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08/02/2010

SIX PERSONNES ÂGÉES EN QUÊTE DE HAUTEUR

 

THÉÂTRE


SIX PERSONNES ÂGÉES EN QUÊTE DE HAUTEUR

(in memoriam Luigi Pirandello, Six personnages en quête d'auteur)


Saynète à lire, en deux actes


Lieu : maison de retraite en région inconnue, de nos jours


Personnages : trois femmes : Renée, 92 ans, la doyenne

Danièlle, 84 ans

Simone, 78 ans

trois hommes : Claude, 81 ans

Serge, 79 ans

Gaston, 89 ans


Afin de mieux "se représenter" physiquement les personnages, une comparaison est faite avec des acteurs de cinéma des années 50 dits de second rôles ; ainsi Renée ressemble à Gabrielle Fontan, Danièlle à Suzanne Dehelly, Simone à Pauline Carton, Claude à Alerme, Serge à Noël Roquevert et Gaston à Jean Tissier.


Acte 1


Les  personnages sont à table dans la salle à manger et attendent qu'on leur apporte le repas.


. Serge - il paraît qu'aujourd'hui il y a du sauté de veau aux carottes

. Gaston - c'est pas ça qui va nous apporter de vitamines

. Renée - oh ! mon cher, vous êtes bien assez excité comme ça si vous voyez ce que je veux dire ah ah ah


rires sauf Gaston

 

. Gaston - je préfère mon excitation comme vous dites à votre somnolence perpétuelle comme vous êtes vous

. Simone - allons allons, ne recommencez pas à vous chamailler, c'est insupportable surtout à table

.  Gaston - on ne se chamaille pas car moi ce que j'en dis à table ou ailleurs c'est pour alimenter la conserv heu la conversation

. Renée - en plus des vitamines, ce qu'il nous faut maintenant  et vite c'est quelque chose de fort pour nous soutenir pour continuer à vivre et encore longtemps, on va pas décaniller comme ça, dites

. Serge - il y a un truc pour tout ça dans le veau AVEC les carottes, quand on était pétiot, on nous disait que ça nous aidait à grandir

. Claude (sortant de somnolence) - ya intérêt pasque moi à la toise hier pendant l'examen médical la doctore Raisse a trouvé que j'ai rapetissé (rires, toux)

. Danielle - ah! celle-là c'est la meilleure, vous ra-pe-tis-sez, vous mesurez combien maint'nant qu'on le dirait pas

. Claude (fanfaronnant) - devinez, ma chère... ah! voici le plat de résistance qui sent bon... avant ou après ? avant, un mètre quatre-vingt cinq, maintenant quatre-vingt deux, j'ai perdu trois centimètres que je ne sais pas où ils sont passés

. Renée - mon mari Henri avait perdu cinq centimètres en deux ans et n'avait pas pu les récupérer malgré tous ses efforts en salle de gym sous contrôle, vous avec vos trois vous avez encore de la marge

. Simone - est-ce que c'est pareil pour les femmes ?, déjà qu'avec nos problèmes enfin je veux dire la ménopause, l'osthéoporose, l'arthrose jusqu'au pot aux roses machin-chose, on est pas gâtées

. Renée - remarquez, tant qu'on n'est pas gâteuses... de toutes façons, on se tasse, le principal étant qu'on ne la boive pas et il y a de la marge

. Claude (laissant tomber sa serviette) - au moins sur le rapetissement on peut espérer l'égalité des sexes, ya pas de raison vu nos problèmes masculins

. Serge - oh! perdre de la hauteur ce n'est pas rien, regardez, pourquoi les hauts talons pour femme et les talonnettes pour homme, moindres remèdes

. Danielle - on dit aussi raccourcissement ou ratatinement, quoi qu'il en soit voilà bien une réduction, une diminution

. Claude - hé ! je ne me sens pas diminué, j'ai toute ma tête

. Danielle - bien sûr, sauf qu'elle passe plus facilement sous la porte

. Simone - je vois que le débat prend de la hauteur

. Serge - moquez-vous, ma chère, avec votre petite taille parfois vous paraissez si lointaine que

. Gaston - faudrait pas confondre, je rapetisse d'accord, je ne rétrécie pas, c'est seulement la taille, un phénomène lié à l'âge dit-on

. Danielle - bah ya tellement d'autres phénomènes, j'ai toujours bonne vue mais je perds un peu côté oreilles, les sons deviennent plus sourds

. Claude / Alerme - alors faut vous parler plus fort, plus fort comme ça (il hurle)

. Danielle - je vous ai pas demandé de crier, je ne suis pas sourde, pas encore, alors que vous avec vos centimètres qui se débinent, mon p'tit monsieur vous...

. Simone - la vieillesse est un naufrage, disait le grand Charles, donc le principal ce sont les bouées de sauvetage qu'il faut récupérer vite fait, non ?

. Serge - pour en revenir à notre problème, il y a paraît-il des  solutions, l'étirement et l'élongation vertébrale, à pratiquer sous conditions, tenez par exemple, vous mettez une barre sous le chambranle d'une porte et vous vous pendez par les bras

. Claude - et alors

. Serge - vous attendez, quand vous en avez marre, vous lâchez, on dit que ça marche, ça provoque la colonne vertébrale, enfin moi ce que j'en dis, je n'ai pas essayé, je n'arrive pas à attraper la barre

. Danielle - même en montant sur un p'tit banc comme pour se pendre et hop !

. Gaston - il paraît que ça fait de drôles de bruits incontrôlés, on baille, on rote, on pète, on s'étire se détire et on s'allonge on rallonge, alors demain j'essaie, prendre un peu de hauteur ça ne peut pas faire de mal vu que

. Simone - vous allez pas vous pendre quand mêêême, à votre âge, à moins que pour avoir une rérection, non ?

. Gaston - nan, pas de danger, j'attends bientôt une crémaillère alors vous pensez

. Renée (se réveillant) - c'est l'heure du café ?


Fin de l'acte un

 

Acte deux


Deux jours plus tard, dans le salon à l'heure du thé, à la porte une barre horizontale a été posée

Tous les pensionnaires sont réunis

 

. Gaston - c'est aujourd'hui le grand jour, Claude a fait une plaisanterie dont il est coutumier : c'est le jour de Raymond

. Renée - hein ? qui ?

. Serge (avec une main en écouteur sur son oreille droite) - il a dit c'est le jour de Raymond, pour la barreueueu, Raymond, RAYMOND Barre, ahahah !

. Danielle (sourire en coin) - ya pas que Raymond pour la barre, ya aussi Sally, la Sally Mara de l'autre Raymond, le grand Queneau, mais là c'est autre chose de plus cochon parce que dans le livre il y va pas de main morte

. Gaston - bon c'est pas tout ça, quelqu'un peut m'aider à attraper cette putain d'barre qu'elle me paraît trop haute que je croyais

.  Simone - ah faudrait savoir parce qu'en plus il faut vous soulever et avec votre poids que vous pensez plume, allez un petit effort mon cher... et hop les garçons suspendez donc ce petit monsieur


Noël Roquevert et Jean Tissier prennent Alerme qui tend les bras et attrape la barre et

 

. tous le monde d'une seule voix -  quand vous vous sentirez avoir grandi et pris un peu de hauteur, on viendra vous chercher, bon courage, hein ?.

Tous quittent la pièce en riant sauf Gaston qui braille - ohé !

 

Rideau

 

FIN

 

©  Jacques Chesnel  (Miscellanées)

 

19:34 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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