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11/09/2012

RENCONTRE FATALE

                                 

Il était vraiment content de son nouvel appartement.

Il avait longtemps hésité étant donné le prix qu’il avait trouvé exorbitant mais maintenant il n’avait plus de regrets.

Le nombre de pièces lui convenait parfaitement mais c’est surtout l’emplacement, l’étage, ce treizième et la vue splendide sur la plaine qui avaient motivé sa décision.

Aujourd’hui, sur le balcon, il regarde le panorama à 180 degrés alors que le soleil semble mettre du temps à vouloir se coucher, que le ciel est engorgé de petits moutons blancs à la Boudin et que le silence en impose. Au loin, derrière une rangée de petits arbres, il voit l’aéroport récemment construit, sa tour de contrôle et les balises clignotantes de la piste de décollage / atterrissage sur laquelle est posé un avion, gros insecte prêt pour le voyage. Il envisage depuis quelque temps déjà de se payer quelques jours de vacances et d’aller consulter les destinations et les horaires. Pour l’heure, avant le dîner, il flâne un peu et se contente d’admirer ce paysage et de vivre cet instant de paix intérieur qu’il lui offre. Oui, paix intérieur, le mot est juste, se dit-il, ce dont il avait besoin depuis cette séparation orageuse avec Muriel et qui avait laissé des traces, des blessures.

Maintenant, au loin, sur cette piste, le gros insecte semble vouloir se dégourdir les ailes et se met à rouler de plus en plus vite avant de s’envoler et de prendre de l’altitude. Il admire la façon qu’a l’appareil de changer de direction afin de trouver la bonne trajectoire et il commence à entendre ce qui est d’abord un doux ronronnement devenant un vrombissement de plus en plus fort lorsque l’avion se dirige inexorablement vers l’immeuble en perdant peu à peu de sa vitesse initiale et que non il ne va tout de même pas, le bruit devient de plus en plus assourdissant, sur son balcon il commence à paniquer, fait de grands gestes comme pour repousser l’engin qui fonce sur lui, il se demande si ce n’est pas un cauchemar, peut-être une simple illusion d’optique, l’insecte va se redresse avant que… il ne va tout de même pas…

 

Depuis le temps qu’il voulait prendre ces quelques jours de vacances au plus loin possible afin de voir d’autres paysages, il s’est enfin décidé, il est maintenant dans le hall de cet aéroport qu’il peut voir de son balcon. Il a fait la réservation par internet et n’a plus qu’à prendre son billet au guichet. Il baguenaude un peu, déambulant dans ce grand entonnoir en attendant l’embarquement prévu pour vingt heures vingt-cinq. Il repense quelques instants à son premier voyage en avion avec Muriel à l’occasion de leur mariage et son effroi sincère ou simulé lorsque l’appareil avait quitté le sol. L’heure de l’embarquement est arrivée, l’hôtesse l’accueille avec un sourire qu’on dit de circonstance sans qu’il sache ce que cela peut vraiment dire et lui indique sa place, côté hublot, pardon madame à la passagère côté couloir. Attachez vos ceintures, le commandant vous souhaite un agréable voyage, le gros insecte secoue ses ailes et démarre. Il prend une grande inspiration au moment du décollage et aperçoit un groupe d’immeubles vers lequel il semble se diriger. L’avion continue de prendre de la hauteur mais il remarque un va et vient inquietant de la part des deux stewards, leur mine subitement effarée ; l’appareil amorce un virage pour prendre sa trajectoire mais un bruit inquiétant résonne soudain dans la carlingue et le groupe d’immeubles donne l’impression de se rapprocher, il distingue maintenant un homme sur un balcon au treizième étage de la plus haute tour, un homme dont il reconnait la silhouette familière et qui agite follement les bras, comme autant de signaux de détresse, une étrange sensation s’empare de lui, il essaie de décrocher sa ceinture pendant que sa voisine hurle mais qu’est-ce qui se passe, la distance avec l’immeuble se réduit de plus en plus vite, il n’a pas le temps de se lever quand il comprend enfin les gesticulations de l’homme sur le balcon, l’affolement de l’équipage, ce bruit intolérable, cette sensation de catastrophe imminente  et que…

 

© Jacques Chesnel

01:41 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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