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25/03/2013

UN PROBABLE DUO

 

A voir la façon dont elle regardait avidement le piano, puis ensuite quand elle pausa ses mains sur le couvercle pour l’ouvrir précautionneusement avec une sorte de gourmandise affichée dans ses yeux une fois assise sur le tabouret qu’elle avait rehaussé fermement, cette façon aussi de se jeter sur les touches d’un seul coup pour produire un unique accord somptueux qui fit pétiller ses yeux et frémir d’un léger spasme  son corps si gracile et tellement impatient, tout cela étonna et enthousiasma celui qui avait choisi un autre instrument moins encombrant, plus transportable, se promettant de lui faire une cour assidue pour former un duo original et qui émit brusquement un hoquet de surprise difficile à réprimer devant tant de grâce et d’énergie conjuguées. Il ne savait comment lui faire cette proposition car leurs univers musicaux étaient si dissemblables ainsi que les œuvres se rattachant à leur instrument respectif. Elle le regarda et lui demanda avec un sourire en coin si il aimait les pièces pour piano de Gabriel Fauré, vous connaissez ses Préludes… et les « voicings » de Bill Evans ?.

Il n’était pas peu fier de son biniou, pensez donc, un Buffet-Crampon acheté aux puces de Saint-Ouen, un basson peut-être des années 50 mais sans date précise de fabrication, état excellent, prix à débattre, il avait débattu et était reparti avec son trésor sous le bras. Commencée par la clarinette à cause de son admiration pour Sidney Bechet et Benny Goodman, sa carrière s’était poursuivie par l’étude du basson après avoir entendu Pascal Gallois interpréter les « Sequenza XII » de Luciano Berio et le jazzman Illinois Jacquet au Ronnie Scott’s Club de Londres. Sa réputation s’était affirmée après son adhésion à l’association « Les fous de basson » et sa performance remarquée au festival d’Angoulême. Aujourd’hui, devant cette charmante jeune femme, il se demandait si une collaboration, une association pourrait être envisagée, il y avait un répertoire, limité certes, mais on pouvait certainement proposer quelques chose de particulier, d’inédit, voire de sensationnel, notamment des compositions de leur cru, à elle, à lui, à…. Et vous, vous connaissez Sarabande et cortège de l’immense Henri Dutilleux ?

Les voilà donc tous les deux réunis par des amis communs dans ce vaste salon où trône un rutilant et piaffant grand Steinway et où il sort son basson de sa housse avec une extrême précaution. Ils se mirent d’accord sur la première pièce à interpréter, la merveilleuse Sonate pour basson et piano en sol majeur, op.168 de Camille Saint-Saens, continuèrent avec les Trois Pièces de Charles Koechlin. Ils se regardèrent en souriant, paraissant plutôt satisfaits du résultat étant données les difficultés surmontées et, suite à un regard complice, enchainèrent immédiatement une improvisation un peu dingue à partir d’un medley comprenant Les feuilles mortes et The Man I Love pendant une dizaine de minutes. A la fin, tous les deux partirent d’un énorme éclat de rire à la stupéfaction ou la perplexité des rares amis présents qui tous se posèrent cette question pour la suite : un probable duo ou improbable duetto ?

©  Jacques Chesnel

12:50 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Savoureux!

Écrit par : helenablue | 26/03/2013

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