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06/10/2012

L’EMPLOI DE PAULE A PÔLE EMPLOI

 

Cette fois, je mets la gomme, ça c’est sûr se disait Paule en se pomponnant car sa maman lui avait dit que l’apparence était primordiale dans ce cas-là ; elle vérifia tout sur son visage, le rouge à lèvres, les faux-cils, le mascara, puis la coiffure et la petite boucle sur le front, et maintenant tirer un peu sur la jupe, remettre en place le string et le nouveau soutif qui valorise la pointe des seins ce qui rendait fou Julien avant qu’il mette les mains dans les moches selon son expression, heureusement que plus personne ne porte de combinaison pour pas que ça dépasse elle connaissait la vieille blague pour draguer hep mademoiselle vous avez vot’ combinaison qui… tu veux une tarte andouille, maman lui racontait ces aventures en rigolant c’était le bon temps pas comme maintenant où les mecs vous mette les mains directement tout partout et paf !. Bon c’est pas tout ça mais faut que j’me dépêche pasque y aura encore la queue dehors compris, ça n’arrête pas. Elle avala vite fait son café froid, prit son grand sac qui ne la quittait jamais, vérifia que tout était à sa place, courut vers l’arrêt de bus où y avait personne car merde le dernier tacot venait juste de passer et le prochain c’était dans une demi-heure, elle héla un taxi tout en courant, enfin un qui stoppa vous allez où ? oui  quelle chance il se rendait dans la même direction qu’elle.

La queue lui sembla plus longue que d’habitude, il n’était pourtant que dix heures un peu plus, elle reconnut Josette qui lui fit un signe, elle gagna une dizaine de places malgré les protestations et voilà maintenant qu’il pleut. En entrant dans le hall, elle entendit quelqu’un dire que le taux de chômage avait encore augmenté surtout pour les jeunes et les seniors, elle prit son ticket d’attente en espérant voir bientôt son numéro affiché sur les écrans, souhaitant que cette fois elle ne sera pas reçue par le gros qui pue la sueur et la mate effrontément. Une sonnerie et le 77 apparait sur l’écran, c’est à moi dit Paule en se dirigeant vers le coin d’accueil avec une belle blonde qui lui sourit derrière son bureau et lui fait signe de s’assoir, comment allez-vous depuis la dernière fois.

-       Désolée de vous dire que nous n’avons rien de nouveau à vous proposer, c’est toujours vos qualifs qui coincent, des bacs plus 5 on en a à la pelle et personne ne peut ni ne veut s’engager et vous engager

-       Mais vous savez que je suis prête à accepter n’importe quel job, je veux bosser, j’en ai besoin, c’est une ques…

Le téléphone sonne, oui Monsieur le Directeur, oui, elle est là, je, il vous attend dans son bureau, c’est au premier étage, je vous y conduis.

Le Directeur ressemble comme deux gouttes de whisky à Jean Lefèbvre dans Les tontons flingueurs en moins drôle, ça promet pensa-t-elle, il prend une profonde inspiration puis son air le plus mielleux et lui dit :

-       Ne soyez pas trop étonnée, Mademoiselle, par ma proposition qui vaut ce qu’elle vaut, nous avons examiné toutes les possibilités en raison de vos références et n’avons rien trouvé, mais en raison de votre physique, de votre sourire, de votre côté avenant, je vous prie de me dire euh si vous aimez la musique ?

Paule, interloquée, se demande et lui demande où veut-il en venir et alors le dirlo du pôle emploi lui déclare tout de go :

-       Dame pipi ou plutôt responsable du vestiaire dans un club de jazz, oh pas n’importe lequel, le plus coté sur la place de Paris et avec un bon salaire sans compter pourliches et autres avantages éventuels si vous voyez ce que je veux dire, hein ?... les plus grands musiciens se bousculent pour y jouer, la semaine prochaine on annonce Walter Scottville en personne et en trio… alors ?

-       Walter Scottville, celui qui joua au Carnegie Hall avec Wynton Marsalis en juin dernier ?, c’était dans tous les journaux

-       Euh, moi vous savez j’y connais queue dalle mais faut vous décider rapido pasque va y a avoir de la concurrence pour la place, moi j’vous l’dis

L’affaire fut conclue et Paule quitta le pôle emploi avec une recommandation du directeur, soulagée de ne pas avoir sorti le révolver qu’elle avait dans son sac, bien décidée cette fois à tout faire péter si on ne lui proposait rien.

Elle fut engagée sur le champ bien qu’elle ne connut pas grand-chose  au jazz, aux musiciens et leurs coutumes. Walter Scottville fit le plein tous les soirs, beaucoup de musiciens se pressèrent pour faire le bœuf, le patron de la boite ne fut  pas avare de compliments sur la nouvelle du vestiaire qui fit autant de sensations sur les musiciens eux-mêmes qu’auprès des mateurs et amateurs de jazz. Et Paule n’en resta pas là. Scottville lui demanda un soir si elle voulait bien chanter car il avait remarqué sa voix de brune et de brume alors qu’elle chantonnait dans son coin. Il l’accompagna dans I’m a fool to want you, toute l’assistance fut subjuguée, sa carrière de chanteuse fut ainsi lancée et elle fait évènement tous les soirs depuis.

 Irez-vous l’écouter ? Si oui, n’oubliez pas de me dire ce que vous en pensez et si vous avez été épatés et émus, autant que moi.

 Ah ! retenez bien son nom de scène, de vedette du jazz :

PAULA EMPLOY !

 

©  Jacques Chesnel

 

09:56 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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