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28/06/2012

VISITE À DALI (Souvenirs de l’été 1961)

 

Cette année-là, l’amour de ma vie et moi avions choisi l’Espagne, la Costa Brava et Cadaquès pour quelques jours de vacances que l’on dit bien méritées ; le livre de Henri-François Rey Les pianos mécaniques n’y était pour rien parce que « le St-Tropez espagnol » bien avant Ibiza, très peu pour nous. Non, j’avais une autre idée : celle de rencontrer Salvador Dali que j’admirais et admire toujours malgré certaines positions politiques du personnage ; et puis, lors de ma première expo parisienne à la galerie Le soleil dans la tête, un copain m’avait dit que si je l’abordais bien, il n’y aurait pas de problème, alors !; bien aborder ?, comment ?.

Nous avions installé notre petite tente orange dans la baie de Port-Lligat, installation sauvage, quelques campeurs qui dès le premier jour nous alertèrent sur le cinglé d’en face qui donnait à manger à ses cygnes le matin et l’après-midi tirait des coups de feu, d’où notre étonnement sur ces derniers. Le lendemain matin, je guette et aperçois Dali qui alimente ses bestioles et m’approche un peu intimidé et après un bonjour lui déclare que des cygnes dans l’eau de mer c’est plutôt contraire à la légende qui voudrait que… et notre relation s’établit avec sa réponse sur les imbéciles qui prétendent que… nous nous quittons, les campeurs qui avaient tout vu me demandent et alors le fada ? vous avez de la chance nous on s’est fait jeter... et je reviens le lendemain à la même heure et là tout de go je lui exprime mon admiration et avoue que j’étais venu pour le rencontrer et… il m’invite à entrer dans sa maison ou plutôt ses trois maisons de pêcheur aménagées, nous bavardons sur la peinture, surtout sur l’abstraction lyrique qu’il détestait, sur Georges Mathieu que j’admirais également et que Dali taquinait en lui affirmant qu’il peignait des grues sans arrêt, sur son travail en cours, son idée et projet de musée, sur…ces crrrétins de campeurs de l’autre côté de la baie dont les tentes bleues ou oranges (dont la nôtre !, je n’allais tout de même pas lui dire que je fais partie de ces…) mutilent le paysage, tout cela sans colère, très calmement, chaleureusement, à l’opposé de toutes ses attitudes savament orchestrées par les médias gourmands de ses frasques.. . et je lui pose alors la question sur les coups de feu, ah ! revenez demain après-midi et voilà Gala sa femme qui entre dans la pièce en faisant la gueule (on m’avait prévenu)  sans un regard pour moi signifant par là que l’entretien est terminé… de retour chez les crrrétins je reste muet devant leurs interrogations vous y retournez demain ? pour les coups de feu ? et confie mes impressions à l’amour de ma vie, pantoise…

 

Ce fameux lendemain, Dali m’attendait et m’emmène dans le jardin derrière le batiment où se trouve Arturo son valet très digne tenant un fusil appuyé sur une fourche en bois en guise de béquille et visant un arbre sur lequel est accroché une plaque de cuivre, Arturo remplit l’engin d’une cartouche remplie de clous, Dali assis dans un fauteuil crie « fuego » Arturo impassible tire et la cartouche explose sur la plaque de cuivre… Dali m’explique alors qu’il travaille sur un livre qui sera le plus cherrrr du monde L’Apocalypse selon Saint-Jean en collaboration avec notamment Jean Cocteau et Bernard Buffet, il réalise une série de gravures, utilisant les empreintes des clous dans la plaque de cuivre sur laquelle il travaille ensuite… je lui demande également pourquoi l’ongle du majeur de sa main droite est exagérément long ? ah ! c’est pour réaliser un portrait du pape Jean 23 et prenant une feuille de papier et un petit flacon d’encre de Chine, il pose une tache et avec son ongle donne des sortes de pichenettes dans tous les sens en tournant la feuille et me montre une ébauche… j’allais lui dire au revoir quand il me demande si je voulais visiter son atelier quelle question ! Il me montre alors un de ses derniers grands tableaux intitulé La découverte de l’Amérique par Christophe Colomb sur lequel figure Gala en sainte auréolée sur un grand étendard, œuvre qui attendait de partir pour un musée… au moment de partir il m’annonça que le lendemain il assisterait à une grande fête à Cadaquès donnée en son honneur… nous nous mîmes sur notre 31 l’amour de ma vie et moi c’est-à-dire un pantalon long et un coup de peigne pour moi une robe et peu de maquillage pour elle en lieu et place des sempiternels shorts ; que de monde sur la plage de Cadaquès où l’on avait construit une estrade sur laquelle jouait un orchestre et où évoluaient les danseurs de sardane en attendant le Maître… qui à minuit presque pile arriva dans un petit bateau doug doug doug piloté par le fidèle Arturo, derrière Dali un paravent rouge et devant lui une sorte de projecteur qui éclairait son visage marmoréen ; applaudissements, hourras, Dali descend majestueux traverse la foule et m’aperçois il vient vers moi me prend dans ses bras pour une accolade démonstrative, l’amour de ma vie mitraillant la scène avec notre appareil photo… dans lequel j’avais oublié de mettre une bobine !!!... j’entends encore et toujours les déclics, merde.

 

©  Jacques Chesnel  (L’amour de ma vie)

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21/06/2012

DÉFORMATIONS / DÉSINFORMATIONS

                          

C’est quand il m’a mis son pétard sous le nez en braillant labour sous l’avis que j’ai compris qu’il avait de la fuite dans les idées oh en toute méconnaissance de Causses et reconnaissance d’Odette, ce qui me mit en pétard avec l’envie furieuse d’en fumer un ; il ne me restait plus qu’à me tirer une traite sur le futur ou au mieux faire des pleins des sens sur la comète de râler un bon coût : je m’étais fourrer dans de sales bras et ne voyait pas comment m’en sortir autrement qu’en serrant les points et marquer des poings, pas si évidant. Là-dessus j’émets un pet de traverse avant de démordre la poussière, il en profiterole pour me talquer à ride abattue avant de défaire dans la dentelle, nous y voilà. Avec sa soif du mâle, il me mit l’épée dans les riens, il me fallait donc dépendre mon pied avant de prendre le large dans la langueur, ce qui je fis sans trader et avec prêt si pétition, ça roucoule de source ; il devait y avoir du détartrage à l’amulette suédoise. Des gages, classe-toi, lui intime-je sans beaucoup d’illusions car il n’obtempéra pas. J’essaie alors de détricoter des gambettes afin de prendre la foudre d’escampépette mais queue d’ail je fais du surplace dans la déroute c’est pire que la bataille des waters à l’eau en je sais plus combien damnés, par compte je ne sais pas comment me dépatouiller de ce qui à propos, envoyer un message subit minable ? oui mais à qui dame ?. Il me faudrait troquer le trac contre un truc du tac au tac sans tics trop de tocs mais quid ?, j’ai peur de me faire mouler dans la narine avant de me faire têter le nez et que ça me pende au bout dudit, j’ai peur aussi d’en mater une comme un rat ou d’en rater une comme un mât qu’on se farcit dans la moire entre le ramage, je suis un peu comme mon copain Jeff Roy qui se plaint d’être sempiternellement tant pire un candescent remontant malgré son cas rance de nippes à des coites ou comme Michel Aufray avec son traité d’athées au logis sans abris ni brique à braque pour branque. Maintenant (comme disait Madame de) j’irais bien faire un détour au bord de l’amer, dévider de boire la tasse à mariée haute pasque j’aime pas ça l’eau et que j’ai les chococottes de mourir noyer comme une vieille chochotte emperlousée en rade de Brest et en reste aussi pour un voyage au bout de l’envers façon Marlo Brandon.

 

(Ecrit vite fait en ce jour de la pelle du 18 juin 2012)

 

©  Jacques Chesnel

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16/06/2012

PRÉSOMPTION

 

(in memoriam F.Scott & Zelda Fitzgerald)

 

Pourquoi une héroïne de roman ou de toute autre forme littéraire vous touche-t-elle plus qu’une autre, beaucoup plus ?. C’est la question que je me suis posée à la lecture et relecture d’une nouvelle de Francis Scott Fitzgerald intitulée Présomption écrite en 1925 dans laquelle le personnage principal, une jeune fille, se nomme Noelle Garneau.

Jusqu’ici j’avais été amoureux, littérairement s’entend, de l’œuvre complète d’auteurs (je ne participe pas à la féminisation des appelations) décédés, de Virginia Woolf, Carson McCullers et Flannery O’Connor ou bien, musicalement, de la cantatrice Kathleen Ferrier découverte dans les Kindertotenlieder de Gustav Mahler grâce au Concert égoïste de Julio Cortázar à la radio. Bien entendu, cela ne posait pas de problème à l’amour de ma vie quoique son si beau sourire n’était pas aussi rayonnant que d’habitude lorsque j’évoquais ces dames.

Que dire alors lorsque je revins trente ans après ma première lecture vers ce cher Scott et ses nouvelles, plus de deux cent cinquante, toutes aussi merveilleuses à mes yeux (ce qui n’est pas l’avis de tout le monde) et que je relus avec émotion, cette histoire qui ressemble à toutes les autres ou presque avec ce charme si particulier qui les caractérise : une jeune fille riche tombe amoureuse d’un jeune garçon fauché et/ou réciproquement. Banal, non ?, transcendé par la magie de la prose fitzgeraldienne oui. Je me souviens d’une courte phrase qui m’avait poursuivi longtemps et que je trouve toujours admirable de simplicité dans l’évocation : il démarra, dans un nuage de poussière parfaitement excessif. Qui d’autre que Scott pouvait et peut encore écrire cela ?.

Grand lecteur-admirateur de ces nouvelles remarquablement traduites par Jacques Tournier par ailleurs auteur d’un Zelda bouleversant, j’aurais pu tomber amoureux d’une autre des ces jeunes filles en fleur écervelées un peu pétasses ne pensant qu’aux bals et aux jeunes gens à séduire, à embrasser sans aller plus loin bien sûr… et bien non, non, Noelle, Noelle Garneau, c’est pour elle que je me pâme, et voilà que je jalouse ce petit connard de San Juan Chandler et l’autre benêt pour ne pas dire l’andouille de Brooks Fish Templeton le fiancé imposé, que mon cœur bat si fort quand je prononce son nom, que je m’écrie moi aussi quand je la vois comme ce grand couillon : tu es ce que je connais de plus ravissant, de plus ravissant dans le monde entier, mon cœur prend feu lorsque j’aperçois ton beau visage, ton si beau visage, dès que je sens ce frais et doux parfum qui t’environne… tous ces mots, cette phrase délicieusement démodée et même un peu indigente… que je n’aurais jamais voulu déclarer à l’amour de ma vie de cette façon, j’ai trouvé d’autres mots d’autres regards d’autres promesses d’autres certitudes mais quand même Noelle… et puis s’entendre dire à la fin de la nouvelle de Scott  de la bouche de sa tante, Madame Pointdexter chez qui elle s'est réfugiée et refuse toute visite : « Noelle, descend ! Noelle, descend tout de suite ! descend vite ! c’est Monsieur Chesnel qui est  ! C’est Chesnel ! ».

Chéri, arrête de rêvasser, tu viens, c’est prêt.

Voilà voilà, j’arrive.

L’amour de ma vie avait préparé un dîner en amoureux, un de plus…

p-s : la nouvelle « Présomption », publiée en 1926, se trouve dans le recueil intitulé

« LOVE BOAT et autres nouvelles » (éditions Belfond)

 

©  Jacques Chesnel 

 

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15/06/2012

DANS LA CABINE

 

 Quiconque prenant l’ascenseur a connu au moins une fois l’angoisse de la panne par coupure de courant ou incident mécanique, surtout ceux qui habitent dans ces tours qui peuvent devenir infernales à tout moment.

 Ce matin-là, Jérôme Ricard est tout guilleret en sachant bien pourquoi, il s’est levé de son bon pied après l’avoir pris deux fois de suite dans la nuit avec Corinne et Caroline ses meilleures copines (vive le tri le trio le tri au lit le triolisme le tribalisme et tout le toutim et tout le tintouin et tout, jubilait JR). Il est dans les temps pour arriver à l’heure au bureau après une demi-heure de trajet. L’ascenseur arrive à son dix-septième étage, le sien, pensant fort et constamment à la blonde oxygénée quelques étages en dessous, celle sur qui il croit n’avoir aucune chance mais avec quand même un petit espoir on ne sait jamais

et la descente commence…

dans la petite glace je repère un poil de nez qui dépasse un peu, je tire dessus et j’éternue jusqu’au 11ième où entre alors la belle de cet étage que je reluque (la belle pas l’étage) depuis un incertain temps et tant, je lui balance mon plus beau sourire auquel elle répond hardiment de même et c’est reparti quand entre les niveaux 7 et 6, plouf arrêt subit instantané brutal qui nous projette l’un moi contre l’autre elle, qu’est-ce que c’est murmure-t-elle dans mes bras ce n’est rien juste une panne oh mon dieu LA PANNE pas de panique il faut être patient tenez j’appuie sur tous les boutons celui de l’alarme putain qui ne sonne pas encore heureux que la loupiote de sécurité soit allumée et rien ne bouge à part la belle qui commence à gigoter dans tous les sens ce qui affole les miens et que j’essaie de calmer tant bien que mâle elle halète gémit geint suffoque tremble grelotte et tremblote paniquàbord paniquàmort je tente de la calmer elle s’agrippe comme Aggripine me laboure le dos de ses ongles vernis elle commence à ôter son chemisier puis son soutif maintenant c’est moi qui me défait de mon pantalon je défaille sans faille ni faillir la situation est unique inespérée elle retire sa culotte me prend le zizi furieusement tout en me bouffant les lèvres je bande comme un âne et même un peu plus si c’est possible si je vais enfin la baiser ma blonde voisine du 9ième sur laquelle je fantasme depuis si longtemps lui en faire voir de toutes les couleurs des vertes et des pas mûres tien ma cocotte accroche-toi aux branches et surtout à la mienne que voilà ma poulette aaaaah je la pénètre en douceur et profondeur me voilà enfin elle hurle de plaisir

… l’ascenseur s’arrête doucement rez-de-chaussée susurre la voix d’hôtesse enregistrée et Jérôme sort seul en refermant sa braguette et se traitant de con parce que enfin ces rêveries à répétition...

 

 Cet autre matin-là quelques jours plus tard, Jérôme Ricard s’est levé du mauvais pied après une nuit agitée avant de ne pas s’en servir, la drague avec la blonde voisine du 11ième a été un échec cuisant avec une gifle bien sentie et des rêves de catas en tous genres pour finir par un tremblement de terre et tout l’immeuble sur la tronche. Le petit dèj avalé de travers il sort et appelle l’ascenseur qui arrive enfin vide, il se recoiffe de la main vérifie ses poils de nez qui repoussent à toute allure, appuis sur rdch et c’est parti. A l’étage de la belle, ce n’est pas elle qui entre mais Madame Omodo qu’on appelle la grosse bien qu’elle ne pèse pas plus qu’un demi-quintal toute habillée de son éternel manteau de chinchilla avec son chihuahua de clébard dans son sac en bandoulière. Elle me balance son sourire armé jusqu’aux dents qu’elle a si nombreuses avec un bonjour Jérôme quel plaisir de vous voir vous vous faites si rare ces temps-ci, sa saloperie de  chien approuvant d’un petit ouaf constipé. Comment me débarrasser de cette vieille peau dans cette cabine qui se trimballe si lentement vers l’enfer et contre tout quand plouf au niveau du 7ième arrêt complet personne ne descend LA PANNE bien réelle cette fois. Alors la drôlesse ne se retient plus et me saute littéralement dessus en laissant tomber son cabas et le médor qui s’écrase splatch, elle m’empoigne avec une force incroyable ah mon p’tit gars tu vas voir tu vas en voir de toutes les couleurs oui je sais surtout des pas mûres, je me débats je me démène, elle m’entortille, essaie de me déloquer, je résiste, je m’impatiente, je ne sais plus quoi faire devant cette attaque déloyale me faire ça à moi qui ne lui ait rien fait qui ne veut surtout rien lui faire et la voilà qui s’énerve comme une vieille sorcière lubrique, elle veut déchirer mes vêtements et dilacérer les siens que j’essaie de remettre en place, maintenant elle hurle comme la blonde du 11ième de sa voix de mégère non apprivoisée… et maintenant la machine qui d’un coup se remet en marche en cahotant, elle est maintenant surprise et tente de prendre une contenance et sa dignité perdue, de se rajuster et de récupérer le cabot anéanti dans ses déjections. Je sors en courant tandis que Madame Omodo (dit la grosse) prend un air convenable et me dit suavement au revoir Jérôme à bientôt tandis que la blonde ma blonde nous retrouve dans le hall, descendue par l’escalier de secours à cause de cette panne d’ascenseur. Elle m’offre un sourire narquois devant mon air dépité.

Il ne me reste plus qu’à me venger… au cours de mon prochain rêve. 

 

©  Jacques Chesnel

 

 

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07/06/2012

RENCONTRE AVEC UN AUTEUR

 

Quand le patron m’appela et me dit Muriel c’est toi qui va faire l’interview, mon sang n’a fait qu’un tour car si je connais bien ou crois tout savoir sur tous les auteurs connus, je n’avais jamais entendu parler de celui-là, un type qui écrit exclusivement sur un blog, sur la toile !. Détrompe-toi, renchérit mon patron chéri, ce mec est lu par des milliers de lecteurs, ses fans se comptent par plusieurs centaines, il fait un vrai malheur depuis cinq ans ce qui fout la trouille aux éditeurs dont il se moque, voilà ma belle, à toi, j’ai pris rendez-vous c’est mercredi à quinze heures chez lui allée Madame de Sévigné, tu mets ta plus belle robe, la plus courte…

Je me suis précipitée sur internet et en effet et j’en suis restée toute ébahie, une pleine page wikipédia, un nombre d’entrées considérable, plus de deux cents textes publiés, des commentaires élogieux à la pelle, c’était tout simplement incroyable que je sois passée à travers, je pris des tas de notes pour ne pas paraître plus ballotte que je le suis malgré tous mes diplômes.

15 heures pile, un petit immeuble entouré de verdure, le digicode, le nom Jacques Chesnel, je sonne, oui répond une voix grave, je m’annonce : Muriel Branlon-Lagarde de la revue « Beaux Textes », nous avons rendez-vous, c’est au deuxième porte à droite, cooinc, dans l’ascenseur j’ai le palpitant qui palpite, je rajuste un peu mon soutif pigeonnant qui me fait un décolleté plongeant, je tire une peu sur ma minijupe et sur mon string qui me triture les fesses.

La porte est ouverte entrez dit-il, je bute sur le paillasson et manque de me ramasser et c’est ainsi que je me retrouve dans ses bras !, il sent Eau Sauvage de chez Dior à plein nez, il est grand, porte beau pour ses heu quatre-vingt ans bien tassés voire plus avec ses longs cheveux blancs qui lui tombent sur le épaules qu’il a larges enfin surtout la veste, on dirait Paul Newman tenant le rôle de Buffalo Bill dans un film, droit, bronzé, amène, un sourire un peu carnassier à la Trintignant aïe. Je dois être toute rouge et avoir l’air carrément gourdasse, vous vous appelez comment déjà Muriel, veuillez- vous assoir  là Muriel, je plonge dans un fauteuil comme celui d’Emmanuelle dans le film, ça commence bien, mon string  part en vrille et soudain j’ai des ballonnements et des gaz, vite faut que je me libère, je vous écoute mademoiselle, je pète, ouf.             

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Alors bon c’est à moi mais je ne sais pas encore où j’en suis, le vieux matou a l’air de vouloir m’intimider mais j’en ai vu d’autres heu quels sont vos maîtres enfin les écrivains qui comptent pour vous, vous pouvez m’appeler Jacques, puis quoi encore, un peu pompeux il me balance tout de gogo : une sorte de symbiose entre James Joyce et Frédéric Dard, Chateaubriand et Jean Echenoz (là je frémis c’est mon écrivain favori), Albert Cohen et Virginie Despentes, pas du tout Proust et d’Ormesson que je déteste, il se fout de ma gueule c’est évident, voulez-vous boire quelque chose, un thé au jasmin ou une camomille et d’où vous vient votre curieux patronyme ma chère Mumu, il commence à me gonfler ce Chesnel-là, et vous écrivez depuis longtemps comme tout le monde ? demande-je en touillant dans mon breuvage sans saveur, oh j’avais commencé bien avant que j’eusse terminé dans le futur, tenez par exemple dans « Corrida à la Samaritaine » j’ai mis trois ans pour trois lignes, vous rendez compte ahahah une ligne par an et je devins célèbre puis-je vous inviter à dîner à la bonne franquette (à la bonne franche quéquette oui vieux sacripant) j’ai un sauté de veau au frigo et un p’tit Lambrusco de derrière les fagots à moins que vous ne préfériez un verre de bordeaux avec des rillettes hihihi, je ne réponds pas, vous avez, dis-je, un phrasé un peu déconcertant pour des novices et cette absence de ponctuations qu’on vous reproche souvent, mes lecteurs ou plutôt mes lectrices raffolent de ces partis-pris flagrants ça les émoustille surtout les intellectuels et telles les érudits et dites (et Rudy aussi, mon petit copain) les jeunes lesbiennes et les vieux pédés allez savoir pourquoi, à propos vous savez j’ai connu intimement et manuellement une Branlon au collège en terminale à Belfort en 46, une parente à vous ? je crois que je vais le gifler et défaire sa mise en plis d’autant qu’il louche de plus en plus  furieusement sur mes gambettes découvertes à la Zizi Jeanmaire donc je re-tiraille en vain sur ma jupette et je me relance : ainsi internet pour vous c’est une fin ou un moyen plus direct de communiquer ?, je ne communique point Mumu, je m’exprime et jette en pâââture mes pensées et autres divagations sans prétention et ça marche mieux que le tandem Lévy-Musso ou l’affreux Bègue BD alors hein je fonce Alphonse comme disait mon grand-père, dites, j’ai aussi connu de très près une Lagarde, non pas la Christine trouduc-machin-chose, rassurez-vous, non une vraiment belle, à Douarnenez en 52, une parente à vous ?... le téléphone sonne, un petit chien affreux fonce sur moi et aboie furieusement, allo oui elle est là… c’est pour vous, votre directeur chéri qu’il dit, ok patron j’arrive, j’éteins mon magnéto, au revoir Monsieur, c’est quoi au juste votre nom bizarrement composé ? me dit-il en me raccompagnant une main un peu trop appuyée sur mon épaule, vous savez, j’ai connu une...

 Le clébard bâtard me mordille la cheville en sortant. Chesnel lui donne une gentille tape, allez couché Marcelproust, t’es qu’un vilain toutou, faire ça à cette gentille demoiselle !.

 

©  Muriel Branlon-Lagarde / Jacques Chesnel

© Illustration : Jean  « Buz » Buzelin

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DÉTOURNEMENTS (1) (à vous de voir)

 

. l’enfance de lard avec des lardons

. les vieux de la veille, les yeux de la vieille

. la poule aux yeux d’or dort

. un pet de traverse

. la soif du mâle

. la guerre de deux, le cheval de quatre

. la guerre d’étroit a bien eu lieu

. l’épée dans les riens

. les choses de l’avis à la population

. mort de pire

. l’époux dans la tête

. les portes de l’envers

. l’inverse vaut l’endroit

. trouvé pipi à quatorze heures

. des mots pour le rire

. les feux de la lampe, les fous de la rampe

. en méconnaissance de Causses

. une âme de onze heures net

. pari pris, parti rendu

. les malheurs de fausses scies

. le goût des hôtes, le dégout de soie

. la meilleure façon de démarcher

. l’horreur, l’aigreur et l’erreur sont dans le pré

. à ride abattue

. battre l’envers quand il est show

. botter l’arrière-train du berger

. faire dans la dentelle (ah !)

. défaire à repasser

. dépendre son pied

. garnissons la garnison

. excusez du beaucoup

. pneu me chaut

. du silence dans le lanterneau

. le dément de midi, le démon chauve la nuit

. la main dans la hulotte

. détricoter des gambettes

. un remède de Chaval

. démonter sur ses poulains

. pendre le taureau par les normes ou par l’énorme

. le tort ne tue pas, la tortue si

 

à suivre

 

©  Jacques Chesnel

 

 

 

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