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14/12/2009

LES LÉGIONS ET LES LÉSIONS DANGEREUSES

LES LÉGIONS ET LES LÉSIONS DANGEREUSES

Par Collabo de Lenclos

Conte médiéval,Traduction du vieux français par J.Chesnel


Un olifant sonne à la porte du château tutututututtturluuuuute

- Qui c'est ?, claironne Adélaïde de Mars du haut de sa tour d'ivoire principale du château en pierre de taille

- C'est moi, Parchemal Jehan Vit de Giers, ton mari de retour des croisades ; il avait failli dire : c'est le plombier, un beau serf que son épouse appréciait beaucoup pour sa vigueur

- Déjà de retour ?

- Ben dame, ça fait déjà trois ans, la quatrième a été plus longue

- J'aaaarrive, dit Adélaïde en reboutonnant son corsage puis dit au plombier, dérobe-toi par la porte dérobée, tout en rajustant sa robe froissée par l'assaut furioso.

Fier dans l'armure qui ne l'a jamais quitté depuis tout ce temps, Jehan, du haut de sa monture fatiguée, fait un signe à son serviteur Valère Derrien de tendre bien haut son oriflamme.

- J'ai comme l'impression qu'elle ne m'attendait pas de sitôt

Valère, muet de naissance branla du chef et leva les yeux au ciel en montrant l'orage qui arrivait, bigre

- Bon, ho ! vous abaissez le pont-levis oui ou merde

- On a une panne de machinerie qui est grippée, brailla un garde, on en a pour dix minutes, chef.

C'était le temps qu'il fallait au plombier pour déguerpir, toute la garde étant au courant qu'à cinq heures la patronne s'envoyait en l'air avec le plombier ou un autre en cas de panne du préféré. Léandre ledit plombier exerçait par ailleurs les fonctions de serrurier dans toute la région depuis que les hobereaux étaient partis prendre la galette aux sarrasins, byzantins et autres hérétiques sous prétexte de délivrer les lieux saints en Palestine, la raison étant qu'il avait fallu trouver quelqu'un pour décadenasser les ceintures de chasteté de leurs épouses et maîtresses qui trouvaient le temps trop long, surtout leurs zigouigouis échauffés par le stupre, l'absence de fornication et le métal trop froid ; le gars Léandre avait du boulot d'autant qu'avec ses charmes il savait comment consoler ces dames, d'abord les plus belles, ensuite les plus gourmandes en plus grand nombre et il y en avait tellement... même qu'il avait trouvé la parade quand les plus moches voulaient se libérer : la serrure était grippée ahahah ou bien il n'avait pas la bonne clé hihihi, quel dommage, j'ai fait ce que je pouvais.

- Foutre que c'est long, s'impatientait Jehan tandis que la jument renaclait de plus belle et que le muet exhorbitait tout autant.

Enfin le pont-levis se leva lentement avec difficulté en grinçant, Jehan franchit le portail et poussa un ouf de satisfaction, ouououfouf nous voilà revenu. Avec son air de faux-cul énamourée plus visible que d'habitude l'Adélaïde se précipita au devant de son héros

- Mon Jehan, mon Jehan dit-elle deux fois, enfin, c'est pas trop tôt

- Attention, j'ai pas enlevé mon armure, d'ailleurs je ne peux pas , elle bloquée, bordel de merde (ndt: traduction contemporaine de son juron)

- Ah, dit-elle, j'ai ce qu'il te faut, je connais un serrurier qui va te débloquer tout ça, Léan-an-andreu, cria-telle, viens, messire Jehan a besoin de tes services...

Celui-ci, qui avait eu le temps de remettre ses chausses dans le bon ordre, se précipite avec ses instruments à la main et devient blême devant ce tas de ferraille à dégager et au vu de la mine horrifiée de Valère qui faisait des grands signes de muet de sa main valide. Jehan avait participé, en sa qualité de chef de sa légion de mercenaires, à toutes les batailles dont celle de Constantinople, le siège de dix jours, le tombé du mur, l'assaut final aux côtés de son copain bien connu, Robert de Cléri, il avait été témoin de tous les massacres, carnages, férocités, atrocités. Le problème est qu'étant parti avec son armure et ayant reçu tellement de coups pendant tellement de jours qu'elle était cabossée de partout et que depuis ce temps il n'avait jamais oser ou pu la retirer ; cela lui posait pas mal de problèmes, notamment en ce qui concerne les évacuations corporelles quotidiennes d'autant que les trappes dévolues à ces besoins ne fonctionnaient pas pareillement : si la trappe fessière dite "trappacaca" ne présentait pas d'inconvénient, la trappe avant dite "trappapipi" était restée bloquée l'obligeant à se pisser dedans avec écoulement par des trous pratiqués dans le soleret pour la protection du pied, et le contraignant à la chasteté (commme la fameuse ceinture), noblesse oblige ; il s'était néanmoins habitué à cette prison de fer mais n'avait qu'une hâte en rentrant chez lui : comment s'en débarrasser, mais comment ?, putain de merde (ndt: traduction approximative) et au plus vite.

A la vue du profond décolleté et de la superbe poirtine de sa fidèle épouse (il avait des doutes sur son serment conjugal mais bon avec la ceinture, hein ?), il ressentit au tréfonds de lui une émotion qui se manifesta douleureusement  quand son érection ne put se développer totalement à cause de ce foutu assemblage de métal qui bloquait tout. Depuis quelques temps les douleurs avaient sensiblement augmenté et il se demandait comment son corps allait réagir quand il se trouverait enfin à l'air libre. Il savait bien qu'il avait moult blessures, fractures, contusions, bleus, hématomes, meurtrissures, coquards et ecchymoses, voire coupures et entailles on ne sait jamais, bref de si nombreuses et profondes lésions dont il se demandait bien ce qu'il allait en advenir, morbleu.

De son côté l'Adélaïde qui, grâce à Dieu et au bon Léandre avait pu se payer du bon temps et assouvir sa nymphomanie galopante, se demandait dans quel état se trouvait ce mari parti avec ces légions bien-pensantes combattre les infidèles dans des contrées si lointaines. Par contre, lui, l'avait-il été fidèle ? Avait-il forniqué autant qu'elle pendant tout ce temps ? Cela l'excitait de le savoir. Elle ne comptait plus ses amants, au dernier recensement l'an passé, trois cent quarante huit, d'après sa dame de compagnie qui ne rechignait pas à la besogne à sa suite avec tous les gars bien membrés du canton, de la province et au-delà, de force ou à l'insu de leur plein gré, morte-couille (ndt: juron d'époque ). Et maintenant, il fallait vite trouver un stratagème pour remettre cette satanée ceinture avant la nouvelle nuit de noce qu'elle subodorait fiévreuse et tout. Elle fit un clin d'œil significatif à Léandre que Valère prit pour lui, ça va pas recommencer quand même se dit le muet qui avait réussi jusque-là à échapper à la furia sexuelle de la patronne avant de partir, il aurait plutôt voulu profiter du patron mais que dalle.

Avec beaucoup de difficultés et avec l'aide de son valet, Jehan descendit péniblement de cheval avec précautions utiles, eut un étourdissement passager et vit s'avancer Léandre avec ses instruments dont un qui ressemble fort à un forceps, il se mit en garde.

- Hola, doucement l'ami, ne nous précipitons pas si vite

- Mais mon aimé, dit Adélaïde frissonnante, vous ne pouvez pas rester dans cet état

- Que nenni, mais il faut trouver la façon de faire car je suis tout cassé de partout à l'intérieur de cette carapace.

Cela donnait du temps à la maîtresse de maison qui devait trouver le prétexte pour se ceinturer de nouveau avant de...

- Heu, mon Jehan, je te laisse dans de bonnes mains pour te décarapaconner de cette forteresse, je vais aux cuisines pour faire préparer le festin de ce soir en l'honneur de ton retour si attendu.

Et elle s'enfuit, tandis que Léandre tournait autour de son seigneur ne sachant par quel bout commencer rapport aux fameuses lésions qui occupaient le corps d'icelui quand sans prévenir Valère reprit l'olifant et se mit à souffler comme un fou, les gardes étant morts de rire devant les efforts pour sortir un son valable pouët ; dans le frou-frou de sa robe, Jehan aperçut un peu de ses chevilles, il eut comme un éblouissement du cerveau/raidissement de son sexe aïe et faillit tomber dans les bras de Léandre pris au dépourvu. Pourvu que cela s'arrange avec toutes ces fractures, repensa-t-il en se redressant à peine avec peine, toujours coincé. Il avait connu là-bas un chevalier, le général en chef de toutes les légions, qui en se défaisant trop vite et imprudemment de son armure s'était littéralement répandu en mille morceaux façon puzzle, qu'il avait fallu le récupérer à la pelle à cause de toutes ces lésions si dangereuses qu'avaient toutes cédé en même temps, ça avait fait pschiiiiiiiiit, mort... on appelait cela le "syndrome de l'armure". Léandre tournait et retournait tout autour du seigneur et ne savait vraiment pas par quel bout commencer d'autant qu'il n'y avait pas de bout, un bras peut-être et puis ce muet qui braillait humhumhumhum en tournicotant, un vrai moulin à vent, couché !.

Tiré de sa sieste par les gens d'armes du château pliés en deux faute de mieux, voilà qu'approchait en sautillant comme d'habitude le gentil bouffon Nicolas Talon d'Achille dit le Crapaud ou Talonnette dont dame Adélaïde vantait tant ses services dûs à la vigueur de ses étreintes répétées, de ses fréquents assauts, de la longueur de son sexe inversement proportionnelle à sa très petite taille, c'est dire. Contrairement à Valère qui était muet tendance homo, lui était sourd à force d'avoir trop tiré sur sa nouille tendance hétéro, les deux faisant la paire courtepatte et patachon (ndt: approximatif, Laurel et Hardy n'étant pas encore nés).

- Keskispasse, hurla le gnome dans l'oreille du laquais lequel lui répondit par un bras d'horreur et s'exprima

-                (ndt: réponse intraduisible)

Pendant ce temps insupportable, Adelaïde courait dans tous les sens même les plus interdits pour mettre la main sur la fameuse ceinture qu'elle savait plus du tout où elle avait pu bien la planquer, dame, depuis le temps, mais où mais où, dans cette pièce dans celle-là, dans combles, caves ou bien ces écuries qu'elle préféraient pour sentir le souffle et entendre les ruades des chevaux mis en rut par ses cris de jouissances répétées plus ou moins d'or frais et d'orfèvre (ndt: pas mieux), gémissements et autres ahahahanements  chevalins, mais où mais zou sous les tables de la cuisine ? non, à la sacristie de la chapelle ?, pas dans le confessionnal quand même avec ce prêtre lubrique qui la lutinait si bien, pas plus, mais où mais où alors...

Léandre restait dubitatif devant ce bonhomme de fer, son seigneur et maître qu'il devait délivrer et qui commençait à s'impatienter à cause de sa rigidité dardillonnante de plus en plus douloureuse se répercutant dans chacune de ses nombreuses lésions. Une idée aussi sotte que grenue traversa l'esprit du larbin-plombier : et si je le flanquais par terre comme ça badaboum par inadvertance et voir ce qu'il en adviendrait ?.

Est-ce par un effet mimétique que Jehan se remit en garde pour prévenir et pourtant ce faisant fit un faux-pas et cogna le Nico qui chuta avec un braiement à réveiller tout le monde alentour, Jehan tombant aussi lourdement dans un bruit de ferraille insoutenable blaaaaaaamcliiiiiiqpouffff (ndt: non traduit) tant et si bien que la carcasse se disloqua et se brisa d'un coup, que les lésions éclatèrent puiiiittt toutes ensemble et que le Maître semblant s'évaporer se rendit tout de go au royaume des cieux rejoindre ses copains des légions croisadières alléluia ici ou ailleurs.

-  Aaaaarghhh, Nico m'a tuer, exprima-t-il en expirant.

Alertée par les cris, Adelaïde, qui n'avait toujours pas retrouvé sa ceinture, arriva et devant le désastre (!), prononça ces paroles inoubliables en guise d'oraison:

- alefa jacta est, mon Léandre et vous tertous, on va pouvoir reprendre nos galipettes comme avant, foutredieu, comme le Seigneur là-haut en a décidé...allez hop hop, ambroisie pour tout le monde !.


©  Jacques Chesnel  (Miscellanées)


 

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CONVERSATION 5

CONVERSATION 5


- c'est vraiment impressionnant

- on voit que vous savez pas ce que c'est qu'une fuite

- dites je sais ce que je sais quand même

- d'autant qu'il y en a de toutes sortes

- ça dépend des cas

- et aussi des personnes

- ah vous voulez parler des urinaires

- par exemple

- faudrait pas confondre

- il y a fuite et fuite

- ou bien on se lâche

- ou bien se retient et pfuittt

- les geysers ou le goutte-à-goutte

- les chutes du Niagara ou le manneken-piss

- ça fait rire mon mari

- et pourquoi donc

- ben il travaille dans les renseignements généraux

- les RG ou la DST

- les deux c'est kif-kif

- ah évidement les fuites ça le connaît

- si vous saviez

- mon fils est plombier et lui ça ne le fait pas rire

- il doit pas manquer de boulot

- ni d'occasions d'ailleurs

- vous voulez insinuer de quoi

- de toutes sortes de choses

- évier baignoire chasse d'eau concierge virago hétaïre rombière

- rombière ?

- le côté le plus dangereux

- vous lisez trop de romans

- ma mari le RGDST dit la même chose

- sur les fuites des rombières ?

- tenez pas plus tard qu'hier il part en mission avec un collègue un jeunot pour une affaire de renouvellement de passeport pas très clair à éclaircir ils sonnent et une vamp en déshabillé vaporeux les reçoit avec fume-cigarette d'un kilomètre et une flûte de champ' à la main ah vous êtes deux dit-elle avec un accent russe ou je sais pas trop quoi alorssss va falloir faire avec

- faire quoi ? avec quoi ?

- vous avez bien entendu

- c'est pas vrai

- si

- elle croyait avoir à faire à des plombiers

- mais ils n'étaient pas en salopettes ?

- maintenant les plombiers sont habillés comme vous et moi

- peut-être comme vous parce que moi

- alors la rombière leur montre la salle bain et enlève son machin et hop-là à poil

- oh ! elle avait le droit de faire ça ?

- mon mari ni une ni deux lui dit remettez ça madame mais elle se fourre dans la baignoire entrainant le collègue tout habillé lui et plouf

- c'est pas vrai

- et elle dit à Maurice alors coco tu te décides ou

- c'est repas vrai

- le collègue dit inspecteur je et la rombière dit quoi inspecteur ?

- alors j'en crois pas un mot

- montrez-moi vos papiers dit-elle à poil et le collègue qui ressort tout trempé avec du goutte-à-goutte sur le carrelage c'est moi madame qui demande votre passeport et ça ne va pas se passer comme ça alors la rombière se lève et se dirige vers le téléphone de la chambre décroche et dit Vladimirrrr ya des étrangers qui veulent me violèèèèr vous allez entendre parler de lui il est chef à l'ambassaaaade

- mon dieu

- pas question de dieu mais bien de son mari ambassadeur

- j'y crois pas j'ai vu ça au cinéma dans un film de et avec je me rappelle plus qui c'était en américain

- hé ben là c'est pour de vrai il se dégonfle pas et dit ambassadeur ou pas madame montrez-moi votre passeport elle répond moi pas avoir passeporrrrt marrrri venirrrrr vous allez voirrrr

- et alors dites

- ce sont des choses qui arrivent le jeunot s'était trompé d'étage le passeport c'était à l'étage au-dessous

- il aurait pas dû se renseigner ?

- avec tous ces remue-ménages dans les services maintenant

- on appelle ça une bavure

- oui ils en ont bavé

- et par la suite

- ben il y a des fuites on les a mutés et votre fils ?

- toujours dans la plomberie les vraies fuites ça le connaît on lui raconte pas d'histoires


©  Jacques Chesnel  (Conversations)



 

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CONVERSATION 6

CONVERSATION 6


- alors dis comment tu le trouves

- mieux que le précédent

- mais encore

- moins gros

- tu veux dire plus mince

- comme Belmondo dans Sous le soleil de Satan

- Bébel en soutane

- ça le changeait de Pierrot le fou hi hi hi

- oui bon mais comment tu le trouves mieux

- je lui trouve un air faux-cul

- le comble pour un prêtre non

- avec ou sans l'habit

- tu veux dire que ça ne fait pas le moine

- avec son petit air de

- attention le voilà qui vient vers nous

- bonjour monsieur le curé

- bonjour monsieur le curé

- faudra m'espliquer votre sermon

- à moi aussi j'ai pas compris grand-chose aux petits pains

- pour une boulangère quand même

- vous cherchez toujours un stand pour la kermesse ?

- confesse c'est toujours à dix-huit heures ?

- au revoir monsieur le curé

- tu as besoin de te confesser ?

- non juste histoire de faire la causette

- et tu as besoin d'un confessionnal pour ça

- ben où veux-tu toi

- chez toi

- quoi ? devant mon mari lui raconter que

- moi qui te croyait

- il est tellement soupçonneux

- ils sont tous pareils eux ont tous les droits et nous

- le revoilà

- c'est que

- oui comptez sur moi monsieur le curé

- hé ben dis donc il y va pas avec le dos de l'encensoir

- si je m'attendais à ça

- tu vas y aller ?

- je vais pas me dégonfler

- les gens vont jaser

- ils jasent déjà alors

- avec l'autre on avait pas ces problèmes

- quoique avec les enfants de chœur il paraît que

- les bruits courent... il y en même qu'on peut rattraper

- ya pas d'encens sans feu

- le principal c'est de pas avaler la fumée

- tu sais pas ce que ça veut dire

- oh tu me prends pour une gourde

- non mais ma vieille quand le vin de messe est tiré

- tu sais au fait Maurice a arrêté de boire

- c'est pas la première fois

- il te fait un signe avec la main on dirait que

- lâche-moi ou bien alors t'es jalouse ou quoi

- non mais ya des signes qui ne trompent pas

- je pense que c'est pour le pèlerinage... on projette un voyage en car à Lourdes en septembre il y aura peut-être Benoît

- tu crois qu'il sera en civil

- ça lui arrive

- et alors il toujours aussi beau

- devine... encore plus

- tu crois qu'il a des aventures

- on dit qu'avec la patronne de la supérette

- mais elle moche et neuneu

- elle a peut-être d'autres qualités

- oui elle aime le fric le reste je sais pas

- lui doit le savoir si vraiment

- ça m'en bouche un gros coin tu sais

- ya pas que les coins à boucher

- hé ben ma vieille on peut dire que tu te lâches

- à propos t'es au courant pour le jardinier

- le grand blondasson avec torticolis ?

- on murmure qu'il serait de la jaquette

- ah on murmure tellement maintenant

- peut-être mais là on l'a surprit en train de rouler une pelle

-  une vraie pelle ? vite vite... à qui ?

- devinette : il est grand il est beau il sent le saaable chaud

- ya pas de légionnaire ici

- non mais qui porte un costume à part lui

- nom de dieu... le curé

- à l'enterrement de Marinette à ce qu'on prétend

- je le crois pas c'est pas possible... qui t'as dit ça

- on me l'a pas dit je l'ai vu

- rouler une pelle à un jardinier rien de plus normal... non ?

- ah c'est malin

- t'aurais pas des berlues par hasard ou c'est la jalousie qui

- c'est pour ça que je veux aller me confesser

- pour tirer l'affaire au clair

- pour en avoir le cœur net

- tiens le revoilà... il est tout rouge

- avec tout ce qu'on vient de raconter ya pas de quoi être fier

- quelque chose qui ne va pas monsieur le curé ?


©  Jacques Chesnel  (conversations)






 

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19/07/2009

COUTEAUX

Les attirances pour les objets me semblent incompréhensible aussi quand l’amour de ma vie s’est mise à collectionner les couteaux cela devait remonter jusqu’à son adolescence chez les scouts pendant une année elle conservait précieusement le premier religieusement et le second qu’un grand connard brun lui avait offert torturant bêtement ma jalousie il ne s’est rien passé je t’assure il était amoureux moi pas j’aimais les couteaux c’est tout… durant nos nombreux voyages dans tant de pays la chasse au couteau était ouverte d’abord la Suisse pays providence partout les mêmes recherches pour les couteaux fixes ceux de poche à lames multiples ou à cran d’arrêt les éjectables les automatiques les pliants les marques bien sût elle savait tout sur les Laguiole Opinel Pradel Victorinox Papillon les italiens et toute leur panoplie avec attirance pour celui typique de Scarperia les espagnols la navaja la coutellerie d’Albacete ville qu’il a fallu visiter elle savait tout sur les Smith & Wesson des USA et les Okapi sud-africains évitant bien évidemment les couteaux de viande boucher ou chasse pouah bien vite cela tourna à la collectionnite aigüe sans que jamais nous en venions à couteaux tirés bien sûr parfois je moquais un peu réponse automatique et toi avec Bill Evans ce n’est pas du fétichisme dis chéri ? l’amour de ma vie faisait une fixette sur Thiers la capitale française du couteau nous avions toujours le projet d’y aller mais à chaque fois on choisissait plutôt Sienne ou Porto Prague ou Salamanque Marrakech ou Djerba Munich ou Copenhague ou les festivals de jazz dans le midi à chaque fois que nous roulions sur l’autoroute A72 après Clermont-Ferrand elle frémissait en apercevant l’indication Thiers prochaine sortie ses yeux s’assombrissaient une sorte de nuage et faudra quand même un jour hein ? chéri quand on en aura marre de tous ces longs voyages voui amour de ma vie un jour viendra et il ne fallut pas attendre longtemps j’avais du mal à supporter ses soupirs couteliers ses attentes émoussées son espérance émorfilée je me sentais coupable ma décision était prise et moi qui suis incapable de garder un secret je réussis à me contenir jusqu’au jour où…

 

le départ un mardi comme d’habitude moins de monde sur les routes en ce moi de mai en effet personne vitesse de croisière et le fameux panneau premier frémissement de l’amour de ma vie et moi à la flèche Thiers hop clignotant à droite mais mais qu’est-ce que tu fais tu voulais aller à Thiers eh bien on y va oh doucement chérie je conduis chut et nous voilà arrivés dans une ancienne coutellerie le Parc de Geoffroy hôtel trouvé dans le guide Michelin belle demeure dans un espace avec grands arbres cuisine excellente qu’on dégustait en se tenant par la main en attendant les plats avec les verres de Saint Pourçin rosé et la nuit flamboyante le petit déj vite fait en route pour le musée (plus de six siècles de coutellerie) avec photos films historique démonstrations d’ancien couteliers montrant le calvaire des premiers ouvriers en position allongée sur le ventre face à la meule avec leur chien sur le dos en hiver pour se réchauffer plusieurs belles collections (plus de 800 couteaux… que l’amour de ma vie n’avait pas assez d’yeux pour tout regarder) et rebelote le lendemain (la vallée des rouets, sur les traces des rémouleurs) après une autre nuit merveilleusement incandescente au cours de laquelle j’essayais de ne pas voir ces maudits couteaux qui m’envahissaient me submergeaient dans mon délire tous ces couteaux ceux à air à eau à vent (les fameux coupe-vents) à nuages à pluie ou à neige à musique à films à couture à tricoter à fil à couper le beurre les couteautomobiles couteautoroutes couteauberges  couteaubergines couteaugures (de mauvaise) couteautocollants couteautoradios couteautonomes couteautrements couteauréoles couteautopsies couteautochtones couteautorisés couteautorité couteauxilliaire et tant d’autres les volants rampants glissants pétaradants bavants  éructants déconnants vibrionnants tous ceux en forme d’animaux ah celui en forme d’escargot l’autre de tamanoir de fleurs oh celui en forme de pivoine ou d’aubépine et d’arbres comme celui en forme de cèdre du Liban ou de cornouiller tous ceux en…

 

… je fus heureux de savoir à mon réveil et en partant de Thiers que  le petit couteau suisse favori de l’amour de ma vie reposait toujours au fond de son sac… vous savez celui qui ne la quitte jamais.

 

©  Jacques Chesnel  (l’amour de ma vie)

12/07/2009

DOUCHE ÉCOSSAISE

Je suis tombé, façon de parler, sur un article dans le journal au sujet de la douche écossaise que prend tous les jours un misinistre du gouvernement (mi-ministre et sinistre) alors je me suis précipité sur mon Robert des expressions et locutions : "traitement fortement contrasté, l'on est alternativement bien ou mal traité"… la douche dite  écossaise est une hydrothérapie par des jets d'eau alternativement chauds et froids ; l'expression date de la fin du XIXième siècle (fin de citation). Je m'étais toujours demandé pourquoi le fait de prendre une douche me faisait immanquablement penser au sifflement des bombes ou des obus… il devait bien y avoir une explication, logique ou pas… était-ce pour cela que je ne prends que des bains depuis si longtemps… pour ne pas entendre le sifflement des obus ?.  

Je passe vite sur les gros problèmes dudit misinistre pour vous conter ce qu'est pour moi une véritable douche écossaise telle que je l'ai vécue quelques jours après le débarquement de juin 1944.

 

Ne parlons pas des bombes, notre première terreur, qui tombaient sur le centre ville ; j'allais chez un copain sur le toit terrasse de sa maison et on regardait les destructions à la longue vue, c'est ainsi que j'ai vu tomber le clocher de la cathédrale, la mairie voler en éclats et des quartiers entiers disparaître en quelques secondes. Ce dont nous avions le plus peur ma famille et moi c'était des obus, ceux venant de nos libérateurs vers les forces d'occupation, du nord au sud, des plages du débarquement vers les bases allemandes puis après la libération l'inverse, des repaires, planques et tannières de la wehrmacht vers les forces britanniques et canadiennes basées près de chez nous, une pluie d'obus puis des tirs soutenus ou sporadiques provenant principalement d'une artillerie planquée dans des carrières.

 

Je ne peux maintenant préciser le jour mais l'heure oui, vers dix heures ce matin-là. Nous avions passé toute la nuit dans la cave de notre maison récemment construite avec des planchers en béton armé (!) ce qui nous rassurait un peu quoique, il y avait eu quelques tirs mais au matin cela recommençait et ça sifflait fort au-dessus de nos oreilles… quand nous avons entendu de loin une musique qui semblait se rapprocher, ce n'était donc pas la radio qu'on aurait oublié d'éteindre ; surmontant notre peur latente, nous montâmes à l'étage pour voir arriver un groupe de soldats ( une vingtaine) en rangs, en kilt, avec serviette de bains sur l'épaule, avec à leur tête un joueur de cornemuse : des soldats écossais allant prendre leur douche à l'établissement de bains tout proche, indifférents au tintammarre et au danger tandis que les obus passaient au-dessus d'eux sous une pluie d'orage étouffante et battante…

 

 

Je ne me souviens pas du tout les avoir entendu repasser et à l'établissement de bains endommagé le personnel n'avait aucun souvenir précis ; par contre j'ai encore et toujours dans la tête la musique du cornemuseux puis plus tard le bruit énorme d'un obus tombant et détruisant la maison d'en face, pas la nôtre comme quoi le béton armé…

Depuis ce temps fort lointain, je sais vraiment ce que veut dire une douche écossaise moi qui ne prend que des bains pour éviter le sifflement des obus…

 

©  Jacques Chesnel (Miscellanées)

 

05/07/2009

CONVERSATION 4

- qu’est-ce qu’il tombe heureusement qu’on a les parapluies

- comme vous dites

- c’est moche de partir avec un temps pareil

- avec le soleil c’est plus gai

- pour lui ça ne fait rien

- mais pour nous

- vous le connaissiez bien

- heu en qualité d’amant d’un jour oui

- d’un jour ?

- à une fête vite fait par terre dans la salle de bain

- c’était pas trop dur

- non par contre lui était très dur

- une aventure en somme

- oh ! on a pas eu le temps de s’endormir

- et alors ?

- un peu trop rapide pour moi mais bien quand même

- sa femme c’est la petite là-bas

- nous étions très amies

- elle est beaucoup plus jeune que lui

- lui n’aimait que les minettes

- comme vous

- merci

- je ne l’ai pas connu il devait être grand vu le cercueil

- du genre Rock Hudson

- l’acteur gay ?

- Christian lui était gai et homo seulement avec les femmes

- comment c’est arrivé ?

- après un match de tennis

- sans prévenir ?

- les mauvaises langues ont dit un match de pénis de trop

- la pluie s’arrête enfin

- j’ai les pieds trempés

- il était dans les affaires ?

- un port et l’autre ex-port

- trop de boulot

- il faisait tout tout seul

- c’est le moment des condoléances

- on est obligées ?

- vous non moi oui

- ah bon

- la famille

- parce que vous êtes de la famille ?

- une sorte de belle-sœur

- évidemment ça crée des liens

- les liens du sang je suis enceinte

- de lui ?

- il n’avait plus de rapports avec sa femme

- je ne vois pas le rapport

- ma chérie je suis de tout cœur avec toi dans ton chagrin

- ma chérie tu peux te coller mon chagrin où je pense

- ce n’est pas le moment ici

- j’en ai rien à foutre

- moi pareil

- mes condoléances madame

- merci

- non mais vous avez entendu pour qui elle se prend

- elle était au courant pour

- bien sûr elle nous a surpris dans la chambre

- je croyais que c’était dans la salle de bain

- avant oui et après dans la chambre

- le même jour ?

- à une heure d’intervalle

- vous allez à la crémation ?

- là je suis pas obligée mais quand même

- ah oui les liens

- non le souvenir

- ça vous a marqué

- j’avais pas l’habitude

- vous avez recommencé ?

- une fois avec mon mari

- et alors

- différent mais pas aussi troublant ni aussi vénéneux

- il reste encore beaucoup de monde

- comme pour l’homme qui aimait les femmes

- ah oui le film de Truffaut

- j’adorais Charles Denner

- bien différent de Rock Hudson

- en plus hétéro

- et plus cérébral

- parce que pour vous c’est dans la tête

- pendant la cérémonie oui

- sa femme vous regarde

- je ne peux plus la sentir

- maintenant ça sent le brûlé

- entre nous oui pour toujours

- hé ben vous alors

- quoi ?

- c’est quelque chose

- non plutôt du genre quelqu’un

- à la prochaine

- crémation ?

- si on peut dire ça comme ça, oui

 

©  Jacques Chesnel  (Conversations)

 

28/06/2009

PARKING

Le chemin d’accès à Belavit avait été goudronné, fini les ornières, et autres fondrières, pour un peu on se croirait sur l’autoroute dis donc… on modère quand même la vitesse car c’est toujours aussi étroit… au bout du chemin juste après les bâtiments, la propriété des amis, un parking dans un champ attenant disons plutôt une aire de stationnement certainement nécessaire en été vu le nombre de voitures des invités de mai à septembre et au bout une sorte de rond-point nécessaire pour la manœuvre des véhicules d’entretien et le chasse-neige, on arrête pas le progrès quoi !... chouette me dis-je on pourrait faire un rodéo de bagnoles, rigolo, non ?... cela nous changerait un peu des soirées si délicieusement proustiennes…

 

Beaucoup de voitures cette année, même une rosbif immatriculation A 999 CONS, lis-je, j’espère que ce n’est pas un programme plutôt une sorte d’humour so funny… et en effet les occupants inconnus jusqu’alors (des nouveaux amis de nos hôtes ?) étaient vraiment sympas, un peu raides dans leurs baskets de luxe mais complètement pétés dès le chant du coq à croire qu’ils devaient boire en dormant ce qu’on verra par la suite… lui sorte de John Wayne même chemise à carreaux sur bedaine de buveur de bière et autre, près de deux mètres, elle genre mini pot à tabac style nain de jardin en gamine néanmoins très sexy… hello, hello à vous aussi… bon, ça commence bien, super les english oh no we come from scotland if you please, heu yes bon comme Sean Connery alors, vouuui…

 

Formidable cet été là, comme d’habitude, ah ces Florine et Axel !, sacrés tauliers , généreux amigos !... la veille du départ de Mac et Mary, John Wayne me propose de conduire la Bentley pour aller chercher des cigares au village, il avait fumé ou donné tous les scottish siens… o. k. man et je démarre doucement pour l’avoir bien en mains cool Raoul, pas un bruit, y a-t-il un moteur ironise-je ahahah et quelle conduite, y a-t-il seulement un conducteur oui moi… maintenant retour après une longue étape au « Paradis des papilles » chez Marcel Laristo ça ne s’invente pas et la descente je vous dis pas… sur le nouveau chemin je me décide à tâter du champignon pour lui faire voir à John Wayne qu’on ne me la fait pas question rallye circuit formule un et tout le toutim Fangio ou Prost McLaren ou Renault…hé doucement l’ami ce n’est pas un bolide de course, of course dis-je tu fouettes hein John…  le compteur s’affole et moi aussi quand au bout du chemin se précipite le rond-point sur moi à combien 150 ou plus c’est comment qu’on freine crie Bashung dans la radio volume maxi et que j’te loupe le virage et John Wayne qui hurle stop stop man et moi oui mais comment et je tournicote tournicoton sur le rond-point et je repars à fond la caisse stop stop STOP good braking NOW yes John qui vire au rouge au violet aux couleurs de sa chemise écossaise hihihi et moi un coup à droite un à gauche et je rentre dans le champ et bingo je me tape la première bagnole, la BM d’Axel oh non pas la sienne pas lui oooh no, puis la deuxième re-bing plutôt bang la Clio de la blonde celle qui me drague (toujours la même sans résultat mais bon) et de deux je braque contrebraque, je redresse je suis un redresseur de sport et BANG la troisième que j’ai pas eu le temps de voir en foncé enfoncée tiens pan dans le moteur qui fume puis explose maintenant je ne me tiens plus merde on dirait que ça me plaît et John qu’a pas mis sa ceinture merde le con big bang et rebelote bang dans toutes les bagnoles un coup dans une portière dans les deux en même temps youpi dans le coffre de la C3 et j’te chante ya d’la rumba dans l’air avec le Souchon dans le poste les bagnoles de travers faut savoir y faire comme aux autos tamponneuses à la foire pareil… ta gueule John Wayne caisse qu’on s’marre non ? je suis le roi de la casse l’empereur de la démolition le surdoué du badaboum le géant du destroy le héros de l’écrabouillage l’Attila de la chignole l’Armageddon de la tire… à moi l’apocalypse de la guimbarde l’anéantissement du tacot la solution finale du bahut… encore une hein ? allez pas de chichi ni de regrets tout le monde à la même enseigne tchoc blam toutes dans le même panier boum here we go hé John ça va pas la tête dans le pare-brise tout rouge de son hémoglobine qui coule jusque sur le tableau de bord et justement la rouge raisiné celle-là oui celle-là en plein dedans vlan et rebelote vlan... BONG !

PUTAIN DE MERDE… LA MIENNE…

 

Quand je vous disais qu’on se marre bien à Belavit…en plus des soirées si proustiennes…

 

©  Jacques Chesnel  (Jours heureux à Belavit)

 

09/04/2009

AGACEMENT

Ce qu’il pouvait m’agacer, quand il répondait au téléphone à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit ; il était toujours en train de manger : abo, mbonjur, mmnattend, et il continuait de parler au lieu d’attendre d’avoir avalé sa foutue bouchée de je ne sais pas de quoi, ah si de la bouillie et patatif em fapata, arrête de parler merde bouffe et répond après mais… rien’y faisait… tout le monde lui a dit, sa famille, ses copains, ses femmes actuelles ou ses ex… et en plus il avait un appétit à se demander si son estomac allait pas un jour réclamer un peu de répit, une pause, une suspension, une récréation, surtout quand il baragouinait dans le bigophone… alors j’ai commencé à raccrocher abo clac alors il rappelait aussi sec aboo clac bon t’as pas compris mec on ne cause pas la bouche pleine, sa maman lui avait pourtant bien dit elle qui s’esbaudissait sur la gargantuamanie de son pantincruel de lardon plein de victuailles que déjà tout petiot il pleurait la bouche pleine normal, il tétait vorace, engloutissait tout ce qui lui tombait dans les mandibules, plus tard les filles se l’arrachaient et se le refilaient connu qu’il était comme un lécheur et aspirateur-suceur de première bourre d’où sa réputation de don juan au grand savoir faire-jouir, il avait été obligé de planifier c’est dire… sa grande hantise, les dents, la peur de perdre d’autant que dans la famille il y avait pas mal d’édentés et des dentiers chez presque tous les membres actifs ou pas…

si encore il n’enfournait pas les aliments les uns avec les autres (pas l’un après l’autre) en d’énormes bouchées qui défigurent sa trogne, cette façon de mâââcher, de tordre sa gueule en vrille, de se goinfrer dans la culture du gras par-ci du surgras par-là, non, que je t’engloutisse, bâfre, empiffre, tortore, ripaille… si encore il prenait le temps de goûter, déguster, savourer, de se délecter, non, c’est l’entonnoir immédiat comme s’il avait peur de manquer, comme si on allait lui retirer la bouffe de la bouche, récupérer les morceaux, faire des provisions avant la prochaine guerre, la disette en vue, l’immédiate famine…

quelqu’un m’a demandé : et alors, au restaurant ?... eh bien, cher ami, il ne va pas au restaurant, il ne peut aller au restaurant il est interdit de restaurant (comme d’autres de casino) suite à des réclamations et plaintes si nombreuses qu’il fallut bien en arriver là… on avait essayé de mettre un paravent devant sa table mais le bruit, l’avalement, la déglutition, le borborygme et autres gargouillements ou soulagements un temps pestifs faisaient un tel barouf que…

 

… à écrire tout cela d’un trait comme lui entasse ses provisions, je me sens une petite faim à moi, va falloir penser à couper le téléphone, j’ai pas envie qu’il m’appelle pendant, mambo mbonmjour…

 

Précaution : toute ressemblance avec une personne existante n’est pas fortuite ; ce personnage existe bien… dans mon imagination…

 

©  Jacques Chesnel  (Miscellanées)

04/04/2009

LUMIÈRE

Il y avait quelques exceptions dans mes amitiés lors de mes séjours à Belavit disons plutôt de rares incompatibilités d’humeur ou d’humour… je demeurais poli sans plus surtout pour ne pas faire de peine à nos charmants hôtes, car tous les gens présents étaient leurs amis… mais il y en avait quand même un que je ne pouvais vraiment pas sacquer et je suis sûr que c’était réciproque, restait à ouvrir des négociations ou à déclarer la guerre ouverte ce que je ne souhaitais nullement… je l’avais à l’œil si j’ose dire et pareil pour lui sans doute… on allait donc faire avec… à table lieu principal de rencontres on s’éloignait l’un de l’autre, au cours des conversations on prenait peu part, le plus souvent sauf sur les sujets consensuels… bon on évitait le pire… jusque là pas de problèmes, on faisait des efforts tous les deux faut reconnaître hormis quelques regards peu amènes… il portait beau ses quarante ans le Jean-Luis, une coquetterie, mais je lui trouvais l’air ou fanfaron ou veule selon les circonstances ou occasions… parfois il se mettait à débiter des diatribes logorrhéiques du genre Luchini l’acteur en aussi fou et plus chiant absolument sans intérêt pour moi et aussi certains autres avec des formules abracadabranle-bas de combat au cours desquelles je lui faisais de gros doigts d’honneur sous la table et sous les yeux horrifiés de ma voisine la blonde ex-dragueuse qui ne draguait plus vu qu’elle avait trouvé chaussure petite pointure à ses grands pieds mais qui devait se demander tout de même si ce n’était pas pour elle en souvenir de ses échecs cuisants avec moi il y a quelques années… bref tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles…

 

Un soir au cours d’une insomnie inhabituelle peut-être à cause de la grosse chaleur je sortis sur le pas de la porte de ma chambre pour prendre un peu l’air quand j’entendis de la musique en sourdine que je ne parvins pas à identifier et je vis une lumière allumée dans la cuisine située dans le bâtiment d’en face et mon zozo lui-même attablé en train d’écrire… ah bon parce qu’en plus il écrit ce con… un peu plus tard toujours sans trouver le sommeil je sors de nouveau… la lumière est encore allumée il est pourtant 2 heures 12 mais pas de scribouillard… j’attends un moment et me décide d’aller voir ne serait-ce que pour éteindre… j’arrive dans la pièce déserte… sur la table à côté d’une tasse à café vide et un cendrier plein une feuille remplie d’une écriture pattes de mouche à côté d’un stylo bic… et je me mis à lire immédiatement ce que vous venez à l’instant de lire…

 

©  Jacques Chesnel  (Jours heureux à Belavit)

28/03/2009

CHARLES, LEQUEL ?

Tout le monde connaît un Charles, dans sa famile, un père, un oncle (qui me fit découvrir le Paris-Brest aller-retour), un cousin, un ami de la famille aussi, un voisin ou une personnalité, tenez, ce prénom surgit au moins une fois dans une journée, vous voulez des exemples, bon, dans l'admiration collective, les rois de France et de Navarre, Charles le Grand, le Chauve, le Simple, le Bel, le Sage, le Fol ou le Bien-Aimé, le Mauvais, le Noble, sans compter tous les étrangers et puis le grand Charles, de Gaulle, le sauveur de la patrie et de la partie comme auparavant Martel à Poitiers, pour les pressés : Charlemagne, sans parler du Quint, Aznavour le grand,  chanteur préféré des français avec le fou chantant, le Trenet qui traîna jusqu'à sa mort sa nostalgie du refus des vieux barbons de l'acacadémie française de l'accueillr au sein d'icelle, le canadien Charlebois, pour les zamateurs de jazz d'abord le grand Oiseau  Parker dénommé Charlie puis Mingus le rebelle avec causes qui refusait qu'on le nomme Charlie et Ray le malicieux qui permuta nom et prénom, Charles Delaunay qui s'offrit une danseuse nommée Jazz-Hot afin de défendre le jazz moderne, pour ceux de musique dite classique le compositeur Gounod (on passe), le chef d'orchestre Münch, la musique contemporaine l'américain Yves et son Central park in the dark, bon, pour la littérature ou la poésie quelques auteurs célèbres, Baudelaire, Bukowski (gloup), Dickens, Péguy, Perrault, le théatre avec Dullin vu au cinéma dans le rôle de Corbaccio du Volpone de Maurice Tourneur en 1941 et d'un vieux fétichiste dans Quai des Orfèvres et son fameux n'enlevez pas les chaussures, jamais les chaussures, le cinéma avec Charles Vidor et sa Gilda avec Rita Hayworth, les comédiens l'immense Chaplin, notre Charlot international, Boyer le séducteur, l'irrésistible et troublant Laughton, Bronson, Berling et Vanel…

il doit y en avoir d'autres, mais pour l'amour de ma vie et moi, il n'y en a qu'un seul, on vous le donne en mille: CHARLES DENNER, oui, lui, NOTRE Charles à nous. (Ecartés le Lindbergh l'aviateur nazillon et Millon le salopard dit le con pour la rime).

On l'avait entr'aperçu dans quelques films, avec le magnétoscope on faisait arrêt sur image pour mieux voir sa silhouette, un valet dans Volpone aux côtés de son maître , oui c'est bien lui l'adjoint de l'inspecteur Cherier dans Ascenseur pour l'échafaud mais alors le premier grand choc: Landru de Chabrol, vedette principale, ses regards fiévreux, sa voix métallique, sa diction hésitante, fluctuante, séduisant Michèle Morgan, Danielle Darrieux, Stéphane Audran, puis la/sa rencontre avec François Truffaut avec La Mariée était en noir, Une belle fille comme moi (ah bon dieu, Bernadette Laffont en combinaison si courte ! que j'avais couru acheter la même pour l'amour de ma vie aussi belle pour moi que la Bernadette), et surtout l'inoubliable et inoublié dans L'homme qui aimait les femmes…

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"C'est en jouant avec Ginette que j'ai découvert le goût des femmes" déclare Bertrand Morane adolescent… au cimetière de Montpellier où il est enterré décédé à 40 ans suite à un accident de voiture alors qu'il suivait une femme entrevue dans la rue, elles sont toutes là : blondes, rousses, jeunes, mûres, mariées ou veuves, compagnes d'un jour ou plus de ce chasseur solitaire sans famille, sans amis, avec dans son agenda ce mot : "personne à prévenir en cas d'accident", elles seront toutes là, les actrices Brigitte Fossey / Geneviève, Nelly Borgeaud / Delphine, Geneviève Fontanel / Hélène, Nathalie Baye / Martine… toutes les autres… pour ce "double" de François Truffaut, autant amoureux des femmes avec ces dialogues superbes : "les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie", "vous avez une façon de marcher, on ne peut rien vous refuser", toutes ces phrases consignées dans un livre qui sera publié post-mortem ; et la dernière prononcée par Brigitte Fossey, la narratrice : "Bertrand a poursuivi le bonheur impossible dans la quantité, la multitude… pourquoi nous faut-il chercher auprès de tant et tant de personnes ce que notre éducation prétend nous faire trouver en une seule ?"…

 

Nous avons, l'amour de ma vie et moi, vu et revu souvent ce film et notre admiration pour Charles Denner augmentait à chaque fois. J'avais quant à moi trouvé le bonheur, total, et je ne m'identifiais pas à celui qui affirmait " malheureusement, il n'est pas question de les avoir toutes" ; rien que regarder le si beau sourire et l'éclat des yeux de l'amour de ma vie me rassurait :

" heureusement que je t'ai rencontré… sans cela, Charles, celui-là, peut-être ? qui sait ?... gros bêta ".

 

©  Jacques Chesnel  (L'amour de ma vie)

16/02/2009

CONVERSATION 3

- Ououououh ! que ça fait du bien de s’asseoir

- à qui le dites-vous

- il y avait du monde à la sortie de l’école

- ben demain c’est mercredi alors

- oui tu peux aller sur les balançoires mais tu fais attention

- la mienne c’est pareil on s’demande ?

- ce qu’elles ont à vouloir s’envoyer en l’air si jeune

- oh ! c’est pas ce que je voulais dire mais

- ou s’étourdir un peu avec les devoirs qu’elles ont

- on n’est pas bien assis sur ces nouveaux bancs

- ah ! dame oui je préfère les anciens ceux en bois

- n’empêche que ce square est vachement bien non ?

- pratique à côté de l’école et bien entretenu

- oh ! mais il y en a qui

- Muriel pas si haut je t’ai déjà dit

- la mienne elle préfère les portiques

- vous avez vu la manif à la sortie

- c’était pour les clandestins enfin j’veux dire contre

- quand même venir les chercher à la sortie

- ils ont renvoyé un copain de Muriel un petit malien mignon

- oh !

- il y a eu de la bagarre

- faites attention à mon sac je vais aux toilettes

- attention hier y avait pas de papier

- comme les sans… hihihi

- n’empêche… non madame la place est prise

- et aujourd’hui y a pas d’eau

- faut réclamer au gardien

- Muriel arrête encore une fois et j’arrive

- ils ont même tabassé un p’tit vieux qui venait chercher

- ma grand-mère dit qu’en quarante-deux c’étaient les juifs

- quand même

- bon cette fois Muriel tu descends tu deeescends

- tiens voilà le gardien

- c’est pas un gardien c’est un préposé maintenant

- hep monsieur ya les chasses d’eau qui coulent

- on a prévenu le plombier mais vous savez ce que c’est

- manman j’ai faim

- attends je cause

- faudrait augmenter le impôts

- les impôts… pour le square ?

- ça pour piquer not’ pognon

- faut écrire au maire

- écrire au maire pour l’eau des chiottes ?

- manman j’ai faim euh

- tu attends ou t’en prends une et arrête de pleurnicher

- nous en vacances on va à Pornichet

- la Bretagne avec la flotte très peu pour nous

- c’est dans le sud

- dans le sud ? non c’est en Bretagne

- c’est ça qu’est-ce que je dis en Bretagne du sud

- bon on va y aller parce que Muriel m’énerve

- la mienne c’est pire elle devient tobèse

- ben moi je la rédime sans ça

- on est toujours en train de la surveiller car elle

- je compte dans le frigo moi aussi

- et puis elle commence à ricaner devant les garçons

- tant qu’elle ricane… elle commence pas un peu tôt

- ya plus d’âge à douze ans elles ont des seins partout

- et puis après les fesses

- et après je vous dis pas ha ha ha

- si on écrit au maire on lui dit aussi pour les bancs

- pendant qu’on y est mais vous savez

- des fois ça marche

- une fois mon mari a signé une pétition

- et alors

- alors peau de balle et balai de crin

- c’était pour balayer dans les rues ?

- oui à la voirerie

- votre portable sonne

- non le mien c’est pom pom pom pom

- allo allo oui  non  d’accord  à tout à l’heure

- mon mari sera encore en retard ce soir

- le mien c’est tout les jours

- ou bien ils ont du boulot ou ils nous racontent des

- ou les deux le mien est vraiment crevé

- on finit par se faire des idées

- Muriel on rentre

- tiens voilà le préposé qui revient

- les ouatères sont réparées

- jusqu’à la prochaine fois

- et vous avez remis du papier toilette

- on est en rupture de stock

- faut venir avec le sien c’est plus sûr

- soyez pas si fatalitaire

- merci quand même

- Muriel je t’appelle une dernière fois et après

- il est temps qu’on parte il tombe des gouttes

- c’est pas étonnant avec ce temps pourri

- à la météo ils se gourent tout le temps

- oui demain c’est mercredi

- encore un car de flics pour l’école

- tous les jours maintenant faut faire du chiffre qu'y disent

- allez à jeudi

- si on est encore vivant

- Muriel donne-moi la main pour traverser ou sans ça

 

©  Jacques Chesnel  (Conversations)

09/02/2009

LE SECRET DE BELAVIT MOUNTAIN

Il n’y avait jamais eu de problèmes à Belavit au cours de mes fréquents séjours, quelques saines colères, pas de brouille si ce n’est se faire la gueule un moment, quelques chicanes, pas de grosses tempêtes, certains flirts poussés ou pas, pas d’adultère déclaré… du moins à ma connaissance. Tout se passait dans l’allégresse et la petite ripaille bien proustienne, jamais les choses ou autres n’allaient trop loin, nous étions entre gens de bonne compagnie n’est-ce pas… mais n’anticipons pas, trop.

 Je faisais quelques balades seul avec (mon MP3) ou en bande (magnétique) pour l’entretien de la forme ou la forme de l’entretien jamais de jogging… la forêt était attenante avec chemins et sentiers qui avaient été balisés par nos hôtes pour leurs hôtes… je m’égarais parfois volontairement et découvris un jour ce que les gens du coin appelaient la montagne, oh juste une colline paraissant énorme dans ce pays plat comme la main enfin presque… c’est par là que la jolie bergère passait avec le troupeau et je la saluais parfois de loin ohé… cette montagne était parsemée de clairières apaisantes pour mes muscles citadins à l’épreuve de la marche et je goûtais avec avidité la sieste sur herbe ou tas de feuilles une pâquerette entre les dents la bouteille d’eau à proximité… j’avais repéré un petit coin très ombragé genre chapelle à ciel ouvert où je me sentais tellement si bien que je voulais vivre ce moment intensément avec un sourire permanent large d’un kilomètre… mon plaisir était parfois gâché par un bruit de voiture proche et insolite en cet endroit mais je ne me posai pas trop de questions bien que ce bruit tiens !… je poursuivais ces balades de découverte en découvertes dans un périmètre relativement restreint et je découvris un jour une espèce de cabane faite de bric et de broc qui se voulait dissimulée sans trop y parvenir… curieux je m’approchais pour ne rien voir d’autre que poutres mal taillées, rondins, quelques tôles mal ondulées et une bâche ce qui aiguisa ma curiosité… et ce bruit de voiture en forêt qui se rapprochait…

Je n’insistai pas sauf que le lendemain curieux j’y revins dégageant quelques morceaux de bois pour apercevoir ce qui me sembla être des caisses… des caisses qu’est-ce ? me dis-je… en approchant mes yeux de plus près j’entrevis des inscriptions en quoi en cyrillique putain de merde des armes ? et une flamme dessinée sur les caisses… des explosifs !... il y avait bien quelques cinglés dans le coin qui arboraient des uniformes genre camouflage, qui pavanaient en jeep et jouaient comme des cons à la guéguerre mais des caisses d’armes de provenance d’où… des Balkans ?... et cette voiture noire une 403 qui rôdait... on l’avait vu une fois dans le chemin d’accès privé à la maison… tiens tiens !...

 au retour j’en parlai à la gent masculine aussi surprise et indignée que moi… des caisses d’armes, des explosifs… c’est pas vrai… tu es sûr ?... on va pas rester comme ça les bras croisés, non ? que peut-on faire ???

 

lu dans le journal daté du 15 juillet dans le rubrique faits divers :

 

On nous a signalé un feu d’artifice dans la forêt non loin du lieu-dit Belavit le soir du 14 juillet… les habitants des fermes environnantes furent surpris par des explosions en chaîne qu’ils mirent sur le compte de fêtards éméchés bien connus dans la région…  les pompiers durent intervenir mais aucun grand feu, aucun dommage ne furent signalés… une enquête est en cours par la brigade de gendarmerie ainsi que certains services de  l’armée car on a retrouvé des débris d’armes plus ou moins lourdes…

 

Au cours de ces enquêtes on ne sut et ne put rien dire à Belavit mais on pensait quand même qu’on n’avait pas été pas loin de la destruction d’armes massives hein ?… ah ! si dit-on à la maréchaussée enquêtrice, seulement la présence occasionnelle de la voiture noire la fameuse 403… qu’on retrouva quelques jours plus tard entièrement calcinée sur le bord d’une petite route non loin de là… ouf !.

 

©  Jacques Chesnel  (Jours heureux à Belavit)

26/01/2009

VOYAGE(S)

On dit qu’il faut savoir poser ses valises j’ai longtemps essayé jamais pu y arriver et voilà qu’avec l’âge je m’affole même pour une petite course. C’est pas la peine d’être allé partout ou presque sur la planète et avoir les jambes qui flageolent en prévoyance d’aller chercher le pain à côté on dirait que c’est comme pour une expédition et ça ne s ‘arrange pas avec l’amour de ma vie qui me tanne avec le cache-nez ou le parapluie hé oh je ne vais pas en Sibérie et la mousson est passée. A chaque fois que je prends l’ascenseur je me dis que cette fois la panne en plein milieu je ne vais pas y échapper  ah la porte s’ouvre je me suis encore trompé je suis au deuxième sous-sol avec la fumée d’un vieux diesel dans les narines, sacrées bagnoles. Bon ça continue le boulanger est fermé pour cause de mariage le prochain est où commence une sorte de trouille suivie d’un bref spasme intestinal quelle expédition pour une baguette un vélo qui roule sur le trottoir ohé vous ça va pas ta gueule vieux con je me retourne c’est pour moi je n’ai pas pris mon portable elle doit être encore chez la voisine du septième ciel et son chihuahua teigneux on m’appelle houhou la voilà à la fenêtre me faisant des grands signes fais-bien-at-ten-tion oui oui ça va je me débrouille un léger vertige frissons il fait de plus en plus chaud cela devient étouffant j’ai comme l’impression que et un nouveau paysage nous sommes en route pour Tabato petit village de Guinée-Bissau dans une vieille 404 avec notre chauffeur Ali qui cherche désespérément à éviter les fondrières de la route depuis Bissau en passant par Bafata un  jour de grand marché on avait remarqué un cochon braillard sur la galerie d’un vieux bus plein à craquer ce qu’on avait ri et les jeunes qui m’appelaient papa et l’amour de ma vie de plus en plus belle sous ce soleil de plomb nous allions retrouver les musiciens français de jazz qui avaient joué la veille une rencontre avait été organisée avec les hommes du village qui construisent dit-on les meilleurs balafons de tout l’ouest de l’Afrique il est six heures le village est désert aucun bruit hormis pépiements d’oiseaux et bêlement de chèvre quelques minutes un léger coup de klaxon un vieil homme apparaît dans une longue robe violette la tête coiffée d’une calotte le chef de village discussion des artistes français venus rencontrer des artistes guinéens il avait été prévenu mais ne se rappelait pas du jour exact il frappe dans ses mains et tout le monde sort des cases hommes femmes enfants explications fin exceptionnelle du ramadan allez mettre vos habits de fête et sortez les instruments pour honorer nos visiteurs

 

 

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je halète un peu je suis trempé de sueur j’ai dû me tromper de chemin pour cette foutue boulangerie quel con suis-je il faudrait les hommes apportent deux balafons et des instruments de percussion les femmes arrivent une à une avec les robes multicolores les enfants nous entourent sourient et font des grimaces aux appareils photo et au caméscope l’amour de ma vie n’en croit pas ses yeux moi non plus un concert improvisé commence les femmes chantent et se mettent à danser à tournoyer  un adolescent noir casquette et jean troué me demande ça va monsieur dites ça va oui mais où est la rue à tournoyer et nous battons des mains et tapons des pieds la tête d’un enfant surgit entre les balafons les rythmes changent l’amour de ma vie me regarde de son si beau sourire les femmes me regardent elle regarde les hommes les petits qui se trémoussent aussi le temps est comme suspendu dans le soleil déclinant entre les arbres et les cases nous sommes heureux dans cet autre monde nouveau pour nous on les remercie on s’étreint un tout petit gamin vient vers l’amour de ma vie et lui tend les bras elle a des larmes de bonheur plein les yeux je crois que je suis dans la bonne rue maintenant tout près de cette foutue boulangerie dans l’auto nous rions en nous tenant par la main comme depuis toujours  Ali pouvez-vous arrêter nous voulons boire tenez Ali merci je ne bois pas c’est le ramadan il faut que j’attende encore oh Ali excusez-nous ya pas de mal et j’aperçois l’enseigne baguépi rétrodor machin là tout près bonsoir je voudrais une baguette tradition bien cuite désolé monsieur il ne nous reste plus de pain  avec ces vacances et notre collègue qui est fermé pour le soir à l’hôtel dans notre chambre climatisée qui ronronne nous regardons le film de cette journée et alors l’ascenseur la voisine du septième son chihuahua la rue la boulangerie le pain et le reste qu’est-ce qu’on s’en fout mais alors là totalement.

 

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©  Jacques Chesnel  (l’amour de ma vie) 

24/11/2008

CHAMPIGNON

Aujourd’hui

j’ai balayé la cuisine avec des mouvements lents précis j’ai repoussé la poussière les miettes du repas sur les marches vers le jardin puis sur le sol l’or a de nouveau monté sur le marché international le napoléon a atteint sa cocotte maximum le dollar se déprécie encore un peu plus et même on dit que l’euro va

notre couple de merles fait in cessant aller/retour au nid derrière les roseaux de la lapalissade pour alimenter les petits affamés

le jardinier a bien ratissé les allées et déjà les merles refont le voyage avec parfois des cris stridents lorsqu’ils m’aperçoivent de leur œil rond il va falloir remettre de l’eau dans le vase celui que Simone nous a offert le lilas aspire toute l’eau et le champignon pousse sur ou dans ma tête sur ou pas dans ma peau sous mes cheveux que

le dollar plonge et même on dit et une ministre de plus inaugure avec un discours insipide de plus et le petit chef se prend toujours de plus pour le roi des

sous mes cheveux dans lesquels le vent ramènera peut-être la poussière et les miettes avec au loin le bruit de la ville et de près la radio qui débite le discours de plus et les autos pleines de gens qui ne plus jamais attention aux merles qui refont le voyage de plus entre celui qui se prend pour le roi et…

aujourd’hui

je me suis lavé soigneusement peut-être plus que d’habitude sans savoir pourquoi les parties de mon corps que j’aime laver de tout soupçon pendant que dans le poste on annonce une grande manif’ de plus faudra penser à regarder le compte-vomi à la télé entre feuilletés et variétons

le carillon deux tons la porte s’ouvre raclant le carrelage deux tons de plus avez-vous les oignons de dahlia de vot’ dame parce qu’il est encore temps quelle pluie dites-moi mais au moins comme ça la pelouse est bien verte au prix qu’est l’eau privatisée tout augmente malgré la ministre de plus je vais la tondre parce que je suis de noce samedi une nièce de plus dix-neuf ans c’est bien trop jeune enfin je suis témoin peut-être un divorce de plus ah ! à partir du premier juin  ce sera dix euros de l’heure c’est le même prix partout dites donc quel temps

aujourd’hui

je ne sais pas pourquoi à moins que de plus le dollar et le jardinier je ne peux m’empêcher de penser à Pavese et à Scott au métier de vivre et de mourir à la tendresse de la nuit qui rend le jour plus cruel à l’imbécile qui se prend pour le roi et que l’eau a encore baissé d’un centimètre de plus dans le vase de Simone avec Mingus dans le lecteur de CD son gros outil entre les doigts et dans le jardin le merle avec quatre morceaux de ver de plus dans son bec si jaune ce qu’il est noir encore plus avec son bec encore plus jaune les petits sont donc quatre dans le nid derrière la lapalissade peut-être est-ce lui qui me répond quand je lui siffle les premières notes de round about midnight ?

aujourd’hui

le jour est plus cruel pour qui comme moi le vit entièrement

l’or et les merles la ministre et l’eau dans le vase le bruit des voitures au loin l’imbécile qui une ambulance maintenant tout le monde me paie dix euros de l’heure la contrebasse du grand Charles le vent qui se lève et ramène le bruit sourd et continu venant de la ville le champignon dans ma tête sous les cheveux un champignon qui pousse comme un champignon et le dernier Muñoz Molina dans la vitrine du libraire penser à l’acheter la musique qui s’est tue maintenant Mingus ne joue plus mais la musique continue pour lui pour moi malgré le silence qui s’installe dans le bruit sourd et continu et l’ambulance et l’imbé qui

aujourd’hui

c’est le moment que choisit l’amour de ma vie pour m’annoncer qu’il n’y avait pas de fromage pour ce soir si tu en veux il n’est pas trop tard faudra penser aussi aux vêtements d’été pour les enfants à la révision annuelle de la voiture et à la grève de mardi contre la vie chère l’inflation et la ministre sinistre c’est important tu viendras promis ? tu as vu les merles le lilas est en avance la voisine m’en a réclamé et ton champignon qu’il faut que je soigne ce soir avec une nouvelle crème homéopathique qui devrait te réussir

ton champignon

mon champignon

qui

aujourd’hui

brutalement sans prévenir

comme un champignon

explosa dans ma tête

comme ça

BOUOUOUOUMMM !!!

 

©  Jacques Chesnel  (l’amour de ma vie)

17/11/2008

CONVERSATION 2

 - bonjour

- …

- pas de réponse c’est pas grave

- on n’a pas entendu

- alors je répète bonjour

- vous l’avez déjà dit

- oui mais vous m’avez pas répondu

- oh vous savez depuis le temps qu’on attend

- Madame Arondel

- Darondel avec deux D c’est moi docteur c’est à moi enfin

- oui mais moi j’étais là avant vous

- j’ai rendez-vous à quinze heures

- bon il est dix-sept et c’est à moi

- j’attends depuis deux heures alors

- Eliane donnez-moi le carnet de rendez-vous

- vous avez pris du retard docteur c’est bien à Madame Arondel

- Darondel

- c’est le docteur qui commande quand même

- voui mais on sait ce qu’on sait

- quèque vous voulez dire par là

- rien par là mais par ailleurs on

- vous voulez dire les combines ou passe-droit ou bien

- je me comprends

- nous aussi n’empêche

- j’ai un car pour rentrer c’est assez loin

- mon mari vient me chercher il aime pas poireauter

- vous êtes venue pour quoi moi c’est mes jambes

- vous avez de la chance moi c’est les glandes

- j’ai tout fait même les espécialistes rien n’y fait

- pareil alors j’essaie tout le monde

- y paraît que ce docteur fait des miracles

- je ne suis plus croyante mais

- moi je suis aux témoins

- ben ça alors c’est de l’embrouille à midi

- c’est une secte qu’y disent sur RTL

- Madame Rolanda

- voilà voilà enfin

- on dit ça une sec peut-être mais au moins on chante

- vous vous tenez par la main non ?

- pas obligé on chante beaucoup

- il est quelle heure ? mon mari qu’attend

- et moi mon car c’est dans

- ya encore une personne avant vous

- au train où y va

- ah pour ça il auscute bien

- et il donne pas des tonnes de médicaments lui

- tenez j’en connais un l’ordonnance est recto verso

- des fois ya comme des guérisons à la sec

 

- et ça a rien fait à vous

- ils disent que je suis pas assez croyante

- faut vous concentrer plus

- je m’efforce ya un monsieur qu’a été guéri d’un sauna

- par la position des mains qu’ils disent

- il aurait pas eu la varicelle des fois

- nan mais des varices oui tout plein

- ces nouvelles maladie tenez mon gendre il

- et à un autiste qu’a une otite qu’est-ce qu’ils font

- ça dépend de sa croyance

- et les nouveaux médicaments dans les pharmaceries

- ah les médicaments génétiques

- génétiques génériques c’est du pareil au même

- il paraît que c’est de la poudre de perles à Pinpin

- moi je reste fidèle aux classiques

- comme moi tenez pour la

- Monsieur Taurin

- ça a pas été long cette fois

- tant mieux pour mon car

- dites ce qu’il est maigre ce vieux bonhomme

- peut-être qu’il mange pas à sa faim

- vu avez vu tous ces zobèses maintenant

- ils veulent pas faire le régime

- faut manger que de la viande blanche

- moi je pourrais pas j’aime que le biftec

- et arrêter les frites avec

- passez-moi la revue là siouplait à côté du bigarreau

- c’est le figaro madame

- mon mari dit bigarreau parce qu’ils nous prennent pour des cerises

- le mien à part paris-turf pour les courtines

- vous avez vu les grèves

- personne veut plus rien foutre

- c’est pour ça qu’ils mettent le service minimum

- y en a que pour le pouvoir des chats

- normal c’est eux qui commandent

- vous croyez le mien il

- qu’est-ce que c’est long non

- ça doit être sérieux avec sa mine de papier mâché

- j’voudrais pas louper mon car car

- et le mien qui moisit y va faire la gueule toute la soirée

- j’vais aller voir la secrétaire

- elle y peut rien il est toujours en retard

- on est plus que toute les deux vous avez l’heure

- des fois il s’absente pour une urgence alors là

- parlez pas de malheur y repasse par la salle d’attente

- il va pas nous faire ça quand même

- manquerait plus qu’ça

- peut-être qu’il lui fait passer une radio

- on peut vivre jusqu’à cent-vingt ans maintenant

- le p’tit vieux lui j’sais pas si

- il y en a d’increvables

- ma grand’mère on s’demandait si

- Madame Morano

- c’est moi au revoir

- tâchez pas d’être trop longue

Le vieux monsieur sort en souriant.

 

©  Jacques Chesnel  (Conversations)