aventure littéraire insolite que chaque lecteur peut partager ou pas. En ce qui me concerne, je suis passé complètement à côté ; question de respiration par le manque permanent de ponctuation ?.

 

Jacques Chesnel

26/06/2011

LA COUGAR À CHAT

 

« Suzanne, qui se faisait appeler Susanna sur les sites de rencontres, portait allègrement sa quarantaine assumée (plus près de la moitié) et ne cachait pas son appétit pour les jeunes gens, beaux, virils et tout… depuis la disparition prématurée de son mari foudroyé par un cancer à cinquante ans. Elle n’avait aucune difficulté à se ravitailler en viande fraîche (pour employer une expression entendue chez les vieux grigous). Elle appréciait particulièrement (entre autres fantaisies avouables on non) se faire lutiner dans la luzerne les beaux soirs d’été ou shampouiner le gazon le reste du temps. Il y avait cependant un problème avec certaines de ses nombreuses relations : son chat, un chartreux jaloux au dernier degré de la gent masculine qui défilait sans arrêt dans la maison. Il manifestait alors sa désapprobation par des cris perçants qui faisaient fuir certains courtisés par notre cougar affamée. Hector le matou ou bien miaulait fort désagréablement ou bien griffait profondément ou bien pissait dru sur les pantalons des visiteurs au moment des préliminaires avant la bagatelle finale qui se terminait par les rugissements et vagissements de la donzelle comblée. Les voisins s’amusaient de ce cirque continuel hormis quelques vieilles (du même âge ou presque que Susanna) qui regrettaient amèrement que cela ne leur arrive point en se demandant pourquoi nous. Les bacchanales étaient effrénées et sans f(re)in, les hurlements du greffier de plus en plus assourdissants, les jeunes gens de plus en plus jeunots et notre cougar se gargarisait de leurs étreintes de plus en plus vaillantes avec variantes originales, positions extravagantes, avec mises en scène et décors ingénieux propres à satisfaire ses désirs croustilleux, son appétit lubrique, laissant ses cavaliers avachis sur le tapis une fois les orgies terminées au son des criailleries du mistigri en furie. Bref, la petite maison du plaisir était devenu un vrai bordel avec une seule présence féminine outre le plein de damoiseaux, notre Susanna qui cherchait sans arrêt à booster sa libido affamée jamais (ou très rarement) satisfaite intégralement. Plusieurs de ses nombreux partenaires durent renoncer à ce tohu-bohu permanent, certains y laissant leur santé, d’autres a contrario assumant avec empressement les exercices et figures imposé(e)s. Il arriva qu’un jour, l’un deux proposa de mettre de la musique et de danser avec ou sans costumes surtout sans et ce fut alors biguine, bourrée et branle (danses bien nommées et très prisées), boléro lascif, calypso, charleston endiablé, fox-trot (appelé aussi frotte-tox par la tôlière) gavotte, habanera, hip-hop par en dessus par en dessous sans sous-dessous, java coquine, lambada, paso doble voire triple, quadrille à plusieurs, rigaudon cochon, samba frénétique, tango langoureux, valse à mille temps, zouk, tout cela accompagné des vociférations d’Hector de plus en plus insupportables… sauf quand l’un des éphèbes d’origine espagnole alors dans une position fort délicate et inédite pour lui suggéra de mettre un disque de cucaracha (le cafard) lui rappelant son pays et là, ô surprise, étonnement, ébahissement, stupeur, le minet subjugué par la mélodie mit fin subitement à son tapage et alla se coucher dans son panier papattes en rond ronronnant de satisfaction.

Et tout ce petit monde de se demander ce qu’il pouvait y avoir de commun entre la cucaracha et la cougar à chat ; ben tiens, je vous le demande parce que moi… »

Voilà l’histoire que me raconta un vieillard rabougri de cinquante ans éparpillé dans son fauteuil ; c’était l’un des nombreux jeunes amants de Suzanne la cougar. Sur ses genoux, un gros chat gris me fixait curieusement de ses yeux jaunes ; Hector ?

 

©  Jacques Chesnel

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17/06/2011

CIRCONSPECTION

 

Quand le bouffon présenta au roi les chers flacons demandés et dit : « Sire Con, vos lotions », il crut faire une circonvolution. Le monarque, fraîchement circoncis et totalement dans le cirage, en fut tout circonspect et vu la circonstance lui demanda d’arrêter ce cirque puis d’éloigner  tous ces circassiens autour de lui, ce que fit immédiatement le fagotin au teint si cireux. Il avait parlé des lotions avec Circé toujours dans le circuit des circonlocutions : il fallait circonscrire le problème rejetant toutes motions ou nouvelles notions des lotions et potions sous cautions, ne pas se laisser circonvenir (ne pas laisser aussi les cons venir, Sire) dans un rapport circonstanciel : circulez braves gens, ya tout à voir, évitez la circonférence (pour ne pas tourner plus qu’en rond), dit la magicienne avec un rictus circonscrit et contrit et pour tout dire un peu con (si si) également.

Le saltimbanque remit donc son circaète aux formes circonflexes en circulation et, avec les restes des potions et tous autres tions inimaginables, partit en boitillant soigner sa cirrhose sous les cirrostratus qui se pointaient à l’horizon sans donner à son Sire Con les raisons de sa circumduction.

                 Ça vous laisse circonspect ? ; à vrai dire, moi aussi.

 

Circonspection.jpg

© Jacques Chesnel                       Illustration © Jean « Buz » Buzelin

 

 

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16/06/2011

CHRONIQUE CD EDWIN BERG (trio) / VOL. II

 

EDWIN BERG (trio) / VOL. II

Edwin Berg (piano), Eric Surmenian (contrebasse), Fred Jeanne (batterie)

                                                            

Aujourd’hui, on ne compte plus les trios piano-contrebasse-batterie ; il y en a tellement, voire même pléthore ; par contre parmi ceux qui comptent vraiment, celui-là se trouve en compagnie des plus talentueux ainsi que le précédent Perpetuum le laissait entendre déjà. La volonté du trio est clairement proclamée : une musique d’aujourd’hui tournant résolument le dos à ce néoavant-gardisme simpliste que remet en cause Guy Lelong (dans son article paru dans Libération du 2 juin) au sujet de la musique contemporaine. Il s’agit bien ici de jazz, acoustique (résolument jazz dans sa réflexion/ conception/exécution) dont ces musiciens parcourent, développent et assument l’histoire sans avoir recours aux débordements que parfois la mode ou le besoin d’épater entraînent. Il ne s’agit nullement d’une position réactionnaire mais bien d’une continuité dans ce qu’il faut bien appeler la recherche de la beauté suivant des canons précis (notamment la qualité de ce qui suscite un plaisir esthétique, n’ayons pas peur des mots, de ces mots-là conjoints), ce qui n’exclut pas l’esprit d’aventure(s) et la prise des risque(s) pour atteindre l’art de tous les possibles tout en demeurant investi dans la sphère jazzistique.

 

Ce nouvel opus confirme donc le talent de ce trio à/au travers des onze titres dont trois du leader, trois d’Eric Surmenian et les Poussières d’ange de Fred Jeanne, tout cela en compagnie d’arachnéennes et radieuses versions de deux standards dits  incontournables sublimés par Bill Evans (The way you look tonight et Who Can I Turn To ?), une interprétation de Con Alma, jouée avec « âme », débarrassée de son côté parfois trop tintamarresque ou inutilement fanfaronne, ainsi qu’une émouvante chanson qu’interpréta Serge Reggiani Ma Dernière Volonté.

 

EdwinBerg.jpg

Je réitère mes propos sur l’exquisité de ce vrai trio aux antipodes des inconsistantes attitudes billevansiennes, jarrettiennes et autres « braderies »  pianistiques et affirme sans barguigner que nous sommes en présence là de quelques instants de de poésie à écouter sans tarder.

(Axolotl Jazz records / Bee Jazz)

 

Jacques Chesnel

Photo ©Jean-Claude FRANCOLON.

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15/06/2011

COUTANCES 2011, 30ième ROLAND SOUS LES POMMIERS

 

Le jazz étant aussi une forme de sport, le tournoi de tennis de Roland Garros se déroulant dans le même temps, ce compte-rendu de trois jours choisis parmi la profusion de concerts tous plus ou moins alléchants (vraiment plus), se fera donc sous le signe de Roland.

. Premier concert et premières balles neuves: ALDO ROMANO : 10.

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Carte blanche à ce musicien italien, batteur, compositeur, guitariste et chanteur (né au jazz sous la houlette du free) pour honorer et fêter ses cinquante ans d’une carrière bien remplie qu’il retraça, en abrégé étant donné son parcours, en compagnie des musiciens ayant formés ses différents groupes.

D’abord « Palatino » (groupe formé en 1988) avec Stéphane Belmondo (remplaçant Paolo Fresu) avec ce phrasé et cette sonorité au bugle qui le caractérisent aux côtés d’un Glenn Ferris au trombone jubilatoire, manifestant et communicant sa joie d’être là et Michel Benita au jeu toujours aussi fluide. Aldo, souriant, décontracté autant que visiblement ému drivant le tout de mains de maître (coups droits, revers slicés et nombreux aces). Deuxième set avec un Enrico Rava à la fois plus jeune et plus vieux sage que jamais, méritant parfaitement sa renommée de « Miles Davis transalpin », sonorité spécifique, lyrisme constant, la classe élégante de Baptiste Trotignon, Aldo sourit de plus en plus, le public aussi. Dernier set, balle de match : le Don Cherry Quintet. Retrouver (et retrouvé) l’esprit de la musique de ce trompettiste de légende avec lequel Aldo se produisit ; point (et foin) de nostalgie : Fabrizio Bosso déchaîné, débit haletant, phrasé serré, balles juste sur la ligne, sonorité acérée, Géraldine Laurent n’est pas en reste, volubile, hargneuse, services liftés, Henri Texier (autre vieux compagnon) assurance tous risques garantie, Aldo exulte, le public de même et trépigne en sus, comme nous. Pour le final, un bon vieux blues monkien pour/entre/avec 10 musiciens aux anges, rien de tel pour une fin de partie. Tout le monde debout, nous aussi.

 

. Deuxième concert : MICHEL PORTAL BAÏLADOR 6.

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A la balance, Portal n’a pas le sourire, on a appris son intervention chirurgicale due à de mauvais calculs (rénaux) la semaine précédente. Son sourire est revenu au début du concert, entouré des musiciens du disque, sextet international. Il jouera principalement de la clarinette basse et du soprano se retournant souvent vers Bojan Z qui fait office de directeur musical, Michel aligne les notes comme autant de balles, ça danse un peu, ça ne swingue pas beaucoup, (M.P. a-t-il d’ailleurs jamais vraiment swingué ?) Bojan se démène avec efficacité et a le set bien en mains dans les cordes, Ambrose Akinmusire étonne et détonne par ses effets alternés de blues/gospel/free, belle sonorité dans les graves, un peu claironnante dans les aigus, Lionel Loueke, trop discret est très applaudi (fort heureusement) lors de ses interventions délicatement colorées, Scott Colley et Nasheet Waits assurent avec le professionnalisme qu’on leur connaît. Le public est ravi, c’est le principal.

 

.Troisième concert : RON CARTER « Golden striker trio » : 3.

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Le grand Ron avance avec majesté sur la scène en compagnie du pianiste Mulgrew Miller, un monstre du piano et du guitariste virtuose Bobby Broom, remplaçant Pat Martino (qui doublait déjà Russel Malone initialement prévu). Et là, un des miracles qui (bien que non croyant) se produit parfois : une heure et demi de pures délices musicaux, intelligence, sensibilité, musicalité, charme, émotion à travers ces standards revisités comme ce My Funny Valentine, dans un silence de cathédrale. Plein de musique, de sons, de mélodies, de visuel aussi, sur les longues mains de Ron, ses longues phrases enchevêtrées, sa grande souplesse et cette superbe sonorité, la présence magique de Mulgrew Miller sa pesanteur (le corps) sa légèreté (musicale), les moments de guitare dans la grande tradition des années 50/60 de Bobby Broom ; guitariste connu comme étant celui de la dernière formation de Sonny Rollins. Devant une salle comble, subjuguée puis énamourée : quelque chose qui ressemblait au bonheur pour tous, intégralement.

. Cette année, il faisait beau, à Roland, à Coutances, dans tous les sens du terme pendant ces trois sets entendus/vus par Roland. Pendant les autres aussi à ce que j’ai entendu dire.

 

Texte © Jacques Chesnel                                       Photos © Patrick Audoux

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11/06/2011

Yves Buin / Barney Wilen, blue melody

 

Yves Buin / Barney Wilen, blue melody

 

BarneyWilen.jpgAuteur d’un ouvrage de référence sur Thelonious Monk réédité en 2002 chez le même éditeur, Yves Buin est également romancier et essayiste (sa bibliographie est   impressionnante), spécialiste de Jack Kerouac (Sur la route et autres romans chez Gallimard) dont il a écrit une biographie ainsi qu’une de Céline.

Cette toute première biographie de 120 pages est consacrée à Barney Wilen, cet « éternel jeune homme » à l’allure faussement nonchalante, né à Nice (de mère française et de père juif américain) en 1937, décédé en 1996, saxophoniste prodige ayant connu très jeune la célébrité en 1957 grâce à sa participation à l’enregistrement d’une musique « devenue culte, sinon mythique, celle du film Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle, sous la signature de Miles Davis ». En vingt chapitres courts mais denses judicieusement sous-titrés, Yves Buin retrace donc la vie multiple de celui qui fut considéré comme « le seul ténor européen susceptible de concurrencer les maîtres américains » et que le Japon consacra comme l’un des plus grands jazzmen.

Y. B décrit ses débuts dans les clubs niçois sous les encouragements de Blaise Cendrars, puis monté à Paris en 1954 en compagnie de la fine fleur des musiciens, évoluant déjà dans la filiation de Lester Young alors qu’il n’a pas encore 18 ans, il va se situer rapidement sur le devant de la scène parisienne (dans le style be-bop) grâce à la sagacité du producteur Marcel Romano qui le recommandera à Miles.

On suit alors avec curiosité cette carrière (méconnue de beaucoup de jeunes amateurs et musiciens) un temps interrompue, et sa résurgence en précurseur du free jazz européen s’ouvrant à l’influence de la pop music, jetant ainsi les bases et principes de ce qu’on dénommera free jazz rock (Dear Prof. Leary et AutoJazz / Le destin tragique de Lorenzo Bandini en 1972) ainsi que ses rapports avec l’Afrique où il séjourna (son disque Moshi, 1972), sa façon de surfer sur des chansons (French ballads, 1987)…

Deux interviews de 1961 et 1966 pour Jazz Magazine ainsi qu’un entretien avec Philippe Carles en 1972 (certaines considérations sur la musique sont toujours d’actualité, sur le swing : le swing participe plutôt de la magie, les images qu’il voit quand il souffle, la relation l’improvisation/composition),  ainsi qu’une discographie qui va de 1954 avec Roy Haynes à Passione en 1995, complètent ce récit. Rappelons que Barney reçut en 1987 le Grand Prix de l’Académie Charles Cros pour son disque La Note Bleue sorti en même temps qu’une BD de Loustal et Paringaux inspirée de sa vie.

A propos de jazz, B.W. disait je vous raconte des histoires de fantômes. Y.B., lui, nous raconte celle d’un musicien incomparable, d’un homme exceptionnel, qu’on ne doit pas laisser séjourner aux oubliettes du temps.

 

Edition : Castor Astral music

 

Jacques Chesnel

05/06/2011

TOUT FOUT L’CAMP (Ginette & Maurice)

-     Alors comme ça, Ginette, vous allez fêter vos cinquante ans de mariage ?

-     ben oui, à ct’occase on va mettre les p’tits plats dans les grands et Maurice toujours aussi vert grâce au viagra m’a dit qu’y aurait pas que les plats si vous voyez c’que j’veux dire

-     je vois je vois et j’vois pas pasque j’irais pas regarder par le trou de la serrure, c’est du domaine du privé

-     les gamins nous ont dit que ça faisait performance comme font les artistes de maint’nant car autour d’eux c’est plutôt la débandade si vous voyez encore c’que j’veux toujours dire

-     ça doit dépendre de la marque du viagra, gare à la contrefaçon, par contre j’en connais qu’à plus de quatre-vingts ans c’est toujours au beau fixe, jamais en rade, la flamberge au vent et la bonne femme qu’en redemande avec son  satisfaisite comblé

-     ils veulent dire les couples qui se défont au lieu de se défoncer, le vieux comme les jeunes, ça explose de partout autour d’eux, ça tombe comme la grave lotte avec du grabuge partout à cause des enfants en basage, des pensions pour l’alimentaire, de la maison ou de l’apart’ qu’on a pas fini d’payer et que principalement les mecs se barrent avec des jeunesses qui font la nique aux vieilles en les regardant de haut et les avocats qui se frottent les mains en se faisant du blé

-     regardez parmi nos voisins les plus proches, tenez, Solange et René qui l’eut cru l’auriez-vous cru ou lustucru, elle, s’envoyer en l’air avec le jeune abbé dans le confessionnal, lui, fourrager avec la postière dans leur grange ça passe encore, mais Georgette et Marcel c’est les pires dans l’anormalité pasque là ya pas à dire c’est du maoussecosto et inhabituel par chez nous, bon se taper des jeunots encore mais elle, se goinfrer avec la petite serveuse du café dans les foins au vu de tout l’monde les pattes en l’air et lui, s’entartiner le commis dans l’écurie avec les chevaux qui piaffent et hennissent pasquils sont pas d’accord sur la place qu’on leur prend, là on a tous été choqués d’un gros choc réprobateur en bloc quand on l’a appris par le facteur, vous savez celui qui fait Jésus le jour de la fête de la sansion pour monter au ciel dans l’église

-      et on s’étonne après ça d’un retour de bâton avec Boutain, la Christine et son nouveau parti sans rire

-     ah cette là on lui donnerait son bon dieu sans concession, mais elle a dit qu’elle non plus elle crachait pas dessus la chose, alors ?

-     on sait plus à quel saint se vouer à part sainte nitouche, saint frusquin, saint glin-glin ou saint bling bling

-     à propos, vous avez vu tout c’qui font chez not’ pape, ya un gars qu’a écrit un bouquin, sexe au Vatican, y aurait même des orgies à c’qu’il prétend et pas un pour protester

-     normal, ils sont à Rome, mais n’empêche avec leur Berlutemachin qui donne l’exemple, plus personne vont se gêner

-     même qu’on ressort Marthe Richard vue à la télé, j’trouve qu’elle a pris un sérieux coup d’vieux de sa bouille et avec ses maisons  closes qu’on voudrait rouvrir toutes grandes

-     et les appeler maisons ouvertes comme en Allemagne

-     chez nous ça va pas marcher, déjà que au comité municipal ya des bonnes femmes qui envisagent de faire la grève de la chose comme Lise Istrata, une italienne contre la guerre des gaules dans l’temps j’crois ben, alors moi j’vous dis pas de maison close ni d’ouverte ici sans ça les bonshommes  seront privés de ouinette, la porte cadenassée et popol gros jean comme devant à l’air libre et tout penaud, voilà tout

-     oui mais je m’demande si c’est fichu avec nous ?… alors vous pensez-t’y pas qu’en revanche ils iront là-bas comme un seul homme et nous pendant c’temps qu’est-ce qu’on s’met sous la dent, on aura l’air malignes avec not’ berlingot sous l’bras et l’abricot tout sec, c’est pas une solution et puis d’abord c’est pas la guerre

-     nan, mais si ça continue on dirait bien que ça y ressemble, non ?

 

©  Jacques Chesnel

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 illustration © Jean  “Buz” Buzelin

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30/05/2011

Chronique CD : KONITZ-MEHLDAU-HADEN-MOTIAN

 

  KONITZ-MEHLDAU-HADEN-MOTIAN

                                                      Live at Birdland                              

 

Je l’ai déjà écrit et je le répète : Il y a, dans la vie d’un chroniqueur, tombé dans la potion magique du jazz depuis si longtemps, des disques attendus impatiemment dès l’annonce de leur sortie. Comme pour celui-ci, particulièrement en raison de la présence de musiciens dont les talents de chacun ne sont plus à démontrer, pour trois d’entre eux depuis si longtemps aussi.

 2009 : année Lee Konitz ! avec deux prestations mémorables enregistrées dans deux clubs new-yorkais prestigieux à quelques mois d’intervalle : au Village Vanguard les 31/03 et 01/04 par son New Quartet (Lee plus le trio Minshara) et celui-ci au Birdland, sujet de cette chronique, les 9 & 10 décembre en compagnie de musiciens dits de légende (par le talent et par l’âge), le contrebassiste Charlie Haden (74 ans), le batteur et percussionniste Paul Motian (80) en présence d’un des pianistes parmi les plus talentueux d’une plus jeune génération, Brad Mehldau (39), Lee venant d’avoir 82 printemps dont 66 avec son saxophone alto autour du cou.

 Si, avant toute autre considération, j’insiste sur l’âge presque canonique de deux d’entre eux, ce n’est pas pour s’extasier sur leur longévité autant physique que musicale (quoique) mais sur cette volonté de continuer à se produire en recherchant par/dans leur attitude à perfectionner une certaine idée de la musique, du jazz, et aussi, cela s’entend, de nous faire partager une joie de jouer évidente, de communiquer leurs émois et leurs émotions au travers de la complicité, de la confiance réciproque, de l’extrême liberté (ce vent de folie aussi) qui circulent naturellement en eux, entre eux, à travers eux.

Il y a également des moments où un producteur peut subodorer un évènement, avoir la prémonition qu’il va se passer quelque chose d’exceptionnel et c’est, je crois, ce qui s’est passé avec Manfred Eicher lorsqu’il a demandé à son ingénieur du son, James Farber, de planter ses micros sur la scène du Birdland… et on ne peut que l’en féliciter.

Pour cette rencontre sans aucune préparation, le choix des standards est évident, pas de liste, pas de pupitre, simplement des chansons que ces musiciens ont déjà joués tant de fois et  qui sous d’autres doigts que les leurs sont souvent rabâchés,  affadis ou incolores, se mettre alors dans la disponibilité d’une toute première fois, d’aborder un thème sans préalable ni concertation ; l’exemple en est pour ce Lover Man que Lee ne prend même pas la peine d’énoncer la mélodie. Comme pour les autres titres (Lullaby Of Birdland, Solar, I Fall In Love Too Easily, You Stepped Out of A Dream, Oleo), le jeu des quatres musiciens sera à la fois, sensoriel, sensuel, lascif, érotique, fusionnel, une musique de braise autant que de baise toujours réinventée, envahie de phrases, paraphrase, périphrases, métaphases toutes sidérantes avec leurs atours, autours, entoures et alentours avec des esquisses suivies de certitudes, d’ébauches suivies d’amorces, de faux départs et d’évidentes arrivées, d’abords et débordements aux cours desquels Lee Konitz explore, défriche, musarde, flâne, s’éloigne, s’échappe, s’égare pour mieux se retrouver tandis que Brad ne joue pas que du Mehldau, que Charlie Haden assure et vagabonde de main ferme et que le grand Paul Motian exprime au mieux ses qualités de danseur et de coloriste.

On sursaute et on s’étonne au début de Solar à l’écoute de la sonorité particulière de Lee qui, allez savoir pourquoi, introduit un morceau de tissu dans le pavillon de son saxophone, on reste béat à l’écoute du seul solo de batterie de Paul, on défaille à l’écoute de la version extrêmement lente de I Fall In Love Too Easily et l’interprétation toute en retenue de Brad avec cette coda effilochée, on exulte avec un Oleo survitaminé et sa conclusion collective.

Au-delà du plaisir, de la jouissance que procure ces moments inespérés de musique, un simple constat : faisant fi des modes et des genres, le Jazz servi par de tels musiciens est la plus jeune de toutes les musiques du monde… ni plus ni moins.                 

 

Jacques Chesnel

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27/05/2011

MOI AUSSI…

 

… j’ai des souvenirs, comme Pérec, à distinguer les vrais des faux

 

. je me souviens de mon tricycle sur lequel je me prenais pour Toto Grassin en faisant le tour de France de la cuisine dans l’appartement du deuxième étage au 7 de la rue de Paris

. je me souviens de de l’étape du tour en 1936 où mon frère et moi on gueulait vas-y Spéchère notre favori

. je me souviens d’avoir serré la main d’Henri Chéron sur la place qui maintenant porte son nom

. je me souviens du verre brisé sur un caillou quand Papa a voulu montrer à ses copains que le verre était incassable

. je me souviens du martinet entré dans ma chambre et de ma trouille quand affolé il s’approchait de mon lit

. je me souviens avoir été déguisé en alsacienne à une fête de l’école parce que je ressemblais à une fille

. je me souviens du nom de premier instituteur que je trouvais gentil, Monsieur Rivière

. je me souviens de jouer dans l’escalier au camionneur en conduisant un Latil avec un gros copain qui prenait les virages mieux que moi

. je me souviens de mon émoi quand j’ai vu pour la première fois la culotte de la fille dont je croyais être amoureux

. je me souviens de son regard à ce moment-là quand j’ai rougi partout

. je me souviens de mon premier baiser au cinéma où passait un film avec Tino Rossi qui chantait Marinella

. je me souviens que c’était un baiser de cinéma et pas un vrai baiser

. je me souviens que je trouvais Mireille Balin très belle et Oranne Demazis très moche

. je me souviens que j’ai beaucoup ri lors d’un film avec Georges Milton qui chantait J’ai ma combine

. je me souviens avoir dit à mon frère que Fernandel avait des dents de cheval

. je me souviens d’un copain qui se disait si curieux qu’il soulevait les crottes de chien pour voir ce qu’il y avait dessous

. je me souviens ne pas avoir entendu le docteur dire à mes parents que la masturbation rendait sourd

. je me souviens avoir pensé et toujours dit que mes deux grand-mères étaient de vieilles salopes

. je me souviens d’un type qui me donnait toujours des coups de pied et qui est mort maintenant

. je me souviens du chapeau de ma mère pour ma première communion, je le trouvais très beau, il était noir et saumon, on disait un bibi

. je me souviens aussi de son chapeau pour la dernière, c’était le même

 .je me souviens du nom de notre chat siamois : Mitou, et de sa petite sœur

. je me souviens de la rue des Quatrefeuilles parce que c’était la rue du Trèfle

. je me souviens d’une fille qui s’appelait Mouton et qui avait l’air un peu vache

. je me souviens d’une vache, la Brunette, qu’était douce comme un mouton

. je me souviens d’avoir vu une aurore boréale, mauvais présage disait-on

. je me souviens d’un copain de mon père, M. Mercier, il était boucher

. je me souviens d’une copine de ma mère, Mme Boucher, elle était mercière

. je me souviens de Jean Gabbano et de sa femme Loulou, je les aimais beaucoup

. je me souviens d’un nuage en forme de bite et de la tête de ma sœur sans forme

. je me souviens de mon rire sans fin quand j’ai entendu pour la première fois Eve Ruggieri à la radio

. je me souviens d’Achille Zavatta et ça me fait du bien

. je me souviens de Jean Sablon chantant Mireille

. je me souviens d’une bonne sœur accroupie dans l’herbe

. je me souviens de la voix de Salvador Dali et du chocolat Lanvin

. je me souviens de la Rosengart bordeaux de Pépé rouge de plaisir et de la tronche de Mémé verte de peur

. je me souviens de René Vignal, de Zatopek et Joe Louis qui m’offrit un V-disc

. je me souviens de Pierre Brasseur, Edwige Feuillère, Jacques Dacqmine et Jean-Louis Barrault dans Le partage de midi de Paul Claudel au théâtre Marigny

. je me souviens du rire énorme de mon Papa quand il entendait Bach et Laverne

et de l’émotion de Maman quand elle écoutait chanter Jean Kiepura

. je me souviens de Chang le petit champion de tennis et de Dominique le gros champion de pénis

. je me souviens des Harlem Glote-trotters et du joueur qui cachait le ballon de basket sous son maillot

. je me souviens de La reine des pommes de Chester Himes et de Guillaume Tell

. je me souviens que je détestais le rutabaga et que j’aimais bien le camembert Lanquetot

. je me souviens des deux sœurs Monique et Nicole, je ne me souviens laquelle je préférais, peut-être les deux

. je me souviens de gavroche vu sur une barricade en mai 68

. je me souviens de tout ce dont je ne me rappelle pas encore

. je me souviens de rêve de demain

. je me souviens de Georges Pérec et de ses souvenirs en lui demandant pardon pour les miens…

 

à suivre

 

©  Jacques Chesnel

 

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23/05/2011

CHRONIQUE CD : JAZZ NOTICES

 

CHRONIQUE  CD  :  JAZZ NOTICES

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. YVES BROUQUI + 3 / THE MUSIC OF HORACE SILVER

  (elabeth 2010)

Outre l’excellente idée de nous rappeler les singulières compositions de ce grand pianiste hard bop que fut Horace Silver (on se souvient tous de Qicksilver qui figure ici avec neuf autres titres), voici l’occasion d’entendre ce guitariste, musicien accompli, disciple de Wes Montgomery et Grant Green, au jeu et à la sonorité d’une grande élégance.

 

 

. MÉLANIE DAHAN /  LATINE

 (plus loin music)

Avec des partenaires remarquables (Giovanni Mirabassi, Marc-Michel Le Bévillon, Lukmil Perez et un quatuor à corde), cette vocaliste à la voix d’une rare délicatesse  associe le jazz et la chanson avec bonheur et signe là un album lumineux de nuances et de sensibilité (les Vingt ans de Léo Ferré et Que reste-t-il de nos amours de Charles Trenet et Léo Chauliac). Elle se distingue ainsi parmi l’avalanche des nouvlles voix.

 

 

. SAMUEL BLASER

  PAUL MOTIAN        / CONSORT IN MOTION

(Kind of Blue records)

Pour ce cinquième album en quartet, Samuel Blaser, jeune tromboniste suisse, s’est associé avec une légende du jazz le toujours inventif Paul Motian en réunissant deux mondes séparés par un grande distance, à savoir des pièces de Monteverdi (1567-1643), Frescobaldi (1583-1643 et Biagio Marini (1594-1663), autrement dit » introduire des éléments de jazz dans la musique dite baroque sans perdre ses couleurs d’origine ». En plus de sa virtuosité étourdissante (vraiment tout ce qu’on peut jouer avec/sur un trombone), une démonstration de créativité intense à laquelle le batteur prend une part importante mais qui pourrait interroger les plus puristes des amateurs au sujet du mélange des genres. A écouter, ne serait-ce que par curiosité (qui n’est pas un vilain défaut).

 

 

. BRADY WINTERSTEIN  /  HAPPY TOGETHER

(plus loin music)

Emergeant du lot étoffé de parutions consacrées au jazz manouche ou assimilé, ce juvénile guitariste étonne non seulement par la fougue de sa jeunesse mais surtout par une technique confondante et une très belle sonorité de guitare sèche avec un répertoire varié dans lequel on relève notamment les interprétations singulières de Suicide is painless (thème peu joué, sublimé par Bill Evans) et Softly as in a morning sunrise. A noter les présences de l’accordéoniste Marcel Loeffler et du bassiste virtuose Dominique Di Piazza sur certaines plages. Un disque débordant de swing (pulsion régulière), dans une ambiance qui affiche une joie d’être ensemble et de jouer à fond la caisse.

 

 

KAPSA-REININGER-FLEAU  /  PARHÉLIE

(mélisse)

Rien de plus significatif, de plus éloquent, de plus intriguant qu’un disque produit par un musicien, surtout, comme c’est ici le cas, quand l’un des producteurs, Edouard Ferlet, est un pianiste (et quel pianiste membre notamment d’un trio (et quel trio) celui de Jean-Philippe Viret.

Ces trois garçons dans le vent de la musique actuelle (un métissage fort bien dosé pour un premier disque) proposent un voyage riche en sons, rythmes et couleurs avec une belle énergie. Difficile de ne pas résister ; embarquement immédiat.

 

 

Jacques Chesnel

 

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