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12/03/2013

ALORS ?

 

Jérôme : Tout était à refaire, à repenser d’abord, cela ne pouvait pas, ne devait pas continuer comme cela, il ne fallait pas que le doute s’installe encore plus car on serait dans l’intolérable et comme j’étais déjà passé par là, je ne voulais pas que cela recommence, je n’aurais pas pu le supporter, Muriel connaissait le problème, elle ne pouvait le résoudre et d’ailleurs elle n’était plus là, je ne savais même pas si elle me manquait. Nous étions sortis de la dernière dispute complètement anéantis, était-ce suffisant pour se perdre de cette façon ou pour mieux se retrouver d’une autre ; ces chamailleries finiraient pas laisser des traces en espérant qu’elles ne deviennent pas trop indélébiles. Nous étions tous les deux du genre soupe-au-lait qui ne demande qu’à déborder mais nous avions réussi à ne pas en venir aux mains, ce qui était rassurant jusque-là ; quant à justifier l’état dans lequel je me trouvais, un état indéfinissable et inconfortable… Etait-ce encore ce reproche permanent concernant ma liaison ancienne avec Claire avant notre rencontre, elle ne pouvait, ne devait pas m’en blâmer, par contre elle voulait passer l’éponge sur son aventure avec le footeux pendant notre union. Alors ?

Muriel : Il y avait autre chose, autre chose de plus profond, j’en avais eu la révélation lorsque j’avais lu la première phrase du livre qu’il m’avait offert, Le rabaissement  de Philip Roth : Il avait perdu sa magie. L’élan n’était plus là. Son élan à lui, sa magie aussi, envolés petit à petit, paroles et expressions, gestes et comportements, comme s’il se dépersonnalisait, devenait un autre sans s’en rendre compte, un étranger maintenant que je ne le voyais presque plus parce qu’il marchait trop vite comme pour me fuir, petite silhouette voûtée perdue dans l’espace et comme  hors du temps. Etait-il trop tôt pour parler de gâchis total  et d’en chercher les causes mutuellement alors que le fil du dialogue s’était brusquement rompu. Oui, j’étais jalouse de Claire bien que ce fut avant, oui, je regrettais ce coup de folie avec ce qu’il appelait mon footeux. Etait-ce encore ces reproches permanents qui avaient entamé notre relation vacillante et pourtant tenace. Nous avions des amis qui avaient les mêmes problèmes, nous en parlions parfois mais, disait Jérôme, ce n’est pas pareil, si Jérôme, c’est identique.  Alors ?

 

Je me demande encore pourquoi je leur avais dit d’aller là-bas, en ce lieu historique, ce souvenir de ma visite après la guerre. Grand-père, raconte-nous, m’avait demandé Jérôme, et après mon récit et ma description, il avait approuvé puis regardé Muriel et dit alors qu’en penses-tu on y va ?. J’étais gêné lorsque j’assistais à leurs disputes interminables, surtout minables et je pensais que cela finirait mal mais pas à ce point ; les torts étaient partagés, lui trop impulsif, elle rouée avec son air de ne pas y toucher, un côté machiavélique qui me chagrinait à chaque fois.  Arrêtez ou alors allez faire vos chicaneries ailleurs, leur intimais-je, en pensant que tout ce foutoir inutile trouverait bien une solution avec un bon coup sur l’oreiller en fins baiseurs qu’ils sont. Depuis quelque temps, j’avais l’impression désagréable d’une accélération dans la destruction, je m’attendais à des blessures profondes, des choses dites qu’on ne pardonne pas… de là à imaginer qu’il pousserait brutalement Muriel du haut de cette satanée falaise…

©  Jacques Chesnel

11:42 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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