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17/12/2009

APÉRO / OPÉRA / PARÉO

Au cours d'une réunion informelle dans un bar entre collègues à la sortie du bureau, Julien but plus que de coutume. Oh, rien d'excessif mais il s'aperçut qu'il ne tenait pas ou plutôt plus la distance comme dans sa pas si lointaine jeunesse : trois whiskys sur glace mais attention rien que du bon et le voilà dans un état d'excitation inhabituel. Il était tard sans qu'il le sut car il ne portait plus de montre depuis heu... enfin depuis... mais il voyait bien les collègues s'en aller un à un et lui de commander un nouveau verre alors que...

Julien aimait bien ce bar, le Clinton, dénommé ainsi par la patronne admiratrice du grand Bill le cavaleur, enseigne détournée par de mauvais esprits en Levinsky ou Le cigare, cosy sans plus, chicos sans moins, bières, vins et alcools de super qualité. Donc, en sirotant son dernier Balvenie PortWood, Julien se retrouva avec deux types qu'il connaissait un peu sans vraiment savoir quelque chose d'eux sinon qu'ils étaient amateurs d'opéra alors que lui à part Pavarotto non ce Pava-rôti entendu à la radio... l'opéra au moment de l'apéro, pourquoi pas disaient les spécialistes, alors allons-y pour le pur malt et Les Noces de Figaro, la couleur ambrée et la Callas chantant Tosca, les arômes d'orange et de miel de Cécilia Bartoli dans Les Noces de Figaro, une gorgée de ce nectar et la touche de tourbe de Placido Domingo dans le Don Quichotte de Massenet, la dominante de genévrier avec Pavarotti dans Rigoletto de Verdi, Madama Butterfly du grand Puccini et l'interprétation (la pointe de chêne au sherry) de l'émouvante Mirella Freni...

 

Tout en suçant le reste de ses glaçons, Julien se posa la question de l'influence de l'apéro sur le comportement de l'écoute de l'opéra et quelles seraient les différences avec un autre liquide, tiens le martini par exemple ou la vodka-orange ou le gin alors opéra séria, bouffe, baroque, comique, moderne, contemporain; l'opéra italien, français, allemand, russe, quelles autres sensations indicibles, informulables, vers quels ailleurs, voyages, rêveries, fantasmes avec un marc de Bourgogne, un floc d'Aquitaine, un cocktail sophistiqué, alexandra ou brandy sour et même pourquoi pas un vin, Rioja, Casal Garcia sublime vinho verde, Haut-Brion, Châteauneuf du pape, Valpolicella, Tokay... et pourquoi pas entamer et entonner, comme le fait maintenant Julien, le Nessum dorma de Turandot qu'il avait entendu chanter par son père à son mariage... devant les trois pochtrons agglutinés au comptoir et médusés que ce soit plus beau que ce que braille leur idole le fameux vieillard Johnny optic 2000... quand la patronne déboule attirée par le barouf mais ayant oublié de revêtir quelque chose sur son mini-paréo couvrant une poitrine impressionnante... qu'est-ce que c'est que ce bordel, éructa-t-elle, car elle ne supportait que les goualantes de  La chance aux chansons et encore pas toutes que Georgette Lemaire ou Isabelle Aubret alors vous pensez... Julien sidéré par l'apparition se tut, puis ricana devant la taulière qui lui rappelait Suzy Delair dans Gervaise de René Clément le film préféré de sa mère qui l'avait vu à sa sortie le jour de ses fiançailles le 6 septembre 1956 le soir où Papa en avait justement profité pour crac... vous avez un sacré beau brin de voix lui dit Suzy vous devriez chanter de l'opéra mon garçon tenez comme Luis Mariano dans Violettes Impériales que j'ai vu à Mogador en ça fait longtemps...

et Julien approuvant se dit que chanter de l'opéra à l'heure de l'apéro devant une femme en paréo, ça valait quand même la peine d'essayer, non ?. Ce qu'il fit. Écoutez.

 

©  Jacques Chesnel  (Miscellanées)

 

10:35 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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