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30/09/2010

RÉFLEXIONS / QUESTIONNEMENTS

 

Papa n’a plus de boulot, Maman est boulotte et moi je mange trop à la cantine du bureau. Que vais-je devenir quand Papa va retravailler, que Maman aura maigri et moi que je n’aurais plus de boulot ?.

 

Papa est parti bosser, Maman est bossue et moi je suis fan d’Hugo Boss. Que vais-je devenir quand Papa sera fan d’Hugo, Maman partie bosser et moi bossue ? Faut-y que j’en parle à Bossuet ?... ah !, il est mort ?.

 

Papa trie pendant que Maman prie et que je crie parce qu’il n’y a plus de brie… j’ai jamais vu Papa prier et Maman trier et je ne crie plus depuis bien longtemps ; un mystère à Meaux ?

 

Papa trouve qu’il y a beaucoup de lèche-cul pour lécher celui du président, Maman dit qu’elle aimerait bien se faire lécher le sien plus souvent ou bien alors que Papa y soye président.

 

Papa a dit qu’à sa manif’ à Marseille ils étaient 200.000, Maman en a vu 20.000, moi j’en ai compté 20… je ne dois plus avoir de pile dans ma calculette.

 

Papa veut arrêter de fumer la cigarette pendant que Maman nous enfume avec son cigare et pendant ce temps je rêve toujours de faire des pipes.

 

Papa coud le soir à la veillée tandis que Maman tricote sauf que Papa ne s’appelle pas Pétain.

 

Papa se prénomme Nicolas et Maman Berthe, ils veulent tous les deux changer de prénom alors que mon nom de baptème c’est Cécilia ; je ne vois pas où est le problème.

 

Papa triche souvent à la belote, Maman s’emmêle parfois avec sa pelote à épingles et j’ai toujours envie de me faire peloter…

 

Papa n’aime personne, Maman aime tout le monde, moi j’hésite encore… excusez-moi, on me demande au téléphone… hein ?... quoi ?... quel con celui-là !.

 

Papa adore le foot, Maman est dingue de rugby et moi je me sens toujours ballonnée.

 

Papa a vu une extra-terrestre, Maman a vu un infra-lunatique, moi je ne vois plus personne dans la limite des places disponibles.

 

Papa dit tout haut ce que Maman pense tout bas mais comme Maman ne pense jamais je ne sais pas ce que Papa dit. Si un jour c’est le contraire, je vous préviens.

 

Papa a tout le temps chaud, Maman tout le temps froid, moi je me sens un peu tièdasse en ce moment.

 

Papa est à la chasse, Maman a perdu sa place, je ne sais plus très bien où j’en suis.

 

Papa a des lunettes, Maman des verres de contact, mon petit frère est myope, c’est normal d’être presse-bite pour un fille, non ?.

 

Papa s’est laissé pousser les cheveux, Maman a beaucoup coupé les siens, j’ai peur de devenir chauve.

 

Papa dit que si il aime pas Devedjian c’est parce que y en a deux ; en cuisine, il dit préfèrer celle des Troisgros parce qu’y en a trois, Maman dit allez savoir.

 

Papa a glissé sur une merde de chien, Maman a dérapé sur une crotte d’oiseau ; je me demande pourquoi les animaux leur en veulent à ce point.

 

Papa vote à gauche, Maman à droite, je vais finir par devenir ambidextre.

 

Papa m’appelle Nicole, Maman m’appelle Cravate, je pense bien sûr à Pierre Dac quand ils m’appellent ; j’aimerais tant qu’ils m’appellent Cécilia.

 

Papa lit Le chasseur français, Maman Paris-Match, Pépère Valeurs anciennes, Mémère Modes et Travelos, mon frère Oncle Picsou et moi Dingo à l’Elysée ; rien que du sérieux !.

 

Papa a mis son beau costume neuf et Maman sa plus belle robe en organdi quand ils on reçu le président à la maison, moi je me suis planquée, vous pensez avec mon prénom !.

 

Papa n’a plus de points sur son permis de conduire, alors Maman tiens le volant, lui passe les vitesses, mon frère accélère tout le temps et moi je freine quand je peux.

 

Papa et Maman sont allés voir « des hommes et des dieux » ; avec mon frère on est retourné voir « bienvenue chez les ch’tis », il a dit que c’était pareil mais en moins drôle.

 

Papa dit que maintenant on voit la culotte des chanteuses, Maman dit maintenant que les chanteurs n’ont rien dans le patalon, moi je dis que ça fait une bonne moyenne.

 

Papa dit que le langue de Rachida Dati a fourché en parlant  de fellation, Maman a demandé qu’est-ce que c’est qu’une fellation, Papa a répondu c’est quand on a la langue qui fourche, Maman a dit que Papa n’a  pas la langue dans sa poche et qu’elle est plutôt bien pendue ; mon frère dit qu’on peut appeler ça aussi un lape-suce ; moi je donne ma langue au chat.

 

Papa demande souvent comme ça : l’as-tu vu ?... qui ?... mon cul… Maman reste toujours dubitative dans sa hâte à ne pas répondre.

 

Papa a dit yen a marre qu’on parle toujours de roms, Maman a dit que maintenant Pépère cherche constamment la bouteille et dit que c’est Mémère qui la cache.

 

Cécilia, à taaaaable !... je mange trop… sûr que je vais encore trinquer !.

 

©  Jacques Chesnel

 

18:44 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

24/09/2010

L’IROQUOIS ET L’INCONNUE DE RIBIERS

 

(à Bellebuzette de la part de Belzébuth)

 

On ne sait jamais où quand comment cela arrive à moins que ce ne soit comment quand où… ou…


Avec l’Iroquois, c’est une vieille histoire ; d’abord, était-il Iroquois ou bien appartenait-il à la tribu des Mohawks ou des Hurons ; nous ne le sûmes jamais, nous ne lui avions jamais demandé, c’était notre Indien à nous pas besoin de savoir ; par contre sa coiffure en « crête »  ou « coupe mohawk » cheveux rasés sur le côté nous intriguait ainsi que les quelques amulettes acrochées au ceinturon de son uniforme mais on n’a pas voulu questionner non plus.

Notre Iroquois avait débarqué en Normandie en 1944, incorporé dans une unité de l’armée canadienne qui libéra Caen le 9 juillet ; nous l’acceuillîmes en héros dans notre famille avec quelques autres soldats, canadiens français, cousins très bavards, alors que lui parlait rarement et seulement quelques mots d’anglais avec le capitaine. Ma mère, fille de militaire, avait l’occasion de jouer la cantinière du régiment, elle qui regrettait tant de n’avoir pu le faire en 14/18 car trop jeune. Nous ripaillîons avec les boites de singe et autres rations du régiment, les légumes du jardin qui disparurent à une vitesse phénoménale, avec les camemberts que nous allions chercher parfois sous la mitraille chez des fermiers voisins, avec les tartes que la cantinière fabriquait en chantant avec un plaisir visible. Les tablées étaient joyeuses, animées, les soirées amicales et festives, on peut dire agapes joyeuses avec parfois un côté nostalgique quand les soldats nous montraient les photos de leur famille, des épouses, des fiancées, des enfants…

Nous aurions été complètement heureux… si un groupe  de soldats allemands replié à quelques kilomètres dans une carrière n’avait installé une ou plusieurs roquette(s) qui nous distribuait généreusement et régulièrement quelques salves qui passaient en sifflant au-dessus de nos têtes avec une régularité inquiétante et en espérant pouvoir échapper à l’une d’elles. Le capitaine Grégoire estima qu’il fallait en finir et demanda un volontaire en désignant notre Iroquois qui était déjà partant et déjà prêt. Il dit quelques mots au capitaine qui demanda à mon père s’il pouvait avoir un verre d’eau-de-feu, il but une bonne moitié de la bouteille d’un trait. Il partit de suite, il était aux environs de 17 heures. Pendant trois jours ces fumiers de boches continuaient à nous asperger et on avait l’impression que la prochaine bordée ce serait pour nous…  dans la nuit du troisième jour, le silence nous inquiéta d’abord et si c’était pour mieux repartir et cette fois en plus fort… au matin du quatrième jour, le silence inhabituel interrogea mes parents, le capitaine eut un sourire qui en disait long ; au moment de se mettre à table, il y eut comme raffut parmi les soldats et notre Iroquois, toujours aussi digne mais paraissant plus décharné que jamais dans son uniforme poussiéreux et déchiré arriva, regarda mon père qui comprit immédiatement et ressortit la bouteille qu’il vida. Des yeux le capitaine Grégoire le sollicita et notre Iroquois fit le chiffre 3 avec sa main droite avec laquelle il fit semblant de se trancher la gorge. Il disparut au milieu des cris, des hourras et des larmes. Plus tard, nous apprenions par ses camarades qu’il avait reperé la roquette grâce au tracé des obus, localisé l’endroit dans la carrière de pierre, rampé pour y arriver en attendant la nuit, aperçu les trois soldats allemands qu’il avait égorgé un à un après avoir pratiqué des feintes autrement dit des ruses de Sioux bien qu’il fut Iroquois.

Quelques jours après, le bataillon devait partir suivre l’évolution du front. Après des adieux que l’on dit à juste titre déchirants tant d’amitiés s’étant affirmées, la troupe nous quitta avec force embrassades et promesses de s’écrire après la guerre ou de se revoir… A l’heure du dîner, ma mère appela mon frère plusieurs fois, je partis à sa recherche dans nos aires de jeux habituelles, pas de frère, personne ne l’avait vu depuis le départ de la troupe ; à la tombée de la nuit, une chenillette nous rapporta mon frère qui s’était introduit et caché dans un camion et voulait continuer la guerre avec eux ; je revois encore le visage énigmatique de notre Iroquois et enfin son sourire lorsqu’il embrassa notre maman en lui remettant son petit guerrier frétillant.

 C’est cette histoire que je racontais un soir à mes chers amis de Ribiers où j’aime tant me retouver tous les ans depuis maintenant une vingtaine d’années. Ribiers, petit village dans la vallée du Buech au sud-ouest du département des Hautes-Alpes à quelque kilomètres de Sisteron, sa belle fontaine au milieu de la place, les terrasses des cafés sous les arbres, son église paroissiale ancien prieuré de l’ordre de Cluny, son marché du mardi, le banc avec la causette des petites vieilles de plus en plus vieilles que je revoie avec plaisir et appréhension…

Le dimanche, un peu d’animation avec la sortie de la messe, beaucoup de personnes dites âgées, que des dames, cheveux gris blancs ou bleus, groupement, parlottes, échanges, un salut de ma part, des regards étonnés c’est qui ? vous le connaissez ? oui il vient souvent chez les ah oui… le rituel de la patisserie, aller au magasin, marcher du côté ombré de la route, des pas derrière moi, sur le trottoir opposé et ensoleillé, une silhouette qui me dépasse, fine, élancée, qui me sourit et me dit bonjour la première quand je me retourne, je la suis car elle marche plus vite que moi, j’apprécie son allure, son port, sa silhouette de jeune fille, sa coiffure et sa robe longue qui se balance, nous arrivons presque ensemble car j’ai accéléré mon pas, vous marchez plus vite que moi, elle semble amusée, après vous, nous entrons, elle passe sa commande et la boulangère lui demande des nouvelles de sa main gauche qui porte un gros pansement, c’est un panaris je demande bêtement non un problème de ligament ses yeux sembles pétiller malicieusement ou bien je crois qu’ils semblent pétiller ou peut-être même qu’ils pétillent plus qu’ils ne semblent, elle paie, ramasse ses achats, je commande les miens tandis qu’elle quitte la boulangerie, je paie rapidement, vite je sors, elle est là elle m’attend ou bien je crois qu’elle m’attend ou bien bon euh au revoir vous partez par ah bon moi par ici nous partons nous sommes partis chacun de notre côté et je reste comme un idiot, j’ai envie de me retourner, elle a peut-être aussi l’intention de se retourner peut-être même qu’elle se retourne et me voit partir et se dit quel imbécile ou je pense qu’elle me prend pour un imbécile ou peut-être qu’elle ne s’est pas retournée et ne pense à rien surtout pas à moi l’imbécile qui… j’aurais dû lui dire ah vous savez justement je suis chirurgien grand spécialiste des ligaments si vous venez me voir à Paris je pourrais vous soigner je vais vous donner mon numéro de téléphone au cas , ce sera vraiment avec plaisir… et je n’ai rien dit… je me trouve vraiment débile sous le soleil avec mes tropéziennes dans la main et quand enfin je me retourne je ne vois plus personne…

Je n’ai jamais revu notre fier et courageux Iroquois, je ne le reverrai jamais, qu’est-il devenu ?, depuis tout ce temps… mais l’année prochaine quand je vais revenir à Ribiers chez mes si chers amis, j’irai le dimanche chercher les gâteaux comme d’habitude à la sortie de la messe et peut-être reverrai-je alors mon inconnue, l’inconnue de Ribiers… en espérant qu’enfin cette fois m’enhardissant,  elle ne le soit plus.

 

©  Jacques Chesnel

 

 

 

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10/09/2010

CONVERSATION 27 (Ah ! tous à la manif’)

 

- ya un de ces mondes, on est serrés comme dans un bocal de sardines

- un bocal qui prend l’eau avec ce qu’il flotte en plusse

- ceusse qui nous traitent de feignants voient pas tout le courage qu’on a à manifester sous les trombes

- pardi, sauf que les députés braillent au chaud et que les sénateurs somnolent et que nous une deux une deux

- yen a un qui me souffle dans les oreilles avec sa vuvucellelà, oh ! pas si fort, je peux pas crier moi, non mais oooh ! heureusement qu’on a nos nos pancartes, Maurice a passé toute sa nuit à cause des fautes d’ortografe, il arrivait pas à écrire Weurte comme ça s’prononce écclésiastique qu’il disait en ricanant

- le mien il a trouvé une espression sur sa pancarte que j’aime bien les jeunes au turbin, les vieux au jardin, sauf que notre gars il est jardinier et que son père travaille justement dans les turbines, alors

- écoutez le type en pantalon moul-burnes là, il gueule libérez nos camarades alors qu’y encore personne d’arrêter à c’qu’on dit mais ça va pas tarder vu la flicaille

-y paraît que Sarko est devant son poste et qu’y compte les manifestants un à un à cause des sondages du lendemain qui sont contradictoiriens

- ben oui, à TF1, 100.000, dans Le Figaro 200.000, à la police 500.000 donc total on est au moins 2.000.000

- vous croyez qu’elle est là ?

- qui ?

- ben, Ségo quoi

- y paraît qu’elle est avec Villepain en tête-à-tête devant

- noon ? il sont ensemble ? je voyais bien qu’yavait anguille sous cloche, keskil est beau et elle avec ses tullenippes toujours classe chic

- c’est vrai qu’ça pourrait faire un beau couple de président, il est plus maigre que l’ancien, celui qu’elle a largué qu’a un nom de frometon qui depuis s’est fait maigrir décidément… la retraite a soixante ans, la retraite- a- soixante- ans- quand- on- a- encore – toutes – nos - dents il a un côté aristocritique pour un président tandis que l’autre petit qui piaffe toujours et elle avec ses yeux qui patillent de concupuissance

- ça al’air de bloquer maint’nant, je commence à avoir les arpions en compote, j’irais bien m’asseoir un peu… allons bon, v’la que ça redémarre… libérez nos… qu’est-ce que j’raconte moi…

- avec Maurice, on compte plus nos manifs depuis le temps, les plus belles c’est en 68 pasqu’on était jeune pour la première fois et en 95 surtout, la tronche au crâneur chauve euh comment qu’y s’appelle déjà, lui avec ses jupettes, allez hop !, éjecté, qu’est-ce qu’on attend, on va finir comme des couilles molles à la fin

- et vot’ copine la Jeanine des PTT, que Robert écrit pets tétés en se marrant, où qu’alle est ?

- au premier rang, esmet toujours avec les cadres, les huiles, BHL monsiegneur Gagaillot et tout le gratin pasque elle est déléguée de la cégété

- ça fait une belle tambouille tout ça mais heureusement qu’on les a, c’est pas par les gugusses du mouvement populaire à deux balles qu’on serait défendutes

 - mouvement populaire mon cul, faut être gonflé comme le gros Bertrand pour appeler ça comme ça pour faire plaisir à Sarko et au Médaife de la petite Parigote

 - oh !, celle-là je peux pas la blairer, tiens : Parigote – au - poteau, Parigote- au – poteau -  les – ouvriers – auront - ta peau

 -comme vous y allez, moi je regrette le temps d’Arlette, ça c’était de la contestation, du vrai, maintenant on dirait de la révolution-camomille

 - à propos de camomille, si on stoppait devant ce bistro pour se reposer un peu et se taper une p’tite verveine

 - d’accord, c’est qu’on a encore du chemin à faire jusqu’à la fin du cortège la retraite pour tous à soixante ans quand on a encore nos dents, la retraite…

 

 

©  Jacques Chesnel  (7 septembre 2010)              

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09/09/2010

LE PARI DE JEANNE OU LES DÉSEMPARÉS -8

 

8 / Lionel

 

Il avait toujours préféré les répétitions au spectacle proprement dit, la préparation au fini, bouclé, ficelé, bien que certains soirs il se passait parfois quelque chose d'inattendu comme à la dernière du Othello dans la mise en scène de Louis quand Yves s'était planté et qu'il avait fallu tout rattraper on avait été mal mais on avait bien ri, après, sauf lui… et Louis qu'on n'avait jamais vu dans une telle colère, rentrée puis explosive.

- on reprend, les enfants… bon,  Lionel, tu m'entends ?, tu m'écoutes ?, Lionel… on reprend ton entrée dans l'acte 2

C'est peu de temps après cet incident que leur amitié s'était emballée vite transformée en un amour traversé de disputes, broutilles suivies bientôt d'orages violents à cause de leurs jalousies réciproques, de leurs penchants pour la drague malgré leur pacte de fidélité. Metteur en scène exigeant, tyrannique disaient certains, surtout certaines, Louis avait vite reperé le jeune homme, sa beauté, sa démarche et son caractère altiers, son regard énigmatique, bref il l'avait trouvé splendide oui voilà le mot juste. C'est dans les filages de la pièce d'Oscar Wilde L'importance d'être Constant qu'il avait débuté sous la directon de Louis qui lui avait confié le rôle de Jack alors qu'il se voyait plutôt dans celui d'Algernon ; il avait alors lu tout Wilde et s'était interrogé sur la traduction de Constant, le titre anglais étant The Importance to being Earnest, ce dernier vocable siginfiant "homosexuel" dans l'argot de la haute société londonienne de l'époque et quand on connaissait les mœurs de l'auteur… il y a même certains traducteurs entre guillemets qui avaient même osé proposer "l'important d'être Ernest" ou "Fidèle"…

- non mais Lionel, je rêve ou quoi… houhou, tu es sur scène et on répète bordel, mais c'est pas vrai tu

La vie avec Louis avait été à la fois le paradis et l'enfer, parfois l'un parfois l'autre souvent les deux à la fois, il s'était soumis à tous les caprices de cet homme plus âgé, érudit, spirituel mais dont l'autorité, la prépotence lui faisaient peur bien des fois mais combien attachant néanmoins, il lui avait révélé tant et tant de belles choses, de turpitudes et de dépravation aussi ; Lionel avait accepté par amour d'accepter toutes ses propositions dégradantes, celle qui consistait à se prostituer non pour de l'argent mais pour qu'il puisse le mater se faire enculer par de vieux libidineux étant vécue comme la pire.

Aussi quand Louis lui annonça qu'il allait le quitter non pour un autre homme mais pour une femme oui pour une femme, il avait d'abord cru à une blague, un mauvais canular, à une de ses plaisanteries dont il abusait pour le mettre en colère par pure perversité. Quand il dût quitter l'appartement, Lionel se réfugia dans la demeure de ses grands-parents, abattu d'abord, furieux puis décidé à se venger. Au cours de ses déambulations dans le vaste grenier, il avait trouvé un vieux révolver 9mm, un Colt, qui fonctionnait encore ainsi que trois balles ; sa résolution était prise maintenant, il lui fallait tuer oui supprimer effacer Louis et le plus vite serait le mieux. Il savait que cela allait démolir sa carrière qu'on disait si prometteuse mais la blessure était trop insupportable, il n'y avait donc qu'une solution, une seule, il suffisait de trois balles. Avant de partir, il alla se rafraîchir dans la salle de bains, il mit quelques minutes avant de se reconnaître dans la glace, de se voir lui fit peur. Lorsqu'il prit le train du retour, il s'effondra dans le wagon surchauffé. Le contrôleur le réveilla à Paris ça va Monsieur… il tenait toujours les balles porteuses de mort dans sa main gauche endolorie tant il les avait serrées si fermement.

- oh! Lionel tu m'entends

 

(à suivre)

23:55 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

03/09/2010

ENTRETIEN VOILÀ DU BOUT D’UN

 

Un grand nombre de lecteurs de ce blog ont manifesté le désir d’en savoir un peu plus sur l’auteur de ces textes et chroniques. Celui-ci se prête donc volontiers à ce qui peut ressembler à une sorte de questionnaire de Proust sur ses goûts, affinités et couleurs.

Bonjour Jacques Chesnel

Bonjour Jacques Chesnel


Merci de répondre à mes questions

Je vais essayer d’y répondre bien que j’appréhende un peu ce genre d’exercice sans filet


Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à écrire ?

D’abord, je ne suis pas raisonnable et je me demande si j’écris vraiment

 

Un signe de modestie ?

Je suis tout sauf modeste mais j’ai une cousine modiste

 

Quelles sont vos sources d’inspiration

La connerie généralisée, la mienne plus particulièrement, Le Figaro, les émissions de télé-réalité, que je ne regarde pas, les crottes de chien, les tronches à Estrosi et Dominique Pailler

 

Quelle est, d’après vous, votre qualité principale

La somme de tous mes défauts et ils sont nombreux

 

Pouvez-vous en citer quelques-uns

Volontiers, j’aime la nourriture biologique aux pesticides, je dors tout habillé par crainte de me réveiller, je fais du vélo sans les pédales, la liste est trop longue et je n’ai pas la langue bien pendule à l’heure

 

Quel est votre plat préféré

Le petit salé dessalé aux verres de contact

 

Votre pays préféré

Le Bouthan parce que je n’y suis jamais allé

 

Votre sport préféré

Réponse banale : la sieste avec ou sans crapule

 

Votre position favorite pendant l’amour

Cul par dessus tête les mains dans les poches en sifflotant Tata Yoyo ou le Requiem de Mozart ça dépend des jours

Ce que vous aimez chez un ami de trente ans

Il y a plus de trente que j’ai trop d’amis sans rechercher leurs qualités ou leurs défauts mais si vous y tenez absolument : la loyauté mais sans les noyaux, la fidélité sans la corde

 

Votre écrivain et cinéaste favoris

Celui dont je n’ai lu aucun livre, celui dont je n’ai vu aucun film, par contre si cela devait se produire un jour, pour les écrivains je crois qu’il y en aurait trois ex æquo, les deux William, Shakespeare et Faulkner avec Julio Cortázar, pour le cinéma un seul, Orson Welles… ah !, j’allais oublier Woody Allen, sans Carlita

 

Votre musicien préféré

On a combien de temps ? …La liste est trop longue ou trop courte, soyons sérieux, Puccini, Ravel, Stravinski, Richard Strauss, Bill Evans, John Coltrane, Thelonious Monk et Charlie Parker parmi les disparus, actuellement Henri Dutilleux et Wayne Shorter.

 

Votre film préféré

Sans aucune hésitation, celui que j’ai vu plus de cinquante fois avec les mêmes battements de cœur emballés et de paupières ébaubies : Citizen Kane, le chef-d’œuvre absolu

 

Votre actrice et votre acteur préférés

Danielle Darrieux et Catherine Mouchet (et là je ne plaisante pas), George Clooney parce que je suis plus beau que lui

 

Quels sont vos autre loisirs préférés

En dehors des lectures, films et musiques ?...  aller au bord de la mer car j’ai très peu connu mon père… la pêche sous Marine le Pen avec mon copain Michel… reluquer les petites vieilles quand elles font retirer du fric à la poste… retoucher les photos d’Hortefeux en brun avec une petite moustache… jouer au whist avec Pascale et Gilberto parce que c’est mieux à quatre quand on est trois… mettre un casque d’aviateur et me prendre pour Blériot… pisser dans un violon pour améliorer son son… me tirer la langue devant la glace sans que la glace me renvoie la langue… traquer le cachalot avec Roselyne… m’imaginer madame de Fontenay en bikini rose avec son chapeau de travers, merde je bande, excusez-moi

 

Avez-vous un hobby et des phobies

La phobie des hobbies

 

Votre couleur favorite

L’arc-en-ciel de nuit

 

Votre héros, votre héroïne

??? / ???  allo, allo, ya quelqu’un ? peut-être hum ! Richard Virenque, la miss Météo de Canal + Pauline Lefèvre, waouououhhh

 

Ce, celui ou celle que vous détestez le plus

La religion, Le Pen, George W Bush, Marthe Richard, Sarah Palin

 

Revenons à votre travail, comment écrivez-vous

Êtes-vous certain de poser une bonne question, parce que je n’ai qu’une mauvaise réponse : n’importe comment et peu importe étroite, il n’y a qu’aux chiottes que j’ai hésité par manque des papier

 

Vous trouvez-vous intelligent

Ceux qui pensent que je suis con ont raison, ce qui pensent le contraire aussi, j’ai une nette préférence pour les seconds

 

Y a-t-il une question que vous auriez aimé que je vous pose

Oui, où sont les toilettes parce que ya un moment que…

 

Comment aimeriez-vous mourir

Avant le : coucou !, tiens ?, déjà ?... j’aimerais avoir le choix, la mort m’importe peu, ce qui m’embête ce sera de ne plus vivre, bordel de merde

 

Jacques Chesnel, merci de nous avoir consacré un peu de votre temps

D’autant que je n’ai plus la notion du temps depuis longtemps tout à l’heure

 

©  Jacques Chesnel

 

19:50 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

02/09/2010

CONVERSATION 26

 

- eh bin, keski vous arrive ? ya kèke chose qui vous zob nubile ?

- ça s’voit tant qu’ça ? j’en suis toute chiffonnée mais pas au point de m’obnubiler bien que ça me turlupine un peu

- on dirait bien pourtant à voir vot’ mine

- c’est que Caro nous joue encore des tours, on la croyait à bout d’habits et voilà que mad’moiselle se remet à penser à dev’nir couturière de luxe

- et alors ?

- le problème c’est qu’elle veut prendre des cours avec Ignèsse de la Fessedange à Paris et que ça coûte bonbon

- vous avez pas ou plus les moyens ?

- pas depuis que Maurice est en retraite à 83 ans et moi à mon âge avec mon salaire… ah ! quand j’pense qu’il me faut encore me coltiner, c’est pas comme avant, tenez en 2009 on pouvait encore partir à soixante ans et bien moi à c’t’heure j’en ai 68 et j’bosse toujours pour des prunes ou presque que je fatigue vraiment

- ah pour ça c’est vrai qu’on l’a eu vraiment dans l’baba, dire que mon Raymond en a 72 et qu’y faut qui s’lève à cinq heures tous les matins avec son artriste si c’est pas malheureux

- ma copine Jeanine qu’est gestionnaire de surface stochastique elle trime encore et elle sait pas encore jusqu’à quand… ça lui fait quel âge maintenant à votre Caroline ? plus de 50 non ? elle est encore apprentite ? et la Ignesse toujours vaillante ?

- pour Caro 52 balais, Ignesse elle fait pas d’âge mais ça lui en fait quand même pas mal elle a commencé gamine vers les 20 ans, non ?... quand on pense que le nouveau président avait dit qu’il voulait changer toute cette merde installée par l’ancien, vous vous rappelez, le petit comment qu’y s’appelait déjà ? avec son copain Chichi celui qu’a fait pitche, remarquez qu’avec le nouveau, le grand chauve prétentieux c’est kif-kif bourricot comme on disait dans l’temps sous pomme pomme pidouze, vous vous rappelez hein ?

- on en a bavé et c’est pas fini, va falloir redescendre dans la rue pour les manifs comme l’année dernière… quand on pense qu’on avait cru qu’en 2025 y aurait plus des ces problèmes, on a encore été mené en bateau, le plus terrible maintenant c’est pour les poubelles depuis qu’on a viré les sans-papiers comme des malpropres qu’y a pus personne pour les enlever que c’est nous devenus les malpropres

- berniqués qu’on a été, ils peuvent mettre des robots sur les motocrottes on est quand même dans la merdouille jusqu’au cou

- c’est comme pour les usines, les ouvriers, les paysans et les commerçants, nos gamins savent même plus que ça a vraiment existé, on leur montre des photos et ils disent que ça peut pas être vrai, que c’est de la propagande réactionnaire

- mais le luxe marche encore ? ya d’la clientèle à part les chinoises et les indiennes milliardaires ? vous croyez que c’est tout bonnard pour vot’ Caro chez l’Ignesse avec les nouveaux non-tissus depuis qu’y a pus de laine ni de coton ni soie ni rien de naturel même pas de sintétique et le sinfrusquin?

- regardez les restaurants, ya pourtant plus de viande, plus de légumes, plus d’œufs, de vin, de bière, ni de ouiski, plus rien de vrai rien, que du faux reconstitué, d’accord, et bin c’est plein tout les soirs à des prix hors de prix et on se chamaille pour les places… donc ya encore du fric alors qu’on en fabrique plus en papier que tout est virtuel ou quèque chose d’approchant de loin et donc ya de l’espoir pour Caro avec la mode d’après-demain avec son Ignesse, j’y crois

- n’empêche faut avoir le moral chevillé aux jambes et les mollets solides pour encore s’échiner à notre éopque et à REN, la Radio-Elysée Nationale ils disent que c’est pas fini… vous êtes sur quoi vous maintenant ?

- toujours pareil sur les hypernanotechnologies au service de l’économie de subsistance rationnelle et aléatoire de survie des planètes, le fameux organisse dirigé par les frères Gloupdanoff

- peut-être que Caro aura du boulot pour les nouveaux uniformes comme y ont fait pour les androïdes Neptuniens que c’était drôlement difficile de les vêtir ceux-là

- devrait y avoir des appels d’offres interplanétaires mais on est mieux placé, plus concurrentiel que les Vénusiens qui…

- bon c’est pas l’tout mais Maurice m’attend dans notre nouvel hélicoptère à air surcomprimé-recyclé pour faire nos courses pendant ce dernier dimanche avant la fermeture des fuseaux horaires, j’vous ramène quoi si j’en trouve au marché noir ?

- oh oui ! de l’andouille de Vire, mais pas de l’ersatz, hein …

 

 

                   ©  Jacques Chesnel  (28 septembre 2028)

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24/08/2010

UNE VIEILLE CONNAISSANCE

 

Vous le connaissez sans doute ; vous le voyez tous les jours, il a une tête de terrain vague, une tronche de fieffé fielleux fier de son fief près de la fiente, de mec pas né à Meknès mais sorti on ne sait d’où de la gadoue, une vieille connaissance con de naissance avec condescendance qui distribue son venin quotidien comme d’autres le pain, qui tripote dans son tripot des idées nauséabondes abondantes, triste sieur se prenant pour un monsieur considérable indigne de considération, butor buté prêt à buter n’importe qui comme butin,  bateleur foireux de foire foraine chassant le forain, piteux pantin désarticulé faisant l’article, professionnel de la fausse prophétie,  trublion trouble jouant sur la trouille, matador matois m’a-tu-vu,  plouc pleutre, piteux pitoyable, fier-à-bras fripon frippé, filou filochard sans ribouldingue, croquignolo de basses œuvres, vil voyou vulgaire et vilain (pire qu’affreux, bête et méchant), pistonnard pompeux pompant, plastronnant de plate-bande, roquet riquet-à-la-houppe éructant, caïd cahotant cahin-caca, mirliflor à la voix melliflue, égosilleur de dégoût pour égout, vaniteux valétudinaire, racoleur de raclures, débiteur d’oracles racoleuses, horace tendance vorace fumasse, gentlemerde aux miasmes excrémentielles, souteneur de thèses de quatorzième sous-sol, rabatteur thésauriseur de thèses à peau de balle, rustre rudimentaire prêt à ruer, prédicateur prévaricateur racoleur, oiseux oiseau de mauvaise augure, bavard baveux  au bagout douteux, pitre perroquet pansu au poing sur le pif, atrabilaire de brocard bancal, canaille populiste de marigot, marivaudeur de faux vaudou, rafistoleur de gongorisme, apôtre d’apocalypse de bidet aux solutions bidons…

 

L’avez vous reconnu dans cet aimable portrait ? ; non ? ; ce n’est pas seulement lui… c’est pire.

Ils sont plusieurs. Ils nous attendent… demain peut-être.

 

©  Jacques Chesnel

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17/08/2010

AU PIED LEVÉ

 

Lorsque Jonathan, qui comme tous les matins vers six heures trente prenait son pied avec Manon, entendit à une émission de radio que chaque être humain possédait un pied plus gros que l’autre, il se retira d’arrache-pied pour voir lequel des deux c’était chez lui ;  Manon, qui était en train de prendre aussi son panard, jeta un regard anxieux sur les extrémités de ses membres inférieurs tout en regrettant que Jonathan ait levé le pied si rapidement ce qui n’était pourtant pas son genre plutôt têtu. Ils furent néanmoins soulagés de s’apercevoir qu’ils avaient le même plus gros : le gauche. Cela nous fait une belle jambe rirent-ils derechef et se mettant ensemble au pied du mur repartirent du bon pied, quand on a commencé faut bien finir, on va pas lâcher pied aussi vite… et ce fut vraiment bien… ce matin comme les autres.

Jonathan avait connu Manon il y a onze ans lorsqu’elle faisait le pied de grue dans un abribus sous une pluie battante ; il lui avait proposé de monter dans sa voiture sans lui forcer la main et devant son refus s’était senti bête comme ses pieds alors qu’il avait le cœur sur la main. Il insista doucement car la pluie redoublait et aucun bus n’était en vue. Elle accepta avec une moue qui le fit craquer. Sans vouloir lui casser les pieds, il lui demanda où la déposer ; ils allaient dans la même direction… et ce fut le début d’une belle aventure, du cousu main, un bonheur construit pied à pied où chacun y mettait du sien sans avoir pieds et poings liés, donc sur un même pied d’égalité, ce que famille et amis applaudissaient des deux mains (ne sachant comment le faire d’une seule, en tournemain et de main de maître). Ni Manon ni lui n’étaient de première main mais très rapidement ils mirent leurs pieds dans le même sabot tout en se prêtant main-forte. Dans les fantaisies amoureuses, Manon aimait avoir son Jonathan bien en main (difficlement à pleine main) ce qu’il attendait de pied ferme, sans le lâcher ; malgré les ans, l’habitude et le rituel, elle avait la main toujours aussi leste et lui partait toujours du bon pied sans se faire marcher dessus ; ils avaient trouvé chaussures à leurs pieds sans se les prendre dans le tapis. Lorsqu’en sous-main, ils prirent amant et maîtresse pour se faire la main et pour repartir (et retomber) sur leurs pieds, M et son J se mirent le pied à l’étrier pour préserver leur union sans se salir les mains ou en venir aux mains voire au coup de pied au cul ; heureusement leurs partenaires n’étaient pas de pieds-nickelés qui ne mirent pas leurs pieds dans le plat sans leur couper l’herbe dessous.

Tout allait donc pour le mieux jusqu’à ce que un inconnu, certainement un homme de main malveillant (aux ordres d’une ex de J ? ou d’un éconduit de M ?) s’en mêle et leur casse les pieds avec chantage, intimidation, menace de dénonciation, scandale… ; comme ils n’aimaient pas se faire marcher sur les pieds, ils firent des pieds et des mains pour trouver une solution. Unis comme les doigts de la main, ils décidèrent de faire main basse sur le quidam et de s’en débarrasser vite fait mais comment ?. Un vieux pote à Jonathan qui travaillait souvent en sous-main et toujours d’une main de fer fut chargé de leur donner un coup de main et de régler l’affaire ; il rapidement mit la main au collet du truand et lui fit passer les pieds devant jusque dans la tombe haut la main, on ne sut jamais de quelle façon. Bien fait pour ses pieds dirent nos amoureux en se frottant les mains, heureux de se les laver sans se casser les pieds. Conforté par l’heureuse conclusion de cette situation, leur amour repartit de plus belle avec ce fameux pied de nez sans se faire prendre la main dans le sac.

Jonathan et Manon prennent toujours leur pied (gauche) à six heures trente chaque matin comme les autres mais sans écouter les nouvelles à la radio… on ne sait jamais ce qui peut arriver aux autres membres de notre corps, pensaient-ils… sans changer de main.

©  Jacques Chesnel

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10/08/2010

CONVERSATION 25

CONVERSATION 25


-      ah vous voilà revenute enfin

-      m’en parlez pas, c’est pas trop tôt

-      vous avez l’air toute essoufflée

-      ya d’quoi avec la vie qu’on a mené, d’abord en Allemagne chez la famille de la correspondante de notre petit dernier qui fait la deuxième langue en allemand au lycée

-      oui j’ai bien reçu votre carte postale de Berline, c’était bien ?

-      oh oui mais fallait assurer pasque depuis la réunion avec les cocos ils font la fête de réconciliation tout le temps jour et nuit surtout les jeunes

-      comme en Espagne alors

-      sauf qu’il fait moins chaud mais qu’il y a de la bière qui coule à flots dans les gosiers que j’vous dis pas

-      comme à Muniche alors

-      les costumes de plouc à la con et la muzik boum-boum en moins tandis que c’est urbain

-      et vot’ mari ? lui qui…

-      on pouvait plus le tenir vous pensez, il criait sans arrêt « iche bine eine berlineur » que tout le monde se marrait sauf les parents de la gretchen qui sont pasteurs méthodiques intégrisses et il voulait rentrer pour pas louper le tour de France avec la caravale qui va avec

-      ya pourtant la télé là-bas

-      ils le retransmettent plus depuis qu’il ya plus de grands coureurs tontaines et teutons alors on est revenu fissa direction Tarbes chez un cousin germain pour l’étape du Tournalet

-      TourMalet, le col qui rapetisse tous les ans quand on le remonte

-      Nalet ou Malet c’est kisskiss parce que ça grimpe drôlement, on a essayé d’aller dans un lacet qui monte mais on a pas pu arriver près du sommet à cause des camping-cars et du monde, des espagnols, des basques surtout qui gueulent tout le temps en agitant leurs drapeaux comme le toérador pendant la cornida que j’aime pas ça mais j’ai pu crier vas-y vas-y sans arrêt à côté des drapeauteurs et d’un p’tit vieux qui s’inquiétait de savoir si Robic était déjà passé avec son casque à bourrelets que Maurice lui a répondu hé pèpère t’as plus d’un tour de retard, c’était en 47 que j’étais même pas né et que le p’tit vieux a répondu que pour lui c’était mieux avant avec les équipes nationalisées qu’on reconnaissait les coureurs même les derniers avec les maillots des champions

-      donc vous avez pas vu grand’chose

-      si le soir à la télé heureusement avec Jaja

-      Jaja ?

-      ben oui quoi, Jalabert, Laurent Jalabert dit le Panda, un vrai champion qui sait de quoi il cause lui, pas comme les autres gugusses qui font du remplissage de c’qu’on a pas vu et eux non plus que sur la télé avec les commentaires bidons et les intervious des gars qui sont crevés et qui disent n’importe quoi avant d’aller se doucher et de faire pipi pour la drogue

-      et la caravane ?

-      toujours pareil, les chars à la con pour la publicité à la aussi con, bof… et vous ? ces vancances ?

-      ben cette année on est resté à la maison parce qu’on économise pour notre voyage de noces en retard aux Antilles alors on a fait l’un passe, on veut pas lésiner sur les dépenses de l’hôtel et tout, on hésite entre la Martinique et la Guadeloupe

-      vous aurez peut-être la chance d’y voir le tour pasqu’il est question de faire des étapes là-bas, c’est quand même la France un peu, avouez que le tour à Fort de France et à Pointe à Frite ça aurait d’la gueule avec les doudous, les couleurs et les fruits

-      Pitre, Pointe à Pitre pas frite

-      si vous y tenez, bon, enfin vous avez remarqué qu’il ya pas de coureurs de couleur comme à l’athlétisse qu’on  s’demande bien pourquoi

-      y aura peut-être des vacations pour l’occasion avec un commencement à tout, maintenant ils transportent les coureurs par avion avec des pédalos fixes pour l’entrainement les suiveurs et les médeçins et tout c’qui va avec vous comprenez

-      et pour la caravane

-       yaura les consorts locaux publicitaires

-      vous voulez dire les sponsors

-      consorts sponsors c’est du pareil au même tant qu’ya du blé

-      là-bas c’est plutôt la canne à sucre

-      alors ça Maurice il aimerait aussi, le vélo et le ti ponche il assure les deux, la grimpette comme la descente

-      quelle santé !

-      en attendant, prose hit comme on dit à Berline.

©  Jacques Chesnel

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07/08/2010

LE PARI DE JEANNE OU LES DÉSEMPARÉS -7


LE PARI DE JEANNE ou LES DÉSEMPARÉS (suite)

7/ Jeanne

Elle entendit la sonnerie, sortit le portable de son sac, regarda l'écran : Héloïse, sa fille ; allô allô, fébrile, elle se trompe de touche sur l'appareil, interrompt la communication ; le téléphone sonne de nouveau, vite, et abasourdie lit : Franck, son mari. Son sang fit plusieurs tours, détours et contours avant de répondre.

Jeanne et Franck, mariés trop jeunes, trop tôt, avaient eu quelques années de bonheur, deux enfants et s'étaient séparés, divorce après douze ans de vie commune. Jeanne avait mal vécu cette rupture conséquence des multiples infidélités de son mari et avait décidé de vivre seule jusqu'à sa rencontre avec Louis. De son côté, Franck, qui ne reculait devant rien ni personne pour arriver à ses fins de designer reconnu avait beaucoup papillonné avant de faire la connaissance de Sophie récemment divorcée, personne efficace grâce à ses relations politicardes mais ne pensant, d'après ce qu'on murmurait - surtout Jérôme qui la détestait et l'appelait Sophiste voire Saucisse ou pire, Fossile - qu'à tous ces fameux foutus F : Fric, Faste, Fêtes, Fredaines, Falbalas, Fanfreluches, Fariboles, Fadaises, Foutaises et Foutre sans aucune Fantaisie, une vraie gourde, disait par ailleurs Héloïse, avec une allure de gourde, avec un gros cul de gourde, une tronche de gourde, bref gourdissime grave.

L'union entre Sophie et Franck fonctionnait bien à tous points de vue; y avait-il seulement de l'amour, la question ne se posait pas, seulement les deux B, boulot et baise, baiséboulot. Habillée pour toutes les saisons, la drôlesse.

- allô, allô, Jeanne… NOOOON !, ne raccroche pas

Jeanne émit un petit rire crispé

- raccrocher… où… quoi ?

- allô, Louis vient de m'informer que

- Louis ? pourquoi, mais pour… quoi… à toi ?

- Jeanne, où es-tu, que se passe-t-il ?

- je je ne sais pas

- oui mais où ? tu ne peux pas nous

- je ne peux pas quoi

- nous laisser comme ça dans l'angoisse

- attends, je

Il se mit à pleuvoir, brutalement, sans prévenir, une de ces pluies d'orage inattendu, Jeanne court se réfugier sous un arbre protecteur croit-elle, elle voit Apollon courir lui aussi, elle a peur, lui revient à l'eprit fugacement les manifs, leurs débordements, la répression policière, les discours et diatribes  sécuritaires, sur l'immigration galopante, les hordes envahissantes de voyous qu'on annonce pour affoler les petits vieux… et ce noir qui… va-t-il ?

A l'abri, enfin presque, elle reprend son souffle et la conversation d'une voix rauque :

- allô

- ah ! bon dieu de merde heu sois raisonnable, Jeanne

Le mot qu'il ne fallait pas prononcer, qu'elle ne voulait plus entendre, ne plus être raisonnable et raisonnée comme on lui disait puis si longtemps et pourquoi ? pourquoi, pour en arriver là, arriver où, dans ce jardin, désemparée une fois de plus… pourquoi se souvint-elle d'une phrase lue dans un roman policier des années 70 : il est très difficile de disparaître brutalement, il faut couper tous les liens qui vous rattachent à votre passé (note de l'auteur : il s'agit de Ne tirez pas sur Erroll Flynn de Stuart Kaminski), pourquoi voulait-elle au contraire rompre avec ce passé, tout oui, tout ce qui avait littéralement bouffé bousillé son existence, ce qui l'avait empêcher de devenir elle-même et non une contrefaçon modelée par les uns, démolie par les uns, ne se reconnaissant plus elle-même. Jeanne voulait se délester de ces images/souvenirs obsédants maintenant inutiles : à trois ans, nue sur la plage de Luc-sur-mer avec Maman (dix ans après à Cul-sur-Mère en maillot), à l'école mal aimée des maîtresses pour "esprit de rébellion !", son premier amour ce Fabrice un peu foufou qu'elle nommait gentiment Del Dingo, accrochages en fac et fugues à répétiton avec des blondinets asexués et benêts mais si craquants, les grands festivals de rock, regrettant celui l'île de Wight car trop jeune mais Jimi Hendrix et Miles Davis vus dans un film quel pied !, la cérémonie de son mariage où déjà l'incompréhension couvait, ses accouchements pénibles, la mort intolérable de Virginie maman-poule à côté de toutes les plaques, les engueulades avec Raoul papa-coq toujours dans d'autres basses-cours, avec Franck et ses infidélités fanfaronnantes à répétition, les dits et non-dits, les colères, les empoignades, la laissant seule, désemparée ; dans sa tête, c'est un ballet composé de peintures de Pollock, elle tremble maintenant, elle a froid, il ne pleut plus.

Franck, justement au téléphone

- Jeanne, tu ne peux pas…

- si je peux…

- Louis m'a appelé

- Louis ? encore ?

c'en est trop, stop, Jeanne coupe rageusement la communication. Elle se retourne, s'inquiète d'un silence inhabituel ; Apollon a disparu. Le téléphone sonne de nouveau : cette fois Héloïse… encore !. Allô.

 

(à suivre)

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22/07/2010

Petits poèmes

Petits poèmes spontanés à dire

Fenêtre

Pluie

Dehors brouillé

Tout flou chez moi

Je me rendors.


Montre cassée

Heures perdues

Je respire

Enfin.


Matin blême

Café crème

A la radio

Infos les mêmes

Rien.


Tu trottines

A la poursuite du temps

Retrouvé

Pur hasard.


Le pont des soupirs

Je n'espère plus rien

Mais te voilà

Brève rencontre

Pour toujours.


Le bateau arrive

Le bateau repart

Vagues vagues

Ta présence

Urgente.


La vie complique tout

Il est encore temps

De partir

Tu restes.


Nuages d'acier

Soleil de plomb

Pluie de fer

Métal Hurlant.


Tout dans rien

Rien dans tout

Air connu

Valse à mille temps.


Petit caillou

Sur ta tombe

Julio

Toujours vivant.


Depuis qu'ils ont vu

Des flammes en rose

Les flamands roses

Ne dorment plus que debout.


Le clarinettiste Artie Shaw

N'aimait pas les artichauts

Il préférait les artichokes

Cela me choque.


Il dit toujours quoi

Mais moi jamais quoi

J'aimerais savoir pourquoi

J'en rest coi.


Hier j'ai vu un pétomane

J'ai bien ri

Aujourd'hui j'ai voulu essayer

Je n'ai pas ri.


Au secours

Au sec

Au

Aïe.

©  Jacques Chesnel

20:56 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

15/07/2010

CONVERSATION 24

 

- alors vous en êtes où avec le net depuis le temps ?

- ben, c'est pas terrible depuis que l'aspiro a rendu l'âme

- scuzer-moi, je ne vois pas le rapport

- comme je peux pas tout faire à la maison c'est moins net

- je parle pas de ça mais du net, d'in-ter-net quoi

- oh ben là aussi c'est pas terrib'

- et puis d'abord un aspirateur n'a pas d'âme, il n'a même pas d'esprit puisqu'il tombe en panne, donc il ne peut rien rendre

- vous voilà repartite, vous chipotez toujours sur les mots mais bon pour le net sur l'internet j'ai fait des progrès je me débrouille

- on va donc pouvoir communiquer

- si vous voulez mais comme on s'voit tous les jours pour bacouéter pendant des heures ça sert à quoi de se connecter et puis là au moins on s'voit

- on peut se voir aussi avec la ouebecam vous savez

- oh ça déforme tellement les tronches des mioches que

- oui mais au moins on les entend remuer les lèvres

- peut-être mais dites, au téléphone c'est aussi bien

- et vous regardez les émissions sur votre bécane ?

- pas depuis qu'on a un écran raplaplat de télé

- et ça déforme pas les binettes non plus ?

- ça dépend lesquelles, y en a qui sont déformées même sans la télé, tenez l'autre jour notre François qui fait philo à la fnac a voulu regarder une émission du tard, celle de Frédéric Tadei, quèque chose comme ce soir ou jamais je crois bien, enfin un toc chaud comme ils disent, Maurice était resté car il aime bien quand on s'engueule, on en a eu pour notre argent, c'était deux gars qui discutaient de la philomachin qu'on y entrave que couic, tous les deux des Alain, l'un sec comme un coup d'trique mais vachement excité, l'autre un peu plus calme, qu'est-ce qu'ils se sont mis, le Fine-quelle-croute en avait la goule toute déformée, il en trépignait du cerveau et l'autre paisible un Badiou je crois bien qui en remettait une couche en douce à chaque fois, Maurice commençait à s'énerver car il croyait qu'il y allait avoir des nénettes à poil ce soir ou jamais alors not' François lui a dit d'attendre que c'était de haut niveau…le niveau Maurice y s'en fout…

- bon, des trucs comme ça, yen a tous les jours sur toutes les chaînes, tenez avec l'Arlette Chapeau, à vous d'les juger et ces politiques qu'ont toujours raison du dernier mot avec la langue

- oui avec leur TNT, on est inondé de leurs causeries que j'te débite avec des espécialistes qui se contentent du nombril que c'est bon comme somnifère que je ne prends plus depuis

- moi, c'est bien simple je ne regarde plus que les émissions du culinaire, Maurice celles du foute, François le grand journal de canal plus à cause de la petite Mariane dont il est raide dingue car il lui écrit sans réponse

- et not' Mémé alors, voilà qu'elle est tombée sur vivolta la chaîne des p'tits vieux, on peut pas l'en décrocher et elle m'a passé le virus

- ah alors vous avez combien de chaînes maintenant, vous êtes forcément abonnée aux satellitaires

- Maurice les a pris pour la coupe du monde de l'Afrique, va falloir qu'on achète un autre poste parce que moi sans ma ration de Philippe Gildas et de Marie-Ange Hardie avec mémé je tiens pas le coup longtemps j'crois bien que j'suis accro comme

- tranquillisez-vous, on traite de tout à c'qu'on dit, ya même des cliniques pour s'empêcher du sexe, tenez ya un acteur qui s'est fait interner car il en pouvait plus de la ouinette dans tous les sens du terne, ça lui sortait par les yeux de partout

- ben quand toutes le pilules qu'on avale ne font plus rien faut y aller mais faut bien choisir, remarquez qu'ya des gélules pour tout, tenez j'ai entendu dire qu'avec de nouvelles monnaicules on va pouvoir vivre jusquà cent vingt ans ou plus

- quoi encore soixante ans avec Maurice !, ça va pas être ma fête tous les jours

- faudra faire comme font les vieux types, ma chère, en prendre un plus jeune, un rigolo, c'est pas c'qui manque avec le chômage

- j'vais m'gêner peut-être, tiens ! j'vais m'inscrire dès que possible dans un site des rencontres sur le net puisque ça sert à ça

- demandez donc des photos plus récentes, pasque là aussi.

©  Jacques Chesnel

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25/06/2010

LE PARI DE JEANNE -6

LE PARI DE JEANNE (suite)

 

6/ Apollon


Cette femme l'inquiétait, elle semblait perdue, perdue dans un désert de pensées, dans l'immensité de ce petit jardin public, à quelques mètres de lui sur ce banc; il avait sursauté quand, sans la regarder franchement, il avait lu sur son visage une expression fugitive mais intense de douleur physique.

Apollon Traoré, prénommé ainsi par des parents l'ayant trouvé si beau à sa naissance qu'ils le comparèrent au dieu grec (ainsi que le leur avait dit le griot qui avait été professeur de lettres en France) avait vécu plus ou moins clandestinement au gré des petits boulots plus ou moins dégradants que des  sous-patrons condescendaient à lui donner comme une aumône. Dans cette banlieue, ballotté sans résidence fixe depuis son arrivée il ne se rappellait plus depuis quand, rien ne lui avait été épargné, sa force résidant maintenant dans l'oubli volontaire de ce passé récent, il était devenu un sans-abri, un paumé, un clochard comme on disait encore il y a peu, condamné à l'errance, sans ressources régulières, se contentant de donations diverses, argent, vêtements, repas, rendant quelques petits services à de rares personnes âgées compatissantes envers ce qu'elles nommaient le nègre, pensant repartir un jour au pays dans ce petit village à la limite du désert où l'attendent des parents sans espoir de le revoir un jour. Il avait essayé de s'introduire dans le milieu de la chanson, du spectacle, auprès de compatriotes célèbres, sans succès sans vraiment savoir pourquoi, son air détaché, comme absent, son filet de voix, quoi ?.

Depuis quelques jours, il fréquentait plus assidument ce square dans ce quartier tranquille, parlant avec les jardiniers, les aidant quelquefois Mamadou tu nous donnes un coup de main contre un sandwich ou une bière. Le soir; il rentrait au foyer de travailleurs pour un repas chaud et passer la nuit, accepté par le personnel surtout les femmes qui craquaient devant sa silhouette oh Apollon t'as pas encore de copine… moi, si tu veux, hé…

La femme se leva après avoir fouillé dans son sac, allait-elle partir maintenant ?. Le teint livide, le regard affolé, elle semblait hésiter à partir, devait-il aller vers elle pour l'aider, oui mais à quoi, comment, pourquoi, il flairait la détresse, l'égarement de cette femme d'un autre milieu que le sien, d'un autre univers. Désemparé, envahi par des questions se bousculant au portillon de son cerveau, Apollon fit un pas timide en direction de Jeanne qui, se rasseyant, portait un téléphone mobile à son oreille. Il stoppa son élan. Allait-il, fallait-il, intervenir ?. Il préféra s'éloigner, se retirer de son champ de visoin, qu'allait-elle penser de lui ?...

Il avait toujours rêvé de venir en France depuis que son père lui avait parlé de ce qu'il croyait un paradis, son père grand admirateur du siècle des lumières, étudiant à la

Sorbonne, ayant vécu les évènements de mai 68, l'occupation de l'Odéon, pris dans des rafles, menotté, insulté, battu, victime du racisme ambiant contre les arabes, bicots, ratons, bougnoules, bananias et autres nègros. Apollon avait donc quitté son village au bord du désert pour rejoindre un paradis vite transformé en enfer quotidien, délaissant aussi la promise, belle et chère amie d'enfance, autre déchirure ; il ne se plaignait cependant pas et n'avait nulle envie pour l'instant de retourner là-bas malgré les suppliques de sa mère dont il embrassait la photo tous les jours à son réveil, malgré son quotidien accablant, il ne pouvait expliquer pourquoi, une attente ?, un signe, un espoir ?...

Il avait eu une aventure amoureuse de quelques jours avec une dame plus âgée que lui, issue de la haute société comme on dit, la femme d'un avocat célèbre, rencontrée quelques mois avant sa mort, une femme qui avait ressenti, lui disait-elle, comme un appel vers quelqu'un d'autre, vers lui, elle s'était offerte spontanément, simplement, sans provocation, comme un cadeau qu'elle lui faisait autant qu'elle le faisait à elle-même, Virginie, un après-midi à l'hôtel elle s'était confiée brièvement à lui, une sorte de confession, elle lui avait avoué qu'elle n'avait jamais aimé quelqu'un aussi fort, jamais ressenti si impérativement ce besoin charnel et affectif, qu'elle avait joui pour la première fois de sa vie d'où sa surprise, mon premier orgasme Apollon mon premier tu comprends…

… il avait eu un geste de tendresse tandis qu'elle pleurait dans ses bras; il revoyait sa stupéfaction quand pour la première fois, dans cet hôtel où on acceptait les noirs, elle découvrit sa façon si tendre de lui faire l'amour et elle de lui répondre aussi passionnément, Virginie : faible, fière, femme, qui à la fin de leur dernière rencontre (elle entrait le lendemain à l'hôpital) lui offrit une montre dont elle avait bloqué les aiguilles à l'heure de leur dernier rendez-vous.

- tu penseras à moi tous les jours à cette heure-là

- je n'aurais pas besoin de votre montre pour cela

Il y pensait souvent… Il voyait à présent cette femme  téléphonant, son air inquiet, la panique sur son visage, elle se levait, semblait venir vers lui… Il revoyait Virginie, sa silhouette, ses attitudes, ses gestes… Une personne arrivait, une jeune fille semblait-il, qui se précipitait dans les bras de la femme dont la silhouette, les attitudes, les gestes, non, ce n'était pas possible… il s'éloigna de nouveau.

(à suivre)

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17/06/2010

HÉCATE TOMBE

Je ne comprends pas toujours pas pourquoi mes parents m'avait affublé d'un prénom pareil, vous vous rendez compte, Hécate, divinité lunaire et infernale, la déesse aux trois têtes, moi qui maintenant a du mal à garder la mienne intacte après tant d'années ; j'avais eu beau leur demander le pourquoi du comment, je n'avais eu que des réponses évasives du genre le hasard ? mais ce n'est même pas au calendrier il n'y a pas de sainte Hécate alors ? réponses embarrassées, une lubie ?, un film ?, une lecture ?, elle n'est même pas citée par Homère dans l'Iliade et l'Odyssée, alors celle d'un roman de Pierre Jean Jouve racontant l'aventure de Catherine Crachat une actrice de cinéma, une connaissance plus approfondie sur la divinité protectrice ou celle de l'ombre et des morts, l'attirance pour une sorcière aux pouvoirs redoutables, l'attraction vers une magicienne, aucune de ces suppositions ne trouvait de réponse plausible, seulement un air gêné Maman tricotant encore plus vite l'interminable écharpe, Papa tirant encore plus fort sur sa bouffarde jamais éteinte, leure regards encore plus fuyants, mais enfin… silence radio, je n'avais jamais pu rien en tirer. Dans le village, on ne se souvenait que de mon prénom : hein ? Hécate qui ?, Hécate comment ? , Hécate c'est tout, t'es quitte !.

Lors de mes premières lointaines amours, mon prénom interrogeait et intriguait mes soupirants puis mes amants, l'un d'entre eux fit même des recherches dans la mythologie grecque et ne trouva rien d'intéressant à son avis, le mystère restait entier, j'en vins à l'oublier petit à petit. Puis je connus un musicien qui avait aussi un problème de prénom accolé à son nom, vous le connaissez, Justin Peticoup, mais ça faisait marrer tout le monde alors que Hécate tu t'éclates Hécate tu m'épates Hécate je t'attrape Hécatapulte Hécatastrophe Hécatéchisme Hécataleptique Hécatamaran Hécatogan Hécatégorique Hécatelescuisses Hécatwoman Hécatmandou Kitécate… j'avais parfois envie de flinguer tout le monde ; à seize ans un petit connard lâcha un jour Hécatombe devant tout le monde à la fête paroissiale, il a pas vu le coup de pied partir dans ses couilles et remonter jusque dans sa gorge qui saignait, il a mis du temps à s'en remettre, pas moi mais l'idée m'était venu : ça allait être leur fête, les choses sérieuses allaient donc pouvoir commencer, mes amoureux n'avaient qu'à bien se tenir.

Quand on a retrouvé Victor pendu dans la grange sous la haute poutre sans tabouret, personne n'a pensé à moi, quand on retrouvé Julien avec une fourche dans le bide, le Jacquot allongé décapité dans le fossé, Fernand avec une hache dans le dos, Augustin dans sa cambuse bouche, yeux cousus et oreilles tranchées, Bastien dans l'écluse sans ses attribus virils, le corps truffé de gros plomb de Robert le braconnier à l'orée du bois, l'abbé Gilles nu dans le confessionnal une étole serrée autour du cou,  mon préféré le Bernard plus beau qu'un dieu mais plus con qu'un balai massacré les bras en croix sur la belle pelouse de M. le comte qui s'égosillait les salauds les salauds, le petit Nicolas à la langue trop bien pendue le crâne défoncé profond, Riton le pompier affalé dans la cour de la caserne son gros zizi dans la bouche, un marinier de passage, Romain, enchaîné à la proue de sa péniche, Paulin le fils du boucher éventré avec ses propres couteaux, la Colette fille de la mercière toute recroquevillée et entravée de partout, Bernard le métayer comme piétiné par ses vaches pourtant si paisibles, Maurice le bavard éparpillé menu dans les arbres façon puzzle, Henri le cordonnier assassiné au tire-point façon Lacenaire, Germain le bûcheron homo enculé par un pieu le long de la clôture du cimetière, Michel écroulé sur son poêle à gaz ouvert sans feu, Gérard le droguiste le corps dévasté dans une cuve d'acide, Vincent le gentil petit commis-boulanger cramé dans le four à pain, Arsène le garagiste obèse coincé mort sous une auto le cric étant retombé sur lui comme par hasard… personne, personne n'a pensé à moi. Et pourtant tous mes gentils amoureux, amants, béguins, flirts, galants, et autres soupirants d'un jour aux plaisanteries douteuses s'étaient retrouvés dans ces situations pour le moins inconfortables…

Un jour à l'épicerie quelqu'un me trouva une petite mine, l'air plus fatigué que d'habitude : vous travaillez top mademoiselle Hécate, faudrait voir à vous reposer maintenant, ah vous avez lu les journaux et la télé régionale, la série continue dans le canton, les gendarmes ne trouvent rien, ça commence à jaser parce que tout le monde a peur et se demande si… il y a vraiment des malades j'vous jure, un tueur en série par chez nous, vous vous rendez compte, c'est pas concevable, ça va pas mademoiselle Hécate vous êtes toute pâle ce n'est rien heu je vais… elle n'a pas l'air bien notre préposée, ah la poste ! maintenant avec ces réformes faut toujours en faire plus pour  gagner moins, encore heureux qu'on l'a pas délocalisée comme c'est la mode qu'on peut plus toucher nos pensions chez nous.

 

P-S :

Quelques mois plus tard, un fait-divers fut relaté dans le journal local : en voulant nettoyer les carreaux de la lucarne de sa petite maison, la postière du village glisse de son échelle ; ne pouvant se retenir, mademoiselle Hécate tombe malencontreusement  et… décède sur le champ.

On retrouva dans le bonnet gauche de son soutien-gorge une liste impressionnante de prénoms masculins.

©  Jacques Chesnel




















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12/06/2010

CONVERSATION 23

- oh! vous avez vu la Lolo Ferrari avec son voile à la télé

- oui ohlalala pour l'interviouve de Armani-et-Jade le tyran de la perce en Iran, c'est bizarre quand même

- surtout qu'on veut interdire le voile du nu intégral en France et que les femmes là-bas elles voudraient bien l'enlever que c'est obligatoire et puni de coups de fouet au derrière

- p'tête qu'il a dit aux gars de la télé, bon pas de voile sur Lolo, pas d'interviouve et que les gars ont dit bon d'accord à vos ordres chef

- attention hein, c'était un voile de classe pas à la vapeur

- avec une mèche bien blonde qui dépassait que le mec arrêtait pas de reluquer pasque pour les barbus les cheveux et les poils c'est de l'érotique, c'est pour ça qu'ils en ont partout bien visibles sur eux pour plaire aux femmes

- elle aurait dû mettre un voile du nu intégral avec une grille devant les yeux comme dans l' Affreuxquistend pasque là-bas avec les talibans c'est pas des rigolos qui transigent

- pourquoi qu'on leur balance pas une bonne vieille bombe anatomique sur le coin d'la gueule à ceux là, boum comme au vietname, allez hop en deux coups de plastic à pot hop on en parle plus du mollard Homard et la compagnie de l'Ailquidada

- oui mais à côté ya le Pasquistend et d'autres patelins qu'on connaît pas et qu'on contrôle pas du tout

- pendant ce temps c'est attentat sur attentat et nos p'tits gars qui sautent hein ?, qu'est-ce qu'on fout là-bas, c'est-y pour écouler nos armes et en reconstruire pour faire marcher le commerce et tourner les usines de nos armements, Maurice arrête pas de se poser des questionnements

- ben voui, si yavait eu la bomba en quatorze dix-huit, on aurait pu récupérer nos poilus plus vite

- vous voulez dire nos barbus comme l'autre, vous avez vu ce qu'il est tout petiot, Sarkozy à côté on dirait un géant sans ses talonettes et pourtant

- à propos y paraît que c'est plus le grand mamour-cours-toujours avec la mère Merkel qu'il arrête pas de la tripoter ma copine par-ci Angela ma copine par-là Angela que moi je s'rais Carlita je me demanderais si

- entre les deux ya pas photo, moi j'aimais mieux Cécilia elle avait du caractériel quand elle faisait la tronche, le petit bronchait pas, elle te minaudait pas le chouchou elle au moins

- tous les goûts sont dans l'immature

- j'y reviens, encore heureux qu'on lui voyait pas les seins à not' Lolo

- ça aurait pu faire un accident diplomaticaire grave pasque le gars se marre pas tous les jours j'vous dirais

- Maurice qui ne pense qu'à ça se demande ce qui ya sous le voile du nu intégral de ces bonnes femmes, il voudrait aller vérifier par lui-même le fûté

- y paraît qu'elles sont habillées et maquillées comme vous et moi, j'peux vous dire qu'elles font pas leur emplettes à Monoprix ou chez Lideul, quand elles viennent à Paris bonjour les grandes marques pas les grandes surfaces

- et pour les godasses, elles ont le droit aux hauts talons ?

- ben elles se cassent la margoulette comme les autres

- et elles ont le droit de conduire ?, pasque chez nous c'est puni par le code de la route

- on sait pas à cause de la censure et on voit rien à le télé dans les rues noires du monde tout en vert

- et en plus on dit qu'en douce elles font quand même comme nous avec nos bonshommes, et bonjour la craquette voilée

- manquerait plus qu'ça, faut bien repeuplier la natalité

- avec ou sans le voile, où ya pas de la gêne ya du plaisir comme dit Ribéry

- comme dit Maurice quand Ribéry rit Ribérygole Ribérycane Ribérygolo Ribérygide Ribérygodon Ribérypaille Ribérygoriste Ribéryquiqui et à la fin Ribéryposte mais pas avec la main lui

- bon c'est pas tout ça et si on s'faisait une petite Marie Blizzard

- allez hop, comme là-bas, à la vôtre

- tchine


©  Jacques Chesnel

 

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