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19/02/2010

CONVERSATION 9

- eh ben ça alors dites-moi donc

- c'est-à-dire

- je n'en reviens pas

- d'où ?

- quoi ?

- ben, d'où vous revenez

- ah ! je reviens de nulle part sauf de chez moi, ce n'est qu'une façon de parler

- bon, alors

- mais hein, attention, j'ai dérouillé

- dévérouillé ?

- non dérouillé, j'ai été pris dans une rafle et confondu

- contondu ?

- oh vous perdez de la feuille ou quoi... oui confondu avec un mec reherché pour meurtre... peut-être un terroriste... enfin...

- je n'en reviens pas

- vous l'avez déjà dit plus haut

- oui mais là c'est grave

- pire

- pire que grave ?

- ya pas de mot, si un seul, l'enfer

- vous m'inquiétez, l'enfer étant les autres, ils étaient plusieurs

- dans la rafle oui mais c'est moi qui a trinqué

- ah bon ils vous ont fait boire

- si on veut mais la tête dans le lavabo

- non, comme dans les films ?

- pire que les films

- ben oui puisque c'était pas du cinéma

- on a le droit de le faire encore

- le droit ils le prennent, ils on tous les droits

- je vous l'ai dit, ils m'on pris pour un autre

- qui ?

- un mec recherché pour meurtre en portrait-robot

- on met des robots partout maintenant

- moi c'est la moustache

- des moustaches aux robots, vous rigolez

- eh bien non, je n'ai pas ri, pas du tout

- vous n'avez qu'a vous la couper

- comme vous y allez

- un coup de rasoir et hop un berbe ou deux

- sauf que je l'ai depuis je ne m'en souviens plus

- oui ya eu un film là-dessus

- je l'ai pas vu... moi le cinéma

- c'est pas pire que dans la vie réelle

- pourquoi réelle ?

- ben maintenant avec le virtuel

- en tout cas les cognes ils étaient bien réels parce que

- il y en qui vous foute à poil des fois que

- et qui vous fouille tout partout

- moi j'ai avoué tout de suite alors

- vous avez dit que vous n'avez rien à voir

- de toute façon ils n'écoutent pas alors

- alors rien... en garde à vue illico

- mais

- ya pas de mais dans une rafle

- vous avez appelé un avocat ?

- non la manif était interdite

- la manif peut-être pas le baveux

- allez dire ça aux flics

- et maintenant les gosses

- quoi les gosses

- allez hop à 12 ans au gnouf

- oh

- même qu'on détecte leur avenir dès 3 ans à la maternelle

- vous rigolez

- moi non, c'est sérieux

- alors on prend un môme, si il se bat avec un autre

- fiché violent...gamin à suivre, comportement suspect

- et celui qui se marre tout le temps

- comique, peut devenir critique... fiché... voyez  Bedos

- le cossard

- improductif donc nuisible... fiché

- timide

- fiché... peut devenir influençable

- rien de particulier

- pas normal... suspect, lui aussi fiché

- ça alors, je n'en reviens pas

- vous l'avez déjà dit

- puis les fous maintenant

- pourquoi maintenant, y en avait pas avant

- ils sont tous dans la rue

- vous parlez des manifestants

- non des fous

- ah! des fous qui manifestent pour pouvoir manifester

- on n'est plus chez nous

- chez eux on les enferme

- ben il manquerait plus que ça

- tenez hier on me demande l'heure

- et alors

- j'ai tout de suite vu qu'il était fou

- oui ?

- il m'a dit parce que ça change tout le temps, air connu

- ben... il a pas raison ?

- oui, encore un qui devait être agité à la maternelle

- il a de la chance d'en être sorti parce que d'après monseigneur Lefèvre, hop au gnouf

- ah ! les curés maintenant

- ma femme me dit que les psys...

- oh ceux là c'est les pires qu'on dit

- elle a été en voir un, à peine arrivé il lui demande de s'allonger

- c'est pas vrai

- si, et que ce sera 200 euros la séance

- alors

- elle a porté plainte pour incitation à la débauche... et on l'a prise pour une folle, alors enfermée du genre vol au-dessus d'un nid

- quand même

- bon je vous quitte c'est l'heure de la visite... l'hopital ferme à cinq heures

- comment qu'elle était vot' femme à la garderie d'enfants ?

- une vraie sainte comme pas deux

- ah! vous voyez !


©  Jacques Chesnel  (Conversations)







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12/02/2010

CONVERSATION 8

- je ne sais pas encore pourquoi mais je sens bien le cinq dans la première, la distance, la corde et surtout la monte

- oui pour être en forme ce jockey l'est

- la passe de trois hier... avec une jolie cote

- fallait quand même oser

- qui ne risque rien

- bien sûr sinon c'est pas la peine de jouer

- et assurer ses arrières sinon

- pas tout mettre sur le même cheval

- c'est ce que disait Jules Berry à mon père avant guerre à Deauville

- ah ! il a connu Jules Berry, un sacré flambeur à ce qu'il paraît

- oh juste un copain de turf comme on en rencontre tous les jours...

c'était en 36 ou 37, il venait de terminer Le crime de Monsieur Lange, il dépensait tout ses ronds aux courtines mais sympa avec plein de mauvais tuyaux... puis s'il gagnait, hop ! au casino... perdu ! mon père aussi jouait mais à la boule seulement toujours le 7 pendant que ma maman dansait le lambeth walk à la mode et moi qui découvrait un orchestre de jazz joué par des nègres comme on disait à l'époque à la terrasse d'un bar le Chatham à Trouville de l'autre côté de la place

- les jockeys montent à cheval

- ma mère parlait mode et chapeau avec sa compagne l'actrice Suzy Prim qui veillait sur l'acteur car le fric lui démangeait les doigts de ses mains qui voletaient comme des oies dans ses films

- je crois que je vais mettre vingt euros sur ce cinq

- un fils de Montjeu... pourquoi pas

- avec Olivier Peslier sur le dos et sur seize cents mètre en ligne droite à huit contre un c'est jouable

- et le terrain est souple

- il y en a qui volent littéralement sur du lourd

- ben faut vraiment connaître les origines tenez mon père

- partis

- merde j'ai pas eu le temps de jouer ils ont fermé le guichet devant moi... il y avait la queue

- ce spiqueur m'énerve il parle trop vite

- à l'entrée de la ligne droite la casque orange et grise du numéro onze mène toujours devant le cinq qui se rapproche le long de la corde à deux cents mètres du poteau le cinq est sollicité par son jockey mais se fait coiffer d'une tête sur le poteau par le neuf extrait comme un flèche du peloton à la cote de

- houla à vingt et un ça faire mal en trio... le cinq est combien ?

- ma spécialité c'est plutôt le trot

- pas moi et puis empêcher les bourrins de galoper j'avoue que

- on les empêche pas on les conditionne

- peut-être mais ce n'est pas une allure naturelle... pour aller le plus vite possible un cheval galope non ?... vous avez quelquefois vu John Wayne trotter dans les westerns hein !

- dans ces films ya toujours des ternes qui vont à l'ouest

- ah ! monsieur plaisante... tiens un changement de monte dans la troisième... question de poids ou...

- et les obstacles ?

- alors là c'est autre chose... quand on montre l'obstacle au cheval et qu'on lui fait comprendre qu'il va falloir courir et le sauter puis gagner la course, qu'il redresse ses oreilles c'est marrant

- vous croyez vraiment qu'il comprend vraiment

- pardi !

- moi si je veux pas sauter je saute pas

- lui est conditionné pour pas vous

- les chevaux entrent en piste

- je vais jouer le changement de monte

- vous croyez que ça veut dire quelque chose

- non mais je joue toujours les changements de monte... tenez dimanche dernier à Chantilly j'ai touché le pactole

- et le nombre de fois que vous n'avez pas touché

- je compte plus... et puis on a tous nos petites manies

- moi je joue toujours les pouliches grises... un copain disait les gris c'est tout bon ou tout mauvais

- ya un gris dans cette course... un poulain

- aucune chance il est barré par Raffarinade en progrès

- oui mais c'est quand même un Aga Khan, une sacrée écurie

- Karim, oui j'ai connu celle du grand-père puis celle d'Ali qui avait épousé Rita Hayworth la dame de Shanghai du film d'Orson Welles... je me souviens d'elle à Deauville en 1950... quelle beauté... sa chevelure rousse...la reine du champ de courses... il y avait aussi à cette époque Madame Léon Volterra, son jockey Jean Deforge qui assurait sa monte,  Roger Poincelet dit le Professeur pour Marcel Boussac casque orange toque grise, l'australien W.R. Johnstone qu'on appelait le Crocodile, l'élégant Yves Saint-Martin et l'entraîneur François Mathet, Lester Piggott, Cash Asmussen, Freddy Head qui entraîne maintenant, le petit poids Ramel que j'aimais bien dans le handicap... un autre monde, les grandes dynasties de propriétaires les Rothschild Wildenstein la baronne Empain qui était vraiment mignonne la princesse de Faucigny-Lucinge qui l'était moins et le richissime américain Strassburger qui possédait une villa magnifique... maintenant il y a beaucoup de chevaux en multi-propriété... il y avait la pelouse le populo pique-nique saucisson et gros rouge, le pesage les aristos homard et champagne...on y jouait des centimes ou des fortunes, maintenant tout est mélangé, c'est pas plus mal, tout le monde joue souvent sans savoir grand-chose sur les origines des chevaux les distances l'état du terrain la corde... même les femmes avec les dates de naissance des gamins... alors... j'ai fait le plein d'histoires depuis le temps...

- vous êtes une vraie encyclopédie heu vivante

- nan, juste un amateur éclairé et âgé qui perd souvent mais... vous jouez quoi vous là ?

- un couplé, Raffarinade et Tortilla, je trouve que ça va bien ensemble, non ? et puis...

- les chevaux sont partis le huit a pris le commandement Tortilla ferme la marche tandis que le jockey de  Raffarinade sollicite déjà le poulain dans la forte pente de la ligne d'en face et... photo à l'arrivée une encolure  entre l'as et le deux...

- bon c'est pas encore pour cette fois, je suis quatrième et cinquième je me suis fait enfermé à l'entrée de la ligne droite

- attendez la dernière pour vous refaire

- quand ça veut pas...

- vous connaissez l'histoire du gars qui joue le sept et dit qu'il a gagné parce que son cheval est arrivé septième

- je crois bien que c'est du Coluche

- ce genre de blague les turfistes aiment pas trop

- ah !... et vous  vous avez vu le film des Marx Brothers... Un jour aux courses ?

- oui aussi... alors là, ils aiment.


©  Jacques Chesnel  (conversations)


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08/02/2010

SIX PERSONNES ÂGÉES EN QUÊTE DE HAUTEUR

 

THÉÂTRE


SIX PERSONNES ÂGÉES EN QUÊTE DE HAUTEUR

(in memoriam Luigi Pirandello, Six personnages en quête d'auteur)


Saynète à lire, en deux actes


Lieu : maison de retraite en région inconnue, de nos jours


Personnages : trois femmes : Renée, 92 ans, la doyenne

Danièlle, 84 ans

Simone, 78 ans

trois hommes : Claude, 81 ans

Serge, 79 ans

Gaston, 89 ans


Afin de mieux "se représenter" physiquement les personnages, une comparaison est faite avec des acteurs de cinéma des années 50 dits de second rôles ; ainsi Renée ressemble à Gabrielle Fontan, Danièlle à Suzanne Dehelly, Simone à Pauline Carton, Claude à Alerme, Serge à Noël Roquevert et Gaston à Jean Tissier.


Acte 1


Les  personnages sont à table dans la salle à manger et attendent qu'on leur apporte le repas.


. Serge - il paraît qu'aujourd'hui il y a du sauté de veau aux carottes

. Gaston - c'est pas ça qui va nous apporter de vitamines

. Renée - oh ! mon cher, vous êtes bien assez excité comme ça si vous voyez ce que je veux dire ah ah ah


rires sauf Gaston

 

. Gaston - je préfère mon excitation comme vous dites à votre somnolence perpétuelle comme vous êtes vous

. Simone - allons allons, ne recommencez pas à vous chamailler, c'est insupportable surtout à table

.  Gaston - on ne se chamaille pas car moi ce que j'en dis à table ou ailleurs c'est pour alimenter la conserv heu la conversation

. Renée - en plus des vitamines, ce qu'il nous faut maintenant  et vite c'est quelque chose de fort pour nous soutenir pour continuer à vivre et encore longtemps, on va pas décaniller comme ça, dites

. Serge - il y a un truc pour tout ça dans le veau AVEC les carottes, quand on était pétiot, on nous disait que ça nous aidait à grandir

. Claude (sortant de somnolence) - ya intérêt pasque moi à la toise hier pendant l'examen médical la doctore Raisse a trouvé que j'ai rapetissé (rires, toux)

. Danielle - ah! celle-là c'est la meilleure, vous ra-pe-tis-sez, vous mesurez combien maint'nant qu'on le dirait pas

. Claude (fanfaronnant) - devinez, ma chère... ah! voici le plat de résistance qui sent bon... avant ou après ? avant, un mètre quatre-vingt cinq, maintenant quatre-vingt deux, j'ai perdu trois centimètres que je ne sais pas où ils sont passés

. Renée - mon mari Henri avait perdu cinq centimètres en deux ans et n'avait pas pu les récupérer malgré tous ses efforts en salle de gym sous contrôle, vous avec vos trois vous avez encore de la marge

. Simone - est-ce que c'est pareil pour les femmes ?, déjà qu'avec nos problèmes enfin je veux dire la ménopause, l'osthéoporose, l'arthrose jusqu'au pot aux roses machin-chose, on est pas gâtées

. Renée - remarquez, tant qu'on n'est pas gâteuses... de toutes façons, on se tasse, le principal étant qu'on ne la boive pas et il y a de la marge

. Claude (laissant tomber sa serviette) - au moins sur le rapetissement on peut espérer l'égalité des sexes, ya pas de raison vu nos problèmes masculins

. Serge - oh! perdre de la hauteur ce n'est pas rien, regardez, pourquoi les hauts talons pour femme et les talonnettes pour homme, moindres remèdes

. Danielle - on dit aussi raccourcissement ou ratatinement, quoi qu'il en soit voilà bien une réduction, une diminution

. Claude - hé ! je ne me sens pas diminué, j'ai toute ma tête

. Danielle - bien sûr, sauf qu'elle passe plus facilement sous la porte

. Simone - je vois que le débat prend de la hauteur

. Serge - moquez-vous, ma chère, avec votre petite taille parfois vous paraissez si lointaine que

. Gaston - faudrait pas confondre, je rapetisse d'accord, je ne rétrécie pas, c'est seulement la taille, un phénomène lié à l'âge dit-on

. Danielle - bah ya tellement d'autres phénomènes, j'ai toujours bonne vue mais je perds un peu côté oreilles, les sons deviennent plus sourds

. Claude / Alerme - alors faut vous parler plus fort, plus fort comme ça (il hurle)

. Danielle - je vous ai pas demandé de crier, je ne suis pas sourde, pas encore, alors que vous avec vos centimètres qui se débinent, mon p'tit monsieur vous...

. Simone - la vieillesse est un naufrage, disait le grand Charles, donc le principal ce sont les bouées de sauvetage qu'il faut récupérer vite fait, non ?

. Serge - pour en revenir à notre problème, il y a paraît-il des  solutions, l'étirement et l'élongation vertébrale, à pratiquer sous conditions, tenez par exemple, vous mettez une barre sous le chambranle d'une porte et vous vous pendez par les bras

. Claude - et alors

. Serge - vous attendez, quand vous en avez marre, vous lâchez, on dit que ça marche, ça provoque la colonne vertébrale, enfin moi ce que j'en dis, je n'ai pas essayé, je n'arrive pas à attraper la barre

. Danielle - même en montant sur un p'tit banc comme pour se pendre et hop !

. Gaston - il paraît que ça fait de drôles de bruits incontrôlés, on baille, on rote, on pète, on s'étire se détire et on s'allonge on rallonge, alors demain j'essaie, prendre un peu de hauteur ça ne peut pas faire de mal vu que

. Simone - vous allez pas vous pendre quand mêêême, à votre âge, à moins que pour avoir une rérection, non ?

. Gaston - nan, pas de danger, j'attends bientôt une crémaillère alors vous pensez

. Renée (se réveillant) - c'est l'heure du café ?


Fin de l'acte un

 

Acte deux


Deux jours plus tard, dans le salon à l'heure du thé, à la porte une barre horizontale a été posée

Tous les pensionnaires sont réunis

 

. Gaston - c'est aujourd'hui le grand jour, Claude a fait une plaisanterie dont il est coutumier : c'est le jour de Raymond

. Renée - hein ? qui ?

. Serge (avec une main en écouteur sur son oreille droite) - il a dit c'est le jour de Raymond, pour la barreueueu, Raymond, RAYMOND Barre, ahahah !

. Danielle (sourire en coin) - ya pas que Raymond pour la barre, ya aussi Sally, la Sally Mara de l'autre Raymond, le grand Queneau, mais là c'est autre chose de plus cochon parce que dans le livre il y va pas de main morte

. Gaston - bon c'est pas tout ça, quelqu'un peut m'aider à attraper cette putain d'barre qu'elle me paraît trop haute que je croyais

.  Simone - ah faudrait savoir parce qu'en plus il faut vous soulever et avec votre poids que vous pensez plume, allez un petit effort mon cher... et hop les garçons suspendez donc ce petit monsieur


Noël Roquevert et Jean Tissier prennent Alerme qui tend les bras et attrape la barre et

 

. tous le monde d'une seule voix -  quand vous vous sentirez avoir grandi et pris un peu de hauteur, on viendra vous chercher, bon courage, hein ?.

Tous quittent la pièce en riant sauf Gaston qui braille - ohé !

 

Rideau

 

FIN

 

©  Jacques Chesnel  (Miscellanées)

 

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23/01/2010

LE SAC À QUI, LE SAC À QUOI

Elle avait toujours eu le goût des sacs, depuis la petite enfance avec son premier réticule cadeau de sa Mémé ; cela ne l'avait jamais quitté, toutes formes et contenances ayant ses faveurs au fil des ans avec comme exception le porte-documents trop masculin ; mais du baise-en-ville à la sacoche, de la besace à la musette, de l'escarcelle au cabas, de l'aumônière à la gibecière, elle avait choisi en fonction de ses inclinaisons ou de ses besoins, privilégiant la qualité évitant les contrefaçons sauf une fois, évitant autant que possibles les sacs à viande, à malice, à vin, à papier, à dos, de corde et de tout mettre dans le même.


Quand Jérémie connut Magali, fille d'un professeur de français et d'une mère italienne, elle venait d'avoir vingt-huit ans et sortait d'un divorce pénible, mari brutal et retors, sans enfant et était en plus diablement jolie. A chaque rendez-vous, elle avait un nouveau sac, au vingtième quand il se décida à l'embrasser, son fourre-tout en bandoulière tomba quand il le ramassa il fut étonné du poids tout un tas de choses diverses dedans tu trimbales tellement d'objets de trucs oh non moins que d'habitude tu as besoin de tout ça oui. Jérémie croyait bien connaître les filles ; avec Magali il s'aperçut qu'il ne connaissait pas grand-chose et cela lui plut quand même. Magali avait cru bien connaître les garçons mais son mariage malheureux la laissait sans illusions sauf que Jérémie... était un très bon porteur de sac quand il était lourd et qu'il embrassait bien sans mettre la langue comme les chiens. Ce qui le surprit lors de leur premier rendez-vous dans sa garçonnière c'est qu'elle ne portait pas de sac ou plutôt une sorte de porte-monnaie à sa ceinture pour le préservatif au cas où... Ce fut si bien qu'ils décidèrent de se revoir plus souvent et de continuer cette amourette qui devenait de plus en plus sérieuse à chaque rencontre. Jérémie entra dans le jeu des sacs et se mit à lui faire des cadeaux mais où vais-je bien mettre tout ça tu es fou arrête.


Ensemble ils se découvrirent une passion pour les animaux surtout ceux dit de compagnie surtout les chiens surtout les petits chacun avec sa préférence le chihuahua pour elle et le jack russell pour lui. Comme ils n'envisageaient pas pour le moment de se mettre en ménage, leur passion s'exprimait en exclamations d'admiration ou en caresses de rencontres. Ils commencèrent à fréquenter les chenils et refuges de la SPA Magali refusant les léchouilles des chiots avec leurs langues comme celle de Jérémie qui se faisait de plus en plus insistante lors de baisers de plus en plus profonds beurk alors que pour le reste il était plus du genre lapin que canin et elle aimait bien. Ils devinrent alors imbattables sur les races et les comportements les pièges à éviter au fur et à mesure du développement de leur histoire d'amour.


Quant Jérémie ressentit les premiers chatouillis dans le côté droit du ventre il ne se doutait pas que cela se transformerait en appendicite agravée et qu'il fallait l'opérer d'urgence faute de quoi. Tout se passa bien. Magali venait tous les soirs à la clinique après le boulot avec toujours ces foutus sacs qui semblaient à la fois l'empêtrer et lui convenir cela le faisait marrer quelle manie ou addiction non ?... Le troisième jour la cicatrice tirait un peu et une infirmière lui dit c'est normal je vais vous donner un calmant qui le mit légèrement dans les vapes état où il se trouvait quand Magali arriva cette fois avec un grand sac à petites poignées qui paraissait un peu pesant ; quand elle s'assit après la bise habituelle Jérémie eut l'impression que cela bougeait dans le sac et mit cela sur le compte du médicament qui lui donnait un peu la nausée il lui demanda ce qu'elle trimballait encore. Magali se leva ouvrit la porte de la chambre regarda dans le couloir ya pas d'infirmière en vue tiens et elle ouvrit la fermeture éclair.

Une paire d'oreilles se pointa puis le museau d'un chiot jack russell auquel elle n'avait pu résister sachant que cela lui ferait plaisir et venait le montrer caché alors que tout le monde sait que les animaux sont interdits dans les hôpitaux et il se mit à aboyer en voyant Jérémie. Elle le renfourna immédiatement dans le sac qui se gondolait toujours et dit tu sais tu le retrouveras en rentrant enfin chez nous quand tu sortiras je viens de signer pour un quatre pièces alors t'es content hein ? depuis le temps que tu le désirais... ouaf répondit le sac.


©  Jacques Chesnel  (Miscellanées)

 

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10/01/2010

CONVERSATION 7

- c'est qui ce con qui nous réveille à six heures avec le cri de Tarzan

- ah !

- ah qui ?

- un gars qui se prend pour Franck Dubosc

- du quoi ?

- Bosc, un comique, enfin si on veut pasque ...

- vous trouvez comique de réveiller les gamins à cette heure

- c'est pire à six pas à sept

- les miens se rendorment pas

- nous on n'en a pas alors on en profite pour

- je vois... au petit matin gros gourdin

- ya pas que le matin

- le camping me stimule aussi

- nous on est en caravane

- en caravane la panne... hein !

- tiens le voilà qui recommence

- je vais aller lui dire deux mots

- ce sera pas assez pour le convaincre

- j'ai d'autres arguments

- je serais curieux de

- une année à Pornic il y avait un type de ce genre ça a pas duré deux jours de plus

- avec quelle méthode ?

- le Ricard

- le Ricard ?

- oui... avec une dose d'eau de Javel

- la Javel ?...et alors ?

- rien... malade comme un chien s.o.s. médecins hosto et hop barré

- ya pus qu'à inviter le gars Bosc à l'apéro ce soir

- il dit qu'il boit pas d'apéro

- c'est quoi son truc à lui

- la plongée sous-marine

- merde j'ai pas le pied marin

- moi non plus mais ya aut'chose... il a le vertige des profondeurs

- faut faire quèque chose... car c'est plus tenable

- alors on lui propose une partie de pêche et... hop un p'tit coup doux sur la tête... au fond...oh ! mince alors un accident le pauvre garçon qui remonte pas lui qu'était si sympa et si matinal

- mais ça ressemble à un meurtre

- non à un accident de plus de tous les jours tout simplement

- eh ben vous... comme vous y allez grave

- tiens, le voilà qui radine

- il a l'air un peu péteux

- c'est une posture

- bonsoir messieurs... vous vouliez me voir à c'qu'on dit

- ben oui... pour le cri de Tarzan

- ah trop tôt peut-être ou trop fort ou trop quelque chose

- c'est-à-dire que

- on se demandait si

- bon on peut causer alors

- voyez-vous les gamins on les tient plus le matin et nous

- si vous pouviez... enfin... tout le monde...

- pas de problème si ce n'est que ça... je croyais que...

- non non...Tarzan seulement... les cris de votre dame la nuit on comprend... quand on était jeune... et puis ça nous donne des idées

- et nos femmes ça les arrange remarquez... elles sont plus toutes jeunes... alors ça les émoustille et titille et paf

- même qu'elles en redemandent... ya que pour les gamins que

- je vous souhaite bien du plaisir messieurs... dites, je vous voulais vous demander si par hasard vous seriez pas partant pour une partie de pêche sous-marine car on m'a signalé un banc de poissons pas très loin et

- vous êtes très sympa mais nous à nos âges

- et puis on n'a rien

- vous en faites pas j'ai tout le matériel qu'il faut

- c'est que voyez vous en fait tous les deux on a le vertige des profondeurs

- par contre vous prendrez bien un p'tit Ricard spécial avec nous... oh ! Ginette apporte les glaçons......


©  Jacques Chesnel  (conversations)

 

 

 

 

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06/01/2010

ET PUIS FANNY...

Elle avait choisi de faire une galette des rois ce six janvier bien que dans la famille personne n'était royaliste à part peut-être le grand-père avec Ségolène et encore parce que il aimait bien sa coiffure et... elle se foutait pas mal de toutes ces recettes anciennes ou modernes, conservatrices ou révolutionnaires, ce n'était pas maintenant qu'on allait lui dire comment il fallait la faire cette foutue galette, Maman Maman heu ils donnent des recettes à la télé on peut la faire au chocolat maintenant et pas à la frangipane qu'on aime pas on la veut au chocolat et Papy aussi je vais la faire comme d'habitude et ceux qui ne sont pas contents ils n'en mangeront pas voilà tout... elle alla jeter quand même un œil sur le poste dans lequel un grand et beau gars avec une toque d'un mètre de haut faisait le joli cœur en paradant devant une douzaine de bonnes femmes excitées qui le couvaient littéralement des yeux et se trémoussaient en cadence au moment de la mousse au chocolat que le gandin s'apprétait à appliquer sur la pâte feuilletée c'est pas lui qui va m'apprendre aussi dit-elle en voulant couper le son qui l'énervait mais dû y renoncer face aux cris de protestation surtout de Papy Marcel qui reluquait les donzelles devant l'écran raplapla cadeau du père Noël et de René le mari qui voulait voir le foot en plus grand le René qui justement rentrait du boulot et dit qu'est-ce que c'est que tout ce bordel ho on se tait on se calme où qu'est Maman elle est dans la cuisine pour la galette des rois mages qui son revenues pour sa fête que Papy dit et puis Fanny c'est pas sa fête nan et pis d'abord on dit épiphanie qu'est du vieux français pour le retour des rois en visite au petit Jésus avec des cadeaux mais Papa tu dis que tout ça c'est rien que des conneries ouais mais pour la galette c'est une tradition qu'est-ce que ça veut dire tradition ben c'est comme ça depuis longtemps et que ça va pas changer... Fanny arriva de la cuisine et dit à René ya un problème avec la farine que j'en ai pas assez pasque t'as invité Lucien et Georgette sans prévenir que j'avais pas prévu plus faut que tu vas à l'épicerie du coin maintenant mais c'est bientôt l'heure du match que je veux pas louper avec Manchester Younaytide et ben tu files rapido sans ça pas de galette... René parti fissa et revint avec un paquet de farine Francine le seul paquet qu'était en rupture de stock parce que j'étais pas client régulier bon on fera avec et René s'effondra dans la canapé avec la zapette pour changer de chaîne que c'était l'heure du foot et que les gamins se mirent à hurler à cause de Mickey et de Donald qu'on veut voir la fin que Papy il aime aussi depuis qu'il est tout petit...

Revenue à ses fourneaux et à sa galette, Fanny s'assit un moment, se prit un p'tit verre de Porto blanc qu'elle aimait bien et planquait dans un coin pour elle toute seule et la machine à penser se mit à carburer dans le genre bientôt cinquante ans et puis quoi je me le demande, j'en ai marre marre de René et son foot des gamins et leur télé du Papy gaga gâteau de leur galette machin et tout le tremblement cela faisait déjà quelque temps des semaines qu'elle ruminait tous ces trucs qu'on se pose quelquefois sur l'existence la famille l'amour le fric la vie la mort le reste ce mari qu'elle n'aimait plus à cause du foot qu'avait tout abîmé gâché foutu de la télé bling bling ou con-con comme ils disent  sans rien y changer surtout pas tous ces programmes pour la ménagère de son âge qu'elle avait jamais rien demandé ces Nikos Patrick Arthur Nagui Christophe merci-Jean-Pierre Cauet Sébastien Julien et autres tous pitres plus pitoyables les uns que les autres qui se démènent et se déhanchent sans compter les pétasses potiches qu'elle regardait machinalement les soirs où le foot était en grève parce que les joueurs gagnaient pas assez de millions ou que le manège ne tournait plus rond ou les coups de gueule médiatiques d'un type qui braillait sans arrêt c'est d'la merde tandis qu'un autre faisait sa chochotte devant les marmitons... et que je me reverse un p'tit verre puis un autre pendant que ça braille de plus en plus dans le salon et que ça commence à sentir le brûlé dans le four et le roussi aussi...

Elle se leva, retira son tablier, se recoiffa rapidement, sa décision était prise... et puis Fanny sortit par la porte de la cuisine, dans le petit bout de jardin on voyait les étoiles surtout celle du berger qui guidait les rois mages en ce jour de fête du six janvier de l'an... et puis Fanny se mit d'abord à rire et à pleurer sans pouvoir se retenir en ce jour de... et puis Fanny se reprit et se dit que enfin pourquoi pas puisque c'était aussi le premier jour des soldes... et puis Fanny...


©  Jacques Chesnel  (Miscellanées)

 

 

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02/01/2010

LE DOS AU MUR

Après "face au mur", Julien se retrouve vingt après chez Totor le bistro qui a troqué son patronyme contre "le Café du Commerce" avec un nouveau patron, Gérard, grande gueule qui savait tout, connaîssait tout, comprenait tout et baisait tout. La télé a maintenant son écran plat avec plus de cent chaînes au compteur, le comptoir n'est plus moitié zinc moitié formica mais en marbre de chez carrare et toutes les serveuses qui se succèdent à la vitesse grand V sont blondes comme des présentatrices de ces journaux télévisés plus ou moins aux ordres du nouveau gouvernement godillot du nouveau président. Julien y vient par habitude depuis le temps mais pas pour la télé car il l'a chez lui dans son petit deux pièces genre HLM où il loge depuis le départ de Monique peu après la tombée du fameux mur. Il a vendu la ferme pour trois fois rien vu sa valeur, touche une retraite minable de cultivateur minable de la Pac minable, mange peu mais grossit quand même, se lave une fois par semaine sauf la tête puisqu'il n'a plus de cheveux ou presque. Il a des nouvelles de sa femme à chaque Noël, elle lui dit qu'elle va bien avec son amoureux allemand un maquignon qu'elle avait rencontré à la foire aux bestiaux du chef-lieu de canton. Julien a soixante-dix ans maintenant, n'a pas refait sa vie comme on dit, il a un chien, un berger belge, pour combler sa solitude et se promener même quand il pleut.

Ce jour-là, il a donc décidé de se retourner sur son passé le soir où il avait vu le fameux mur tomber dans le rade de Totor mort depuis espérant aussi revoir Marcel qu'il savait malade après un infractus qui l'avait diminué. Question santé, il n'avait pas à se plaindre, oh quelques rumatisses de saison, des pertes au profit du cœur mais rien d'alarmant car il avait encore toute sa tête à lui mais ne devait pas faire d'efforts dont il aurait eu tort de se priver.

Bon, à croire que ce soir tous les gens du village, ceusses qui sont restés, se sont donnés le mot sans un mot plus haut que l'autre à demi mot pour voir cette comme les morations car il y avait bien là bien une quinzaine d'hommes et deux femmes inconnues genre péri pas téticiennes que le Gérard n'avait jamais vu autant de monde d'un coup à part les jours d'enterrement.

- bon dieu de nom de nom de dieu, dit l'un, le plus âgé le plus vert aussi à cent balais, faut vraiment qu'il ya c'mur pour qu'on se rencontre tous dans ce gourbi de

- ben dame, c'est pas tous le jours qu'y en tombe un des murs alors faut fêter ça

- oh ! faut quand même dire que des murs y en a 'core partout, aboya le plus fûté, l'ancien postier qui ressemblait à Besancenot vieux, des murs de la honte qu'on les appelle, entre les juifs et les arabes, les ricains et les mex et pis avec cette foutue mondialisation le mur du fric quèque vous en faites, le mur de la parole, le mur du sexe, le mur des races, le mur du travail, le mur des arts, de la politique, du commerce, des armes... j'pourrais vous en dire encore plus si ça ne m'étouffait pas dans la gorge.

Julien, on le sait, avait souvent la bouche bée qu'il en oublia de la béer plus encore et dit :

- putain, et le mur des religions, vous vous rappelez les vitraux de l'église que...

- silence, dit Gérard en regardant la télé, c'est maintenant les discours avant les dominos que Lèche machin le polak va faire tomber.

Silence... bien que Gégé a remonté le son.

- c'est pas vrai, v'là que le Lèche y dit que c'est Jean-Paul numéro deux  qu'à fait tomber le mur, d'ici là que soit pas le p'tit Jésus, il est gonflé

- y paraît que la chandellière elle vient de l'air béat où elle a vécu toute sa jeunette

- voui, elle a fait un sacré bout de chemin et se nourrit bien vu sa taille, elle a rattrapé le temps perdu

- ah ! les allemands y bossent plus que nous, ça on peut le dire et puis la bière

- faudrait pas qu'ils reconstruisent un mur entre eux et nous quand même, manquerait plus que ça, dit le vieux Besancenot en toussant

- à ce moment-là, dit Julien, j'peux vous dire qu'avec les masses et les pioches qu'y me restent, j'irais leur casser leur mur moi comme pour les vitraux de l'église, tiens !.

- on ferme, dit Gérard.


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FACE AU MUR

Du fin fond pimpon de sa campagne, Julien apprit qu'il y avait un mur à heu Berlin par le voisin de la ferme d'à-côté qu'on disait communisse parce qu'à la messe pour faire chier notre curé en sous-soutane il portait une cravate rouge avec dessus une photo d'un gros moustachu qui ressemblait de loin à Brassens en nettement plus moche et qui lui ne portait jamais de casquette militaire ah ça non ; avec les autres gars du café il avait bien rigolé au gorille surtout quand le juge se fait enculer. Il alla donc chez Totor le lendemain pour voir le mur à la télé ; Berlin, il avait vu ce nom là sur la carte de géographie à l'école communale mais après... Quand il vit ce fameux mur, il resta bouche bée ce qui lui arrivait souvent mais là encore plus bée que d'habitude. Tout ce foin pour un mur en béton qu'était même pas en pierre taillée comme ceux de la commune, ben ça alors. Le Marcel à la cravate rouge lui dit que les gars de l'autre côté en avait plus que marre parce que avec les commusisses c'était pas ce qu'ils avaient espéré que tous les jours y en avaient qui se barraient par-dessus et par-dessous n'importe comment et que ça pouvait plus durer et qu'on allait pas continuer longtemps comme ça. Julien qui n'avait pas même la radio encore moins la télé, n'était au courant de rien si ce n'est qu'à son avis on faisait beaucoup de bruit pour un mur qu'il voyait tout barbouillé de peintures à la Picasso comme les vitraux de la nouvelle église et qu'il y comprenait rien mais qu'il aimait beaucoup sauf que ça devait avoir coûté bonbon au maire qui regardait pas à la dépense. Sa femme Monique lui disait t'occupes pas de toutes ces conneries ya du boulot dans l'étable et aux champs, nom de dieu, faut te remuer. Quand même, cette histoire de mur tout gribouillé le turlupinait comme si on aurait mis un mur bigarré entre le bistro et les pissotières municipales ou entre la ferme et les champs pour faire chier tout le village ; il décida donc d'aller chez Totor tous les soirs pour regarder les actualités alors qu'il ne buvait jamais en dehors des repas sauf quelquefois et que rien ne l'avait vraiment branché jusque-là, la popolitique et toutes ces coconneries, les pédés qui se trémoussaient avec des filles nues dans leurs costumes de cinglées sur des musiques de nègres.

Un soir, on vint le chercher en courant Julien viens vite ya du nouveau avec le mur. Il y avait beaucoup de monde devant le poste et devant le mur, il y avait beaucoup de bruit aussi devant les deux. Il réussit à se faufiler au premier rang pour voir d'abord un vieux pépé à l'air radieux qui jouait d'un gros violon comme il n'en avait jamais vu, une musique comme il n'en avait jamais entendu et puis toute une escouade de gars avec des pioches et des masses commencèrent à taper dans ce foutu mur tandis que les plus jeunes dansaient que les plus vieux s'étreignaient que les flics et militaires regardaient sans broncher tandis qu'une foule venant du côté où le mur n'avait pas de barbouillages franchissait des passages comme si elle avait le feu au cul et restait ébahie sous le projecteurs. Julien ne comprenait rien à ce spectacle parce qu'il ne s'intéressait à rien sauf à la ferme, aux corvées, à Monique de temps en temps mais voir tous ces gens si heureux lui donna soif et il réclama un calva au Totor tout étonné et même un deuxième.  Le brouhaha augmentait au fur et à mesure que le mur tombait ; Julien, un peu bourré,  se mit à rire aussi avec les autres tout en pensant aux nouveaux vitraux de l'église ; il se demandait si un jour on allait pas faire pareil et s'il ne serait pas le premier à taper dedans.


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20/12/2009

LA MENDIANTE ET L'ABAT-JOUR

Cela faisait déjà quelque temps qu'il l'avait répérée, il ne savait rien d'elle qu'il voyait accroupie ou assise sur un petit banc très bas dans le parking du grand magasin, proche de la porte d'entrée, toute recroquevillée, avec en évidence un carton sur lequel était mal écrit mais sans faute : je suis sans travail avec deux enfants à élever, c'était tout, cela en disait long mais hélàs pas grand-chose aux yeux des chalands indifférents car sa sébille qu'elle tendait timidement était souvent vide ; à chaque fois, il glissait une pièce d'un euro et obtenait un merci dans un souffle avec un léger accent indifinissable, balkans ?.

Le soir, après un dîner léger dans sa cuisine minuscule, Jérome passait dans son salon/salle-à-manger pour regarder un film à la télé sur la centaine de chaînes grâce au câble ; depuis le départ de Myriam, il ne sortait plus se contentant d'un film par soir et après au lit avec un somnifère pour ne penser à rien. Dans l'immeuble d'en face, au sixième étage, le même que le sien, il y avait un abat-jour déjà allumé lorsqu'il se vautrait sur le canapé et de temps en temps il jetait un œil sur la fenêtre et l'abat-jour toujours allumé, un abat-jour assez volumineux d'aspect plutôt ancien qui lui rappelait celui d'une voisine chez qui il prenait des leçons de piano lorsqu'il avait quinze ou seize ans, un objet avec un gros nœud rose qui trônait sur une cheminée factice, il profitait d'ailleurs de ces leçons pour lorgner dans le décolleté de Madame Agathe, si généreux et si profond.

Ce jour là, il n'y avait pas beaucoup de monde, Jérôme lui demanda si ça va ? oui, répondit-elle en rougissant, vous ne pouvez pas entrer dans le hall ?, non, eux pas vouloir, une conversation s'amorça devant les clients à l'air étonné ou méprisant

- vous logez où ?

- chez une madame, une chambrrre

- les enfants vont à l'école

- oui un peu

Avec le doigt Jérôme lui montra son alliance qu'il portait encore

- vous ?

- oui marrri restè pays sans travail

- quel pays ?

- là-bas

- vous avez des papiers ?

- papiès... non

- attendez, moi aller voir direction

A la direction qui le fit poireauter car ce n'était pas pour acheter, on lui expliqua que vous comprenez si on en autorise un ils vont tous rappliquer et alors la clientèle je vous dis pas... et puis on ne sait pas d'où ils viennent, mais je suis un client, moi monsieur... et cela ne vous dérange pas de laisser une femme dans le froid les odeurs et les gaz d'échappement ? mais vous c'est pas pareil... évidemment.

Tous les soirs, le rituel était le même, allumer la télé, s'affaler sur le divan, regarder par la fenêtre et l'abat-jour toujours allumé. Jérôme aurrait bien demandé au gardien qui habitait dans cet appartement, un homme une femme une personne seule comme lui, il pensait à une femme dont le mari était parti et qui se retrouvait tous les soirs devant sa télé et sa centaine de chaînes, comme lui. Quand le film était fini, et après un coup d'oeil aux infos, il allait à sa fenêtre dans l'espoir d'en voir et d'en savoir plus ; rarement, l'abat-jour était éteint et il se posait tout un tas de questions sans réponse, heureusement le lendemain la lumière était revenue.

Maintenant, Jérôme avait droit à un sourire en plus du merci, elle avait un petit haussement d'épaules lorsqu'il s'excusait de ne pas avoir de monnaie, elle lui disait bonjourrrr et au rèvoirrr ; il s'était inquiété de ne pas l'avoir vu deux mardis de suite, il fut soulagé de la revoir et devant son air interrogatif enfant malade hospitâââl avoua-t-elle, Jérôme lui sourit et doubla son obole, il ne voulait pas employer le mot aumône qui lui rappelait trop cette religion imposée qu'il avait rejetée il y a si longtemps ; il lui demanda si elle n'avait pas de problème avec la police, elle regard autour d'elle et fit non de la tête et dit moi courirrrr ce qui prouvait son angoisse, elle devait avoir entendu des propos désagréables. De retour de voyage, répondant à l'appel désespéré de Myriam en pleine confusion, il la revit, elle était toujours là avec ses yeux qui brillaient quand elle apercevait Jérôme qui se posait des questions, était-il vraiment tombé amoureux ?, et elle, n'y avait-il pas dans son regard ?.

Depuis quelque temps, le problème des émigrés et des sans-papiers avait pris une ampleur qui inquiétait Jérôme, le ministère de l'immigration et de l'identité nationale dont il se demandait ce que cela pouvait signifier, les comportements et les propos racistes des ministres, la résurgence de la xénophobie, les tribunes dans les journaux et sur le net, les émissions et débats à la radio et à la télé, il avait pleuré et applaudi à la projection du film Welcome, rencontré des associations de défense des droits de ces paumés, participé à des discussions enflammées sur leur sort et notamment sur les exclusions, les rafles jusque dans les écoles, les expulsions vers un pays en guerre, les tracasseries administratives, signé des pétitions malheureusement restées sans réponse... mais pourquoi était-il à la fois révolté et incompréhensiblement heureux, peut-être parce que la mendiante était encore là, accroupie ou assise sur son petit banc et l'abat-jour toujours allumé...

... jusqu'à ce matin-là quand il apprit que la police était venue la chercher et l'avait emmenée, jusqu'à ce soir-là où il constata que l'abat-jour n'était pas allumé et que les feux d'une ambulance clignotaient au bas de l'immeuble.

 

©  Jacques Chesnel  (Miscellanées)

 

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CONVERSATION 14

- je sais plus très bien où j'en suis car j'y entrave que couic de nouveau

- allons bon décidément

- vous y connaissez quèque chose vous à la grippe cochonne  hache un naine un... et au tamis flou ce vaccin qui guérite

- j'avoue que je suis un peu comme vous

- ah ! et maintenant en plus cette taxe carbone à rats pour l'écho au logis, n'importe quoi

- bon soyons clair parce que avec toutes ces informations contradictoires y en a qu'une seule chose de certain... va falloir encore cracher au bassinet comme des pauvres pékins de chinois qu'on est

- attention ils veulent pas qu'on crache ailleurs que dans le bassinet... après tout  pourquoi pas si ça tue les microbes

- vous vous voyez avec un masque vert en plus

- remarquez pour Simone qu'est moche comme un pou ça se verra moins

- ben si tout le monde n'en n'a on se reconnaîtra plus et bonjour les qui à propos

- tenez... pas plus tard

On frappe à  la porte

- ça doit être Maurice, ENTRE

Cris d'horreur, hurlements

- mais... mais... qui... qui êtes vous ?

- ben c'est moi, Maurice, bordel

- hou ! tu nous a fait une de ces peurs avec ce masque on t'aurait dit Jacques Villeret dans le navet de la soupe aux chou

- ils nous ont obligés au bureau, tout le monde n'en porte, c'est la consigne

- t'enlèves ça vite fait... ici on est pas au bureau et y a pas de signes de cons

- ouf... je respire un peu mieux et ça donne soif ce machin là, des fois que ce serait un coup des publicitaires genre ce gars-là à la Rolex pour nous faire picoler plus

- va savoir... comment vous faites pour vous repérer au bureau

- on a tous des pancartes à la boutonnière, tenez regardez

- y en a pas qui triche ?

- comment voulez-vous, on a embauché un contrôleur

- un contrôleur de masque ?

- ils reculent devant rien

- et à la cantoche ? pour bouffer ?

- ça pose un problème, on est plus qu'un seul par table obligatoire... alors il y a la queue forcément et ça rouspète sec surtout Monique qu'est rousse et qui pète souvent

- ah ! c'est malin, si t'as que ça comme plaisanterie Momo tu peux repasser

- nan, mais d'abord tout le monde rigole

- et ben pas nous parce que cette cochonne de grippe

- on en a vu d'autres

- vous pensez à l'espagnole

- il y a tellement de virus de partout maintenant alors espagnole ou d'ailleurs

- et les antibiotiques qui ne font plus rien

- tenez l'aut' jour à la pharmacerie, le réparateur nous dit de toutes façons soyez tranquilles il y aura des milliers de morts

- putain, je remets mon masque

- hé on est pas contagieuses et tu vas foutre la trouille aux gamins

- avec allo ouine et tout le tintin ils ont pus peur de rien

- ils vont interdire les matchs de foot qu'y paraît

- et pourquoi pas le tennis

- parce que y a que deux joueurs par match

- n'empêche et dans le public

- c'est un jeu de chochottes et un public de tantes alors qu'au foot c'est du lourd des costauds

- et au rugby avec leur calendrier de balèzes où qu'y font tenir leur serviette avec leur gourdin du matin vous trouvez ça correct

- de toute façon ce cochon de virus y fait pas de différence

- comme l'autre là le chique au goujat ragnagna à la Rénunion

- et cette salope de mouche qui fait tusais tusais que les gens s'endorment sans même le savoir

- et si qu'on s'attrape les deux en même temps

- avec le cancer, le sida, almisère ou parkingson en plus on n'en sort plus ils savent pas quoi inventer

- on a intérêt à se protéger... Maurice court nous acheter des masques, pasque je me sens pas bien tout d'un coup et mouche-toi dans ton coude quand même

- et demandez si ils auront assez de tamis flou en cas des épis et demi.

 

©  Jacques Chesnel  (Conversations)

 

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18/12/2009

LE BAISEUR

Après avoir vu au cinéma, enfin, Fenêtre sur cour et ensuite acheté le DVD, Julien, qui venait de gagner une paire de jumelles à Questions pour un champion, décida tout d'un coup de jouer à James Stewart mais sans jambe cassée et sans hélas Grace Kelly et d'aller espionner intimement ses voisin d'en face qu'il détestait tous sans savoir pourquoi. Bon, il matait déjà un peu le soir à travers le vasistas de la salle de bains, comme ça sans plus, mais avec les jumelles tout allait changer. Véronique lui demandait bien ce qu'il faisait dans la toilette, euh, je hume le temps de demain répondait-il, ce qu'elle m'agace pensait-il et elle il lui faut deux heures pour son foutu vernis à ongles sur les doigts de pied comme si elle en avait pas assez sur les mains.

Déjà à la télé quand l'animateur excité lui avait dit ah ah on porte le même prénom et ah ah vous avez été un excellent candidat il avait fallu se farcir ce con avec ses vannes qui suis-je... je suis je suis ? réponse :un connard !, il avait eu les dicos inutiles à ses yeux et la paire de jumelles pour ses yeux, qu'en faire ? la revendre ?.

Un soir, en allant mater le cinquième d'en face avec les jeunots en train de se bécoter devant la télé, Julien alla chercher la paire de grands yeux et là tout changea, plus de flou ou d'imprécision voire d'interrogations, on voyait même que les jeunots étaient scotchés à TF1 et ses programmes de et pour débiles ; il put même lire la marque du slip du mec qui séchait sur le radiateur de leur cuisine, é-mi-nen-ce, le caleçon des cardinaux. A côté, la petite vieille sans âge avait toujours son téléphone rivé à l'oreille droite , chaque fois qu'il matait, bingo, son oreille droite, peut-être la seule encore entendante, dommage que les jumelles n'aient pas de micro. Au-dessous, un couple, la cinquantaine, lui chauve et gros, elle maigre et échevelée, ils semblent s'engueuler sans arrêt, attitudes, gestes, empoignades, le tout suivi par des étreintes chastes interminables, le scénario classique quoi, quoique parfois des bousculades et des cris inaudibles. Mais celui qui l'intéressait le plus habitait un deux pièces avec balcon, un type a l'allure insignifiante plutôt moche l'air demeuré genre Bernard Menez ou  plutôt Jean Lefèbvre dans la scène de saoulerie des Tontons Flingueurs avec le fameux goût de pommes. Il défilait chez lui une kirielle de femmes ; il l'avait surnommé L'homme qui aimait les femmes sauf qu'il n'avait pas la classe de Charles Denner que Julien admirait tant comme tout le monde.

 

. Julien : - ce mec m'épate, je me demande comment il fait avec sa tronche de clown triste, sa démarche bancale, ah peut-être le fric, ou alors bankable, et tiens une nouvelle, une superbe rousse comme Maureen O'Hara dans L'homme tranquille oh celle-là elle laissait pas le bonhomme tranquille toujours à l'asticoter continuellement que par moment il la repoussait et

. Véronique : - Julien, t'as fini dans la toilette ?, tu te pomponnes ou quoi

. Julien : - j'me pomponette pas, je prends une douche, j'ai le droit

. Véronique (elle hurle) : - j'entends pas l'eau couler

. Julien : - je la mets tout doux, tu veux bien me lâcher...  faut que je pense à me mettre de l'eau de toilette

. Véronique : - tu as encore piqué dans ma trousse

. Julien : - j'ai rien piqué du tout et tu me gonfles, Véro

. Véronique : - ouais c'est ça t'es encore en train de looker l'autre, peut-être même que tu te branles mon amououour

. Julien : -non mais avec le nombre de fois qu'on baise, je pourrais si je voulais

Des fois le mec avait du mal à s'en dépêtrer tellement elles lui collaient comme cette belle noire avec sa coiffure ancienne à l'afro des années 70, une autre menue, on aurait dit une gamine habillée comme dans La petite maison dans la prairie, à peine arrivée elle s'étendait sur le canapé et lui allait chercher un verre peut-être du remontant. Julien admirait sa santé, son tempérament, sa vigueur, lui dont les rapports avec Véro s'éloignaient de plus en plus, en cause les ragnagnas, la migraine, la fatigue, le changement d'heure, le stress, et puis j'ai pas envie Julien, tu comprends pas envieeeeu. Une fois Julien était allé flaner sur le parking pour voir le baiseur quand il sortirait de chez lui, holà, le forniqueur était habillé comme un clochard, mal rasé, bon c'est la mode mais quand même, il doit en avoir une longue et sévère, pensait Julien en rapport à la sienne qu'il trouvait trop petite et chagrine. Il croisa une grande bringue en manteau de fourrure qui sortait d'une mini Cooper violette et se précipitait vers le baiseur en criant chéri chéri deux fois et lui, goujat, lui répondre désolé je sortais et elle tu vas pas me faire ça et lui bon mais alors vite fait hein, que Julien en restait bouche bée en fixant le pare-brise de la bagnole à côté. Il en défilait de plus en plus chez le baiseur, des créatures de rêve des soies de vedettes, des Monica Bellucci, Scarlett Johansson, Penelope Cruz, Isabelle Carré, sans compter les plus belles d'entre toutes, Gene Tierney dans Laura, Lauren Bacall dans Le port de l'angoisse et Alida Valli dans le Senso de Visconti, rien que des canons.

Julien se demandait parfois s'il n'était pas victime d'une addiction banale ou d'un syndrome évident car l'emploi des jumelles pour s'en mettre plein les mirettes le tracassait. Véronique s'en fichait pas mal apparemment car elle était de moins en moins à la maison le soir à cause de ses cours de perfectionnement en langues vivantes, surtout le russe et le chinois. Ce qui l'obsédait le plus se résumait ainsi : comment ce cupidon du deux pièces avec balcon s'y prenait pour séduire et se taper autant de femmes, des canons pas des boudins, des girondes pas des cageots, comment ? Il avait consulté des bouquins à la biblio municipale, n'osait pas consulter un sexologue tous des charlatans lui affirmait son oncle Charles Hatan, ce qui n'était pas une blague, comment expliquer cette nécessité de mater le coquin d'en face qui assurait autant avec de multiples partenaires alors qu'avec Véronique c'était Véro sans nique...

Tiens, justement, Véronique semblait avoir des règles perpétuelles et de plus en plus de cours; Julien prenait son mâle en patience et avait le temps de lorgner de plus en plus, il avait maintenant non seulement de l'admiration pour les performances du chaud lapin mais se posait des questions sur sa propre libido qu'il n'arrivait pas à satisfaire autrement qu'à reluquer le freluquet. Il avait remarqué plusieurs fois qu'il y avait quelquefois chez le baiseur un petit chien qui ressemblait bigrement à Astuce sa chienne fox-terrier  frétillant de la queue avec ardeur, il n'en voyait pas plus d'une petite minute parce que le rideau se fermait aussitôt et rapidement.

Ce soir là, Julien, encore seul, est à son poste, devant son vasistas favori avec sa paire bien en main, tiens ! on dirait qu'il va y avoir un  événement, lumière tamisée, bougies, bouteille de champ' dans son seau et arrive le petit chien qui saute après lui et et derrière lui... VÉRO !.

 

Épilogue

Pour son merveilleux film La belle équipe tourné en 1936 avec Viviane Romance, Jean Gabin, Charles Vanel et Aimos, le cinéaste Julien Duvivier proposa deux fins possibles, l'une heureuse, l'autre dramatique.

On peut envisager ici la même éventualité.

. Fin heureuse : Véronique se retourne alors vers le vasistas où elle sait que Julien épie, elle lui fait un signe, lui envoie un baiser, le baiseur se gondole, le téléphone sonne : « j'espère, mon chéri, que cette petite blague saura te rendre plus amoureux désormais ». Julien et Véronique redécouvrirent l'amour tandis que chez le baiseur le défilé continuait de plus belle, jamais interrompu.

On ne connut jamais le sort des jumelles...

. Fin dramatique : Véronique quitta Julien ; ils divorcèrent quelques mois après ; un soir, Julien attendit le baiseur sur le parking et l'abattit froidement de plusieurs balles de pistolet, tout le chargeur.

Il déposa la paire de jumelles au pied du suborneur.

 

©  Jacques Chesnel  (Miscellanées)

 

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17/12/2009

APÉRO / OPÉRA / PARÉO

Au cours d'une réunion informelle dans un bar entre collègues à la sortie du bureau, Julien but plus que de coutume. Oh, rien d'excessif mais il s'aperçut qu'il ne tenait pas ou plutôt plus la distance comme dans sa pas si lointaine jeunesse : trois whiskys sur glace mais attention rien que du bon et le voilà dans un état d'excitation inhabituel. Il était tard sans qu'il le sut car il ne portait plus de montre depuis heu... enfin depuis... mais il voyait bien les collègues s'en aller un à un et lui de commander un nouveau verre alors que...

Julien aimait bien ce bar, le Clinton, dénommé ainsi par la patronne admiratrice du grand Bill le cavaleur, enseigne détournée par de mauvais esprits en Levinsky ou Le cigare, cosy sans plus, chicos sans moins, bières, vins et alcools de super qualité. Donc, en sirotant son dernier Balvenie PortWood, Julien se retrouva avec deux types qu'il connaissait un peu sans vraiment savoir quelque chose d'eux sinon qu'ils étaient amateurs d'opéra alors que lui à part Pavarotto non ce Pava-rôti entendu à la radio... l'opéra au moment de l'apéro, pourquoi pas disaient les spécialistes, alors allons-y pour le pur malt et Les Noces de Figaro, la couleur ambrée et la Callas chantant Tosca, les arômes d'orange et de miel de Cécilia Bartoli dans Les Noces de Figaro, une gorgée de ce nectar et la touche de tourbe de Placido Domingo dans le Don Quichotte de Massenet, la dominante de genévrier avec Pavarotti dans Rigoletto de Verdi, Madama Butterfly du grand Puccini et l'interprétation (la pointe de chêne au sherry) de l'émouvante Mirella Freni...

 

Tout en suçant le reste de ses glaçons, Julien se posa la question de l'influence de l'apéro sur le comportement de l'écoute de l'opéra et quelles seraient les différences avec un autre liquide, tiens le martini par exemple ou la vodka-orange ou le gin alors opéra séria, bouffe, baroque, comique, moderne, contemporain; l'opéra italien, français, allemand, russe, quelles autres sensations indicibles, informulables, vers quels ailleurs, voyages, rêveries, fantasmes avec un marc de Bourgogne, un floc d'Aquitaine, un cocktail sophistiqué, alexandra ou brandy sour et même pourquoi pas un vin, Rioja, Casal Garcia sublime vinho verde, Haut-Brion, Châteauneuf du pape, Valpolicella, Tokay... et pourquoi pas entamer et entonner, comme le fait maintenant Julien, le Nessum dorma de Turandot qu'il avait entendu chanter par son père à son mariage... devant les trois pochtrons agglutinés au comptoir et médusés que ce soit plus beau que ce que braille leur idole le fameux vieillard Johnny optic 2000... quand la patronne déboule attirée par le barouf mais ayant oublié de revêtir quelque chose sur son mini-paréo couvrant une poitrine impressionnante... qu'est-ce que c'est que ce bordel, éructa-t-elle, car elle ne supportait que les goualantes de  La chance aux chansons et encore pas toutes que Georgette Lemaire ou Isabelle Aubret alors vous pensez... Julien sidéré par l'apparition se tut, puis ricana devant la taulière qui lui rappelait Suzy Delair dans Gervaise de René Clément le film préféré de sa mère qui l'avait vu à sa sortie le jour de ses fiançailles le 6 septembre 1956 le soir où Papa en avait justement profité pour crac... vous avez un sacré beau brin de voix lui dit Suzy vous devriez chanter de l'opéra mon garçon tenez comme Luis Mariano dans Violettes Impériales que j'ai vu à Mogador en ça fait longtemps...

et Julien approuvant se dit que chanter de l'opéra à l'heure de l'apéro devant une femme en paréo, ça valait quand même la peine d'essayer, non ?. Ce qu'il fit. Écoutez.

 

©  Jacques Chesnel  (Miscellanées)

 

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DESCENTE

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DESCENTE

Cela faisait longtemps qu'on avait envie de visiter le Portugal en long en large et en travers on s'est décidé en vitesse le temps d'acheter un guide et un petit dico parce que nous à part l'espagnol et comme il ne faut pas le parler là-bas... comme on les comprend ne pas confondre... on a dit qu'on commencerait par le nord et qu'on descendrait jusqu'à Lisbonne parce que le sud très peu pour nous l'amour de ma vie et moi préférons depuis toujours les villes plutôt que les plages et les monuments plutôt que la bronzette. Agréable traversée de la Castille jusqu'à sa perle la magnifique Salamanca, étape à notre hôtel favori (dont l'enseigne, Los Reyes Catolicos, nous faisait toujours sourire, nous qui ne sommes pas royalistes et encore moins catolicos) choisi loin du centre à cause des bruyantes festivités nocturnes permanentes sur la plus parfaite Plaza Mayor de toute l'Espagne, en tous cas notre préférée. Un peu avant d'arriver à Valladolid nous nous arrêtâmes pour sourire à un jeune berger avec un walkman sur ses oreilles et dansant devant son troupeau de moutons. Nous avons rejoint Braga notre ville de base pour visiter la région du Minho et se régaler du vinho verde (surtout le Mateus) que nous avions découvert ... en Guinée-Bissau, ancienne colonie portugaise, lors d'un voyage africain. La veille de notre départ pour Porto, la réceptionniste de notre hôtel nous demanda si nous étions allés au Bom Jesus... heu nous pas du tout heu... vous savez il y a une très belle vue sur Braga et les environs... alors en route pour le Bom Jesus do Monte à cinq kilomètres pour voir le plus étonnant sanctuaire catholique du Portugal avec son escalier de 600 marches, la Via Sacra et sa vingtaine de chapelles. Nous laissons la voiture au parking encombré de cars touristiques et l'amour de ma vie décide de prendre le funiculaire, merci, pour le retour on descendra les marches. Pendant le trajet l'amour de ma vie se serre encore plus contre moi par jeu ou parce qu'elle a peur des quelques ratés du transport qui crapahute, la cabine est bondée nous sommes apparemment les seuls à ne pas parler portugais alors on se sourit tous un peu bêtement et alors je la serre encore plus...

C'est vrai que la vue est superbe malgré un léger brouillard et que nous passons vite sur les bondieuseries et autres attrape-nigauds touristiques. Après quelques sandwiches et boisson, l'heure de la descente est venue étant convenu qu'il fallait prendre son temps sur ce bel escalier que certains pénitents eux montent à genoux lors de grandes fêtes, nous allons nous le descendre à pied... chacun ses goûts. Sous le soleil maintenant revenu nous descendons donc à notre main si l'on peut dire quand arrivés presque au milieu retentirent des appels insistants de klaxon venus du parking et que déboule derrière nous à grande vitesse une petite femme perchée sur ses hauts talons qui s'adresse à nous en portugais heu nous français vous parler plus lentement ah vous franchèche moi bien connaître France avé Juan (elle prononce Juan et non pas Rouanne comme les espagnols) nous habiter Montbéliard usine Peuchot lui ouvrier en ouchine moi femme de ménage pendant vingt et un ans nous retourner Portugal maintenant à Evora oui nous connaître avons visité pour les fortifications de Vauban patrimoine Unesco moi travailler dour yé faichais les toilettes les lavabos les véchés huit ores par your dans années 70 mais bon Juan et moi enfants retraite et le bus ouoooong ouooong nous dépêcher moi vouloir vous voir Juan content parler franchéche avé vous enfants restés Montbéliard venir dans grande maison constrouite par Juan et vous retraite auchi ? Portugal très joli pour voyage nous aimer beaucoup Porto le bus ouoooong encore plus fort faut che dépêcher et nous descendons plus rapidement elle sur ses talons aiguilles et moi avec la main de l'amour de ma vie dans la mienne qui serre toujours fort le parking en vue des silhouettes qui font de grands signes voilà voilà et elle se précipite et parle à un grand gaillard qui nous regarde voilà des franchèches alors il retire sa casquette vient vers nous souriant embrasse ma chérie et me prend dans ses bras tandis que tous les occupants du bus une amicale d'anciens de chez Peugeot sortent et nous congratulent rires embrassades et poignées de main énergiques tapes dans le dos aïe malgré le chauffeur du bus qui remonté refait ouoooong tout le monde rentre dans le véhicule qui part aussitôt avec dedans des grands gestes d'adieu jusqu'au tournant et l'amour de ma vie émue me regarde avec son si beau sourire et me murmure tendrement alors on remonte là-haut ?... ouooooong !.


©  Jacques Chesnel (l'amour de ma vie)


 

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16/12/2009

IMPATIENCE

J'ai commencé très tôt, tout de suite; je me souviens, à peine sorti du ventre de ma mère je voulais déjà tout tout tout sans le savoir vraiment. Je ne vais pas en faire des tartines sur mes premières grandes impatiences de bébé, d'enfant, d'ado, de jeune homme, je n'ai pas tout mémorisé, je n'ai pas envie de faire de tels retours en arrière inutiles ou bien alors si vous le désirez trouvez une camionnette voire un cinq tonnes; donc je ne vous raconte pas les trépignements, piaffements, précipitations, énervements, agitations, crispations qui se sont succédés… jusqu'à la rencontre avec l'amour de ma vie qui a su immédiatement calmer mes pulsions par son calme et sa douceur, sa gentillesse, pour tout dire son amour… oh, il y avait des résurgences, des rappels plus ou moins contrôlés, tenez…

A peine parti en voyage je voulais être déjà arrivé, au cinéma j'attendais fébrilement la fin depuis le début, pareil pour un livre ou un disque, aux repas vite au dessert dès l'entrée, au lit, sauf pour l'amour, à peine couché déjà l'envie d'être debout… je pourrais  aligner des centaines d'exemples mais petit à petit j'ai commencé à me détendre…

Je vais vous narrer ma dernière grande impatience.

Cette année-là, 1990, nous avions décidé d'aller à Prague, puis de visiter les villes d'eau surtout Mariánské Lázné, la Marienbad d'autrefois et film d'Alain Resnais que nous avions aimé. Ce fut un émerveillement constant, à Prague, le Pont Charlles

 

Pont Charles.png

évidemment, le Château et la cathédrale Saint Guy, l'église Saint Nicolas à l'intérieur si baroque (nous logions en face chez l'habitant, une gentille dame dont le mari opposant au régime communiste avait été déporté (nous arrivions à nous comprendre en charabia franco-allemand-anglais-dico), le quartier Mala Strana sur le bord de la Vltava où nous aimions flâner, la place de la vieille ville et le vieil hôtel de ville où nous assitâmes à un mariage (on embrassa les mariés), le cimetière juif, le Kaffee Kafka et le Musée Mozart dans la villa Bertramka, le piano sur lequel il joua et où je pus poser mes doigts pendant que l'amour de ma vie faisait le guet… ah ! vous vous impatientez de connaître ma dernière grande impatience ?...

Marianské Lazné.png

attendez donc la fin notre séjour à Márianské Lázné, la centaine de sources d'eaux ferrugineuses (on pensa à Bourvil, l'alcool, non!), la somptueuse architecture de la colonnade de 1889, les promenades, le retour à l'hôtel 3*** merdique et son restaurant où le maître d'hôtel ressemblait tant à Olivier Stirn notre député qu'on avait du mal à ne pas pouffer… visite ensuite à Karlovy-Vary et Ceské Budéjovice avant dernière soirée au restaurant et dîner aux chandelles ; en rentrant notre logeuse nous apprit que c'était bientôt la libération de l'occupation russe discrète mais là quand même et le lendemain nous partions vers l'Autriche pour le retour… et c'est à la frontière qu'eut lieu cette fameuse dernière impatience :

Il y avait une bonne vingtaine de voitures d'étrangers devant nous et nous voyions la barrière de contrôle se lever et s'abaisser régulièrement après vérifications des papiers quand alors qu'il restait huit voitures la barrière ne s'ouvre plus, on attend cinq puis dix minutes et là je commence à transpirer grave, bordel, que se passe-t-il ? ne t'énerve pas chéri, non mais quand même, juste quand c'est presque à nous boum rideau c'est pas croyable, ils le font exprès non, je klaxonne, devant on lève les bras d'impuissance, je sors de la voiture ainsi que les autres occupants devant nous, quand nous voyons tous les gardes s'en aller un à un derrière le batîment du contrôle et entendons un bruit épouvantable de moteur qui hurle, nous nous approchons et suivons les derniers contrôleurs : tout le monde regardait le dernier char de l'armée russe qu'on tractait dans une remorque pour son départ au milieu des hourras et de bravos… LE DÉPART DU DERNIER CHAR RUSSE… cela valait bien la peine de s'être impatienter ; depuis ce jour, je suis beaucoup plus calme.

 

©  Jacques Chesnel  (L'amour de ma vie)

 

15/12/2009

CINÉODEURS

CINÉODEURS

Bon, l'amour de ma vie et moi aimons le cinéma et on ne s'en prive pas. Dès qu'on peut y allez hop une toile et pas besoin des conseils de machin ou des recommandations de truc des critiques de téléramoche ou des cahiers du cinéma ou d'autres revues depuis le temps qu'on y va au cinoche ça fait bien une bonne quarantaine d'années avec l'amour de ma vie quand nous fréquentions le ciné-club un peu blabla et baba aussi mais reconnaissons-le c'est quand même là qu'on a découvert Eisenstein Bergman Visconti de Sica Rossellini  Orson Welles le plus grand et Buñuel et Renoir et Truffaut et Resnais et Malle alors que le trio Godard-Chabrol-Pialat nous passait très loin au-dessus de la tête sans qu'on sut vraiment trop pourquoi ah si A bout de souffle et Pierrot le fou super après bof Chabrol plouf pas une toile pour sauver l'autre et alors ces discussions on découpait la pellicule en quatre tout y passait l'histoire la technique les acteurs parfois ça frisait l'engueulade la mauvaise foi l'admiration ou le rejet inconditionnels nous les premiers je me souviens avoir défendu un film que je n'aimais pas rien que pour rallumer la discussion il y avait un grand mec qu'avait toujours la pipe au bec éteinte et voyait tout politique un autre qui flippait sur les starlettes le côté glamour et disait que le cinéma c'était pour assouvir des fantasmes surtout les siens il draguait même les spectatrices enfin les plus jolies sans aucun succès alors qu'un autre affirmait que Visconti faisait des films pour antiquaire et traitait Bergman de pasteur intégriste Renoir de gros cochon un dernier qui voyait des plan-séquences partout même quand il n'y en avait pas ça a duré un certain temps puis après on a fréquenté les salles art et essai avec les nouvelles sorties des plus grands cinéastes révélés par le festival de Cannes un peu trop tapis rouge et montée des marches cérémonie pompeuse et pompière on a bien rigolé quand Machine s'est pris les pinceaux dans le tapis ahahah et en 68 ahahah avec l'amour de ma vie ce fut la découverte des cinémas d'URSS et des pays de l'Est avec une préférence pour Milos Forman et ses films tchèques Les amours d'une blonde et Au feu, les pompiers, de l'Inde de Corée de l'Afrique le cinéma indépendant les festivals où on ne pouvait pas aller nos goûts étaient identiques sans concertation jamais une discussion n'a dégénéré il y avait parfois des détails sujets à ergotage de vaines chicanes sur untel ou unetelle...

On ne se souvient pas exactement quand cela est arrivé.

Quoi ?; les odeurs. Peut-être après voir lu je ne me souviens plus où un article intitulé Les odeurs peuvent-elles modifier nos comportements ? écrit par un aromaticien et un spécialiste en analyses sensorielles. Et c'est dans une salle de cinéma puis une autre que les muqueuses olfactives de l'amour de ma vie et les miennes se sentirent agressées par notre voisinage immédiat. Les senteurs d'haleine et de rot du gamin d'à côté, les effluves provenant des aisselles de la dame du fauteuil d'en face, les émanations des pieds de celui de derrière, le fumet d'un péteur récidiviste proche, les exhalaisons de mauvaise digestion d'un quidam, les remugles d'entrejambe d'un pantalon ou d'une culotte mal lavés non identifiés, bref je passe sur les différentes fragrances que nous ne pouvions plus supporter ; nous avons essayé toutes les salles, tous les programmes, toutes les heures, rien n'y faisait alors nous nous sommes résignés au home cinéma, le cinoche à la maison avec nos DVD et l'écran raplapla ; s'il nous arrivait d'être parfois incommodé, ce serait au moins avec nos propres odeurs, les nôtres à nous.


©  Jacques Chesnel  (l'amour de ma vie)


 

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