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26/09/2012

UN DES TROIS DE GIBRALTAR

 

 Ils étaient inséparables depuis leur première rencontre lors d’une escalade sur la montagne de Tariq qui surplombe la ville de Gibraltar. Et pourtant auparavant ils ne se connaissaient pas, venaient de milieux, de cultures et d’horizons différents, le seul lien qui les réunissait était la grimpette comme ils disaient. Le premier, Alain, le plus âgé, était architecte de renom, le second, Michel, un restaurateur côté dans les guides, le troisième, Loïc, celui qui animait le trio par sa jovialité, boute-en-train infatigable, commercial en farces et attrapes, ça ne s’invente pas et ça existe encore.


 C’est donc le soir, au retour des expéditions qu’ils avaient décidé de faire régulièrement une semaine par an sans femme, maîtresse et enfant que le farceur, ainsi que l’appelait ses comparses, se lançait dans des histoires toutes plus farfelues les unes que les autres en rapport avec les produits qu’il proposait, étonnant et détonnant gagne-pain. Grâce à lui, ils ne tardèrent pas à savoir tout sur les allumettes explosives, les arroseurs différents (appareil photo, attention le petit zosio va sortir et hop une giclée dans l’œil ahahah), les boules puantes, briquet pétaradant, boîte à meuh (les enfants en redemandent toujours), le couteau à lame rentrante (le restaurateur en commanda une caisse entière), les fausses bestioles (l’architecte fit le plein d’araignées les plus lein d'ares, rotes et morvesen commanda une caisse entière), le petit zosio va sortir et hop une giclée dans affreuses pour son épouse préférée) fausses crottes et morves, soulève-plat, verre baveur (le restaurateur en fit une razzia ainsi que de savon salissant pour ses meilleurs clients), pétards et poudre à éternuer sans oublier l’inévitable et très demandé coussin péteur, son atout favori, prouttt oh pardon… et de narrer des anecdotes qu’on lui avait rapportées à l‘occasion de fêtes du baptême à l’enterrement en passant par le mariage et agapes diverses. N’allez pas croire, leur disait-il, que tout cela était réservé à des bandes de fêtards plus ou moins avinés, les commandes arrivaient de partout, même de la part de gens un peu guindés en apparence. Il s’était fait connaître par des relations et s’était fait une certaine réputation et prodiguait ses conseils en fonction des cérémonies.

 

Plus tard, Loïc fut invité personnellement à des festivités pour raconter des histoires contenues dans un livre qu’il avait trouvé dans une brocante « Les histoire du père Lemaître » écrites en patois bas- normand par Charles Lemaître (1854 – 1928), dit « le chansonnier du Bocage ». Le soir, avant leur dernière ascension de la montagne de Tariq, l’un des trois de Gibraltar, l’homme des farces et attrapes, leur conta l’histoire  suivante intitulée « le jour de l’ascension » dont voici un résumé :

 

Dans cette petite commune, le curé avait décidé de mettre en représentation les grands mystères de l’église lors des vêpres. Pour la montée de Jésus au ciel, il réunissait les enfants de chœur personnifiant les douze apôtres, le bedeau à qui on avait mis des ailes dans le dos était relié à un anneau et une corde  que le gars le plus fort de la commune devait tirer pour faire monter Jésus au-dessus des apôtres.  Cette fois-là, le bedeau avait bien arrosé le mystère avec du cidre nouveau si bien que, lorsque monsieur le curé déclara doctement « et Jésus monta au ciel » et fit signe au gars de tirer sur la corde, ce dernier s’y prit par à-coup étant donné le poids de Jésus qui  se balançait en se tortillant, cria, désespéré « ne secoue pas trop fort là-bas ou j’vas chier ou dégobiller sur les apôtres, nom de dieu ».

 

Inutile de vous dire le succès que connut cette histoire auprès de ses deux amis qui avaient apprécié le ton, l’accent, les grimaces, simagrées et mimiques de Loïc qui une fois le récit terminé se laissa tomber sur une chaise en lâchant un énorme pet retentissant et dit :

-       Vous voyez les amis, pas la peine de s’envoyer en l’air comme Jésus, je suis un coussin péteur à moi tout seul !

               

  Les trois de Gibraltar firent leur dernière ascension le lendemain ; ils trouvèrent la montagne de Tariq vraiment moins escarpée ; l’effet du hasard ?

               

©  Jacques Chesnel

 

 

 

 

 

11:40 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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