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17/03/2013

LA TROISIÈME FOIS

 

La première fois, j’ai rencontré mon espagnole Boulevard des Italiens, on s’est baladés dans Paris grâce à un taxi conduit par un chinois et sous une pluie battante nous sommes arrivés rue Serpente dans un restaurant grec. Toutes les tables étaient occupées par des personnes seules lisant le même journal dont nous n’avons pu voir le titre, il y avait cependant un brouhaha continuel, des conversations intérieures, les hommes plutôt débraillés étaient les plus nombreux, les femmes rajustaient constamment leurs robes avec prudence, quelques toux discrètes insolentes et isolées, la chaleur étouffante, les odeurs de cuisine en ballade, les pas endormis des serveurs sur un parquet mal ciré, il est treize heures vingt-huit à la pendule murale de guingois, deux éternuements saccadés, quelqu’un se mouche de traviole, un journal s’échoue lentement tandis que son lecteur ricane et que sa compagne renâcle fortement, un quidam entre rageusement, on ne sert plus à cette heure désolé, une petite fille dissimulée réclame les toilettes manman pipi t’as qu’à te retenir elle pleure, cette fois un client sort précipitamment, on le rappelle monsieur votre parapluie ah oui merci, maintenant on m’apporte l’addition que je n’ai pas demandée, heu vous prenez la carte bleue ?.

La deuxième fois, j’aurais aimé rencontrer mon italienne Boulevard des Espagnols ou dans la rue Goya sous un soleil éclatant mais ce fut rue Serpente en sortant d’un restaurant chinois quasiment vide à part les quelques serveurs âgés lisant des journaux aux titres différents, le silence était glacial, les mouches pouvaient voler malgré le souffle pénétrant de la climatisation ébouriffant les rares cheveux de la compagnie, on sentait un désodorisant permanent fort désagréable comme pour effacer la malpropreté invisible, quelques chuchotements de casseroles venus de la coquerie, un rire hennissant lointain vite réprimé, il n’est que douze heure vingt-huit signalées par un veille horloge branlante dans un coin, le service s’impatiente fébrilement car c’est bientôt l’heure de la fermeture et on ne paie pas les heures supplémentaires alors on s’affaire, la porte des toilettes claque trop fort, un petit garçon sort hébété et fait un pied de nez à la caissière plongée dans ses additions, le patron dit quel garnement et le papa hausse courageusement les épaules. Nous sommes sortis, maintenant il fait beau.

La troisième fois, il y a longtemps, j’ai rencontré une femme sur le Boulevard du Crime, c’était Garance dans Les Enfants du Paradis ; il y a toujours une troisième fois et c’est tant mieux car maintenant il n’y a plus pour moi  que le cinéma et peu de films comme celui-là,  un véritable chef-d’œuvre comme on n’en fait plus. Depuis Garance et moi, on ne s’est jamais quittés malgré les Baptiste, Frédéric, le comte de Montray, Lacenaire et autre Jéricho… comme quoi les rencontres, restaurant grec ou pas !.

©  Jacques Chesnel

12:33 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

Jacques,
ces variations "exercice de style" à la Queneau me plaisent beaucoup.Allez-vous en prévoir encore 98?

Écrit par : Nicole Giroud | 18/03/2013

merci de votre commentaire, Nicole ; je n'ai pas de plan précis, j'aime sauter du coq à l'âme et surtout ne rien m'interdire ni m'autoriser quoi que ce soit... donc, on verra par/pour la suite...
amicalement

Écrit par : Chesnel Jacques | 19/03/2013

" Garance", j'ai toujours eu en tête de donner ce prénom à ma fille, mais n'ait eu que des garçons...
Quel film que ces enfants du paradis!

Délicieux votre triptyque, Jacques...

Écrit par : helenablue | 21/03/2013

Les commentaires sont fermés.