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24/05/2012

ISOLOIRS


Je n’aurais jamais dû sortir de mon premier, j’étais si bien dedans pendant neuf mois, Maman, merci.

Dans mon second, il faisait aussi tout noir à l’intérieur, c’était le cagibi sous l’escalier pour mes premières punitions, je devais avoir trois ou quatre ans, je braillais, vomissait, pissait tant et tellement alors j’y retournais une fois de plus souvent avec les balais poilus et les serpillères aqueuses ; dans mon second, il flottait une drôle d’odeur, moitié genre urine confie moitié eau de sent-bon de vieille chaisière ; à travers un p’tit carré de grillage en bois, une voix mielleuse me condamnait aux pires supplices parce que j’avais avoué avec fierté que j’aimais bien regarder la culotte des filles tout en me tripotant la zézette et que j’avais roulé une pelle à une copine dans la sacristie le jour de ma première communion, on appelait ça un confessionnal, ce qui me faisait marrer à cause de con et de fesse mais me faisait mal aux genoux à cause de la planche où des clous dépassaient pour aggraver la punition, salauds de curetons ; puis ce fut la petite chambre sous les combles au huitième étage sans ascenseur mais avec Monique, notre isoloir à deux à nous, on aimait y rester le plus longtemps possible pour enfin presque avant que son Papa vienne nous déloger et de me mettre un beigne t’as pas honte garnement à quatorze ans re-beigne, ta gueule vieux con ; je m’enfermais assez souvent dans l’isoloir à caca avec des numéros de Paris-Hollywood sur lesquels des starlettes me faisaient fantasmer avec la veuve Poignet qui me laissait anéanti et comblé voire exsangue ah ! la belle bien roulée de partout la Nadine Tallier qui allait devenir la replète Baronne de Mesdeux de Rote-Childe avec chichis et compagnie ainsi qu’une brochette d’autres starlettes  dénudées mais pas trop.

Je connus ensuite des séjours plus au moins brefs au cabanon dit le mitard aux cours de mes courts séjours dans l’armée, je n’avais pas, je n’ai jamais eu l’âme combattante alors vous pensez : allez Machin, vite fait au trou, moi c’est Jérôme, Jérôme Ricard, comme la boisson que vous buvez tout le temps jusqu’à plus soif mon adjudant, au cagnard j’ai dit, bordelàcul, avec huit jours de plus.

Depuis ces temps révolus, je suis souvent retourné dans les isoloirs pour faire, comme on dit, mon devoir de citoyen, je me suis souvent trompé de bulletin comme tout le monde mais je ne suis jamais allé dans la mauvaise direction, j’ai quelquefois foutu la pagaille au cours des élections locales en brouillant ou bidouillant les bulletins, essayé de coincer ma jolie voisine au risque de déglinguer la disposition instable patatras non mais qu’est-ce que vous faites vieux grigou où vous croyez vous donc, c’est pour vous que je vais voter, vous glisser mon gros bordereau tout chaud, vous pouvez pas attendre un peu non ? ce soir ? après le dépouillement ?… je vais vous dépouiller… on devrait voter plus souvent.

Ces temps-ci, je m’isole de moins en moins, je recherche la compagnie, je retrouve des copains perdus de vue depuis belle lurette, ‘tain Jeannot il a pris un sérieux coup de vieux, comment tu fais toi Jérôme avec tes allures de jeune blanc-bec élégant, tu marches à quoi toi Lulu, oh René tu ne fumes plus… et puis je ne veux plus les voir, ils me dépriment tellement avec leurs souvenirs, leurs regrets, leur absence d’espoir alors je m’isole de nouveau tout en sachant que, comme tout le monde, j’aurais droit au dernier isoloir, celui dont on ne sort jamais mais je peux vous dire que je vais appuyer de toutes mes forces sur ce foutu couvercle car j’ai jamais eu l’occasion de me faire enfermer définitivement et ce n’est pas cette fois qu’on va m’en empêcher, vu ? c’est pas demain la veille ni la vieille... alors je m’entraîne tous les jours, de la muscu et des haltères pour fortifier mes bras et je fais de progrès quotidiens, allez Jérôme encore un effort…

 

©  Jacques Chesnel

 

19:57 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

17/05/2012

VA-ET-VIENT EN CONJUGAISON

 

Je sors avec le candidat sortant

Tu entres avec le président entrant

Il émerge d’un pays émergent

Nous accourons à une chasse à cour

Vous vous endormez au bois dormant

Ils flippent au flipper

Je fais la grève sur la grève puis sur le tas

Tu avoues l’inavouable à l’avoué

Il bulle en faisant des bulles avec des boules

Nous adorons les dorures érodées

Vous rôdez de rodéos en ronéo

Ils errent sur l’aire de l’Eire avec un drôle d’air

Je subis un choc las pour le chocolat

Tu picoles dans la rigole, c’est rigolo

Il éternue sur mes terres nues, éther nu

Nous faisons la course avec mes courses

Vous pétez la forme en pétant tout en pétaradant à la parade

Ils sautent en marche et sursautent sur Mars

Je pratique le sur-place sur la surface

Tu esquives sur la rive dans le total qui-vive

Il dit ah ! mon cochon qui vivra verrat

Nous n’y avons vu que du feu en nous brûlant

Vous avez donné l’absolution en solution sans ration

Ils ont aimé Zorro le héros puissance zéro

Je les ai tous vaincu, j’en suis convaincu, même les cons

Tu as mangé deux pommes avec une pom pom girl

Il a fondu sous leurs regards de braise

Nous avons bu un whisky pur malt à Malte, c’est autre chose

Vous avez connu la suprématie debout et vu les Suprêmes assis

 

Ils n’osent pas appeler William mon chat qui expire

Je ris quand Ruth rote en lisant Philip Roth

Tu répugnes à nommer Corneille un auteur qui prend Racine

Il a tout retardé pour être en avance, ça marche

Nous étions démontés comme la pendule d’un pendu

Vous avez retrouvé tous vos sens grâce à un sens unique

Ils n’ont rien vu venir, encore moins retenir, ni su revenir,

sinon repartir, encore une fois comme d’habitude

mais moi

Je n’ai pas entendu le train qui n’a sifflé que deux fois

Je suis raide comme une passe lassée

Je prends le large dans la marge de la barge

J’expie dans l’extase, un exploit, c’est plus explicite.

 

© Jacques Chesnel

12:12 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (4)

15/05/2012

Chronique CD MISCELLANÉES JAZZISTIQUES / 3

 

Les quatre premiers mois de cette nouvelle année ont été remplis de bonnes surprises, la meilleure étant à mes oreilles, l’inattendu (quoique) trio CHICK COREA / EDDIE GOMEZ / PAUL MOTIAN : FURTHER EXPLORATIONS (ConcordJazz CIA-33364-02) majestueux hommage à BILL EVANS avec un répertoire digne de la circonstance en la présence de deux anciens compagnons (Paul Motian de 1959 à 1963 ; Eddie Gomez de 1966 à 77) de cette figure de légende qu’est et sera toujours le créateur d’une esthétique dont on re/découvre sans cesse à chaque audition les beautés incomparables.

 

Autre découverte après les révélations de Ping Machine et de Jean-Philippe Scali : le travail remarquable du saxophoniste STÉPHANESPIRA et son ROUND ABOUT JOBIM sur des arrangements de Lionel Belmondo et son groupe (octette) « Hymne au Soleil ». Le projet ne manquait pas de culot : mettre en évidence les qualités mélodiques du génial brésilien en se débarrassant de tout contexte rythmique, d’où l’absence de batterie et de percussion et en y intégrant deux pièces d’un autre créateur brésilien, le compositeur Heitor Villa Lobos, auteur, notamment, des fameuses 9 Bachianas braseileras. Le résultat est à la hauteur de l’ambition pour qui veut écouter la lascivité/suavité des mélodies, la souplesse et l’élégance des solos du saxophoniste au soprano comme au ténor qui confinent à une sorte d’introspection charnelle. Il est coutume dire qu’une écouté répétée permet de mieux s’envelopper dans la musique, c’est le cas ici et on reste étonné, ravi et comblé, le travail de Lionel Belmondo faisant jeu égal à celui du concepteur inspiré, Stéphane Spira.

(Enregistré en décembre 2010 ; Jazzmax production)

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PIANISTES

Deux révélations :


. GABRIEL ZUFFEREY CONTEMPLATION piano solo

Voyage introspectif, méditation élégiaque enregistrée dans les montagnes suisses, un répertoire dans lequel s’insèrent des compositions personnelles et de musiciens tels que McCoy Tyner, Erik Satie, Monk, la Funny Valentine de Richard Rodgers, Monk, Ornette et Coltrane. Un bel intermède de sérénité et de paix.

(Bee Jazz)


. BENJAMIN FAUGLOIRE PROJECT THE DIVING

Benjamin Faugloire (p, comp), Denis Frangulian (b), Jérôme Mouliez (dm)

Deuxième opus de ce trio créé en 2005. Musiciens qui s’écoutent autant qu’ils s’entendent pour une musique où la part de la mélodie est prépondérante, une évidente simplicité sans maniérisme dans laquelle surgissent parfois quelques conjonctures plus affirmées. Pianiste au style singulier sans références définies ou avec références confondues, donc à suivre, de très près.

 

Dernière (bonne) surprise : la récente production du Label Durance : OTHER THING, premier disque du saxophoniste Jean-Claude Bersegol où on retrouve avec plaisir le saxophoniste et clarinettiste André Jaume et l’infatigable Alain Soler cette fois à la guitare. Un bon bol d’airs frais et de combinaisons sonores nouvelles. On en a souvent besoin.

 

Jacques Chesnel

 

18:22 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0)

04/05/2012

JACQUERIE

 

Une fois par mois, les Jacques se réunissent pour parler de tout et de rien.

Au cours de la dernière réunion, Jacques a posé la question des racines, ce à quoi Jacques a répondu qu’il n’avait pas de racines et que cela ne voulait rien dire, ce à quoi Jacques a demandé alors d’où viens-tu, Jacques a rétorqué que ce n’est pas de venir de quelque part qu’on a pour cela des racines, Jacques a observé alors qu’on doit s’enraciner quelques part pour pouvoir en venir, Jacques répliqua qu’on n’allait pas passer la journée à se tripoter le bulbe quant aux origines, Jacques obtempéra et annonça que pour lui l’enfance était plus important pour expliquer tout ça quand Jacques avoua qu’il n’avait aucun souvenir de son enfance, arrête de faire le Jacques dit Jacques tu sais bien que c’est de là que tout vient et non d’ailleurs, d’ailleurs avança Jacques tout le monde n’est pas d’accord là-dessus, ah bon interpella Jacques et les madeleines alors hein, oh on va recommencer avec Proust mon cher s’indigna Jacques, chez nous affirma Jacques c’était les biscuits Lu, nous à la maison babafouilla Jacques on n’avait pas les moyens seulement les tartines pain-beurre, et c’est comme ça qu’on prend racines dans le terroir rigola Jacques, bon les mecs argumenta Jacques si on abordait les choses sérieuses, quoi aboya Jacques le petit déjeuner si c’est pas du sérieux zut à la fin que Jacques débita à sa manière par un zutalafin retentissant, Jacques serina mon enfance c’est demain, non Jacques vu ton âge t’es encore dedans, vous m’emmerdez avec l’enfance reprit Jacques énervé, tenez osa Jacques pour ma première communion, ah bon pasque trancha Jacques tu as fait ce cirque moi qui croyait que, faut pas se fier aux apparences releva Jacques tout fier, ma sœur Jacqueline revendiqua Jacques est bien devenue carmélite, prêt pour le dialogue ironisa Jacques, heu quel rapport avec les racines du petit déj’ souffla Jacques, bon on va se fâcher pour si peu articula Jacques le jeu n’en vaut pas la chandelle, que nenni proféra Jacques on est en plein dans le sujet, tenez maugréa Jacques moi je jouais au curé intégriste, et tu es devenu anticlérical souligna Jacques, comme quoi les racines l’enfance le p’tit dèj la chandelle et la religion c’est du pareil au même hihihi ricana Jacques, Jacques (celui qu’on appelait Jacquot) éructa oh les mecs on va se prendre la tête pour des conneries, Jacques (celui qui se faisait appeler Jacquou le croquant sans savoir pourquoi) susurra que le moment était venu d’ouvrir une autre bouteille, mes enfants gronda Jacques (dit le Gros car fils de Jacques Legras) tout ça c’est pas tout mais moi je vous le dis on se met le doigt dans l’œil jusqu’au trognon, trognon trop mignon troufignon badina Jacques qui se faisait appeler Jacky, Jacques assura qu’on savait plus de quoi on causait, on cause pas on bavarde bavarda Jacques, et alors si parlait politique mes amis insinua Jacques, on va recommencer à s’entre-déchirer lâcha Jacques ce serait un tollé, un tolléador grimaça Jacques qui aimait les corridas, moi je suis contre la peine de mort grogna Jacques, Jacques susurra qu’on ferait mieux de parler d’amour avec du poil autour, ce qui rendit Jacques furieux à cause de la grossièreté du pelage, si on ne peut plus rigoler ici s’esclaffa Jacques, rires de toute l’assistance jacquienne…

même de Robert qui se trouvait là par hasard parce qu’il s’était trompé de salle de réunion… comme quoi !.

 

© Jacques Chesnel

10:23 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)