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22/10/2011

CHRONIQUE CD / DIEGO IMBERT

 

                                                      Next Move

                                       (Such Prod / Harmonia Mundy)

 

A l’instar d’illustres prédécesseurs, Diego Imbert est un contrebassiste très sollicité, apprécié qu’il est pour les qualités multiples qu’on lui connait notamment sa polyvalence et son aisance dans tous les styles. C’est également un compositeur singulier à l’univers au charme poétique remarqué dans son précédent disque A l’ombre du saule pleureur.

Pour ce nouvel opus, il réunit les mêmes musiciens, quartette sans piano, dans la ligne de prestigieux prédécesseurs tels Chet Baker/Gerry Mulligan et, plus particulièrement cette fois, Don Cherry/Gato Barbieri (le quartette de Complete Communion) au cours de ces treize plages retraçant et retranscrivant les impressions, sensations, fragrances  et saveurs recueillies lors de ses voyages réels ou fantasmés.

Ce que l’on retient en premier : cette discrète et délicate respiration intérieure que la parfaite complétude des souffleurs et de la rythmique rend parfaitement au cours de la totalité du contenu mélodique introduit dans chaque composition par quelques notes ajustées du contrebassiste ; ensuite cette détermination à favoriser les unissons bugle/saxophone ténor par rapports aux solos (la sonorité aérienne d’Alex Tassel en opposition à celle charnue de David El-Malek), ce qui confère un climat où le feu couve en permanence comme dans cette sorte de poursuite (de « chase » aussi) de la plage 4 ainsi que dans l’agitation propre à la Fitth Avenue… ou bien encore cette rêverie brumeuse dans November’s Rain où les sonorités des cuivres semblent s’évanouir en un frémissant halo. La complicité Imbert/Agulhon fait (une fois de plus) merveille : alias la sonorité et le drive d’un Pierre Michelot,  la tempête permanente d’un Elvin Jones.

Employons, pour résumer ce disque, un mot d’hier pour une musique d’aujourd’hui : ÉPATANT !

 

©  Jacques Chesnel

 

Alexandre Tassel (bu), David El-Malek (ts), Diego Imbert (cb, comp), Franck Agulhon (dm). Enregistrement : février 2011

NextMove.jpg                

              

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20/10/2011

À LAS VEGAS ! (GINETTE & MAURICE)

 

-    Alors chère amie, c’est-y vous qu’a gagné le gros lot à la tirelire du loto d’hier

-    Nan, car on joue pas à ce machin-là qu’est une vrai pompe à fric, oh des fois Maurice va au Casino à côté de chez nous où c’est moins cher pour les grosses commissions qu’ailleurs, d’autre fois il va à l’autre Casino où c’est plus cher car il revient toujours bredouille et raide comme passe l’assez, je crois que je vais le faire interdire de séjour d’ailleurs

-     Mais je croyais que vous m’aviez dit

-    On a tout suspendu un peu car on a perdu des mines et cents à tous ces attrapes-gogo, on reste aux jeux du Casino pas cher avec les remises pour les réclames, on a déjà gagné un séjour de ouikinde à Bagnoles de l’Orne pour une cure de jouvence de nos jambes avec l’Abbé Sourisse et un voyage en car à Lorient pour la fête des binious qu’on en avait marre à cause du boucan et de tout le tournis et Maurice qui voulait souffler dans leurs machins gonflés que les gars dégonflés voulaient pas ; à Bagnoles, un type qui tripotait les machines à sous à côté de Maurice a récolté un tombereau de pièces qu’il pouvait pas ramasser toutes tellement yen avait partout, Maurice était vert car c’était sur cette même machine qu’il s’était échiner pendant deux heures auparavant mais il rigolait de voir le type faire des sauts de carpe pour essayer de ramasser le pognon devant les badauds ébahis en criant putain je le crois pas je le crois pas, je le crois pas. Vous voulez-t’y un coup d’main demande Maurice et l’autre non non j’peux ramasser ça tout seul bon dieu d’bon dieu. En rentrant, il m’a avoué avoir carotté quelques grosses pièces pour se dédommager, dites donc. Et pis, on avait décidé de tout arrêter quand boum rien qu’à répondre bêtement à une question idiote au Casino pour les commissions, on gagne un voyage pour deux à j’vous donne en mille : Las Vegas, oui, là où braille la Céline Dion qu’on le croit pas mais c’est vrai, on embarque la semaine prochaine et hop, chère amie, attendez que j’reprenne mon souffle, le Maurice est fier comme les trabans il crie partout je suis l’As de Vegas à Las Vegas, sacré bonhomme

-    Comment qu’vous allez l’tenir là-bas, pasque avec tous ces feux qui brillent, les filles qui aguichent ou qui affriolent en gondolant du croupion, les croupiers faux-jetons, c’est l’île de la tentation, des sensations et colle en tas de merde sans Denise Grognard en quelque sorte en plus vrai, quoi

-    M’en parlez pas, j’en tremble déjà, j’en ai les poils tout hérissés, tenez, avec lui faut avoir l’œil et le bon, il est capab’ de tout d’un seul coup, de se carapater à quat’ pattes au moins, de faire le joli cœur ou un coup d’éclat pour se faire remarquer, j’en frémis déjà car il a de la ressource, je sais pas où il va chercher tout ça biscotte chez nous il est plus calme à cause du bromure dans la soupe mais il en fait déjà toute une tartine dans le pataquès et il va foutre le bordel moi j’vous l’dis que les gars du Casino vont flipper sec dans les casinos scintillants qu’on regarde à la télé de voir un grand fauve lâché dans la nature comme le gars Tarzan en string léopard dans la jungle, j’en ai la crainte et même les chocottes

-    Dites, comme vous y allez un peu fort, non ?

-    On n’est pas encore parti, ma chère, mais j’peux vous dire une bonne chose, c’est que si Maurice est déjà dans sa tête l’As de Vegas, c’est bien moi Ginette qui, déjà, est lasse de Vegas, très lasse.

                     

© Jacques Chesnel

 

IMG_2294.JPG

Photo : Pierre Letourneau sur le site : www.yvettedefrance.com

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17/10/2011

INTERMEZZO


UN AUTRE DAVID,  AU CHOIX

 

Après les rois d’Israël et d’Ecosse, les peintres flamand et français, les prénoms des cinéastes, chanteurs, footballeurs, DJ et photographe, voici en plus quelques autres DAVID :

 

Bouillet   Couillet   Douillet

Fouillé   Gouillet  Houillé

Jouillet   Kouillet   Louillet

Mouillé  Nouillet  Pouillé

Quouillet  Rouillé  Souillé

Touillé  Vouillet  Wouillet

Xouillet  Zouillet…

 

… somme toute, l’embarras du choix ?... un de trop, peut-être ?

 

©  Jacques Chesnel

 

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14/10/2011

LES DEUX AMIES

 

En tombant par un pur hasard sur cette reproduction du tableau de Gustav Klimt, Mélanie pensa à ces deux voisines dont on disait que, enfin, elles avaient l’air de, on n’avait rien contre mais avouez cependant que, l’une blanche habillée toujours en noir et l’autre noire continuellement vêtue de blanc… ah ! et puis cette habitude de nous narguer sur leur balcon en fumant cigarette sur cigarette avec quelquefois un verre à la main. Mélanie, bien sûr, n’était pas raciste, elle comprenait la défense des droits des femmes, avait approuvé la loi Veil autorisant légalement l’avortement, celle contre la peine de mort, mais il y avait au fond d’elle-même un vieux fond indéfinissable qui faisait qu’elle était choquée, voilà c’est dit oui choquée, certainement.

 Elles faisaient la causette jusqu’à tard le soir qu’on se demandait ce qu’elles pouvaient bien se raconter et dire du mal de nous, certainement. Des fois elles avaient des mots plus hauts que les autres ou bien des rires bien sonores ou des airs de conspiratrices qui nous agaçaient. Quelques fois, on voyait un couple de personnes âgées, des parents qui passaient, certainement. Jamais de jeunes hommes de leur génération, rien que des femmes, des copines un peu fofolles ou des rombières hyper maquillées comme des tenancières de bordels anciens, certainement. Oh !, une fois seulement, un soir d’été, elles avaient parlé plus longtemps et plus fort, comme si elles se chamaillaient puis la noire s’était levée brusquement et était revenue avec de nouveaux verres pleins, certainement. Mélanie avait pensé alerter la police pour tapage nocturne, mais maintenant la flicaille ne se déplace plus que pour des choses plus graves comme la nuit où on a brûlé la voiture de son gendre qui est policier, c’est pour ça, certainement.

Maintenant que les soirées sont plus fraîches, elles ont mis des parkas ou des couvertures mais elles restent sur le balcon à cause de la fumée, certainement. Hier, en plus des exclamations, rires et autres éclats de voix, on a eu droit à de la musique, enfin si on peut appeler cela de la musique, zim boum boum badaboum avec une fille qui hurlait à la mort, certainement ; on a entendu des voix crier la ferme moins fort vos gueules arrêtez elles ont continué de plus belle comme si de rien n’était, plus fort même, certainement…

Et puis l’hiver arriva, long, froid, moche, Mélanie nous dit qu’elle ne voyait plus que des ombres derrière les voilages, le calme était enfin revenu sur le balcon d’en face. Rien de particulier à signaler dans le pâté de maisons et d’immeubles à part quelques chambardements, visites nocturnes de policiers suite à des plaintes pour vols ou de rares échauffourées à cause de la drogue, la routine, quoi, certainement.

Le printemps se décida enfin tardivement, Mélanie avait perdu son mari ainsi que des proches et quelques  voisines, elle s’ennuyait ferme en dehors de « Plus belle la vie » à la télé, elle parlait souvent des deux amies qu’elle ne voyait plus derrière ses rideaux tirés, certainement. Se couchant de plus en plus tôt, elle fut réveillée au début de son sommeil par des cris. Levée rapidement, elle vit deux silhouettes comme des ombres chinoises sur le balcon, sur toujours le même. Décidément, pour la reprise, ça barde sec, se dit Mélanie en enfilant sa robe de chambre. Le ton monta de plus en plus haut, une véritable altercation, un vrai grabuge, il y avait maintenant du monde à toutes les fenêtres, on entendit dans le vacarme une grosse voix, celle du boucher retraité hurler oh ça suffit là-bas oh quand on vit apparaître derrière les deux amies un profil masculin, oui un homme d’aspect corpulent se précipiter sur les deux femmes, les empoigner violemment et les balancer toutes les deux dans le vide de la hauteur des sept étages avec en accompagnement une clameur horrifiée venant de toutes les fenêtres. La femme noire rebondit en tombant sur une voiture avant de s’écraser sur le sol dans un splatch terrible, la blanche fut accrochée dans/par les branches d’un arbre avant de s’affaler inerte dans le bac à sable du jardin d’enfant tout proche. L’homme, vite descendu, les disposa alors avec précaution l’une à côté de l’autre puis les réunit par l’entrelacement de leurs doigts, arrangea leurs cheveux défaits, déposa un baiser sur le front de chacune et s’adressant aux curieux des fenêtres leur dit ceci : « ce n’est rien, il n’y a rien à dire, une simple dispute entre deux amies »… et il partit dans la nuit.

Ce n’était donc que cela, deux amies, un simple fait divers en somme, comme le rapporta le journal local le lendemain. Le journaliste écrivait dans son reportage que personne n’avait rien compris parmi les voisins, lui non plus d’ailleurs. Ce devait être un débutant ou un stagiaire. Certainement.

 

© Jacques Chesnel

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12/10/2011

CHRONIQUE CD : PING MACHINE

        

                       DES TRUCS PAREILS

                           (Neu Klang / Coadex)

 

Chacun sait que la vie sans surprise(s) serait bien monotone ; chacun sait également que le chroniqueur ne peut pas hélas tout écouter bien qu’il entende pas mal de choses et que pour revenir aux surprises elles arrivent toujours quand on s’y attend le moins. Tout ça pour dire que je n’avais jamais entendu la musique de Ping Machine si ce n’est que par les rumeurs et opinions enthousiastes qui mirent mes oreilles en éveil et en attente … et c’est ainsi que Des trucs pareils se retrouvent sur ma platine déjà frémissante.

Pour quelqu’un dont le parcours jazzstique fut marqué très tôt par les «grands formats » (Ellington/Basie/Lunceford d’abord, puis le joyeux hourvari du Gillespie BB à Pleyel en 48, les digressions de Gil Evans, le chambardement de la bande à Sun Ra et plus récemment par les turbulences bienvenues de l’ONJ de Claude Barthélémy, les pépites du Vienna Art Orchestra et de Maria Schneider), ce big band (big bang aussi) de quatorze musiciens est tout simplement fascinant, on peut même ajouter d’autres superlatifs comme flamboyant, vibrionnant, pétaradant, revigorant, irradiant…

Parce que, oui, nous voilà bien en présence d’un petit chef-d’œuvre par/pour les raisons suivantes : sophistication d’une écriture très travaillée (celle de Frédéric Maurin, compositeur et arrangeur), sens aigu d’une certaine forme de dramaturgie, de mise ne scène musicale avec un brio et une mise en place impeccable, la dualité complexité/raffinement de grande diversité dans la prise de risques au-delà des genres et modes, l’intonation permanente de l’ensemble, motifs répétitifs et fourmillements (Alors, chut…), une énergie communicative délivrée par une bande de joyeux pyromanes et propulsée à bout de baguettes impétueuses par un batteur, Rafaël Koerner d’une rare efficacité/prodigalité, et les éboulis et déboulés, emballements et répits, relâches et poursuites  (Des trucs Pareils)… ainsi que la qualité des interventions des solistes tous remarquables.

 

Cotation de l’agence de notation jazzistique Chesnel & Co : 9,5 sur 10 sur l’échelle de Richter.

Précaution : sortez couvert Des Trucs Pareils, ça décoiffe !.

 

© Jacques Chesnel

 

Fred Maurin (g, comp, arr, dir)

Bastien Ballaz (tb), Guillaume Christophe (bs,bcl),Jean-Michel Couchet (ss, as), Andrew Crocker (tp), Fabien Debellefontaine (as,cl, fl), Florent Dupuit (ts,fl, afl), Quentin Ghomari (tp, bu), Didier Havat (btb, tu), Rafaël Koerner (dm, perc), Benjamin Moussay (p, elp), Fabien Norbert (tp, bu), Raphaël Schwab (b), Julien Soro (ts, cl). Enregistrement : mars 2011

 

Cover_DesTrucsPareils_PingMachine.jpg 

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30/09/2011

QUI SE SOUVIENT…

 

              Arts & Lettres

 

. Qui se souvient de Maurice Baquet et de son violoncelle Cérébos

.  de Marguerite Moréno dans « La folle de Chaillot »… et de son auteur, Jean Giraudoux

. Qui se souvient de Pierre Renoir, de Simone Simon, de Léonce Corne, de Suzanne Dehelly, de Pierre Trabaud, d’Henri Guisol, de Marcel Génin, de René Lefèvre, du Crime de M. Lange, de la belle Florelle

. des mois d’avril, des billets doux, de François Billetdoux et de Nicole Avril

. Qui se souvient d’Alec Siniavine, de Léo Chauliac, du pianiste d’Yves Montand dont je ne me souviens plus du nom… ah ! si : Bob Castella, je crois

. de Maria Casares dans « Les enfants du Paradis », de Louis Salou et de Lucien Coëdel

. Qui se souvient des clowns Footit et Chocolat (moi, avec mon grand-père Victor devant son poste à galènes), de Jacques Pills, de Ring Lardner, de Délia Garcès dans « El » de Luis Buñuel

. de Jane Sourza et de Raymond Souplex, de Gabriello et de sa fille Suzanne, de

. Qui se souvient de Roger Vitrac et de « Hector ou les enfants au pouvoir », de Roger Blin dans « En attendant Godot », d’Emile Ajar, de François de Roubaix, de Térésa Stratas dans la « Lulu » d’Alban Berg mise en scène de Chéreau

. Qui se souvient de « La loi » de Roger Vailland

. de Pierre Blanchar, d’Harry Baur, de Jean Servais, de Palau, de Madeleine Robinson et de Madeleine Sologne, de Marcel Lévêque et de la neige qui tombe à gros flacons

. Qui se souvient de « Pattes blanches » de Jean Grémillon et du rôle de Michel Bouquet

.  du grand orchestre du trompettiste Don Ellis au festival de jazz de Juan-les-Pins

. Qui se souvient de Marie Bizet, de Rina Ketty, d’Elyane Celys et d’André Claveau

. de Garcimore et de sa souris Tac-Tac décontrastée

. Qui se souvient d’avoir pleuré à la mort de Cora dans « Le dernier des Mohicans »

.  de Jean-Roger Caussimon acteur et chanteur

. Qui se souvient avoir entendu le glin glin de Roland Magdane la première fois à la radio

. Qui se souvient de Colette Darfeuil dans « L’escalier sans fin » avec Pierre Fresnay en 1943

. du rire crispé d’Alerme, de celui frémissant de Suzanne Flon, de Robert Destain dans « Les belles bacchantes », de Louis Arbessier dans « Quoat-Quoat » pièce de Jacques Audiberti

. Qui se souvient de Pierre Mingand, de Pierre Dudan, de René-Louis Lafforgue

.  de Damia, de Fréhel, de Lys Gauty, de Catherine Sauvage la superbe…

. Qui se souvient de Pierre Brasseur dans « Le partage de Midi » et d’Alain Cuny dans « Tête d’or », pièces de Paul Claudel, de la première de « Rabelais » par la compagnie Renaud-Barrault à l’Elysée-Montmartre en 1968

. de Lucien Raimbourg (cousin de Bourvil) dans « L’irrésistible ascension d’Arturo Ui » de Bertold Brecht, mise en scène de Roger Planchon au TNP

. Qui se souvient d’avoir été ému par « Dalva », personnage principal du livre éponyme de Jim Harrison

. de Robert Lamoureux, de « Papa, Maman, la bonne et moi »

. Qui se souvient d’avoir lu « Cronopes et fameux » et de « Nous l’aimions tant, Glenda » de Julio Cortázar

 

© Jacques Chesnel

 

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29/09/2011

CHRONIQUE CD / JEAN CHAUDRON TRIO

   

         COULEUR ORANGE & LEGENDS and something blue(s)

       

Dans les arts, comme ailleurs, il y a la mode qui ainsi que le disait Jean Cocteau est ce qui se démode ; et dans le domaine de la musique, en dehors des modes musicaux également ; quelques musiciens n’ayant pas grand-chose à exprimer s’engouffrent parfois avec culot dans d’hasardeuses et infructueuses directions, certains réussissant ainsi à faire parler d’eux quelque temps. D’autres, au contraire, plus modestes dans leur démarche, avec plus ou moins de talent et de conviction, perpétuent une certaine tradition qui, certes, ne contribue pas à l’évolution du jazz mais qui n’en demeure pas moins estimable. Les trois musiciens de ce trio en apportent la preuve évoluant entre jazz classique (Couleur orange, 2008) puis teintée de néo-bop (Legends, 2011). La plupart des thèmes sont signés du leader et contrebassiste Jean Chaudron, les autres par le pianiste Bernard Désormières et le batteur/ percussionniste Alain Bouchaux. Pas de recherches intempestives et extravagantes dans ce répertoire mais une simplicité évidente qui exclut néanmoins tout simplisme, des thèmes chantants d’une certaine sérénité qui produisent un climat d’onirisme et d’apaisement, parfois de langueur dans le premier. On note une certaine tendance plus musclée  dans l’écriture et les interprétations (le solo d’Alain Bouchaux sur Pure Malt) dans le second album avec la présence du saxophoniste et flûtiste Bobby Rangell, ce qui est confirmé par leur version du thème de Monk Well You Needn’t, vigoureuse façon de conclure.

 

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Les disques du Jean Chaudron trio sont en vente sur www.musicarea.fr

 

Jacques Chesnel

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23/09/2011

QUESTION DE NOURRITURE

 

Léonard vient d’avoir huit ans, parle beaucoup et chante continuellement « Suzanne », la chanson préférée de ses parents admirateurs de Leonard Cohen. On l’aime bien ce gamin mais à la fin il nous crispe un peu avec les questions qu’il nous pose sur tout avec une curiosité insatiable et obsédante. Dernièrement, lors de notre visite à nos amis ses parents, il s’est mis à nous interroger sur les aliments, sur ce qu’on donne à manger, par exemple facile, aux personnes âgées, aux animaux qu’il adore, bon jusque-là on peut répondre mais dis Antoine me demanda-t-il un jour, qu’est-ce mangent les arbres ?, les cailloux ?, les immeubles ?, les nuages et le soleil ?… alors on répondait n’importe quoi le plus sérieusement du monde avec le maximum d’humour pour le faire rire et il semblait s’en satisfaire, il nous fallait parfois partir dans des sortes d’élucubrations labyrinthiques dont nous sortions parfois épuisés d’aller chercher tout ça, ce qui nous étonnait ou nous énervait mais comme nous avions promis de répondre à toutes ses questions alors… Ses parents, nos chers amis, étaient admiratifs envers nous, de notre patience parce qu’ils avaient renoncé depuis longtemps à jouer à ce jeu qu’ils trouvaient marrant au début, intrigant ensuite, débile à la fin, bref ils avaient purement et simplement démissionné. Un jour, il nous demanda ce que mangeait Suzanne, nous lui répondîmes qu’on allait demander à Leonard Cohen mais il refusa indigné de notre inculture autant que notre paresse. Une autre fois, il nous demanda comment pouvait-on avaler dieu à genoux car il avait vu une communion pendant une messe à la télé et que pour lui absorber d’un seul coup devant tout le monde un type cloué sur une croix lui paraissait incompréhensible et au-delà de ses forces, il nous demanda même si c’était cela qu’on nommait anthropophagie, nous répondîmes que c’était un mystère ce qui lui provoqua un haut-le-cœur après fortes déglutitions. Notre non-réponse semblait l’avoir troublé car il avoua qu’il n’allait pas en rester là, il lui fallait savoir et vite parce que voyez-vous, dit-il.

Plus tard, ses sœurs, nous avouèrent qu’elles le trouvait devenu bizarre, prenant des postures de conspirateur, qu’il écoutait de la musique d’église à l’orgue ainsi que des chants liturgiques à fond dans sa chambre et qu’il lisait au lit des ouvrages qui leur paraissaient pieux bien qu’il n’ait reçu aucune éducation religieuse, ses parents étant farouchement athées et anticléricaux ; il ne posait plus de questions, à personne, ce qui dénotait un comportement pour le moins étrange en raison de sa naguère constante curiosité jugée maladive. Il exigea qu’on lui achète la bible, des livres sur la vie des saints, sur celles des anges, et comme on ne lui refusait rien… Il butait sur certains mots, s’acharnait sur certaines phrases mais ne parlait toujours pas, jamais plus, de ces nourritures terrestres qui semblaient l’obséder jusque-là ; ses parents, nos chers amis, commencèrent à s’inquiéter sérieusement mais n’osaient pas le contrarier, ce n’était pas dans leurs habitudes d’éducation. Il mangeait d’ailleurs de moins en moins allant jusqu’au jeûne une fois par semaine mais pas le vendredi, il perdait du poids ; alors débuta l’angoisse dans cette famille unie. Nous fûmes chargés  par ses parents, nos chers amis, d’essayer de voir et de comprendre ce qui se passait dans la tête de leur garçon. Dans sa chambre qui ressemblait maintenant à une cellule de moine, Léonard nous accueillit aimablement, nous demanda de nous déchausser, de nous assoir par terre et d’emblée nous posa cette question : « bon alors, qu’est-ce que ça mange un séraphin ? ».

On n’était pas sorti de l’auberge.

 

  ©  Jacques Chesnel

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17/09/2011

LA MÉPRISE

 

Claude et moi sommes inséparables depuis longtemps, je crois bien que cela remonte au début de notre adolescence plutôt tapageuse, au lycée on nous appelait Castor et Pollux ou Cul et Chemise selon les affinités avec les autres élèves, on en riait. Cela avait commencé par les jeux, échecs et mots croisés, le sport avec le tennis de table et le basket, disciplines où nous nous défendions bien, un peu au-dessus de la moyenne. Puis ce fut les filles, les flirts, les confidences, les secrets, plus tard les partages consentis, aucun nuage à l’horizon de notre amitié. A tel point que nous nous sommes mariés le même jour, lui avec une ancienne fiancée, idem pour moi. Nous nous fréquentions plus ou moins régulièrement, soirées et vacances. Lors d’un voyage de nos deux épouses, seuls tous les deux, il me confia qu’au bout de quatre ans de vie commune, il avait quelquefois des aventures alors que moi j’étais toujours fidèle car profondément et désespérément amoureux, ce qui l’amusait. Nous nous recevions une fois par semaine sans compter des réceptions avec d’autres couples, ce qui arrivait de plus en plus souvent au grand dam de Patricia, mon épouse devenue un peu casanière. Lors d’une confidence, Claude m’assura que les jeunes filles se jetaient littéralement à ses pieds, qu’il ne pouvait résister et avait été obligé d’organiser ses sorties avec un planning clandestin ; il avait le démon de midi moins le quart car tout juste trentenaire et toujours aussi beau garçon genre latin lover Marcello ou blond cuivré Redford type surfeur californien, cela changeant suivant les saisons, vous voyez, résultat impressionnant ; et comme, il était trrrès intelligent, beau parleur, blagueur, alors là ! le succès assuré à tous les coups pour tous les coups.

-    Chérie, nous sommes invités chez les Margerien demain soir

-    Chic, il y aura Claude

-    Heu, oui sûrement, tu sais qu’il adore ce genre de soirée pour faire des rencontres

-    Oh, tu peux parler, c’est là qu’on s’est connus

-    Et qu’il y trouve du gibier à sa guise

-    Je t’interdis de parler comme ça, Claude est un type bien, un peu coureur certes mais très gentil

-    Tu ne vas pas me dire que maintenant tu as re…

-    Non rassure-toi, mais n’empêche, il a d’ailleurs très bon goût

-    Surtout dans le cheptel des tendres ados

-    Et dire qu’Eléonore ne s’aperçoit de rien, enfin

-    Bon, tu es prête ?

-    Presque , j’enfile un collant et j’arrive

-    Ah, tu te protèges donc

-    Mais non, idiot chéri, et contre qui, dis le moi ?

-    Attention, ya ta combinaison qui dépasse

-    Qu’il est bête, mon Dieu qu’il est bête         

Il y avait toujours beaucoup de monde et du beau aux fêtes des Margerien. Claude pensait souvent à Gatsby le Magnifique avec tout ce luxe un peu tapageur et ces invités qu’on disait mondains et profiteurs, et même les deux à la fois. Ce soir-là, anniversaire de la maîtresse de maison, on avait mis les petits plats dans les grands et les bouteilles débordaient abondamment des coupes et verres , un quintette de jazz jouait des ballades langoureuses, on entendait des petits cris, de grosses exclamations, parfois des soupirs ou des bulles de conciliabules, les messieurs rentraient leurs ventres éminents et proéminents, les dames bombaient leurs avantages plus ou moins généreusement décolletés, tout était dans l’ordre naturel des choses friquées. Nous embrassons nos intimes, saluons nos connaissances regardons le spectacle des arrivées, cherchons un visage ami, notamment  celui de Claude qui…

-    Je me demande bien où il est

-    Dans un coin ou un recoin en train de draguer

-    Tu crois ?... ah ! bonjour chère amie, comment allez-vous ?

-    Penses-tu qu’il sera seul ou avec une conquête

-    Va savoir avec lui

-    Et avec sa femme alors ?

-    Il peut pousser les choses jusque-là, tu le connais bien

Derrière une grosse dame type baleine échouée dans un fauteuil, un mobile de Calder, quelques serveurs en train de papoter en attendant un convive, quelques bimbos en pleine action de pépiement, une silhouette connue en discussion avec un jeune éphèbe d’une beauté à couper le souffle de Patricia ce qui d’ailleurs arriva quand elle découvrit en même temps que moi que les deux hommes se tenaient délicatement par la taille, qu’un sourire épanoui éclairait leurs visages… et que la silhouette reconnue mais oui était bien celle de notre ami tandis que mon épouse faillit défaillir avant que je la reprenne dans mes bras oups, que t’arrive-t-il ?

-   Va   me chercher un verre, s’il te plaît, je ne me sens pas bien

-  Ne t’en fais pas, il ne va pas lui rouler une pelle en public

-  On ne sait jamais avec lui, tiens le voilà on dirait

Claude nous avait aperçu avant que l’on s’éclipse et il nous fit un signe chaleureux de la main tout en arrivant vers nous avec sa nouvelle conquête en chaloupant.

-    Je ne veux pas le voir, on s’en va

Je la retins doucement et Claude fut subitement devant nous

-    Ah !, mes amis, que je suis content de vous voir, comment allez-vous, un peu pâlotte Patricia hein ?, laissez-moi vous présenter mon ami Arnaud, Patricia, Jérôme, mes chers amis dont je viens de te parler

-    Enchantés

Il a fallu ensuite se dépatouiller pour trouver une solution et sortir de cette situation, une sorte de malaise installé… quoi ? Claude devenu gay ?, dis-moi que je rêve…nous trouvâmes donc un prétexte qu’on dit toujours futile et dont je n’ai pas souvenance pour nous débiner lâchement en laissant notre Claude abasourdi, dépité, je n’ose écrire la queue entre les jambes...

Comme il fallait s’y attendre, le lendemain soir Claude nous appela au téléphone, répondeur en fonction oblige.

-    Allo, vous êtes partis bien trop vite, amigos, je n’ai pas pu vous expliquer, je crois qu’il y a une méprise de votre part concernant Arnaud, ce n’est pas du tout ce que vous croyez, c’était juste heu une façon de pouvoir par ce biais de séduction rencontrer sa femme que je guigne depuis un certain temps et que, vous me comprenez, je ne savais pas comment faire autrement, alors oui bon, il m’a en quelque sorte servi d’appât, de go-between, c’était seulement un moyen et je crois enfin j’espère que ça va marcher, voilà, c’est tout, je voulais vous le dire parce que allo, allo, vous êtes là ? allo... et merdeu !.

 

©  Jacques Chesnel

 

 

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09/09/2011

JACQUES VIDAL / FABLES OF MINGUS CHRONIQUE CD

 

Il y a des musiciens dont on parle beaucoup dans les milieux dits autorisés et d’autres, parce que trop discrets, qu’on semble ignorer ou pour lesquels on a quelque condescendance lorsqu’ils se manifestent (la critique), des musiciens qu’on n’invite pas dans les festivals (ignorance ou frilosité des organisateurs) et qu’on entend peu dans les clubs branchés ou prétendus tels, des musiciens qui ne s’aventurent pas dans le mélange des genres, ces nouveaux métissages pas toujours convaincants, des musiciens qui sans sacrifier à la commémoration obséquieuse rendent hommage aux maîtres qui les ont inspirés avec la plus grande modestie : Jacques Vidal est de ceux-là, avec son Fables of Mingus dans la même veine que le précédent opus Mingus Spirit (2007). Hommage donc, d’un musicien français, contrebassiste de talent, a l’un de ceux qui ont contribué à l’histoire de la musique afro-américaine.

Création/re-création, choix judicieux du répertoire et de ses partenaires, originalité dans les arrangements avec l’adjonction d’une voix claire et mélodieuse, celle d’Isabelle Carpentier, chanteuse et également récitante (déjà remarquée sur le précédent disque), modestie du leader qui ne cherche pas à se mettre en avant, privilégiant la notion de groupe. Restitution de l’univers d’un rebelle enraciné dans le terreau du blues grâce à la connivence entre les musiciens, la dualité rythmique impeccable  Vidal/Desandre-Navarre, les interventions vigoureusement chaleureuses des souffleurs, notamment l’apport considérable de Daniel Zimmermann au tuba, surtout au trombone et la véhémence toute mingusienne de Pierrick Pedron.

 

Anecdote : je me souviens avec émotion du concert de Mingus à Paris en octobre 1970 avec Anita O’Day huée en première partie et de l’intervention du contrebassiste contre la bêtise d’un certain public… parce qu’elle était blanche ( !).

Dans l’assistance, je ne devais pas être très loin d’un certain Jacques Vidal.

 

© Jacques Chesnel

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Personnel : Jacques Vidal (contrebasse), Isabelle Carpentier (voix), Pierrick Pedron (saxophone alto), Daniel Zimmermann (trombone, tuba), Xavier Desandre-Navarre (percussions)

 

Répertoire : 1/ La peur du noir. 2/ Les fables de Faubus. 3/ Nostalgia in Times Square. 4/ Pithecanthropus Erectus. 5/ Duke Ellington’s sound of love. 6/ Moanin’. 7/ Orange was the colour of her dress then silk blue. 8. Fables of Mingus. 9/ Boogie stop shuffle. 10/ What Love. 11/ Jelly Roll. 12/ Portrait (sur Willow weep for me)

 

Cristal Records  cr182 / Harmonia Mundi

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08/09/2011

SOUVENIRS DE DEMAIN

 

En référence (et hommage)  à Julio Cortázar qui a écrit cette phrase dans « L’homme à l’affût » dite par Johnny Carter : ce solo-là je l’ai déjà joué demain »

Je me souviens :

.  de la grippe sévère de Gérard D. au mois d’avril 2022 car il faisait très froid, moins 72°

.  des premier pas sur Mars des marsonautes Chinois, c’était beau à la télé branchée directement dans mon cerveau

. des algues vertes en Bretagne, rouges dans la Mer Rouge, noires dans la mer Noire

.  du rire coquin de ma trente-quatrième arrière-arrière-arrière petite-fille le jour de ses deux cent cinquante-quatre ans avec un grand pied-de-nez et de son bras d’horreur

. du discours du Président de la République Arnaud Montebourg lors de son investiture en 2027

. de l’explosion de la centrale nucléaire sécurisée de Flamanville, mais pas du nombre de morts par milliers contestés par le ministre de la Déflagration

. du remariage en grandes pompes de Kate III, Reine d’Angleterre avec le petit-fils de Karl Lagerfeld et Lady Gaga bis

. d’un voyage à Venise en sous-marin collectif en compagnie d’un seul japonais muet et de deux indiens aveugles

. des funérailles nationales du dernier paysan français et de son entrée au Panthéon en ruines

. de la guerre de Cent Ans en Afrique pour se débarrasser de tous les néo-coloniaux et autres envahisseurs ainsi que de l’armistice rompu en 2102

. du débarquement des plutonautes Indiens sur Pluton et de l’accueil malgré tout sympathique de la population désabusée

. de l’exécution de tous ces cardinaux fusillés pour des actes de pédophilie internationale et de la liesse de la foule

. parfaitement du dernier des 246 films de Woody Allen lors de sa rétrospective au festival de Cannes, il a été porté en triomphe, il semblait content

. de l’interminable panne de deux des 108 ascenseurs de la vingt-neuvième tour du World Trade Center haute de 1709 étages et de la panique qui s’ensuivit, du nombre de meurtres et de suicides

. de Ludivine Sagnier à cent deux ans, elle paraît plus jeune de deux siècles même sans maquillage

. que maintenant on ne lit plus Jean d’Ormesson mais toujours Jean Echenoz, ce qui me paraît juste

. de Michel Bouquet jouant « Le Roi se meurt » alors qu’il est toujours vivant

. de la marque de mon dernier hélicoptère, celui tombé en panne d’hydrogène quand j’allais acheter mon pain chez le dernier boulanger bio à 852 kilomètres

. de la réouverture des camps de concentration et le retour de la guillotine applaudi

. de fraises de sept kilos chacune, d’une vieille boîte de sardines achetée au marché noir à cause la disparition totale des poissons, de l’agneau de pré-salé des environs de Nevers et des rillettes du Mans de Tombouctou

. de la statue géante de Charlie Parker éclairant le monde avec son saxophone lumineux à la place de celle de la Liberté sur l’île de Long Island

. du zoo d’un pays inconnu où il n’y a plus d’animaux depuis la peste et le choléra en 2343

. du portrait de Nicolas 3 avec une petite moustache et le bras droit levé

. des bateaux-mouches quand il y avait encore de l’eau dans la Seine

. de l’Himalya qui a tellement rapetissé qu’on dirait le Mont-Dore qui lui est maintenant à six cents pieds sous terre.

. des jeux olympiques de 2088 où aux 100 mètres le record du numéro 85 fut validé : il était arrivé avant d’être parti, d’un saut à la perche sans perche, d’un lancer de plume à 195 mètres

. d’avoir dit : ah ! la vache ! devant des enfants qui m’ont questionné pendant des heures sur les animaux préhistoriques

. d’avoir revu Laurel et Hardy en hologramme

. de la présentation au concours Lépine d’un vélo sans cadres, sans roues, sans guidon et sans selle

. de la béatification de Valéry Giscard d’Estaing et des bagarres avec les journalistes de télévision pendant la cérémonie

. de gros chiens pataugeant dans des crottes de p’tit vieux, de poulets faisant le tapin, de loups violés par des moutons, de veaux pleurant de ne plus voir passer de trains, d’une grève des abeilles qui a mal tourné

. toujours avec ravissement du beau visage de Danielle Darrieux

. d’un certain samedi de mai qui fut le plus beau jour de ma vie…

 

…Oui, je me souviens de tout cela pour ne pas avoir en m’en rappeler plus tard, mais ça m’a soulagé de l’écrire car ma mémoire c’est malgré tout du béton.

 

©  Jacques Chesnel

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02/09/2011

Sainte-Nitouche-Pipi

 

Ce qu’elle pouvait nous agacer, avec une forte envie de la secouer, de la gifler chaque fois qu’on la voyait mais comme chez nous on a de la compassion alors on écrasait mais quand même ya des limites. D’abord, ses grands airs avec l’air de ne pas en avoir ni d’en manquer, exercice d’équilibre parfait, la moue molle mouvante et dédaigneuse juste un poil pas trop, le sourire à l’avenant et à lavement, le papillonnage permanent des paupières fardées jusqu’au bout des cils et qu’elle agite frénétiquement à tout-va, les cheveux ah ! ce jeu univoque/équivoque des/avec les cheveux, torsadés chiadés pour le sérieux, régulés ou décoiffés fourre-tout genre bimbo pour le glamour bidon, la frime en fripes les tripes à l’air, les fringues brindezingues frappadingues ou classieuses en raison des circonstances ou des situations, un peu de rose sur les pommettes l’air pompette mais pas trop, pantalon saucissonné/boudiné ou robe virevoltante, escarpins peints ou godillots godiches, échalas sur échasses ou danseuse en turlututu, de minauderie en mignardise, affectation désaffectée, guindée ou faussement relâchée, toute la panoplie des attitudes jouées ou déjouées, se parfumant au sent-bon bon marché ou au 7 de chez Bordeaux-Chanel, tortillant ce qui lui tenait ou restait de fessier plus ou moins fessu, se mouvant avec la grâce d’une sylphide ou d’un éléphant en rut selon les cas devant les bourgeois et les ploucs, démontrant et démontant la longueur de sa langueur accentuant son pseudo côté androïde, son aspect parfois aride ou tantôt jouant candide un peu cariatide, l’allure fluide, quelquefois gravide l’air impavide voire intrépide au teint livide, souvent morbide toujours perfide rarement placide rien que du solide ah mais !.

On se demandait bien ce qui pourrait se produire pour la détester encore plus que plus quand nous apprîmes que la donzelle ne crachait pas dans la soupe pour la bagatelle avec ses airs de sainte-nitouche se faisant régulièrement culbuter par tout un chacun ou chacune avec une préférence pour les attouchements ou effleurements furtifs et variés centrés sur son petit bouton de rose plutôt incarnat qu’elle appelât tendrement « mon berlingot adoré » quand un gynéco curieux lui eut révélé la forme tétraèdre inhabituelle de son petit organe érectile que des tiers des deux sexes manipulaient si souvent sans qu’elle fut pour autant rassasiée. Elle prit alors comme devise personnelle la chanson glorifiée par Colette Renard Les Nuits d’une demoiselle qu’il lui arrivait de brailler faux à tue-tête je m’fais caresser le gardon, je m’fais mamourer le bibelot, je m’fais ramoner l’abricot ohohoh… On la gratifia alors du surnom de Sainte-Nitouche-Pipi, on trouvait que cela qui lui allait très bien, certains disaient comme un gant mais on ne voyait pas le rapport, quoique…

Nous l’avons revue par le plus grand des hasards   une quarantaine d’années après nos premières rencontres ; pas beaucoup de changement elle est seulement devenue une vieille dame qui a toujours l’air si vive, alerte et si pimpante, si vraiment si…qu’on se demande encore si… parce que là vraiment ça commencerait à bien faire…

 

©  Jacques Chesnel

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30/08/2011

TNT & ADSL (Ginette & Maurice)

 

-    Eh ben voilà, on s’y est mis maintenant

-    A quoi encore, ma chère amie, parce que vous…

-    Ils nous ont mis la TMT pour la télé dans l’immeuble qu’on a rien compris comment ça marche et là-dessus Maurice dit on va se mettre à la déesse ELLE que je comprenais encore moins

-    C’est comme chez nous, ne nous parlez pas des nouvelles technicités que les gamins pigent tout de suite, tenez le nôtre il a appuyé sur un bouton et hop c’est parti, j’vous jure… tandis que nous on en était encore à se gratter la cafetière en regardant les cartons

-    Maurice a voulu faire tout tout seul comme à son habitude, moralité il a passé deux heures à lire la notice en japonais ou en chinetoque mal traduite en français et je l’ai retenu de foutre un coup de pied dans la fourmilière de la machine qu’ils appellent une boxe, boxe par-ci boxe par-là, ya d’quoi avoir envie de boxer, et quel boxon avec toutes ces chaînes qu’on ne sait plus lesquelles regarder avec les étrangères en langues étrangères en plus alors qu’on y entrave que couic en plus alors il s’est mis sur les sportives avec leurs commentateurs bavards prétentieux qui savent tout sur tout et surtout qui causent pour eux et quelques potes avec leur air de tout piger qu’on regrette les anciens à la retraite dorée, heureusement quand ya plus rien il me laisse les chaînes des recettes de cuisine là au moins on comprend ou bien celles sur la décoration ou les animaux de la compagnie qu’on sait plus quoi choisir tellement yen a et que j’te jacasse en tortillant du croupion

-    Moi avec les masterchefs et autres cuistots costauds qui se la pètent un max à la coule, j’ai pris René par son péché mignon et alors hop aux fourneaux et une nouvelle recette tous les soirs, du neuf du tout nouveau tout beau à s’en lui faire péter sa sous-ventrière qu’il a abondante mais tant pire comme ça je le tiens, plus question de soupe à la grimace ni de tournées avec les potes chez Bébert à côté, on bave devant les cuisines grandes comme des halls de gare qu’on s’demande comment font les gens pour s’y retrouver sans plan, et les pubs pour les désodorants des évacuations, les canalisations qui schlinguent, les bonnes femmes outrées qui s’bouchent le pif avec des grands airs étonnés oh ya ça chez moi ? à croire que tout le monde est dégueulasse et font jamais le ménage à fond à la serpillère ou à l’homo qui lave plus blanc que l’eau rend blanc ou Laurent Blanc, vous vous rappelez ?

-    Nous on est accros à Virvolta de Gildas, d’abord le son est plus fort et puis on comprend tout de suite même quand ya rien à comprendre, c’est plus facile que ces intellos qui radotent quand ils sont encore jeunes alors vous pensez plus vieux bonjour les dégâts de la marine sauf Michel la pommade  qui dit toujours merci le vivement dimanche quand on est mercredi à ce qui paraît

-    Maurice se lamente de la disparition de Jacques Martin et des Carpentier pasque lui Michèle Torr et moi Frédéric François on était si content de les entendre avec Yvette Horner et les deux  Georgette, Lemaire ou Plana, on en fait plus des comme ça et je l’dis sans nostalgie ni fleurs ni couronnes bien qu’elles soient pas mortes ou alors si peu

-    Des fois ils ressortent de ces anciennes vedettes qu’ont malgré toutes prises de la bouteille et bien grasses du bide sauf un qu’on adore et qu’on adule, je vous le donne en mille, Michel Delpech, on s’demande comment il fait ou ce qu’il prend, René dit : c’est pas étonnant : il a la pêche, lui

-    Hi hi hi, vot’ René il a toujours le mot pour rire…

-    Oui, facile, mais tellement vrai !.

 

© Jacques Chesnel

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23/08/2011

L’IMPOSTURE D’UN POSTIER

 

Ma chère cousine Julie,

Cela fait déjà quelques semaines que je devais t’écrire en réponse à ta dernière lettre, aussi je m’y mets aujourd’hui car j’ai un peu de temps devant moi. J’espère que tu vas mieux après tes problèmes qui me semblent être autant de corps que de cœur à te lire entre les lignes. Nous avons toutes nos petits problèmes et c’est à nous de s’en dépatouiller. Alors pour te remonter le moral si faire se peut, je vais te narrer ma dernière aventure qui diffère vraiment de toutes les précédentes qui me valurent tant et tant de déconvenues à cause des cons venus.  Oh, si cela pouvait te faire un peu sourire j’en serais ravie car je sais que tu aimes les bonnes histoires qui me tombent sur le paletot trop souvent. Alors voilà, au bal annuel des pompiers j’ai rencontré je te le donne en mille : un postier, un employé de la poste chez les pimpons pimpons, faut quand même le faire et bien oui. Je le trouvais assez mignon, tu connais mon genre d’homme, il dansait à la perfection surtout le cha-cha-cha et le slow qui sont mes danses préférées, au tango il m’a serré un peu et dès que j’ai senti ses intentions, enfin tu me comprends, je me suis laissée aller et vogue la galère et la galéjade. Attends, je vais boire une tasse de thé et je reviens, oups, voilà.

 Après je te dis pas la suite que tu devines aisément en raison de mon tempérament et de mon appétit et c’est alors que vint le temps des confidences habituelles, sur le passé, le présent et l’avenir. Tu sais que la poste ce n’est plus les PTT de dans le temps, c’est devenu que pour les lettres, les colis et la banque avec en plus les RTT qu’il ne faut pas confondre avec les PTT ; tu sais aussi qu’avec l’internet, les courriels et les entreprises de livraison privées genre BHL ou DHL on s’écrit sur papier de moins en moins, on s’envoie des mails et on commande sur les sites directement ; donc il y a une crise du courrier et moins de facteurs, si bien que beaucoup de gens principalement les p’tits vieux ils attendent désespérément devant leur boîtes à lettres vides, à part la pub à la con, le passage du préposé. Jérôme, oui il s’appelle Jérôme, a commencé par facteur comme tout le monde puis après les départs à la retraite non remplacés a été muté aux guichets où il a commencé à s’emmerder puis à déprimer car il regrettait ses tournées, les contacts avec les gens et les mêmes petits vieux qui lui parlaient ou lui offraient un p’tit café. Il ruminait dans son coin et cherchait une solution pour sortir de cette impasse quand lui vint subitement cette idée : il allait écrire et envoyer des lettres à tous ces gens pour leur apporter un peu de plaisir et de réconfort. Rentré chez lui après avoir acheté des dizaines de rames de papier et des enveloppes en nombre, il commença la rédaction de centaines de lettres par semaine si bien que la direction s’affola car cela posait un problème pour la distribution, il fallait un facteur supplémentaire, et donc il se proposa pour distribuer ses propres missives. Il écrivait entre les poses, aussitôt rentré chez lui, tous les jours y compris le dimanche, parfois tard dans la nuit, il était devenu comme fou ; racontant toutes les pensées, cogitations, réflexions, opinions, lettres de secours, de recours, de consolation, de consolidation, jusqu’à des lettres d’amour quand il voyait une jeune fille chagrinée ou un cas désespéré, il s’adressa même une carte postale « souvenir de La Baule ensoleillé avec grosses bises » pour avoir le plaisir de se la distribuer, il devenait prisonnier de son idée farfelue, il pensait devenir dingue quand je l’ai rencontré et qu’on s’est connus plus qu’intimement mais ce qu’il était heureux, ma chère cousine, du bien qu’il savait faire, tiens cette lettre à une dame Rageout, maman d’un type travaillant dans les champs pétrolifères en Afrique et qui la laissait tomber sans nouvelles, tiens lis :

 « chère Madame Rageout, je vous écris pour vous dire que votre fils Adrien va bien qu’il pense souvent à vous malgré son labeur qui lui prend trop de temps, alors il me charge de vous rassurer sur sa santé, il vous remercie pour les paquets de spéculos qu’il adore, il vous embrasse très fort avec une caresse à Pupuce votre petite chienne, signé votre Jérôme  »

c’est pour te donner un exemple parmi d’autres tout aussi chaleureux, quand il lui a remis la lettre en mains propres la vieille dame a pleuré en lui donnant un billet de vingt euros qu’il a refusé poliment… et les lettres d’amour, sages ou enfiévrées, pudiques ou olé olé, que je me demandais où il allait chercher tout ça tandis que pour moi il était plutôt réservé alors que tu me connais faut pas m’en promettre. Quand j’ai vu et lu le retour des lettres de certaines filles car il avait mis son adresse je me suis foutue en boule et j’ai craqué adieu le Jérôme cinglé. Il paraît que cela a duré un certain temps comme disait Fernand Raynaud avec son canon qui refroidit car à la direction de son agence on avait constaté une importante disparition inhabituelle de timbres ou d’envois en nombre inconsidérés. Quand il a reçu sa lettre de licenciement, il a cru à une blague, il a porté plainte avec le soutien de centaines de personnes, on attend le jugement et tout le monde dit qu’il va gagner que c’est un héros, un imposteur peut-être mais un héros sûrement, un petit zéro de rien du tout pour moi.

A part ça, j’ai trouvé un nouvel amoureux et j’espère que tu as gardé le tien qui est si mignon que si tu n’en veux plus tu pourras toujours me faire signe, hein ?

En attendant de tes toujours bonnes nouvelles, chère cousine, je t’embrasse bien affectueusement,

Mireille Bizet

 

©  Jacques Chesnel

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14/08/2011

FAUTES

 

Je ne suis pas une mordue/tordue du tennis alors que pour le pénis je ne rechigne jamais mais quand Jean-Mi me proposa de le retrouver à Roland-Garros j’ai dit pourquoi pas vamos a ver comme disent les espagnols à propos de Nadal et de nada. Bon on peut dire que ça m’a plus sans plus avec la tête qui fait comme la balle gauche droite gauche droite à s’en farcir un tortillement du cou ; un match ça va ensuite je suis parti en plein deuxième sans Jean-Mi qui question raquette en connaît un rayon au filet mignon et qui m’a dit que tout ça ne valait pas le temps des Mousquetaires d’Henri Cochet (ça m’a fait rire bêtement en ricochet) ou celui plus tard de Borg et de Sampras et j’ai répondu bien entendu avec conviction bien que moi tous ces prénoms…

Autant vous le dire tout de suite, ce qui m’a étonné puis sérieusement agacé c’est le nombre de fautes faites par les joueurs faute par-ci faute par-là ça n’arrêtait pas je me suis sentie couillonne et coupable pour eux à la fin si bien qu’en rentrant chez moi je me suis mise à compter mes propres fautes celle que j’avais commises depuis ce matin : j’avais omis de mettre le réveil à sonner faute je me suis réveillée en retard faute, au lieu de bondir hors du lit j’en ai remis une couche sous la couette faute, au lieu de me lever de mon pied préféré le gauche j’ai commencé par le droit faute, j’ai oublié de faire pipi avant d’aller à la salle de bain faute et de mettre une culotte faute (c’est Jean-Mi qui va être content), il n’y avait plus de dentifrice faute, quand je suis partie je n’ai pas mis en marche le lave-linge pour la semaine faute et j’ai pas éteint cette radio de merde faute, je me suis gourée de bus avec le 93 au lieu du 39 faute, j’avais pas de monnaie pour le ticket faute, je suis arrivée très en retard à l’atelier faute, le boss m’a dit que ça faisait beaucoup de fautes et que, comme je n’avais plus le cœur à l’ouvrage faute, j’ai fait le plein d’autres fautes, j’ai été virée proprement faute, alors au café du coin j’ai pris deux whiskyes faute et comme j’étais devenue particulièrement éméchée hic faute j’ai suivi un mec qui me draguait à fond faute, on a mal baisé (moi) pendant deux heures faute et j’ai dégueulé triple, noyaux et tout sur la carpette immaculée faute, quand j’ai voulu rentrer chez moi j’avais perdu mes clés faute, la concierge m’a dit c’est la dernière fois alors que c’était la première faute, j’ai pas écouté tout de suite le répondeur faute, je me suis jetée sur mon lit en pleurant comme une gourde faute, j’ai repensé au tennis ce jeu à la con où on s’envoie de balles dans la poire pour des cons qui applaudissent ou qui mouftent pas quand ya faute et dieu sait si y en a alors Jean-Mi tu peux toujours courir la prochaine fois Roland-MachinTruc c’est niet pasque les fautes j’en ai plein l’dos et par-dessus la tête de ces mêmes fautes.

 On frappe à la porte, trois coups, c’est Jean-Mi, ouvre Monica (ah ! Monique) je suis pas là que je réponds faute, va te faire foutre faute, il s’en va stupidement faute et moi je re-pleure encore un bon coup faute tout en me promettant ferme que je ne suis pas prête à recommencer toutes ces fautes mais alors jusqu’à quand…

J’ai compris une chose par contre : je hais le tennis, c’est évident et  j’aime bien le pénis ça saute aux yeux et ça fait pas de mal au contraire : voilà, c’est une faute ?, à vous de juger.

 

©  Jacques Chesnel

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