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12/02/2010

CONVERSATION 8

- je ne sais pas encore pourquoi mais je sens bien le cinq dans la première, la distance, la corde et surtout la monte

- oui pour être en forme ce jockey l'est

- la passe de trois hier... avec une jolie cote

- fallait quand même oser

- qui ne risque rien

- bien sûr sinon c'est pas la peine de jouer

- et assurer ses arrières sinon

- pas tout mettre sur le même cheval

- c'est ce que disait Jules Berry à mon père avant guerre à Deauville

- ah ! il a connu Jules Berry, un sacré flambeur à ce qu'il paraît

- oh juste un copain de turf comme on en rencontre tous les jours...

c'était en 36 ou 37, il venait de terminer Le crime de Monsieur Lange, il dépensait tout ses ronds aux courtines mais sympa avec plein de mauvais tuyaux... puis s'il gagnait, hop ! au casino... perdu ! mon père aussi jouait mais à la boule seulement toujours le 7 pendant que ma maman dansait le lambeth walk à la mode et moi qui découvrait un orchestre de jazz joué par des nègres comme on disait à l'époque à la terrasse d'un bar le Chatham à Trouville de l'autre côté de la place

- les jockeys montent à cheval

- ma mère parlait mode et chapeau avec sa compagne l'actrice Suzy Prim qui veillait sur l'acteur car le fric lui démangeait les doigts de ses mains qui voletaient comme des oies dans ses films

- je crois que je vais mettre vingt euros sur ce cinq

- un fils de Montjeu... pourquoi pas

- avec Olivier Peslier sur le dos et sur seize cents mètre en ligne droite à huit contre un c'est jouable

- et le terrain est souple

- il y en a qui volent littéralement sur du lourd

- ben faut vraiment connaître les origines tenez mon père

- partis

- merde j'ai pas eu le temps de jouer ils ont fermé le guichet devant moi... il y avait la queue

- ce spiqueur m'énerve il parle trop vite

- à l'entrée de la ligne droite la casque orange et grise du numéro onze mène toujours devant le cinq qui se rapproche le long de la corde à deux cents mètres du poteau le cinq est sollicité par son jockey mais se fait coiffer d'une tête sur le poteau par le neuf extrait comme un flèche du peloton à la cote de

- houla à vingt et un ça faire mal en trio... le cinq est combien ?

- ma spécialité c'est plutôt le trot

- pas moi et puis empêcher les bourrins de galoper j'avoue que

- on les empêche pas on les conditionne

- peut-être mais ce n'est pas une allure naturelle... pour aller le plus vite possible un cheval galope non ?... vous avez quelquefois vu John Wayne trotter dans les westerns hein !

- dans ces films ya toujours des ternes qui vont à l'ouest

- ah ! monsieur plaisante... tiens un changement de monte dans la troisième... question de poids ou...

- et les obstacles ?

- alors là c'est autre chose... quand on montre l'obstacle au cheval et qu'on lui fait comprendre qu'il va falloir courir et le sauter puis gagner la course, qu'il redresse ses oreilles c'est marrant

- vous croyez vraiment qu'il comprend vraiment

- pardi !

- moi si je veux pas sauter je saute pas

- lui est conditionné pour pas vous

- les chevaux entrent en piste

- je vais jouer le changement de monte

- vous croyez que ça veut dire quelque chose

- non mais je joue toujours les changements de monte... tenez dimanche dernier à Chantilly j'ai touché le pactole

- et le nombre de fois que vous n'avez pas touché

- je compte plus... et puis on a tous nos petites manies

- moi je joue toujours les pouliches grises... un copain disait les gris c'est tout bon ou tout mauvais

- ya un gris dans cette course... un poulain

- aucune chance il est barré par Raffarinade en progrès

- oui mais c'est quand même un Aga Khan, une sacrée écurie

- Karim, oui j'ai connu celle du grand-père puis celle d'Ali qui avait épousé Rita Hayworth la dame de Shanghai du film d'Orson Welles... je me souviens d'elle à Deauville en 1950... quelle beauté... sa chevelure rousse...la reine du champ de courses... il y avait aussi à cette époque Madame Léon Volterra, son jockey Jean Deforge qui assurait sa monte,  Roger Poincelet dit le Professeur pour Marcel Boussac casque orange toque grise, l'australien W.R. Johnstone qu'on appelait le Crocodile, l'élégant Yves Saint-Martin et l'entraîneur François Mathet, Lester Piggott, Cash Asmussen, Freddy Head qui entraîne maintenant, le petit poids Ramel que j'aimais bien dans le handicap... un autre monde, les grandes dynasties de propriétaires les Rothschild Wildenstein la baronne Empain qui était vraiment mignonne la princesse de Faucigny-Lucinge qui l'était moins et le richissime américain Strassburger qui possédait une villa magnifique... maintenant il y a beaucoup de chevaux en multi-propriété... il y avait la pelouse le populo pique-nique saucisson et gros rouge, le pesage les aristos homard et champagne...on y jouait des centimes ou des fortunes, maintenant tout est mélangé, c'est pas plus mal, tout le monde joue souvent sans savoir grand-chose sur les origines des chevaux les distances l'état du terrain la corde... même les femmes avec les dates de naissance des gamins... alors... j'ai fait le plein d'histoires depuis le temps...

- vous êtes une vraie encyclopédie heu vivante

- nan, juste un amateur éclairé et âgé qui perd souvent mais... vous jouez quoi vous là ?

- un couplé, Raffarinade et Tortilla, je trouve que ça va bien ensemble, non ? et puis...

- les chevaux sont partis le huit a pris le commandement Tortilla ferme la marche tandis que le jockey de  Raffarinade sollicite déjà le poulain dans la forte pente de la ligne d'en face et... photo à l'arrivée une encolure  entre l'as et le deux...

- bon c'est pas encore pour cette fois, je suis quatrième et cinquième je me suis fait enfermé à l'entrée de la ligne droite

- attendez la dernière pour vous refaire

- quand ça veut pas...

- vous connaissez l'histoire du gars qui joue le sept et dit qu'il a gagné parce que son cheval est arrivé septième

- je crois bien que c'est du Coluche

- ce genre de blague les turfistes aiment pas trop

- ah !... et vous  vous avez vu le film des Marx Brothers... Un jour aux courses ?

- oui aussi... alors là, ils aiment.


©  Jacques Chesnel  (conversations)


14:02 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Super idée, votre blog m'a ouvert les yeux. Votre blog me donne envie d'en créer un également... j'espère que j'y arriverai !

Écrit par : quarte | 19/03/2010

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