27/05/2011
MOI AUSSI…
… j’ai des souvenirs, comme Pérec, à distinguer les vrais des faux
. je me souviens de mon tricycle sur lequel je me prenais pour Toto Grassin en faisant le tour de France de la cuisine dans l’appartement du deuxième étage au 7 de la rue de Paris
. je me souviens de de l’étape du tour en 1936 où mon frère et moi on gueulait vas-y Spéchère notre favori
. je me souviens d’avoir serré la main d’Henri Chéron sur la place qui maintenant porte son nom
. je me souviens du verre brisé sur un caillou quand Papa a voulu montrer à ses copains que le verre était incassable
. je me souviens du martinet entré dans ma chambre et de ma trouille quand affolé il s’approchait de mon lit
. je me souviens avoir été déguisé en alsacienne à une fête de l’école parce que je ressemblais à une fille
. je me souviens du nom de premier instituteur que je trouvais gentil, Monsieur Rivière
. je me souviens de jouer dans l’escalier au camionneur en conduisant un Latil avec un gros copain qui prenait les virages mieux que moi
. je me souviens de mon émoi quand j’ai vu pour la première fois la culotte de la fille dont je croyais être amoureux
. je me souviens de son regard à ce moment-là quand j’ai rougi partout
. je me souviens de mon premier baiser au cinéma où passait un film avec Tino Rossi qui chantait Marinella
. je me souviens que c’était un baiser de cinéma et pas un vrai baiser
. je me souviens que je trouvais Mireille Balin très belle et Oranne Demazis très moche
. je me souviens que j’ai beaucoup ri lors d’un film avec Georges Milton qui chantait J’ai ma combine
. je me souviens avoir dit à mon frère que Fernandel avait des dents de cheval
. je me souviens d’un copain qui se disait si curieux qu’il soulevait les crottes de chien pour voir ce qu’il y avait dessous
. je me souviens ne pas avoir entendu le docteur dire à mes parents que la masturbation rendait sourd
. je me souviens avoir pensé et toujours dit que mes deux grand-mères étaient de vieilles salopes
. je me souviens d’un type qui me donnait toujours des coups de pied et qui est mort maintenant
. je me souviens du chapeau de ma mère pour ma première communion, je le trouvais très beau, il était noir et saumon, on disait un bibi
. je me souviens aussi de son chapeau pour la dernière, c’était le même
.je me souviens du nom de notre chat siamois : Mitou, et de sa petite sœur
. je me souviens de la rue des Quatrefeuilles parce que c’était la rue du Trèfle
. je me souviens d’une fille qui s’appelait Mouton et qui avait l’air un peu vache
. je me souviens d’une vache, la Brunette, qu’était douce comme un mouton
. je me souviens d’avoir vu une aurore boréale, mauvais présage disait-on
. je me souviens d’un copain de mon père, M. Mercier, il était boucher
. je me souviens d’une copine de ma mère, Mme Boucher, elle était mercière
. je me souviens de Jean Gabbano et de sa femme Loulou, je les aimais beaucoup
. je me souviens d’un nuage en forme de bite et de la tête de ma sœur sans forme
. je me souviens de mon rire sans fin quand j’ai entendu pour la première fois Eve Ruggieri à la radio
. je me souviens d’Achille Zavatta et ça me fait du bien
. je me souviens de Jean Sablon chantant Mireille
. je me souviens d’une bonne sœur accroupie dans l’herbe
. je me souviens de la voix de Salvador Dali et du chocolat Lanvin
. je me souviens de la Rosengart bordeaux de Pépé rouge de plaisir et de la tronche de Mémé verte de peur
. je me souviens de René Vignal, de Zatopek et Joe Louis qui m’offrit un V-disc
. je me souviens de Pierre Brasseur, Edwige Feuillère, Jacques Dacqmine et Jean-Louis Barrault dans Le partage de midi de Paul Claudel au théâtre Marigny
. je me souviens du rire énorme de mon Papa quand il entendait Bach et Laverne
et de l’émotion de Maman quand elle écoutait chanter Jean Kiepura
. je me souviens de Chang le petit champion de tennis et de Dominique le gros champion de pénis
. je me souviens des Harlem Glote-trotters et du joueur qui cachait le ballon de basket sous son maillot
. je me souviens de La reine des pommes de Chester Himes et de Guillaume Tell
. je me souviens que je détestais le rutabaga et que j’aimais bien le camembert Lanquetot
. je me souviens des deux sœurs Monique et Nicole, je ne me souviens laquelle je préférais, peut-être les deux
. je me souviens de gavroche vu sur une barricade en mai 68
. je me souviens de tout ce dont je ne me rappelle pas encore
. je me souviens de rêve de demain
. je me souviens de Georges Pérec et de ses souvenirs en lui demandant pardon pour les miens…
à suivre
© Jacques Chesnel
21:54 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)
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