Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/05/2011

Chronique CD : KONITZ-MEHLDAU-HADEN-MOTIAN

 

  KONITZ-MEHLDAU-HADEN-MOTIAN

                                                      Live at Birdland                              

 

Je l’ai déjà écrit et je le répète : Il y a, dans la vie d’un chroniqueur, tombé dans la potion magique du jazz depuis si longtemps, des disques attendus impatiemment dès l’annonce de leur sortie. Comme pour celui-ci, particulièrement en raison de la présence de musiciens dont les talents de chacun ne sont plus à démontrer, pour trois d’entre eux depuis si longtemps aussi.

 2009 : année Lee Konitz ! avec deux prestations mémorables enregistrées dans deux clubs new-yorkais prestigieux à quelques mois d’intervalle : au Village Vanguard les 31/03 et 01/04 par son New Quartet (Lee plus le trio Minshara) et celui-ci au Birdland, sujet de cette chronique, les 9 & 10 décembre en compagnie de musiciens dits de légende (par le talent et par l’âge), le contrebassiste Charlie Haden (74 ans), le batteur et percussionniste Paul Motian (80) en présence d’un des pianistes parmi les plus talentueux d’une plus jeune génération, Brad Mehldau (39), Lee venant d’avoir 82 printemps dont 66 avec son saxophone alto autour du cou.

 Si, avant toute autre considération, j’insiste sur l’âge presque canonique de deux d’entre eux, ce n’est pas pour s’extasier sur leur longévité autant physique que musicale (quoique) mais sur cette volonté de continuer à se produire en recherchant par/dans leur attitude à perfectionner une certaine idée de la musique, du jazz, et aussi, cela s’entend, de nous faire partager une joie de jouer évidente, de communiquer leurs émois et leurs émotions au travers de la complicité, de la confiance réciproque, de l’extrême liberté (ce vent de folie aussi) qui circulent naturellement en eux, entre eux, à travers eux.

Il y a également des moments où un producteur peut subodorer un évènement, avoir la prémonition qu’il va se passer quelque chose d’exceptionnel et c’est, je crois, ce qui s’est passé avec Manfred Eicher lorsqu’il a demandé à son ingénieur du son, James Farber, de planter ses micros sur la scène du Birdland… et on ne peut que l’en féliciter.

Pour cette rencontre sans aucune préparation, le choix des standards est évident, pas de liste, pas de pupitre, simplement des chansons que ces musiciens ont déjà joués tant de fois et  qui sous d’autres doigts que les leurs sont souvent rabâchés,  affadis ou incolores, se mettre alors dans la disponibilité d’une toute première fois, d’aborder un thème sans préalable ni concertation ; l’exemple en est pour ce Lover Man que Lee ne prend même pas la peine d’énoncer la mélodie. Comme pour les autres titres (Lullaby Of Birdland, Solar, I Fall In Love Too Easily, You Stepped Out of A Dream, Oleo), le jeu des quatres musiciens sera à la fois, sensoriel, sensuel, lascif, érotique, fusionnel, une musique de braise autant que de baise toujours réinventée, envahie de phrases, paraphrase, périphrases, métaphases toutes sidérantes avec leurs atours, autours, entoures et alentours avec des esquisses suivies de certitudes, d’ébauches suivies d’amorces, de faux départs et d’évidentes arrivées, d’abords et débordements aux cours desquels Lee Konitz explore, défriche, musarde, flâne, s’éloigne, s’échappe, s’égare pour mieux se retrouver tandis que Brad ne joue pas que du Mehldau, que Charlie Haden assure et vagabonde de main ferme et que le grand Paul Motian exprime au mieux ses qualités de danseur et de coloriste.

On sursaute et on s’étonne au début de Solar à l’écoute de la sonorité particulière de Lee qui, allez savoir pourquoi, introduit un morceau de tissu dans le pavillon de son saxophone, on reste béat à l’écoute du seul solo de batterie de Paul, on défaille à l’écoute de la version extrêmement lente de I Fall In Love Too Easily et l’interprétation toute en retenue de Brad avec cette coda effilochée, on exulte avec un Oleo survitaminé et sa conclusion collective.

Au-delà du plaisir, de la jouissance que procure ces moments inespérés de musique, un simple constat : faisant fi des modes et des genres, le Jazz servi par de tels musiciens est la plus jeune de toutes les musiques du monde… ni plus ni moins.                 

 

Jacques Chesnel

13:42 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

Les commentaires sont fermés.