Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/02/2013

LA FEMME DU PATRON

                               

Les avis étaient partagés, certains la trouvaient vachement bien, les autres carrément moches ou pas loin de l’être malgré sa silhouette avantageuse avantagée par les fringues. Jérôme disait la femme du patron, Bernard qui se targuait d’anglicismes  la femme du boss, Alain la meuf du vieux, la gonzesse du taulier pour Paul notre marlou, tout le staff l’avait ainsi baptisée. Patron, boss, vieux ou taulier, tous le détestaient à cause du mépris qu’il affichait pour ses employés, des laquais, des serfs, des sous-merde. Et tous ou presque, à part Dominique qu’on croyait homo, n’avaient qu’une idée en tête, qu’on la trouve bien ou moche : se taper sa meuf et le faire savoir pour faire chier ce sale con qui justement se tortillait comme une fiotte quand il reluquait le Domi. Vue de loin, elle avait de l’allure et de l’allant, elle faisait illusion avec son port qu’elle croyait royal, son long cou orné de perlouses, ses cheveux de teinte indéfinissable suivant la lumière tout cela dû à son coiffeur particulier. Elle vous matait de son air hautain, clignant les yeux d’une façon ostentatoire genre use tant cils au mascara d’égout sans savoir quelque signification en donner, faisant la moue molle toujours de la même façon avec sa bouche fardée comme une stripteaseuse de bastringue. Ayant jeté son dévolu sur Jérôme (lequel raconte cette histoire), elle  le demandait pour satisfaire ses besoins personnels, entrant dans le grand bureau de l’étude et clamait devant tous les mecs plus ou moins extasiés, crispés ou plutôt rigolards « Jérôôôme j’ai besoin de vous » éructé de sa voix faussement haut perchée, c’était pour la conduire chez le merlan ou chez une copine du même acabit ou faire une course pour des achats, un boulot de larbin et le patron présent ne mouftait pas.

J’avais été surpris lors de mon engagement dans cette grande étude notariale par le fait qu’il ne s’y trouvait aucune femme, tous les postes étaient tenus par des hommes triés sur le volet du type mannequin, même le standardiste ; c’était à qui serait le plus mignon, moi en premier bien sûr, sauf le stagiaire japonais Akira qu’on appelait Kurosawa qui était plutôt laid mais si sympa et faisait les courbettes qui plaisaient au vieux schnock émoustillé. J’attendais avec appréhension et délectation cumulées le moment où la vieille bique entrerait en gueulant Jérôôôôme, ce qui n’allait pas tarder, tiens, que vous disais-je

-       Aujourd’hui, mon chou, les grands magasins pour les soldes de lingerie, ça vous dit, hein mon lapin, et qu’ça saute, hihhi

Dans le BMW, elle se regarde dans le miroir de courtoisie, se passe la langue sur ses lèvres outrageusement maquillées et me dit go on y va et c’est parti, elle me guide, se marre, hennit une fois ou deux quand j’accélère ou double, doucement les basses, tu as la trouille manman alors encore un p’tit coup et tu vas voir vroum vrouououm ; la légitime de notre négrier poussa un soupir de soulagement quand nous entrâmes dans les entrailles du magasin, le parking débordant de bagnoles de luxe. Maintenant dans le noir éclairé des phares, en cherchant une place, elle gloussait d’une intrigante façon, d’une inquiétante manière quand ayant enfin trouvé une place libre, la voiture arrêtée, elle prit ma main droite, retroussa sa robe et en me disant tu vas voir enfin mon petit chéri me mit illico la main entre ses cuisses…

Nous avions pris l’habitude à la sortie du bureau de nous retrouver quelques-uns dans un bar proche. Le soir de cette aventure, on ne manqua pas de demander comme d’habitude : alors ?, raconte

-       Eh bien, les mecs, vous voulez vraiment tout savoir ?...ben,  la femme du patron… c’est … comment dire …un travelo.

Le lendemain, dans son bureau, le patron m’informa que j’étais viré séance tenante sans plus d’explication. Jérôôôôme !

 

© Jacques Chesnel

11:53 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

"au mascara d'égout": ça, c'est une sacrée trouvaille...

Écrit par : paniss | 11/02/2013

Les commentaires sont fermés.