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29/04/2016

QUAND ON…

 

. Quand on a commencé, j’ai pensé à la fin

. Quand on m’a accusé, j’ai accusé le coup

. Quand on m’a tapé, j’ai dit je m’en tape et me suis tout de suite retapé

. Quand on m’a aperçu, je n’avais rien vu venir

. Quand on m’a regardé, j’y ai regardé de plus près

. Quand on m’a énervé, j’ai perdu mon calme

. Quand on m’a enlacé, je me suis délacé

. Quand on m’a embrassé, je me suis embrasé

. Quand je me suis embrasé, j’ai mis le feu tout partout

. Quand on m’a fait tomber, j’ai tombé la veste

. Quand j’ai tombé la veste, j’ai tout laissé tomber avec

. Quand on m’a relevé, j’ai relevé mes empreintes, on ne sait jamais

. Quand on m’a senti, j’ai demandé qu’on m’hume

. Quand on m’a dit je t’hume, j’ai commencé à aimer un peu plus

. Quand on m’a ligoté, je me suis emberlificoté

. Quand on m’a déligoté, j’ai dégotté un Bourgogne aligoté de première

. Quand on m’a montré une loupe, j’ai tout loupé

. Quand on m’a vendu un timbre, je suis devenu timbré

. Quand on m’a dit oui, c’est par ouï-dire

. Quand on m’a dit non, ce fut un non-sens

. Quand on m’a traité de râleur, je suis resté sans voix

. Quand on m’a indiqué la mauvaise route, j’ai su de suite que c’était la bonne

. Quand on m’a dit on part pour Canton (Guangzhou), j’étais tout content mais ce n’était pas le canton d’à côté

 

 

                       QUAND ON… (2)            

 

. Quand on m’a mis à l’ombre, j’en ai pris ombrage

. Quand on m’a mis sur le gril, j’étais déjà sur des charbons ardents

. Quand on m’a dit que Mathilde était revenue, alors j’ai crié Aline pour qu’elle revienne

. Quand on m’a dit Pierre est petit, j’ai pensé à Pierre le Grand

. Quand on m’a mis des œufs dans le même panier, j’ai oublié ensuite d’y mettre la main

. Quand on m’a traité d’âne, je n’ai pas osé braire

. Quand on m’a traité d’incompétent, j’ai tout de suite lâché un gaz puant puis j’ai pété les plombs

. Quand on m’a parlé d’une perle rare, j’en ai desserré une vite fait

. Quand on m’a accordé une bourse sans coup férir, j’ai fait rire tout le monde sur le coût sans rien délier

. Quand on m’a répondu du tac au tac, j’ai cru à un tic, alors j’ai rétorqué c’est du toc

. Quand on m’a vu franchir le Rubicon, j’ai fait des efforts pour ne pas rougir

. Quand on m’a dit tu ressembles à Fernandel, j’ai henni sans être honni

. Quand on m’a dit de ne plus penser à Fernande, ce fut aussitôt la débandade

. Quand on m’a dit regarde la baie, j’en suis resté bouche bée

. Quand on m’a dit karcher, j’ai pensé aussitôt à Thatcher et j’ai eu un malaise

. Quand on m’a suggéré de fumer du hasch, j’ai dit chiche

. Quand on m’a ri au nez, j’étais content de ne pas avoir de barbe

 

 

                       QUAND ON… (3)

 

. Quand on m’a dit va voir le film de Carné « Le jour se lève », c’était à la tombée de la nuit

. Quand on m’a dit n’avoir rien compris à « Mulholland Drive », j’étais furieux parce que moi non plus aussi

. Quand on m’a dit on va faire une échographie j’ai entendu une certaine résonance

. Quand on m’a dit c’est votre dernière ligne droite, je n’ai pas osé courir entre les lignes

. Quand on m’a dit tu as le cœur au bord des lèvres, je suis resté bouche cousue

. Quand on m’a dit on va labourer, j’ai répondu que j’étais contre les tournantes

. Quand on m’a dit cette fille te sourit j’ai voulu sortir de mon trou

. Quand on m’a annoncé la nouvelle j’ai cru que c’était la dernière

. Quand on m’a dit c’est la curée, j’ai pensé aux pauvres bonnes sœurs

. Quand on m’a dit de lire entre les lignes j’ai tout de suite compris que c’était plus simple

. Quand on m’a dit tu sais, ce type a un charme fou, j’ai aussitôt pensé aux serpents

. Quand on m’a dit attention aux serpents, je n’ai pas vu ceux qui sifflent sur nos têtes ou qui se réchauffent en nos seins

. Quand on m’a demandé si je connaissais bien Andromaque, j’ai dit que c’était dans mes racines

. Quand on m’a dit que tout cela est vain, j’ai repris un autre verre de Bordeaux en pensant à Gilberto

.Quand on m’a demandé si c’est bientôt fini, j’ai répondu qu’il fallait bien terminer.

 

© Jacques Chesnel

14:05 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

22/04/2016

SI VOUS VOULEZ

                              

Il avait vraiment l’air d’un con et nous l’a tout de suite prouvé, si vous voulez. Il avait une mine de papier ordinaire, de papier mâché, si vous voulez. Parfois il produisait une sorte de hoquet de loqueteux, du genre blleeerc-broukccc, si vous voulez. Impossible pour lui de dire plus de trois mots sans ajouter si vous voulez, si vous voulez. Alors on a joué nous aussi et on a rétorqué si vous voulez à tout bout de chant de paroles, si vous voulez. Il a enchainé que c’était la raison pour laquelle, si vous voulez, ce à quoi nous avons répondu qu’il avait raison, si vous voulez quel que soit le sujet, si vous voulez. Il n’a rien voulu savoir d’autre, si vous voulez et on a continué à alimenter un peu la conversation, si vous voulez. Cela commençait à tourner en rond, si vous voulez quand on lui a demandé s’il était d’accord, si vous voulez. Décontenancé, il a encore trébuché sur les mots, si vous voulez, il a perdu pied, si vous voulez, on a vu une lueur d’inquiétude dans ses yeux, si vous voulez, on était sur le point de gagner, si vous voulez.

Paul a commencé à rire un peu jaune, si vous voulez, ce qui déclencha l’hilarité générale, si vous voulez, et c’est la raison pour laquelle on s’est senti plus forts, si vous voulez. Il a vu le piège, si vous voulez, il a compris qu’il n’allait pas s’en sortir comme ça, si vous voulez. On lui a proposé de s’assoir et de prendre un café, si vous voulez, je veux bien dit-il, si vous voulez. Et on a repris tout à zéro, si vous voulez, d’accord mais pas trop longtemps, si vous voulez, parce qu’il avait encore plein de choses à faire, si vous voulez, et que le temps lui était compté, si vous voulez. On ne va pas s’éterniser dans cette voie-là, si vous voulez, c’est la raison pour laquelle on va changer de conversation, si vous voulez. Il a recommencé à paniquer quand Paul lui rappela que le sujet n’était pas là, si vous voulez, mais plutôt dans la façon de s’exprimer, si vous voulez.

Jean-Michel n’avait encore rien dit, si vous voulez, mais on se doutait bien qu’il y avait des trépignements dans ses méninges qu’on savait susceptibles, si vous voulez. On attendait que ça pète, si vous voulez, on craignait l’esclandre ou la turpitude, si vous voulez, bref, on subodorait le pire, si vous voulez, allez savoir quand et comment, si vous voulez. Serait-il enfin sauvé par le gong avant de sortir de ses gonds, si vous voulez

Et puis Lucie entra dans la pièce, si vous voulez, on a senti comme un trouble général, si vous voulez et c’est la raison pour laquelle on n’aborda pas tout de suite la suite, si vous voulez, on était désarçonnés et lui encore plus, vraiment tétanisé, si vous voulez, comme si cela n’avait été pas prévu au programme, si vous voulez. Salut, les garçons, dit-elle, ça va-t’y comme vous voulez, hein ?. Elle avait toujours eu le chic pour détendre l’atmosphère, si vous voulez, notre hôte poussa une sorte de hennissement/braiement curieux (encore, je vous fais grâce), si vous voulez, puis ensuite en resta coi comme deux ronds de flan si vous voulez et c’est la raison pour laquelle on termina aussitôt notre si sérieuse et intéressante conversation que vous avez suivie avec l’attention qu’elle mérite, si vous voulez…car il commençait à nous emmerder sérieusement avec tous ces si vous voulez qu’on ne savait plus très bien comment s’en sortir… si vous voulez… parce que vous, vous le voulez bien et que vous le valez bien aussi. Alors, soit !                

 

 

10:51 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

15/04/2016

QUI SE SOUVIENT…

 

         Arts & Lettres

 

. Qui se souvient de Maurice Baquet et de son violoncelle Cérébos

.  de Marguerite Moréno dans « La folle de Chaillot »… et de son auteur, Jean Giraudoux

. Qui se souvient de Pierre Renoir, de Simone Simon, de Léonce Corne, de Suzanne Dehelly, de Pierre Trabaud, d’Henri Guisol, de Marcel Génin, de René Lefèvre, du Crime de M. Lange, de la belle Florelle

. des mois d’avril, des billets doux, de François Billetdoux et de Nicole Avril

. Qui se souvient d’Alec Siniavine, de Léo Chauliac, du pianiste d’Yves Montand dont je ne me souviens plus du nom… ah ! si : Bob Castella, je crois

. de Maria Casares dans « Les enfants du Paradis », de Louis Salou et de Lucien Coëdel

. Qui se souvient des clowns Footit et Chocolat (moi, avec mon grand-père Victor devant son poste à galènes), de Jacques Pills, de Ring Lardner, de Délia Garcès dans « El » de Luis Buñuel

. de Jane Sourza et de Raymond Souplex, de Gabriello et de sa fille Suzanne, de

. Qui se souvient de Roger Vitrac et de « Hector ou les enfants au pouvoir », de Roger Blin dans « En attendant Godot », d’Emile Ajar, de François de Roubaix, de Térésa Stratas dans la « Lulu » d’Alban Berg mise en scène de Chéreau

. Qui se souvient de « La loi » de Roger Vailland

. de Pierre Blanchar, d’Harry Baur, de Jean Servais, de Palau, de Madeleine Robinson et de Madeleine Sologne, de Marcel Lévêque et de la neige qui tombe à gros flacons

. Qui se souvient de « Pattes blanches » de Jean Grémillon et du rôle de Michel Bouquet

.  du grand orchestre du trompettiste Don Ellis au festival de jazz de Juan-les-Pins

. Qui se souvient de Marie Bizet, de Rina Ketty, d’Elyane Celys et d’André Claveau

. de Garcimore et de sa souris Tac-Tac décontrastée

. Qui se souvient d’avoir pleuré à la mort de Cora dans « Le dernier des Mohicans »

.  de Jean-Roger Caussimon acteur et chanteur

. Qui se souvient avoir entendu le glin glin de Roland Magdane la première fois à la radio

. Qui se souvient de Colette Darfeuil dans « L’escalier sans fin » avec Pierre Fresnay en 1943

. du rire crispé d’Alerme, de celui frémissant de Suzanne Flon, de Robert Destain dans « Les belles bacchantes »,   de Louis Arbessier dans « Quoat-Quoat » pièce de Jacques Audiberti

. Qui se souvient de Pierre Mingand, de Pierre Dudan, de René-Louis Lafforgue

.  de Damia, de Fréhel, de Lys Gauty, de Catherine Sauvage la superbe…

. Qui se souvient de Pierre Brasseur dans « Le partage de Midi » et d’Alain Cuny dans « Tête d’or », pièces de Paul Claudel, de la première de « Rabelais » par la compagnie Renaud-Barrault à l’Elysée-Montmartre en 1968

. de Lucien Raimbourg (cousin de Bourvil) dans « L’irrésistible ascension d’Arturo Ui » de Bertold Brecht, mise en scène de Roger Planchon au TNP

. Qui se souvient d’avoir été ému par « Dalva », personnage principal du livre éponyme de Jim Harrison

. de Robert Lamoureux, de « Papa, Maman, la bonne et moi »

. Qui se souvient d’avoir lu « Cronopes et fameux » et de « Nous l’aimions tant, Glenda » de Julio Cortázar

11:15 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

08/04/2016

ALLOTROPIES ?

 

Nous avions constaté qu’il était unique dans sa façon de traiter ses affaires en qualité d’homme de ; aussi fûmes-nous surpris en apprenant qu’il était perdu quand son épouse avait mis ses affaires dans un autre placard.

Il jouait et gagnait souvent aux courses connaissant parfaitement les chevaux, par contre il était complètement perdu quand son épouse l’envoyait faire ses courses à la supérette, « t’es plus dans la course, chéri ».

Franc de nature, il allait toujours droit au but dans les discussions ; joueur de foot amateur, il avait souvent du mal à se diriger vers les buts.

En veillant au grain sous une petite pluie, il s’aperçut qu’il en avait vraiment un.

Il ne salua pas le bon entendeur

On lui reprochait quelquefois de ne pas en faire une rame ; par contre, aux avirons il était imbattable.

Quand elle voyait ses pattes d’oie dans son miroir, elle se félicitait de ne pas marcher au pas.

Il ne voulait jamais lâcher prise jusqu’au jour où il mit malencontreusement les doigts dedans.

C’est en voulant remplacer une ardoise qu’il prit la plus belle tuile de sa vie.

Dans un cabaret chic, au moment où il demanda la note, le violoniste en fit une fausse.

Lu dans son quotidien favori en trempant son sucre dans son café qu’il y avait un problème avec certains canards.

Il faisait toujours un tabac lorsqu’il cherchait sa blague.

C’est en lavant des vêtements de couleur qu’elle devint blanche comme un linge.

En gravissant cette côte, il ne put s’empêcher de se tenir aux siennes.

A la fin du premier acte, il comprit déjà la pièce dont il prit acte.

Il n’osait jamais ramener sa fraise pendant la cueillette.

Rester en plan en tirant sur la comète.

Prendre la peine pour ne pas rester au bout.

 

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03/04/2016

JAZZ À ANTIBES

 

                                                           

… ce soir là, il y avait au programme un organiste assez connu en trio avec un guitariste et un batteur, nous étions venus pour le guitariste qui n’était autre que George Benson pensez donc… dès le début, ça démarre mal avec l’orgue, Jack McDuff, car c’était lui, se penche à gauche, au milieu et à droite de son instrument, semble vouloir s’arrêter de jouer un instant pendant que Benson prend un solo, se retourne, voit et entend les difficultés de son compère, temporise en distribuant quelques notes en riffs qui font cot cot cot cot pendant que l’organiste disparaît totalement derrière sa machine pendant une bonne minute et toujours cot cot cot… alors un homme se lève parmi la foule des spectateurs et crie : il cherche l’œuf … c’était mon copain le peintre Jean Berthier… l’assistance hurle de rire et d’applaudir…

… je me souviens également de l’énorme bronca lorsque un présentateur annonça la chanteuse Sarah Vaughan en juillet 1963 : et voici Sarah Vos gants… elle en porte pas répliqua-t-on… mieux encore, toujours à Antibes, nous allions prolonger le festival dans un club qui recevait des musiciens… une nuit débarque une troupe de travestis venant du Pam-Pam d’en face après leur spectacle… les « filles » étaient vraiment splendides tout en décolleté jusqu’au nombril et minijupe aussi… à ne pas en croire les yeux… et l’un(e) de ces créatures entreprend alors de séduire (avec forces démonstrations, battements de cils géants, tiraillements de jupe ras le bonbon, remise en place de seins plus que généreux, ventilation de l’entrejambe avec un prospectus) un de nos plus célèbres musiciens européens qui mit longtemps à se défaire de cette tentative de drague tous ses copains daubant sur cette histoire… tu as un sacré ticket, mec… on sort de la boîte, il est cinq heures Antibes s’éveille, il fait déjà jour et soleil, on n’est pas pressé de rentrer dormir, on discute tandis que nos compagnes regardent les devantures des boutiques alors que s’approchent vers nous et nous reconnaissent deux des plus fameux musiciens de l’orchestre de Duke Ellington, Johnny Hodges casquette éponge vert pomme et Russell Procope la même en violet que nous avions interviewé la veille après la balance du concert hey men how are you doin'… euh dites vous savez où on pourrait trouver des putes nous demandent-ils, ben non nous pas d’ici du côté de la gare peut-être, haha vous ne pourriez pas voir avec les deux là… mais ce sont nos femmes… oh sorry, so sorry… revus le lendemain, ils n’arrêtaient pas de s’excuser… 

….avec mon copain Michel, nous allons à l’aéroport de Nice dans nos décapotables rouges chercher deux musiciens amis, et pas n’importe lesquels, Muddy Waters et Gato Barbieri qui nous attendent dans le hall, Muddy réclame sa bouteille de cognac à Mike et Gato me demande si je pouvais lui trouver some coke man je suis mort, désolé, mais je ne sais pas, le photographe Pierre Lapijover qu’on appelait Lapijobleue qui le mitraillait intervint moi je sais dit-il, part en courant et revient… brandissant avec fierté une bouteille de coca-cola… j’ai cru que Gato allait mourir… de rire ainsi que sa femme Michele…et moi aussi… Gato qu’on avait invité une autre fois ailleurs à jouer au foot avec nous équipe de journalistes contre équipe de musiciens, il avait enlevé ses lunettes de myope, galopait dans tous les sens, Gato hop à toi le ballon arrivait sur sa droite et notre Chat dribblait… sur la gauche…

et encore, voilà Siné en 68 : on s’était retrouvé, nous les journalistes, au cocktail de presse au Château de La Brague (qu’on appelait de la Braguette évidemment) pour un buffet somptueux avec le maire, le gratin antibois et la plupart des musiciens programmés. Le soir, concert de Pharoah Sanders. Le coin dévolu à la presse, sur le côté gauche de la Pinède derrière le plus imposant des pins d’icelle, ne permettait pas aux accrédités de bien voir toute la scène ; alors à l’entracte, Siné me propose de venir s’installer avec lui au premier rang et en plein milieu d’icelui ; nous voilà donc installés confortablement, les jambes bien allongés quand la deuxième partie annoncée (la prestation exceptionnelle du Pharaon), le maire d’Antibes arrive et veut reprendre sa place.

Dialogue entre Siné et monsieur Delmas :

- je vous demande pardon, Monsieur, mais vous êtes assis à ma place

- je vous demande pardon, Monsieur, mais je suis assis à ma place

- je regrette cette place est la mienne

- je regrette aussi car cette place est bien la mienne

- non, cette place est celle du maire d’Antibes et je suis le maire

- non, car le maire d’Antibes, c’est moi

- vous plaisantez

- je ne plaisante pas

- dans ce cas je vais être obligé d’appeler le service de sécurité

- ce n’est pas la peine car je vais le faire moi-même

et Siné de se lever et d’appeler haut et fort les CRS qui, dois-je le rappeler étaient fort nombreux

- messieurs, il y a quelqu’un qui veut prendre ma place de maire

 moi, j’étais dans mes petits souliers et ne pipait mot car je ne savais pas comment cela pouvait évoluer; quelques CRS arrivent et monsieur Delmas leur explique… et nous nous levons et partons dans un grand éclat de rire, et c’est ainsi que cette histoire se termine… il y en tellement d’autres…

 

©  Jacques Chesnel

15:59 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

01/04/2016

PAULINE, ça commence à bien faire

 

Elle s'appelait Colette. Elle avait choisi de changer son prénom de baptème après le premier baiser d'amour reçu à dix-huit ans et qui l'avait tourneboulée à jamais. Il se prénommait Paulin, elle n'avait pas pu l'oublier, alors le prénom….

Pauline est maintenant une vieille dame indigne de quatre-vingt sept ans et ressemble vraiment physiquement à Sylvie, l'actrice dans le rôle de Madame Bertini du film de René Allio qu'elle avait vu à sa sortie, s'était reconnue et avait dit oui c'est tout à fait moi. Depuis la mort de Georges, son mari, elle vivait seule dans la petite maison achetée près de la rivière où il aimait pêcher, elle ne voyait plus personne à part un couple de jeunes voisins qui eux non plus ne voyaient plus grand monde ; ils avaient sympathisé et la considéraient comme leur grand-mère alors qu'ils n'en avaient aucune et elle pas d'enfants ni de famille. Dans la maison Pauline vaquait aux ocuppations ménagères et le reste du temps radio le matin télé l'après-midi coucher tous les soirs après le journal de 20 heures parce qu'après y avait plus rien pour elle et que ça commence à bien faire.

Elle aimait la radio, toujours la même depuis tant d'années, Radio-Luxembourg ; elle appréciait la télé, toujours la même TF1 parce que c'était automatique quand on allumait le poste dans la cuisine qui faisait office de pièce de séjour. Elle avait prit l'habitude de parler souvent toute seule pour meubler le silence et commenter abondamment et ironiquement soit les réclames, soit les propos des présentateurs, chanteurs, vedettes, surtout ceux de dans le temps, avant les yéyés et leur musique de maigres, mais peu les politicards. Une légère perte auditive l'obligeait à se rapprocher du poste devant lequel Pauline pouvait rester des heures en tricotant pour le pétiot à venir chez ses gentils voisins. Jean-Paul lui reprochait souvent Madame Pauline pourquoi répétez vous tout le temps "ça commence à bien faire"… ah ben vous savez je ne m'en rends pas compte à mon âge et puis de toutes façons je vais vous dire ça commence à bien faire voilà. Elle comprenait rien à tous ces débats à la radio, à tous ces commentaires. Elle aimait bien Jacques Pradel qu'elle perdait pas de vue bien que la sienne baissait, n'entravait que couic à Alain du quelque chose qu'elle trouvait si énervé et énervant et ça commence à bien faire, elle dégustait Jean-Pierre Pernaud même s'il annonçait parfois de mauvaises nouvelles entre deux fabrications de fromages de chèvre alors là ça commence à bien faire ou les émissions de Nicolas Mulot, celles avec des animaux avec Boudegrain du bourg, regrettait les feux de l'amour surtout ceux de Dallas oh l'air couillon du gars avec son chapeau de cobaye et se perdait quelquefois avec l'inspecteur neuneu Derrick en changeant de chaîne même que ça commençait à bien faire avec tous ces cadavres tout partout. Pauline se demandant pourquoi on avait supprimé Fernand Raynaud avec son 22 à Asnières, Raymond Souplex et Jeanne Sourza, les cinq dernières minutes, Marcel Amont, Daniel Guichard et Isabelle Aubret parce qu'avec Sheila ça commence à bien faire. Pas du tout intéressée par la politique, Georges lui avait dit tous à mettre dans le même panier de cranes après son adhésion et sa démission du parti communisse, Pauline zappatait aussitôt, elle écoutait pourtant les déclarations du Président de la République par patriotisse et habitude à part ceux d'un grand hobereau prétentiard avec un nom à rallonge parce que là ça commençait à bien faire avec le camion de lait rue de Clichy et les bonsoir Badame au reboir, elle avait pleuré à la mort de la princesse la Ladydi qu'elle trouvait si gentille et tout ça à cause des papas rassis et leurs photos de la bagnole dans le tunnel ça commence à bien faire et les chapeaux de la Couine aussi mais toutes les fleurs à l'enterrement ça lui plaisait.

Maintenant elle bouge de moins en moins à cause des douleurs, alors Nadine la femme de Jean-Louis vient lui apporter de la soupe deux fois par semaine avec le pétiot qu'a maintenant onze ans, ellles causent un brin de tout et de rien et ça commence à bien faire n'est-ce pas. Pauline regrettait le temps des vrais films à la télé, ceux avec Bourvil et le petit qui bougeait tout le temps vous savez le Louis de quèquechose un peu corniaud ou Arsène Lupin et Robert Lamoureux avec son histoire de canard, maintenant il y avait toujours de la violence quotidiennement avec le gros Maigret, les inspecteurs Barnabête et Navarin, surtout ces feuilletontons américains qu'elle ne voulait plus regarder ou bien alors ces comiques pas drôles qui la faisaient pas rire en tapant sur les p'tits vieux ou les handicapés que ça commençait à bien faire avant que ça leur retombe sur la cafetière sans attendre et voilà.

Un soir, elle avait invité les gentils voisins à partager le repas du soir, on regardait la télé en mangeant quand on a vu et entendu un p'tit gars agité des épaules de partout dire comme ça tout d'un coup, l'environnement ça commence à bien faire, alors on a ri mais qu'est-ce qu'on a ri quand Jean-Louis a rajouté on dirait qu'il vous a entendu le monsieur ou bien qu'il copie sur vous, Madame Pauline.

Cette nuit, dans l'ambulance qui l'emmène à l'hôpital, Pauline dit dans un souffle pour la dernière fois à l'infirmier qui lui tient la main "cette fois je crois que ça commence à bien faire".

 

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