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09/01/2013

VERSIONS / INVERSIONS / SUBVERSIONS

                

. mettre une jambe de bois sur un cautère

. écouter Saint-Saëns avec ses cinq sens

. mettre les bœufs derrière la charrue

. se mettre un coup de cul au pied

. retrouver l’un, perdre les dix autres

. l’ancre à la bouteille comme la soupe sur les cheveux

. le midi du démon à regarder de près

. sauter pour mieux reculer en allant de l’avant

. intermarché : la distribution des mousquetaires

. mettre sa poche dans la main

. plutôt rechercher un abandon qu’abandonner une recherche

. mieux vaut une belle trouvée qu’une balle perdue

. faire des simagrées à la soupe plutôt que la soupe à la grimace

. se faire une tartine plutôt qu’en faire tout un plat

. plutôt une bonne érection qu’une mauvaise élection

. mettre la porte sous la clé des champs

. en avoir sa claque de cette clique toute en cloques

. plumer le dindon de la farce par force

. un arrangement téléphonique en dérangement

. récupérer Fields aux W.C.

. lire Aragon à Saragosse en Aragon

. AVC César !

. l’œil d’or dans un reflet (John Huston)

. avoir rue sur pignon

. rentrer dans ses gonds

. perdre connaissance en reconnaissance de cause

. rameuter la meute

. respirer comme on ment

. s’inscrire en vrai, se désinscrire en faucille

. tous les mondes du matin (Alain Corneau)

. libidineux, le bout du nœud

. un milk-shake, un lait chacun

. vertu parée de petite femme

. engeance de drôle

. le lange de Monsieur Crime (Jean Renoir)

. se ruiner à courir

. le slip de l’éminence grise

. les gros galets d’un gringalet (galéjade)

. la ville des lumières (Charlie Chaplin)

. abandon du temps retrouvé (Marcel Proust)

. une sole pleureuse

. la main du zouave dans la calotte du masseur

. ya des coups de cul aux pieds qui se trouvent

. manger la racine par le pissenlit

. trousser sans retrousser ni tousser

. des monstres hâtifs

. une campagne de curés

. l’Otan suspend ton vol

. la renommée des trompettes

. un retard en avance sur le temps (Erroll Garner)

. épiphanie : les rois de la galette

 

© Jacques Chesnel

23:22 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

13/12/2012

DÉBUT DE DÉBÂCLE

 

Il ne disait rien mais n’en pensait pas moins. Elle parlait sans arrêt sans penser à rien. Ils étaient donc faits l’un pour l’autre, ce qui paraissait tout naturel. Ils s’étaient tout dit ou presque mais il y avait tellement de non-dits, alors c’est elle maintenant qui ne disait rien mais pensait quand même alors qu’il s’était tu depuis longtemps et pensait toujours comme d’habitude ; on n’était pas sorti de l’auberge ni d’ailleurs. Cela paraissait compliqué ; il aurait fallu élaguer, essarter, faire un impossible tri, mettre les choses désagréables de côté, en sursis, en veilleuse, pour mieux les ressortir dans des habits neufs ou raccommodés. Et il y en avait de ces petites choses anodines qui laissent des traces ; tenez, par exemple c’était quand Jérôme était en ligne avec les enfants en vacances à New York que Muriel s’écriait que ce salaud n’avait pas remis de papier toilette dans le distributeur vide et que donc Jérôôôôme merdeu… ou bien Muriel laissait ses collants de la semaine en tas sur la descente de lit et Jérôme dans le coltard s’emberlificotait toujours dedans en se levant et de se casser la figure plaf ! nom de dieu… ou bien, une autre fois, au théâtre pendant le spectacle de Lucchini, le portable de Jérôme sonne furieusement et c’est Muriel qui se fait fusiller du regard par l’assistance et engueuler par l’insupportable Fabrice déconcerté pour une fois… en pleine discussion sur la littérature avec des amis Muriel confond Céline l’écrivain génial également ordure avec Dion la brailleuse canadienne  et quand Jérôme s’emmêle les pinceaux à propos de l’écrivain Paul Léautaud qu’il confond avec l’acteur Philippe Léotard, fallait voir leur yeux exorbités et furibards… La question se posait à tous deux : comment repartir à zéro quand on est à moins dix au-dessous de mille et qu’on ne connait plus l’échelle des valeurs, pourquoi tout aussi bien vouloir remettre tout en question alors qu’on avait épuisé toutes les réponses possibles et même les impossibles les plus souvent réitérées… Séparément ou en couple, ils étaient allés consulter les mêmes psys qui avaient tous avoué humblement que cela dépassait leurs compétences pourtant reconnues internationalement et recommandé soit un isolement volontaire dans couvent et monastère soit une série prolongée de douches froides ce qui les avait hérissés au point d’en venir aux mains avec un de ces connards qui avait averti l’hôpital le plus proche pour la camisole de force… Dans un cas comme le leur, les amis disparaissaient à vue d’œil, les enfants repoussaient indéfiniment leur retour, les grands-parents, désemparés, s’étaient réfugiés,  dans les prières, un comble alors qu’ils étaient athées pratiquants…

Ils essayèrent les thérapies de groupe que Muriel trouva prétexte à une grande partouze papattes en l’air et Jérôme à de la branlette intellectuelle façon Julien Lepers, puis les rebouteux de l’âme dont les rituels et simagrées les firent se gondoler, la lecture des grands penseurs bien-pensants qu’ils trouvèrent pompeux et prétentieux loin des réalités quotidiennes, le refuge dans les églises de toutes sortes dont ils sortirent en courant épouvantés en entendant leurs jargons dégoulinants de bêtises… bref, ils étaient, croyaient-ils, irrémédiablement perdus… quand, c’est tout bête quand on y pense, quelqu’un de leurs rares amis conservés leur conseilla d’aller voir du côté de plus gentiment tordu qu’eux-mêmes pour une cure de désintoxication par le rire : les films de Woody Allen ; ils allèrent voir tous les films et achetèrent tous les DVD… et depuis Muriel et Jérôme ont retrouvé le goût de vivre… comme moi, comme lui, comme vous.

© Jacques Chesnel

 

19:29 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

07/12/2012

UN COUPLE… COMME LES AUTRES

      

                        

Jérôme s’étonna d’être revenu alors qu’il n’était pas encore parti

Muriel en cherchant une anguille sous roche trouva une aiguille dans une botte de foin, elle n’en revint pas

Jérôme, au cours d’un fric-frac, ne trouva pas de fric mais un frac, il en fit dans son froc

Muriel avait la dent dure avant d’aller chez le dentiste, en revenant elle avait une dent contre lui

Jérôme éclata de rire en s’imaginant faire un coup d’éclat

Muriel en cherchant l’arsenic récupéra ses vieilles dentelles

Jérôme fit un bond en avant et tomba sur le derrière

Muriel dit à Jérôme que le rire était le propre de l’homme mais qu’il devrait se laver plus souvent

Jérôme dit à sa femme que maintenant elle n’était plus l’avenir de l’homme

Sa femme répondit à Jérôme que son avenir proche était derrière lui

Jérôme, en se retournant, pensa qu’elle avait tort car il ne voyait rien venir à cette heure

A tort ou à raison, Muriel courut s’enfermer  dans sa tour d’ivoire

Jérôme se demanda alors s’il ne fallait pas changer les règles, bien que

Tout juste cloitrée, Muriel se souvint de ses dernières, trop douloureuses

Jérôme, sans préméditation,  mit la clé sous la porte

Muriel, entrevit une sortie de secours en criant d’une voix de stentor « non, pas ça »

Jérôme lui chuchota à travers la porte des paroles d’apaisement qui ne portèrent pas leurs fruits

Muriel réclama d’urgence des fruits de la passion (en pensant à l’arsenic)

Jérôme y vit un piège et tenta l’impossible, voire un coup de force

A force de pleurer, Muriel, constata qu’elle n’avait plus de ressort

Il ressortit de tout cela que Jérôme était complètement désarmé, il chercha donc la clé

Muriel pensa que la clé était sous le paillasson comme d’habitude, ce qui l’énervait

Jérôme en ouvrant la porte buta sur le tapis-brosse et tomba dans les bras de Muriel, énervée, qui avait oublié de les ouvrir

Muriel demanda : « dans quoi nous sommes-nous embarqués, Jérôme »

Jérôme, en se relevant, considéra qu’il ne fallait pas trop charger la barque pour si peu

Muriel fut d’accord pour la mener à bon port de main de maître avec un vrai capitaine

Jérôme pensa qu’il ferait un excellent commandant de bord

Muriel le voyait plutôt comme le moussaillon et prit tout de suite l’affaire en mains

Jérôme n’allait pas en faire toute une affaire mais comptait prendre aussi ses responsabilités (ses affaires en mains l’excitait au plus haut point)

Muriel, dubitative, allait le mettre au pied du mur immédiatement

Jérôme, le dos au mur, capitula sans conditions pour ne pas tomber en capilotade

Muriel eut le triomphe modeste et n’en remit pas une couche, bien que l’envie fût tenace

Jérôme proposa un compromis mais sans compromissions, hein ?

Muriel, tout compte fait, accepta le dénouement dans un complet dénuement et se déshabilla précipitamment avec la lenteur convenue qui plaisait tant à son mari

Jérôme pensa que c’était la meilleure solution et conclut la discussion avec son franc sourire qui fit de nouveau craquer Muriel qui n’en resta pas là et le lui rendit aussitôt (en reprenant quand même ses affaires, on ne sait jamais)

Tout est bien qui finit bien… jusqu’à la prochaine fois ?


©  Jacques Chesnel

10:58 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

24/11/2012

LES CONTRIBUTIONS COMPULSIVES

                 

Tous les matins, Jérôme allume son ordinateur vers 9 heures, après le toilette en grand et le p’tit dèj vite fait et hop tout de suite sur la toile, autant dire que c’est devenu une habitude  en pire, une vraie drogue dure, ce qui le console est le nombre d’individus qui comme lui font le même geste appuyez sur « démarrer » ce qui le fait sourire quand c’est pour « arrêter  », voilà, patientez, on attend quelques secondes et bonjour le monde entier s’ouvre sous vos yeux dans 40 x 30 centimètres d’écran lumineux, ouais, le monde c’est d’abord la photo de la Muriel en bikini mimi-mini-pile-face prise à Trouville l’an dernier et maintenant sous une avalanche d’icônes notamment sur ses fesses ce qui fait un beau poster rieur qui vous en met plein la vue mine de rien. On passe ensuite aux choses sérieuses, la lecture des journaux en commençant toujours par Libé et finissant par le NouvelObs en excluant délibérément le Figaro et l’Express qu’il trouve illisibles et les rédacs-chefs complètement débiles, chacun ses goûts, dégoûts et égouttoirs. Jérôme, encore un peu dans le coltard, se marre de savoir que dans le monde entier la même chose se répète des milliers peut-être des millions de fois à la presque même heure et rigole un bon coup en s’imaginant les tronches de toute cette armada webienne. Il revoit alors les dessins de Daumier que son grand-père lui a montré ou ceux de Reiser qu’il a fait voir à l’aïeul et ils se gondolent; il s’imagine alors tous ces types qui se précipitent la bave aux lèvres écumantes sur les touches qu’ils massacrent allègrement pour cracher leur venins dans les commentaires ou bien s’extasier sur la prose d’un tel ou d’untel écrivain connu seulement d’eux, les frénétiques de la popolitique avec leurs arguments, leurs certitudes certifiées, leur volonté de s’affirmer en écrivant plus fort que le voisin qu’on méprise ou qu’on injurie avec plus ou moins de popolitesse. Il compulse ainsi tous les blogs recommandés ou recommandables, il lui arrive de déposer aussi sa petite crotte ou un argumentaire sur un sujet qu’il connait ou croit connaitre, se redressant fier de son coup de patte ou de gueule ouf ça fait du bien… ou en se disant le plus souvent que tout cela est bien dérisoire… et d’y revenir le lendemain, comme les autres, surtout pour admirer encore une fois sur son écran-écrin le popotin de Muriel en bikini mini-mini-pile-face qui…

©  Jacques Chesnel

23:40 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

16/11/2012

L’OISEAU SUPÉRIEUR

                                                     

Longtemps je me suis levé de très bonne heure, dès le lever du jour pour répondre à ma passion apparue dès mon enfance pas si tendre, le chant des oiseaux. Pas si tendre parce que mes parents ne comprenaient pas cet engouement, c’était pour eux inexplicable, personne dans la famille n’ayant affiché un tel enthousiaste pour quelque chose d’aussi inutile, ils considéraient cela comme une lubie enfantine alors que cela perdurait depuis maintenant plusieurs années, Jérôme quand vas-tu te décider à grandir et devenir sérieux. Les voisins ne se privaient pas pour critiquer, Madame Ricard on a encore vu et entendu vot’ gamin dans le cerisier en train de siffler avec les merles ce matin à six heures, il est intenable, même le curé en remettait une couche, il ferait mieux d’apprendre son catéchisme. Bien sûr, j’avais des lacunes, comment tout savoir sur près de dix mille espèces mais j’étais incollable sur un grand nombre, sur leurs caractéristiques principales,  leurs plumages, alimentation, maladies, longévité et comportements mais ce que je préférais et continue d’admirer ce sont leurs chants, tenez par exemple celui de l’oiseau-lyre d’Australie, du roitelet à triple bandeau, de l’avocette élégante, du troglodyte mignon mais encore et surtout celui des merles de mon village dont certains à qui j’avais appris quelques trilles, ce qui provoquait l’hilarité de nos voisins qui faisaient toc-toc en se frappant le front à mon égard et pourtant…

Je continuais de m’esbaudir sur ces petits volatiles et leurs gentils gazouillis quand par le plus grand des hasards, j’entendis un soir à la radio un morceau intitulé Ornithology joué par un certain CHARLIE PARKER et là je suis littéralement tombé sur le cul, je n’en revenais pas en n’en suis toujours pas revenu. Pour la première fois j’entendais un oiseau qui n’en était pas un mais un saxophoniste alto ; j’étais sidéré par son discours vertigineux autant que par sa sonorité si éloquente, par ses aventures à la limite de l’inouï, ses cascades virevoltantes, ses syncopes et accentuations ; je retrouvais dans son chant toutes les beautés entendues dans les discours de mes si chers bestioles, cela allait changer complètement mon existence surtout quand j’appris que le surnom qu’on lui donnait était BIRD, le plus grand inventeur de la musique instantanée, maîtrisant toutes les tonalités, tous les doigtés même les plus acrobatiques, traduisant en temps réel un exposé complexe et cohérent.

Alors je sus communiquer ma passion à tous les habitants du village et en qualité de maire et en accord avec le conseil municipal nous décidâmes de rebaptiser notre territoire « Birdland », de commémorer les dates de sa naissance et de sa mort (fête et deuil municipal), de créer un festival entièrement parkérien qui connut et connait toujours un succès dépassant nos espérances, les rues portèrent les titres de ses compositions, Confirmation Street, Donna Lee Road, Now’s the Time Boulevard, l’école de musique fut dévouée exclusivement à l’enseignement de son art, Clint Eastwood et Julio Cortázar furent nommer citoyens d’honneur, Clint pour son film Bird avec Forest Whitaker qui reçut le prix d’interprétation au Festival de Cannes en 1988 et Julio pour sa nouvelle L’homme à l’affût.

Mais il y a une chose dont je suis le plus fier : avoir réussi à faire siffler à tous les merles du pays, un vrai chœur que nous protégeons, les compositions les plus connues du génial saxophoniste. Ainsi quand vous viendrez un jour prochain à Birdland, vous serez accueilli par Leap Frog, Scrapple from the Apple ou Billie’s Bounce, il vous suffira pour cela de siffler les premières notes, celle que vous connaissez toutes et tous, et vous serez étonnés et emballés par la suite. A bientôt.

©  Jacques Chesnel

 

13:04 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (6)

09/11/2012

EMBROUILLAMINI MAXI

                            

   Il ne pensait pas trouver Muriel dans un tel état.

 « Viens tout de suite » lui avait-elle demandé, il était trois heures du matin. Affalée sur le canapé avec une bouteille de champagne aux trois-quarts vide dans la main ; une montagne de mégots dans le cendrier ; en pleurs, hoquets et grimaces « Il ne m’a pas reconnue » hurla-t-elle en balançant la bouteille qui atterrit aux pieds de Jérôme « Il ne m’a pas reconnue ce petit salaud de merde ». Il allait éteindre le lecteur de CD d’où s’échappait la voix de Billie Holiday It’s easy to remember, « laisse ce truc bordel je t’en prie ». Elle se leva et arpenta sa chambre en désordre « bon je sais j’ai changé de couleur de cheveux et ce con de coiffeur m’a loupé mais bon, toi tu me reconnais ou pas dis-moi franchement est-ce qu’on peut se tromper à ce point ? ». Jérôme décontenancé ne savait quoi répondre oui la nouvelle coiffure était loupée coupe et couleur mais à ce point il… « ou bien c’est un prétexte, un truc, une magouille pour me quitter » elle se prit les pieds dans le tapis tomba et s’égosilla de plus belle « j’ai tout fait, j’étouffais aussi, j’ai cédé à tous ses caprices, accompli toutes ses volontés même  les plus dégradantes, Jérôme, je me suis avilie pour lui et il ne me reconnait pas maintenant, j’enrage, je fulmine, je tonitrue, je vocifère, je m’égosille, tiens, je vais aller buter cette ordure et là il me reconnaitra enfin avant de clamser » clama-t-elle se relevant et prenant des airs de tragédienne d’un autre temps « de toute façon, tu me connais, je fais foncer dans ce tas de merde, j’y vais de ce pas, tu m’emmènes ».

Dans l’auto, sa colère ne s’arrêta pas, bien au contraire elle faisait des gestes désordonnés, incontrôlés, Jérôme avait du mal à conduire normalement et dut plusieurs fois éviter des accidents « je n’ai pas grossi ni maigri, ni grandi ni rapetissé, je suis toujours la même, dis-le moi Jérôme, arrête c’est là, tu restes ici tu m’attends, si je ne suis pas revenue dans dix minutes tu montes c’est au troisième gauche, tu cognes et tu le frappes ok ? ». Elle revint presque immédiatement « il n’est pas chez lui », vlan la portière en entrant… « je te tiens au courant, la suite au prochain numéro », re-vlan la portière en sortant, ouf pensa Jérôme.

Sitôt rentré dans son appartement, le téléphone sonna, il était maintenant cinq heures, Jérôme tombait de sommeil, c’était Muriel, merde encore toujours elle. Le ton avait changé dans les glapissements et vagissements « tu sais je crois qu’il m’a confondu avec une autre, c’est pire que ne pas me reconnaitre, je me souviens, il a bafouillé, bégayé, marmonné, il délirait pendant qu’on baisait comme des fous, débitant des quantités de prénoms, ceux de ses ex et de ses actrices préférées, celles de maintenant comme celles d’hier, mélangeant les Catherine, François, Ludivine, Marion, Greta, Michèle, Laure et Laura, Ava et Julia, Christine et Cristelle, Sharon, Danièle et Dany, Scarlett, Delphine, Jeanne, aucune Muriel, il se faisait son cinéma, se prenait pour le jeune premier, le beau gosse qui a du succès, il les veut toutes alors qu’il m’a moi, ce don Juan de cinéma pour leur rouler des patins de cinoche, Jérôme, quel supplice de me confondre avec ces pétasses qui changent de couleur de cheveux plus souvent que moi, et voilà maintenant qu’il se défile, se cache, se terre, il a le trouillomètre à zéro, il débande dans la tête, c’est un couard, un poltron, une couille molle mais je l’aime, Jérôme, éperdument, je suis prête à retourner chez ce vieux merlan pédé avec ses teintures de chiotte, me faire rallonger ou raccourcir les tifs, me tondre ras, tout ce qu’il voudra, je veux être reconnue, je ne veux plus être confondue, même s’il veut que je devienne un mec ou autre chose, je ne m’appelle pas Muriel Branlon-Lagarde pour rien… alors dis- moi, qu’est-ce que tu en penses toi qui a fait psycho ? ».

©  Jacques Chesnel

11:26 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

19/10/2012

UNE CONFÉRENCE

                              

Le conférencier arrive sous les applaudissements nourris de toute l’assistance et tapote vigoureusement le micro toc toc

Merci merci Mesdames et aussi les Monsieurs mes si chers amis

D’abord j’voulais vous esprimer toute ma r’connaissance d’ête venus si nombreux pour m’écouter tout d’même vous parler sur un sujet aussi délicat dans la délicatesse et j’vais essayer d’ête le plus circoncis dans les thermes abordés ce soir. J’remercie à l’avance tous les traducteurs qui vont vous traduire les mots que j’peux pas prononcer en anglais vu mon déficit provisoire mais j’vais m’efforcer d’ête le plus clairement possib car je potasse la langue du chakespire. La situation internationale étant ce caleçon, vous comprendez que j’vais m’obliger à m’en tenir à des considérations considérantes et considérables qui sont le fruit de mes réflexions les plus pointues et profondes et même les deux pour le prix d’une.

 Ceci dit, belle abbesse, là scusez-moi, j’fais un clin d’yeux et un private joker à une amie algérienne très chère qu’est dans la salle, bref, entrons dans le vif-argent de la monnaie du sujet que j’vous cause ce soir : les radications de la prostitution après avoir étudié toutes les sources et ressources de documentation haddock, témoignages et expertises en tous genres sur tout et surtout le milieu si vous voyez c’que j’veux dire pasque là ya vraiment à dire (quelques ricanements et gloussements dans la salle que le conférencier ignore). J’vous fais grasse mâtinée de l’historique de la chose, c’est dans tous les esprits depuis qu’le monde est monde ça a toujours existé et c’est pas d’main la veille que ça va s’arrêter d’un seul coup d’un seul comme ça (quelques rires réprimés), non, faut r’garder les contingences économicoco-sociales de la chose et la lutte contre le procénétisme qui en découle de source (le conférencier boit une gorgée d’eau et reprend son souffle). Il faut ête ferme sur nos positions et je sais quien a beaucoup d’après le cas Masoutra alors faut é-ra-di-quer carrément et passez-moi l’espression faut foncer dans l’tas à la hache quitte à faire des vagues à lames où qu’ça fait mâle en plein dans les souteneurs, c’est par là qu’faut commencer au début. Donc attaquons, comme la diligence mais avec vigilance hein ?, tous ces réseaux de zéros qui s’prennent pour des héros, comme nous avons supprimés les paradis fiscaux pas radins et tous les avantages dans les niches pour les riches où elles s’étaient fourrées et (le conférencier regarde sa montre) luttons contre tous ces privilèges légers que nous avons-nous-mêmes créés et mis en place pour satisfaire notre électorat si généreux par ses dons dont nous sommes reconnaissants mais comme dit l’aut’ faut pas pousser les mémés dans les tortensias vu qu’à la fin ça vous pète au nez avant qu’on y mette la hola les bras levés.

Pour terminer et clore ce discours auquel vous avez prêté votre  attention attentionnée contre menue monnaie pasque faut bien vivre vu les augmentations de la vie chère, je compte, ça j’sais faire, hihihi (rires aussi dans la salle, ahaha) j’compte donc sur vous et votre générosité sans gêne, les chèques contre l’échec sont acceptés à condition qu’ils soaillent solvables et je vous donne rendez-vous dans un an pour faire le constat d’not’ action qu’aura porté ses fruits mûrs sur le sujet j’en suis sûr.

J’vous r’mercie bien sincèrement et comme on dit dans les milieux financiers bien motorisés à la r’voyure et à un d’ces quat’.

(tonnerre d’applaudissements malgré un « remboursez » vite étouffé)

©  Jacques Chesnel (en direct d’un grand hôtel parisien)

 

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09/10/2012

L’INVASION DES HUNS

                              

Cela a commencé dans la nuit des temps avec le camarade Attila qui se tailla une sacrée réputation et subit une belle répudiation.  Mais les choses étant susceptibles d’un éternel recommencement, certains faux prophètes aux soit-disantes bonnes paroles le plus souvent porteuses de haine, voient des Huns venus de partout, surtout de l’étranger ( ! ), par avions, bateaux, à pied, à cheval et même en voiture, envahir nos territoires par milliers, voire par millions, on le constate tous les jours avec leurs sanctuaires installés dans toutes le villes, dans le moindre petit village, bourg ou hameau, dans votre jardin ou votre salon, mais oui.

La preuve : les Hunsdiens (trop rouges), Hunspatiants (fébriles), Hunsatisfaits (râleurs), Hunscompris (avec persuasion), Hunscontrôlés (malgré la police), Hunvisibles (les plus nuisibles), Hunsdissolubles (même noyés), Hunsdulgents (les moins nuisibles), Hunsfusions (filtrés), Hunsdécrottables (puants), Hunstrépides (audacieux), Hunstrinsèques (pas mouillés), Hunsformes (parfois Hunsvisibles, leurs cousins), Hunsfidèles (ça pullule contre la pilule), Hunsvertébrés (mollassons), Hunspécunieux (radins), Hunspolis (grossiers), Hunstables (voyageurs), Hunsconditionnels (les plus dangereux), Hunsparfaits (peuvent mieux faire), Hunsfluençables (on ne demande pas leur avis), Hunsventeurs (disciples de Lépine, gagnent tous les concours), Hunsdestructibles (le couteau entre les dents), Hunspétrants (copains d’Arnaud Montebourg), Hunspavides (danseurs), Hunspirés (poètes), Huns-Huns (bègues), Huns-deux-trois (starters), Hunsfiltrés (partout), Hunstentionnés (mâles), Hunsflexibles (têtus) , Hunsconnus (au bataillon), Hunsalubres (dégoûtants), Hunsonores (les plus bruyants)… tous venus manger les p’tits pains au chocolat de nos chère têtes blondes…

« Hun pour tous, tous pour Huns ».

Comme quoi l’invasion de tous ces Huns ne fait pas toujours le bonheur ou le malheur des autres, alimente aussi les conversations, conventions, conversions et conneries… en espérant que cela ne sera pas l’occasion de  faire monter les Huns sur les autres, risque majeur.

Toute personne connaissant de nouvelles tribus de Huns ou autres hordes si barbares est (Hunstamment) priée de prendre contact avec l’auteur de ce remembrement ; provisoire ?

©  Jacques Chesnel

09:44 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (4)

06/10/2012

L’EMPLOI DE PAULE A PÔLE EMPLOI

 

Cette fois, je mets la gomme, ça c’est sûr se disait Paule en se pomponnant car sa maman lui avait dit que l’apparence était primordiale dans ce cas-là ; elle vérifia tout sur son visage, le rouge à lèvres, les faux-cils, le mascara, puis la coiffure et la petite boucle sur le front, et maintenant tirer un peu sur la jupe, remettre en place le string et le nouveau soutif qui valorise la pointe des seins ce qui rendait fou Julien avant qu’il mette les mains dans les moches selon son expression, heureusement que plus personne ne porte de combinaison pour pas que ça dépasse elle connaissait la vieille blague pour draguer hep mademoiselle vous avez vot’ combinaison qui… tu veux une tarte andouille, maman lui racontait ces aventures en rigolant c’était le bon temps pas comme maintenant où les mecs vous mette les mains directement tout partout et paf !. Bon c’est pas tout ça mais faut que j’me dépêche pasque y aura encore la queue dehors compris, ça n’arrête pas. Elle avala vite fait son café froid, prit son grand sac qui ne la quittait jamais, vérifia que tout était à sa place, courut vers l’arrêt de bus où y avait personne car merde le dernier tacot venait juste de passer et le prochain c’était dans une demi-heure, elle héla un taxi tout en courant, enfin un qui stoppa vous allez où ? oui  quelle chance il se rendait dans la même direction qu’elle.

La queue lui sembla plus longue que d’habitude, il n’était pourtant que dix heures un peu plus, elle reconnut Josette qui lui fit un signe, elle gagna une dizaine de places malgré les protestations et voilà maintenant qu’il pleut. En entrant dans le hall, elle entendit quelqu’un dire que le taux de chômage avait encore augmenté surtout pour les jeunes et les seniors, elle prit son ticket d’attente en espérant voir bientôt son numéro affiché sur les écrans, souhaitant que cette fois elle ne sera pas reçue par le gros qui pue la sueur et la mate effrontément. Une sonnerie et le 77 apparait sur l’écran, c’est à moi dit Paule en se dirigeant vers le coin d’accueil avec une belle blonde qui lui sourit derrière son bureau et lui fait signe de s’assoir, comment allez-vous depuis la dernière fois.

-       Désolée de vous dire que nous n’avons rien de nouveau à vous proposer, c’est toujours vos qualifs qui coincent, des bacs plus 5 on en a à la pelle et personne ne peut ni ne veut s’engager et vous engager

-       Mais vous savez que je suis prête à accepter n’importe quel job, je veux bosser, j’en ai besoin, c’est une ques…

Le téléphone sonne, oui Monsieur le Directeur, oui, elle est là, je, il vous attend dans son bureau, c’est au premier étage, je vous y conduis.

Le Directeur ressemble comme deux gouttes de whisky à Jean Lefèbvre dans Les tontons flingueurs en moins drôle, ça promet pensa-t-elle, il prend une profonde inspiration puis son air le plus mielleux et lui dit :

-       Ne soyez pas trop étonnée, Mademoiselle, par ma proposition qui vaut ce qu’elle vaut, nous avons examiné toutes les possibilités en raison de vos références et n’avons rien trouvé, mais en raison de votre physique, de votre sourire, de votre côté avenant, je vous prie de me dire euh si vous aimez la musique ?

Paule, interloquée, se demande et lui demande où veut-il en venir et alors le dirlo du pôle emploi lui déclare tout de go :

-       Dame pipi ou plutôt responsable du vestiaire dans un club de jazz, oh pas n’importe lequel, le plus coté sur la place de Paris et avec un bon salaire sans compter pourliches et autres avantages éventuels si vous voyez ce que je veux dire, hein ?... les plus grands musiciens se bousculent pour y jouer, la semaine prochaine on annonce Walter Scottville en personne et en trio… alors ?

-       Walter Scottville, celui qui joua au Carnegie Hall avec Wynton Marsalis en juin dernier ?, c’était dans tous les journaux

-       Euh, moi vous savez j’y connais queue dalle mais faut vous décider rapido pasque va y a avoir de la concurrence pour la place, moi j’vous l’dis

L’affaire fut conclue et Paule quitta le pôle emploi avec une recommandation du directeur, soulagée de ne pas avoir sorti le révolver qu’elle avait dans son sac, bien décidée cette fois à tout faire péter si on ne lui proposait rien.

Elle fut engagée sur le champ bien qu’elle ne connut pas grand-chose  au jazz, aux musiciens et leurs coutumes. Walter Scottville fit le plein tous les soirs, beaucoup de musiciens se pressèrent pour faire le bœuf, le patron de la boite ne fut  pas avare de compliments sur la nouvelle du vestiaire qui fit autant de sensations sur les musiciens eux-mêmes qu’auprès des mateurs et amateurs de jazz. Et Paule n’en resta pas là. Scottville lui demanda un soir si elle voulait bien chanter car il avait remarqué sa voix de brune et de brume alors qu’elle chantonnait dans son coin. Il l’accompagna dans I’m a fool to want you, toute l’assistance fut subjuguée, sa carrière de chanteuse fut ainsi lancée et elle fait évènement tous les soirs depuis.

 Irez-vous l’écouter ? Si oui, n’oubliez pas de me dire ce que vous en pensez et si vous avez été épatés et émus, autant que moi.

 Ah ! retenez bien son nom de scène, de vedette du jazz :

PAULA EMPLOY !

 

©  Jacques Chesnel

 

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26/09/2012

UN DES TROIS DE GIBRALTAR

 

 Ils étaient inséparables depuis leur première rencontre lors d’une escalade sur la montagne de Tariq qui surplombe la ville de Gibraltar. Et pourtant auparavant ils ne se connaissaient pas, venaient de milieux, de cultures et d’horizons différents, le seul lien qui les réunissait était la grimpette comme ils disaient. Le premier, Alain, le plus âgé, était architecte de renom, le second, Michel, un restaurateur côté dans les guides, le troisième, Loïc, celui qui animait le trio par sa jovialité, boute-en-train infatigable, commercial en farces et attrapes, ça ne s’invente pas et ça existe encore.


 C’est donc le soir, au retour des expéditions qu’ils avaient décidé de faire régulièrement une semaine par an sans femme, maîtresse et enfant que le farceur, ainsi que l’appelait ses comparses, se lançait dans des histoires toutes plus farfelues les unes que les autres en rapport avec les produits qu’il proposait, étonnant et détonnant gagne-pain. Grâce à lui, ils ne tardèrent pas à savoir tout sur les allumettes explosives, les arroseurs différents (appareil photo, attention le petit zosio va sortir et hop une giclée dans l’œil ahahah), les boules puantes, briquet pétaradant, boîte à meuh (les enfants en redemandent toujours), le couteau à lame rentrante (le restaurateur en commanda une caisse entière), les fausses bestioles (l’architecte fit le plein d’araignées les plus lein d'ares, rotes et morvesen commanda une caisse entière), le petit zosio va sortir et hop une giclée dans affreuses pour son épouse préférée) fausses crottes et morves, soulève-plat, verre baveur (le restaurateur en fit une razzia ainsi que de savon salissant pour ses meilleurs clients), pétards et poudre à éternuer sans oublier l’inévitable et très demandé coussin péteur, son atout favori, prouttt oh pardon… et de narrer des anecdotes qu’on lui avait rapportées à l‘occasion de fêtes du baptême à l’enterrement en passant par le mariage et agapes diverses. N’allez pas croire, leur disait-il, que tout cela était réservé à des bandes de fêtards plus ou moins avinés, les commandes arrivaient de partout, même de la part de gens un peu guindés en apparence. Il s’était fait connaître par des relations et s’était fait une certaine réputation et prodiguait ses conseils en fonction des cérémonies.

 

Plus tard, Loïc fut invité personnellement à des festivités pour raconter des histoires contenues dans un livre qu’il avait trouvé dans une brocante « Les histoire du père Lemaître » écrites en patois bas- normand par Charles Lemaître (1854 – 1928), dit « le chansonnier du Bocage ». Le soir, avant leur dernière ascension de la montagne de Tariq, l’un des trois de Gibraltar, l’homme des farces et attrapes, leur conta l’histoire  suivante intitulée « le jour de l’ascension » dont voici un résumé :

 

Dans cette petite commune, le curé avait décidé de mettre en représentation les grands mystères de l’église lors des vêpres. Pour la montée de Jésus au ciel, il réunissait les enfants de chœur personnifiant les douze apôtres, le bedeau à qui on avait mis des ailes dans le dos était relié à un anneau et une corde  que le gars le plus fort de la commune devait tirer pour faire monter Jésus au-dessus des apôtres.  Cette fois-là, le bedeau avait bien arrosé le mystère avec du cidre nouveau si bien que, lorsque monsieur le curé déclara doctement « et Jésus monta au ciel » et fit signe au gars de tirer sur la corde, ce dernier s’y prit par à-coup étant donné le poids de Jésus qui  se balançait en se tortillant, cria, désespéré « ne secoue pas trop fort là-bas ou j’vas chier ou dégobiller sur les apôtres, nom de dieu ».

 

Inutile de vous dire le succès que connut cette histoire auprès de ses deux amis qui avaient apprécié le ton, l’accent, les grimaces, simagrées et mimiques de Loïc qui une fois le récit terminé se laissa tomber sur une chaise en lâchant un énorme pet retentissant et dit :

-       Vous voyez les amis, pas la peine de s’envoyer en l’air comme Jésus, je suis un coussin péteur à moi tout seul !

               

  Les trois de Gibraltar firent leur dernière ascension le lendemain ; ils trouvèrent la montagne de Tariq vraiment moins escarpée ; l’effet du hasard ?

               

©  Jacques Chesnel

 

 

 

 

 

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18/09/2012

APAGOGIE

                                   

 -       Action

Le metteur en scène étant un gueulard, ce cri fit sursauter Jérôme qui se demanda si c’était déjà à lui

-       Mais qu’est-ce que fout ce con, Denis, va voir dans sa putain de caravane

L’assistant partit en trombe, Jérôme essaya de repérer les marques au sol, prêt quand ce serait à lui, il connaissait bien la scène, appréhendait le nombre de prises car avec ce mec là il en fallait toujours plusieurs, il ne donnait pas trop d’indications psychologiques comme certains qu’il trouvait insupportables, il indiquait l’action, tournait et c’est après la première prise que le calvaire commençait. Le con, enfin l’acteur principal, un type gentil et vraiment pro, comme les idoles de Jérôme les Arditi ou Dussollier pour les anciens, Amalric et Duris pour les jeunes, arriva en rajustant ses vêtements froissés et reboutonnant fébrilement sa braguette

-       Qu’est-ce que tu fous, bordel de merde, comme si on avait du temps à perdre, Henri, allez fissa… moteur… action…

Jérôme fut sidéré de voir ce con attaquer la scène avec une telle désinvolture alors qu’il devait avoir interrompu une séance de baise, preuve d’un grand professionnalisme. Derrière son écran de contrôle, le patron appréciait et dit c’est parfait les gars allez on en refait une pour le plaisir mais en plus intériorisé Henri en plus enfin tu vois ? moteur ACTION et c’est là, devant Jérôme ébahi, que l’incident se produisit

-       Tu nous fais chier avec tes prises à répétition, tu te prends pour Clouzot alors que tu lui arrives même pas à la cheville connard, à peine à la semelle de ses godasses, trouduc, tu nous emmerdes, tous, acteurs et techniciens, tu comprends on arrête tout voilà c’est comme ça et puis c’est tout

S’ensuivit un silence qu’on dit de cathédrale dans la stupeur générale et après quelques secondes le gueulard explosa

-       Ecoute Marlon Brandon de mes deux, t’es viré tu es viré VI RÉÉÉ, t’as compris la vedette, t’es qu’une belle merde dans un gros tas de merde et

Le con fonça sur le gueulard, les deux s’empoignèrent vigoureusement, l’actrice principale se mit à hurler avant de s’évanouir et les machinistes se fendaient la poire comme d’habitude car oui c’était comme ça tous les jours depuis le début du tournage au grand dam du producteur qui perdait à chaque fois une tonne de cheveux mais cette fois cela semblait sérieux, très sérieux ; après l’échange de quelques coups ponctués d’injures, les deux combattants se relevèrent et le gueulard  brailla que c’était tout pour aujourd’hui avant de se raviser et de regarder avec insistance Jérôme qui avait assisté à la bagarre complètement médusé

-       Hé toi, oui toi quoi, viens me voir dans mon bureau, tout de suite

Jérôme suit le gueulard dans son antre où règne un bordel indescriptible et pense qu’il va être viré lui aussi alors qu’il n’a encore rien fait en qualité de figurant repêché sur le tard grâce à une copine

-       T’as vu comment j’ai expédié l’aut’ con, cet acteur bankable de mes deux qui pète plus haut que son cul avec ses cachets mirobolants, faut que le film continue, ya trop d’argent déjà dépensé, alors je t’ai bien regardé, tu lui ressembles, physiquement j’veux dire, on va te maquiller pour te vieillir un peu, t’auras qu’à bien m’écouter ensuite, on va rameuter la presse spécialisée pour faire parler de toi, je m’occupe de tout, j’ai vu sur ta fiche que tu avais joué des p’tits rôles en amateur, hein dans la Guerre de Troie, hein ? dans un Feydeau aussi, hein ?, quelques panouilles aussi, bon, on te donnera les indications au fur et à mesure des scènes, tu commences demain, viens avec moi on va voir la prod

-       Mais je, bafouilla Jérôme

-       Quoi ?, t’es pas content, si ? alors tu la boucles et c’est parti, mon gars, allez hop

Un mois après, lu dans la presse spécialisée :

« Un jeune acteur jusque-là inconnu vient d’être engagé par le grand metteur en scène Alain Carberry pour son prochain film en compagnie de la star internationale Mimi Lacouture. Le maître ne tarit pas d’éloges sur son protégé appelé d’après lui à une grande carrière »

Un an après, lu dans la même presse spécialisée :

« Le dernier film d’Alain Carberry « Les portes de l’envers » est nominé aux César 2013 dans la catégorie « révélation masculine de l’année » pour le jeune Jérôme Ricard

p-s : toute ressemblance avec des personnes existantes serait de pure coïncidence… quoique

 

©  Jacques Chesnel

 

 

 

 

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11/09/2012

RENCONTRE FATALE

                                 

Il était vraiment content de son nouvel appartement.

Il avait longtemps hésité étant donné le prix qu’il avait trouvé exorbitant mais maintenant il n’avait plus de regrets.

Le nombre de pièces lui convenait parfaitement mais c’est surtout l’emplacement, l’étage, ce treizième et la vue splendide sur la plaine qui avaient motivé sa décision.

Aujourd’hui, sur le balcon, il regarde le panorama à 180 degrés alors que le soleil semble mettre du temps à vouloir se coucher, que le ciel est engorgé de petits moutons blancs à la Boudin et que le silence en impose. Au loin, derrière une rangée de petits arbres, il voit l’aéroport récemment construit, sa tour de contrôle et les balises clignotantes de la piste de décollage / atterrissage sur laquelle est posé un avion, gros insecte prêt pour le voyage. Il envisage depuis quelque temps déjà de se payer quelques jours de vacances et d’aller consulter les destinations et les horaires. Pour l’heure, avant le dîner, il flâne un peu et se contente d’admirer ce paysage et de vivre cet instant de paix intérieur qu’il lui offre. Oui, paix intérieur, le mot est juste, se dit-il, ce dont il avait besoin depuis cette séparation orageuse avec Muriel et qui avait laissé des traces, des blessures.

Maintenant, au loin, sur cette piste, le gros insecte semble vouloir se dégourdir les ailes et se met à rouler de plus en plus vite avant de s’envoler et de prendre de l’altitude. Il admire la façon qu’a l’appareil de changer de direction afin de trouver la bonne trajectoire et il commence à entendre ce qui est d’abord un doux ronronnement devenant un vrombissement de plus en plus fort lorsque l’avion se dirige inexorablement vers l’immeuble en perdant peu à peu de sa vitesse initiale et que non il ne va tout de même pas, le bruit devient de plus en plus assourdissant, sur son balcon il commence à paniquer, fait de grands gestes comme pour repousser l’engin qui fonce sur lui, il se demande si ce n’est pas un cauchemar, peut-être une simple illusion d’optique, l’insecte va se redresse avant que… il ne va tout de même pas…

 

Depuis le temps qu’il voulait prendre ces quelques jours de vacances au plus loin possible afin de voir d’autres paysages, il s’est enfin décidé, il est maintenant dans le hall de cet aéroport qu’il peut voir de son balcon. Il a fait la réservation par internet et n’a plus qu’à prendre son billet au guichet. Il baguenaude un peu, déambulant dans ce grand entonnoir en attendant l’embarquement prévu pour vingt heures vingt-cinq. Il repense quelques instants à son premier voyage en avion avec Muriel à l’occasion de leur mariage et son effroi sincère ou simulé lorsque l’appareil avait quitté le sol. L’heure de l’embarquement est arrivée, l’hôtesse l’accueille avec un sourire qu’on dit de circonstance sans qu’il sache ce que cela peut vraiment dire et lui indique sa place, côté hublot, pardon madame à la passagère côté couloir. Attachez vos ceintures, le commandant vous souhaite un agréable voyage, le gros insecte secoue ses ailes et démarre. Il prend une grande inspiration au moment du décollage et aperçoit un groupe d’immeubles vers lequel il semble se diriger. L’avion continue de prendre de la hauteur mais il remarque un va et vient inquietant de la part des deux stewards, leur mine subitement effarée ; l’appareil amorce un virage pour prendre sa trajectoire mais un bruit inquiétant résonne soudain dans la carlingue et le groupe d’immeubles donne l’impression de se rapprocher, il distingue maintenant un homme sur un balcon au treizième étage de la plus haute tour, un homme dont il reconnait la silhouette familière et qui agite follement les bras, comme autant de signaux de détresse, une étrange sensation s’empare de lui, il essaie de décrocher sa ceinture pendant que sa voisine hurle mais qu’est-ce qui se passe, la distance avec l’immeuble se réduit de plus en plus vite, il n’a pas le temps de se lever quand il comprend enfin les gesticulations de l’homme sur le balcon, l’affolement de l’équipage, ce bruit intolérable, cette sensation de catastrophe imminente  et que…

 

© Jacques Chesnel

01:41 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

01/08/2012

RISETTE MONK

                     

 On savait tous qu’en anglais son nom voulait dire MOINE mais personne ne savait pourquoi elle se prénommait Risette, on ne l’a jamais su, on n’osait pas lui demander il devait y avoir comme un secret personnel ou familial ou... On savait aussi qu’en réalité elle s’appelait Lemoine mais que par admiration pour le célèbre musicien de jazz prénommé Thelonious elle avait décidé de transformer son nom ainsi au grand dam de ses parents qui vénéraient Mozart et détestaient le bebop dont elle raffolait et possédait beaucoup de disques du compositeur et pianiste, presque tous ; en plus elle était née comme lui un dix octobre, alors vous pensez ; son grand regret était de ne pas l’avoir vu jouer.

 

 Quand nous allions chez elle avec ma sœur, nous entendions à l’approche de la maison les fenêtres grandes ouvertes La Flûte Enchantée au rez-de-chaussée et ‘Round Midnight au premier étage, le mélange nous plaisait bien, on riait si fort que les voisins avaient envie d’appeler la police comme pendant les grèves et manifs de l’année dernière. C’était toujours moi qui sonnait la première, privilège de l’âge, ça dévalait rapido dans l’escalier et Risette preum qu’elle disait, après les bisouilles on montait aussitôt dans sa chambre dont elle fermait la porte avec un v’lan définitif. Muriel demandait alors t’es sur qui toi maintenant ? dis c’est fini avec Pascal ? pasque tu sais dans le genre artichaut même qu’il paraît et moi je louchais sur les nombreuses photos de James Dean qu’était encore plus beau qu’avant, j’étais un peu jalouse bien que. Inévitablement, Muriel se mettait devant la glace et imitait Céline Dion dans pour que tu m’aimes encore mon mari Renééé oh tabernacle, moi je préférais quand Risette se prenait pour Emilie Loizeau, au moment où l’aigle noir de Barbara fonçait sur nous on pouffait à qui mieux-mieux heureusement que les toilettes n’étaient pas loin ; une fois, elle nous avait taquiné sur notre patronyme, Branlon c’est votre maman et Lagarde votre papa ou bien l’inverse ? on était pliées en quatre, deux chacune. Les parents tapaient au plafond c’est l’heure du goûter les filles on n’ allait pas couper au nutella pendant que le père se prenait pour Papa Guaino en braillant à tue-tête et en faux comme d‘habitude.

Nous l’avions connue au lycée, elle épatait toute la classe avec ses notes hors de prix et ses prix hors concours ainsi que son éternel sourire, peut-être était-ce pour cela, Risette alors que, nous l’apprîmes plus tard, elle avait Marie comme nom de baptême ; les garçons en était raides dingues comme ils disaient, elle avait une préférence pour notre frère Julien qui lui préférait les mecs à notre grand désespoir et au sien. Elle avait ses détestations, exemple si quelqu’un l’appelait Frisette à cause de ses cheveux désespérément raides même après une mise en plis ; ses colères étaient de courte durée, elle en riait de plus belle.

 

 Les grandes vacances nous séparèrent pendant un trop long mois ; au moment des retrouvailles ma sœur me dit tu ne trouves pas qu’elle a maigri on dirait. Son perpétuel sourire nous désarmait toujours autant alors raconte l’Espagne comment c’était et les espagnols olé ?. A la rentrée, au lycée elle manqua trois jours, puis le mois suivant une semaine entière. Nous allâmes aux nouvelles, ses parents nous avertirent qu’elle commençait un chimio et qu’elle ne voulait voir personne pour l’instant, pas même nous ?. Non, pas encore, elle est comme nous, sous le choc, mais c’est quoi au juste ? a-t-elle une chance ou quoi ? que se passe-t-il nous aimerions savoir, ils refermèrent la porte. Par la suite, à l’hôpital où elle était soignée, nous allions la voir tous les deux jours quelques minutes autorisées. Risette avait un moral qu’on dit de fer et faisait des projets pour la suite. On l’avait autorisée à écouter ses disques dans sa chambre et Thelonious ne se privait pas de jouer pour elle toute seule, ça lui plaisait. Les parents nous avaient enfin avoué qu’elle en avait  pour quelques semaines au plus selon le médecin. Dans sa chambre, lors des visite, on se retenait de pleurer devant elle de peur de la faire rire, les infirmières n’avaient jamais vu de patiente aussi gaie et toujours ce sourire tandis qu’elle partait lentement sur la pointe des pieds. Elle mourut en écoutant Misterioso à la même date que celle de son idole, un dix-sept février.

 

 Et dire qu’il y en a qui ne croient toujours pas aux concomitances, au hasard ou au destin. Cela doit bien la faire marrer notre Risette Monk à nous.

 

©  Jacques Chesnel

20:19 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (4)

29/07/2012

VENEZIA (Souvenir de voyage)

 

Cela avait commencé dans les années 60 quand avec l’amour de ma vie j’avais vu le film de Vadim Sait-on jamais ? puis le Senso et Mort à Venise de Visconti. Bien sûr la musique était pour quelque chose dans nos emballements, celle de John Lewis et l’Adagio de la cinquième symphonie de Gustav Mahler. Egalement, pour moi, la présence de Françoise Arnoul dans le premier, celle d’Alida Valli dans le second, celle de Dirk Bogarde dans le troisième pour elle, sujets de petites taquineries entre nous du genre qu’est-ce que tu lui trouves ?. Bien entendu, toute la ville nous fascinait. Aussi nous étions-nous promis que dès le pécule suffisant pour une semaine dans un hôtel de luxe dans la Cité des Doges, pourquoi pas le Danieli, nous irions en amoureux comme toujours. Il nous fallait choisir une date, surtout hors les grandes invasions touristiques. On a dû en rabattre très vite en ce qui concerne la résidence, le Danieli étant complet et surtout hors de nos moyens. Ce fut un petit hôtel dit de charme derrière la place St-Marc, le San Gallo, impeccable.

 

Bon, à peine sortis de la gare après un voyage de nuit qui nous a paru long et embarqués à bord du premier vaporetto qui nous attendant à quai, ce fut comme en Normandie, de la flotte, de la flotte partout, les pieds dans l’eau sans bottes, la tête sous l’eau sans parapluie, ça commençait bien et boum, l’orage maintenant, trois coups de tonnerre un bordel monstre sur la place et hop à l’hôtel pour essayer le lit comme d’habitude. Après la pluie et le tour sous les arcades de la place légèrement inondée,  une halte au Café Florian puis dîner aux chandelles avec un Montepulciano d’Abruzzo, une promenade le long des rivas jusqu’au Museo Navale et retour et dodo ; il fallait être en forme pour le lendemain, il y avait tellement de choses à voir.

 

Pas question de prendre une gondole, on avait trop peur de l’eau, alors marche à pied et vaporetti en alternance. On a commencé à rire avec les touristes japonais si bavards cornaqués par une compatriote porteuse de parapluie ouvert et rameutant les étourdis, les fénéants, les traînards, même que j’ai ouvert notre ombrelle et que quelques-uns m’ont suivi un moment ce qui a fait rire l’amour de ma vie mais pas les nippons… puis tous les quartiers, les musées  (nous sommes restés scotchés devant les fresques de Tiepolo au Palazzo Labia, les tableaux de Véronèse, du Titien, tant de chefs-d'œuvre….sans oublier la Fondation Peggy Guggenheim l’ultima dogaressa et sa sublime collection dadaïsme et surréalisme, les innombrables palais, les jardins, les places y compris celle du Campo del Ghetto Nuovo dans l’ancien quartier juif, presque toutes les églises jusqu’à la Santa Maria della Salute où on a rencontré une jeune anglaise qui habitait dans la même rue de Londres que notre fille, nous nous sommes embrassés tellement de fois sous le pont du Rialto que je ne peux compter, nous avons fait un nombre incalculable d’aller-retour sur le Grand Canal essayant de bavarder avec des vénitiens,  avons visité l’atelier de réparations des gondoles, les quais de déchargements d’arrivages de toutes sortes… nous sommes allés sur les îles de la lagune, Burano, Murano, Torcello, le Lido qui fut un temps « la plage la plus élégante de l’Adriatique, nous avons déposé notre petit caillou sur les tombes d’Igor Stravinski et Serge Diaghilev dans le cimetière sur l’île de San Michele, le soir fourbus nous découvrîmes des petits restos où on ne parlait que l’italien ah ! les pasta e fasoi, la polenta e osei… et pour clore en beauté, un événement insolite nous combla.

 

Avant de prendre notre train de nuit, nous faisons un dernier tour de la place Saint-Marc quand arrivés au pied du Campanile, nous remarquons un attroupement et entendons tambours et sons gutturaux ; réussissant à nous infiltrer au premier rang, stupéfaction : une troupe d’Indiens d’Amérique du Nord en costumes traditionnels en train d’exécuter une série de danses rituelles accompagnées de chants, spectacle totalement incongru et magnifique auquel, après sollicitations de la part de celui qui paraissait le chef, nous nous joignons ; et voilà l’amour de ma vie exécutant une danse (du scalp ?) sous les bravos de la foule, quel souvenir ; nous eûmes quelques explications : cette troupe de Sioux terminait une série de représentations et avait demandé à ce que leur tournée mondiale se termine contractuellement à Venise et ils donnaient un avant-goût de leur dernier spectacle… ah ! voir l’Indienne de ma vie au milieu de ces guerriers emplumés avec peintures et maquillages sur visages et corps…brrrrr ! ce souvenir si présent…

 

©  Jacques Chesnel (L’amour de ma vie)

23:42 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

23/07/2012

TAPAGE NOCTURNE & BAMBOCHE

                   

-       Nom ?

-       Ricard, Ricard comme Pernod

-       Vous vous foutez de moi ?

-       Non monsieur le commissaire, je précise seulement

-       Prénom ?

-       Jérôme

-       Comme C. Jérôme le chanteur ?

-       Non, comme Lindon

-       Oh, Lindon c’est Vincent pas Jérôme

-       Ya les deux

-       On va pas chipoter… profession ?

-       Sans

-       Quoi, cent… vous vous refoutez de moi, attation

-       Sans, comme rien, c’est tout et c’est pas défendu, pour l’instant je suis au chomedû à la recherche de turbin

Le commissaire Bonenfant fouille dans ses papiers éparpillés sur son bureau, Jérôme commença à se trémousser très énervé

-       Vous savez pourquoi on vous a arrêté, j’imagine

-       Ben non à vrai dire, d’ailleurs je suis innocent comme tout le monde comme d’habitude

-       Bon, tapage nocturne, insultes à personne puis à policiers comme d’habitude pasque c’est pas la première fois

-       C’est encore ma voisine du dessous, Muriel qui m’a provoqué

-       Muriel Branlon-Lagarde est cette journaliste de renom qui se plaint depuis longtemps de votre vie nocturne passablement trop agitée à son goût

-       Elle est pas gonflée à part ça avec les allers-venues à toute heure que c’est plutôt louche avec tous ces dealers de coco qui squattent le hall de l’immeuble qu’on peut plus passer sans se faire alpaguer dans la poudre permanente

-       Que voulez-vous dire par là ?

-       Vous avez bien entendu, monsieur le commissaire, question boucan elle en connait aussi un rayon et en plus elle me reproche mes tapages nocturnes, mes soirées tapas et sangria mais nous on touche pas autre chose, ça festoie certes mais dans la légalité alors que question bamboche elle est pas en reste, bon ya la musique faut aimer le flamenco

-       Ah ! vous avouez, nous y v’là

-       Avouez quand même qu’il y a réciprocité, non ?

-       Ce n’est pas à moi d’avouer, reconnaissez-le… alors, on va pas y passer l’hiver bien qu’on soit au printemps donc je vous colle un avertissement avant enquête approfondie ce qui ne saurait tarder si…

-       Merci, monsieur le commissaire, mais…

 

Après plusieurs semaines sans incidents graves, chacun y ayant mis du sien en ce qui concerne les bacchanales et autres ramdams, Jérôme Ricard décida de rencontrer sa voisine du dessous afin de faire la paix si possible et sonna donc chez Muriel qui lui ouvrit en disant : « enfin , tu as mis le temps mon coco »  en lui sautant littéralement dessus et particulièrement sur sa braguette. Les préliminaires furent vite expédiés de sa part et lorsqu’elle retira sa petite culotte, Jérôme crut que l’affaire était dans le sac mais elle était seulement à découvert et lui avec son gros-jean comme devant en bandoulière, il en prit son parti avant de prendre son pied rien qu’en la reluquant car la Branlon-Lagarde valait son pesant de cacahuètes question minou et le reste, il lui fallut se contenter de peu en attendant la suite ou la fuite sans laisser vraiment choir sauf que. Il eut conscience de sa débandade quand il vit ses yeux exorbités, sa mine déconfite et ses propos virulents qu’elle lui balança rapido : « tu fais moins le fier que pendant tes corridas et autres tintamarres eh ducon tu vas pas te contenter de mater » et d’empoigner d’une pogne solide le flambeau qui partait en retraite avec la consistance d’un flamby… Penaud, Jérôme se précipita vers la sortie la queue entre les jambes sous le rire hystérique de Muriel qu’il trouva dépravée.

A peine remis de cette aventure qu’il jugeait fort désastreuse quant à son ego, Jérôme se demanda s’il n’allait pas revoir le commissaire Bonenfant pour cette fois déposer plainte pour tentative de viol. Il en était encore à se poser la question quand une nuit croisant par un pur hasard  Muriel dans le hall toujours en poudrée, elle le présenta à la compagnie sidérée puis goguenarde : « salut Ricard comme Pernod, valeureux chevalier à la triste figure et le reste ».

 

©  Jacques Chesnel

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