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09/11/2012

EMBROUILLAMINI MAXI

                            

   Il ne pensait pas trouver Muriel dans un tel état.

 « Viens tout de suite » lui avait-elle demandé, il était trois heures du matin. Affalée sur le canapé avec une bouteille de champagne aux trois-quarts vide dans la main ; une montagne de mégots dans le cendrier ; en pleurs, hoquets et grimaces « Il ne m’a pas reconnue » hurla-t-elle en balançant la bouteille qui atterrit aux pieds de Jérôme « Il ne m’a pas reconnue ce petit salaud de merde ». Il allait éteindre le lecteur de CD d’où s’échappait la voix de Billie Holiday It’s easy to remember, « laisse ce truc bordel je t’en prie ». Elle se leva et arpenta sa chambre en désordre « bon je sais j’ai changé de couleur de cheveux et ce con de coiffeur m’a loupé mais bon, toi tu me reconnais ou pas dis-moi franchement est-ce qu’on peut se tromper à ce point ? ». Jérôme décontenancé ne savait quoi répondre oui la nouvelle coiffure était loupée coupe et couleur mais à ce point il… « ou bien c’est un prétexte, un truc, une magouille pour me quitter » elle se prit les pieds dans le tapis tomba et s’égosilla de plus belle « j’ai tout fait, j’étouffais aussi, j’ai cédé à tous ses caprices, accompli toutes ses volontés même  les plus dégradantes, Jérôme, je me suis avilie pour lui et il ne me reconnait pas maintenant, j’enrage, je fulmine, je tonitrue, je vocifère, je m’égosille, tiens, je vais aller buter cette ordure et là il me reconnaitra enfin avant de clamser » clama-t-elle se relevant et prenant des airs de tragédienne d’un autre temps « de toute façon, tu me connais, je fais foncer dans ce tas de merde, j’y vais de ce pas, tu m’emmènes ».

Dans l’auto, sa colère ne s’arrêta pas, bien au contraire elle faisait des gestes désordonnés, incontrôlés, Jérôme avait du mal à conduire normalement et dut plusieurs fois éviter des accidents « je n’ai pas grossi ni maigri, ni grandi ni rapetissé, je suis toujours la même, dis-le moi Jérôme, arrête c’est là, tu restes ici tu m’attends, si je ne suis pas revenue dans dix minutes tu montes c’est au troisième gauche, tu cognes et tu le frappes ok ? ». Elle revint presque immédiatement « il n’est pas chez lui », vlan la portière en entrant… « je te tiens au courant, la suite au prochain numéro », re-vlan la portière en sortant, ouf pensa Jérôme.

Sitôt rentré dans son appartement, le téléphone sonna, il était maintenant cinq heures, Jérôme tombait de sommeil, c’était Muriel, merde encore toujours elle. Le ton avait changé dans les glapissements et vagissements « tu sais je crois qu’il m’a confondu avec une autre, c’est pire que ne pas me reconnaitre, je me souviens, il a bafouillé, bégayé, marmonné, il délirait pendant qu’on baisait comme des fous, débitant des quantités de prénoms, ceux de ses ex et de ses actrices préférées, celles de maintenant comme celles d’hier, mélangeant les Catherine, François, Ludivine, Marion, Greta, Michèle, Laure et Laura, Ava et Julia, Christine et Cristelle, Sharon, Danièle et Dany, Scarlett, Delphine, Jeanne, aucune Muriel, il se faisait son cinéma, se prenait pour le jeune premier, le beau gosse qui a du succès, il les veut toutes alors qu’il m’a moi, ce don Juan de cinéma pour leur rouler des patins de cinoche, Jérôme, quel supplice de me confondre avec ces pétasses qui changent de couleur de cheveux plus souvent que moi, et voilà maintenant qu’il se défile, se cache, se terre, il a le trouillomètre à zéro, il débande dans la tête, c’est un couard, un poltron, une couille molle mais je l’aime, Jérôme, éperdument, je suis prête à retourner chez ce vieux merlan pédé avec ses teintures de chiotte, me faire rallonger ou raccourcir les tifs, me tondre ras, tout ce qu’il voudra, je veux être reconnue, je ne veux plus être confondue, même s’il veut que je devienne un mec ou autre chose, je ne m’appelle pas Muriel Branlon-Lagarde pour rien… alors dis- moi, qu’est-ce que tu en penses toi qui a fait psycho ? ».

©  Jacques Chesnel

11:26 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Rappelez-moi de ne jamais "faire psycho", bon sang d'bois. On vous demande de ces trucs...

Allez, calmons-nous. La camomille, parfois, donne de bons résultats, mais pour éviter l'accoutumance, faut alterner avec la verveine (déverveinée, sinon on dort mal).

(bon, sinon, il est rudement bien fichu ce texte, dans le genre échevelé bien sûr...)

Écrit par : Clopine Trouillefou | 14/11/2012

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