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17/08/2010

AU PIED LEVÉ

 

Lorsque Jonathan, qui comme tous les matins vers six heures trente prenait son pied avec Manon, entendit à une émission de radio que chaque être humain possédait un pied plus gros que l’autre, il se retira d’arrache-pied pour voir lequel des deux c’était chez lui ;  Manon, qui était en train de prendre aussi son panard, jeta un regard anxieux sur les extrémités de ses membres inférieurs tout en regrettant que Jonathan ait levé le pied si rapidement ce qui n’était pourtant pas son genre plutôt têtu. Ils furent néanmoins soulagés de s’apercevoir qu’ils avaient le même plus gros : le gauche. Cela nous fait une belle jambe rirent-ils derechef et se mettant ensemble au pied du mur repartirent du bon pied, quand on a commencé faut bien finir, on va pas lâcher pied aussi vite… et ce fut vraiment bien… ce matin comme les autres.

Jonathan avait connu Manon il y a onze ans lorsqu’elle faisait le pied de grue dans un abribus sous une pluie battante ; il lui avait proposé de monter dans sa voiture sans lui forcer la main et devant son refus s’était senti bête comme ses pieds alors qu’il avait le cœur sur la main. Il insista doucement car la pluie redoublait et aucun bus n’était en vue. Elle accepta avec une moue qui le fit craquer. Sans vouloir lui casser les pieds, il lui demanda où la déposer ; ils allaient dans la même direction… et ce fut le début d’une belle aventure, du cousu main, un bonheur construit pied à pied où chacun y mettait du sien sans avoir pieds et poings liés, donc sur un même pied d’égalité, ce que famille et amis applaudissaient des deux mains (ne sachant comment le faire d’une seule, en tournemain et de main de maître). Ni Manon ni lui n’étaient de première main mais très rapidement ils mirent leurs pieds dans le même sabot tout en se prêtant main-forte. Dans les fantaisies amoureuses, Manon aimait avoir son Jonathan bien en main (difficlement à pleine main) ce qu’il attendait de pied ferme, sans le lâcher ; malgré les ans, l’habitude et le rituel, elle avait la main toujours aussi leste et lui partait toujours du bon pied sans se faire marcher dessus ; ils avaient trouvé chaussures à leurs pieds sans se les prendre dans le tapis. Lorsqu’en sous-main, ils prirent amant et maîtresse pour se faire la main et pour repartir (et retomber) sur leurs pieds, M et son J se mirent le pied à l’étrier pour préserver leur union sans se salir les mains ou en venir aux mains voire au coup de pied au cul ; heureusement leurs partenaires n’étaient pas de pieds-nickelés qui ne mirent pas leurs pieds dans le plat sans leur couper l’herbe dessous.

Tout allait donc pour le mieux jusqu’à ce que un inconnu, certainement un homme de main malveillant (aux ordres d’une ex de J ? ou d’un éconduit de M ?) s’en mêle et leur casse les pieds avec chantage, intimidation, menace de dénonciation, scandale… ; comme ils n’aimaient pas se faire marcher sur les pieds, ils firent des pieds et des mains pour trouver une solution. Unis comme les doigts de la main, ils décidèrent de faire main basse sur le quidam et de s’en débarrasser vite fait mais comment ?. Un vieux pote à Jonathan qui travaillait souvent en sous-main et toujours d’une main de fer fut chargé de leur donner un coup de main et de régler l’affaire ; il rapidement mit la main au collet du truand et lui fit passer les pieds devant jusque dans la tombe haut la main, on ne sut jamais de quelle façon. Bien fait pour ses pieds dirent nos amoureux en se frottant les mains, heureux de se les laver sans se casser les pieds. Conforté par l’heureuse conclusion de cette situation, leur amour repartit de plus belle avec ce fameux pied de nez sans se faire prendre la main dans le sac.

Jonathan et Manon prennent toujours leur pied (gauche) à six heures trente chaque matin comme les autres mais sans écouter les nouvelles à la radio… on ne sait jamais ce qui peut arriver aux autres membres de notre corps, pensaient-ils… sans changer de main.

©  Jacques Chesnel

14:37 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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