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24/02/2016

ANNIVERSAIRE

 

 On savait bien que cela devait arriver, un jour ou l’autre, mais pas aujourd’hui, pas ce jour-là.

 Il a ouvert la porte lentement puis est entré rapidement comme par effraction ; cela commençait mal et on n’avait encore rien vu. Il se dirigea vers Lilas qu’il gifla soudainement et sortit de la pièce suivi par Florent rouge de colère. On s’attendait à des cris, ce fut un court silence suivi d’un coup bref et sourd, celui de la chute d’un corps, Florent rentra et pris Lilas en larmes dans ses bras et dit ça va aller ça va aller en nous regardant. Personne ne bougea, la conversation reprit et soudain il a ouvert la porte rapidement puis est entré en vacillant, il se tenait le ventre avec ses mains couvertes de sang sur le manche d’un couteau entré dans un bide qu’il avait pansu, s’affalant aux pieds du couple Lilas-Florent et murmurant ça ne va pas très bien avant d’expirer à leurs pieds pouououffff. Lilas poussa un hurlement, Florent hagard ne savait quoi faire quoi dire… ah ! on dirait un film de François Plumeau dit quelqu’un de la bande en moins drôle répondit un autre, la soirée venait de débuter on n’avait pas eu le temps d’ouvrir toutes les bouteilles de champagne. Bon c’est pas tout ça dit Ambre la maîtresse de maison mais que fait-on ? on ouvre encore et on boit répondîmes-nous en chœur tandis que quelqu’un Jérôme je crois mettait le Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel dans la version de Pierre Boulez et Philippe Entremont sa version de référence à laquelle nous applaudîmes. Lilas poussa de nouveau un grand cri en le désignant avec un doigt, il avait bougé, il se retournait maintenant le visage éclairé d’un grand sourire, se relevait lestement et dit qu’il préférerait plutôt un whisky car votre champ’ très peu pour moi et si quelqu’un pouvait me passer une serviette pour mes mains parce que le sirop de framboise ça colle vraiment trop. Lilas pleurait toujours soutenue par Florent qui dit arrête de faire le con tu ne nous fait pas rire alors qu’on était tous gondolés. Il avait l’air réjoui oui oui ré-jou-i de la blague qu’il nous avait faite, il buvait maintenant son pur malt quand Florent sortit précipitamment suivi comme son ombre par une Lilas toute chiffonnée  tandis que les roteuses circulaient dans le groupe avec moult appréciations.

 Puis

 Florent a ouvert la porte lentement puis est entré rapidement comme par effraction, toujours suivie de Lilas qui s’était requinquée, il se dirigea vers le mort ressuscité qu’il gifla brutalement pendant qu’éclataient les rires alors qu’on s’attendait à des cris, des protestations, le whisky coulait sur les mains du mort qui était devenu tout rouge suite au coup porté sur son visage, Florent tendit la main vers Lilas qui lui remit le révolver qu’elle tenait dans sa main cachée derrière son dos jusque-là, Florent appuya deux fois sur la gâchette dans un atmosphère pétrifiée et tous les verres à la main, le mort s’écroula dans un ahhhh bon dieu d’merde mais c’était pour rigoler bordel quel con et s’affala mort une nouvelle fois aux pieds de Lilas et de Florent qui s’étreignaient éperdument. On dirait un film de François Plumeau dit quelqu’un de la bande en plus drôle répondit un autre tandis que la soirée s’écoulait maintenant normalement mais qu’on allait bientôt manquer de champagne, ce qui ne faisait l’affaire de personne.

 David, le maître de céans, trouvait que pour son anniversaire, on avait toujours droit à un beau spectacle, sa femme et les copains avaient à chaque fois bon goût pour le divertir mais cette fois ils avaient mis le paquet et pas qu’un peu. Il fit signe à Ambre qu’il allait retourner à la cave parce que là vraiment fallait pas ergoter sur la bibine.

 

                  

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19/02/2016

ACCÈS SOIR

 

Depuis quelque temps déjà Muriel reprochait à Jérôme de ne pas assez sortir ; elle entendait par « sortir » : aller boire un verre en terrasse, voir un film, une expo, une pièce de théâtre, se faire un concert, pourquoi pas tiens aller en boîte, même (vœu secret) qu’il l’emmène danser mal gré son peu d’affinités pour cela… bref quoi en un seul mot SORTIR le soir après le boulot ou après le dîner, ne serait-ce que pour prendre l’air en se tenant par le bras comme les p’tits vieux toujours amoureux, hein ?, Jérôme ?. Oh cela arrivait quelque fois quand LUI décidait mais si rarement… et quand on entendait les amis raconter leurs sorties Muriel se sentait bien seule, Anna avait beau lui dire secoue-toi ma vieille ou bien prend l’initiative de lui proposer ou bien vas-y toute seul merde. Tout cela venait certainement de nos différences de goûts, se disait-elle comme pour se rassurer, récurrent problème dont elle parlait souvent avec Jérôme qui avait tendance à éluder ou à ne pas écouter avant d’entendre ou vice-versa. N’allons pas croire qu’il ignorait le problème qui était simple à résumer : il était devenu casanier, pantouflard même pot-au-feu et il ne voyait pas encore le moyen d’en sortir. Il avait tout à sa disposition pour la culture : le câble, le streaming et la VOD pour la télé, les archives de l’INA et de la cinémathèque, youtube et deezer pour la musique, sans compter sa bibliothèque, discothèque, vidéothèque, je sais tout cela Jérôme n’empêche, répliquait Muriel. Elle cherchait à le provoquer, à aiguiser sa curiosité flapie, son manque d’enthousiasme flagrant, son apathie généralisée, rien n’y faisait constatait-elle découragée, abattue, même les ébats sexuels qu’il préférait, pratiquait (elle aussi avec ardeur) et qu’elle multipliait jusqu’à épuisement le laissait indifférent elle au contraire avec ravissement .


Elle consulta, sur internet, les réseaux sociaux, les forums de discussions puis alla rendre visite au médecin référent familial pour son avis, elle écouta les conseils, les recommandations, les trucs ou pistes à explorer, les ruses ou artifices, combines et/ou manœuvres, détours et finasseries. Elle se sentait moulue, vermoulue, éreintée, cabossée et ne pensait plus qu’à une chose : trouver ce qui pourrait secouer, dérouiller, provoquer celui qui restait malgré tout l’élu de son cœur comme on dit dans les romans à l’eau de rose un peu rosse. Muriel constatait avec un petit sourire crispé qu’il s’enfermait de plus en plus souvent dans la pièce qu’il avait transformée en atelier quand il s’était découvert une passion de bricoleur faisant belle concurrence à Ikéa et ses kitàlacons. Il s’enfermait le soir au moment où elle aurait voulu sortir nous y revoilà. Muriel devait donc trouver rapidement un antidote, un truc, un outil, un instrument, voire un accessoire comme Jérôme en élaborait et détruisait immédiatement car jamais content de lui.

C’était maintenant décidé, il fallait lui demander de fabriquer un accessoire performant afin d’obtenir un véritable et durable accès soir car cela devenait maintenant nécessaire et urgent. Très.

12:48 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

11/02/2016

CHARLES, LEQUEL ?

 

Tout le monde connaît un Charles, dans sa famille, un père, un oncle (qui me fit découvrir le Paris-Brest aller-retour), un cousin, un ami de la famille aussi, un voisin ou une personnalité, tenez, ce prénom surgit au moins une fois dans une journée, vous voulez des exemples, bon, dans l'admiration collective, les rois de France et de Navarre, Charles le Grand, le Chauve, le Simple, le Bel, le Sage, le Fol ou le Bien-Aimé, le Mauvais, le Noble, sans compter tous les étrangers et puis le grand Charles, de Gaulle, le sauveur de la patrie et de la partie comme auparavant Martel à Poitiers, pour les pressés : Charlemagne, sans parler du Quint, Aznavour le grand, chanteur préféré des français avec le fou chantant, le Trenet qui traîna jusqu'à sa mort sa nostalgie du refus des vieux barbons de l'acacadémie française de l'accueillir au sein d'icelle, le canadien Charlebois, pour les zamateurs de jazz d'abord le grand Oiseau Parker dénommé Charlie puis Mingus le rebelle avec causes qui refusait qu'on le nomme Charlie et Ray le malicieux qui permuta nom et prénom, Charles Delaunay qui s'offrit une danseuse nommée Jazz-Hot afin de défendre le jazz moderne, pour ceux de musique dite classique le compositeur Gounod (on passe), le chef d'orchestre Münch, la musique contemporaine l'américain Yves et son Central park in the dark, bon, pour la littérature ou la poésie quelques auteurs célèbres, Baudelaire, Bukowski (gloup), Dickens, Péguy, Perrault, le théâtre avec Dullin vu au cinéma dans le rôle de Corbaccio du Volpone de Maurice Tourneur en 1941 et d'un vieux fétichiste dans Quai des Orfèvres et son fameux n'enlevez pas les chaussures, jamais les chaussures, le cinéma avec Charles Vidor et sa Gilda avec Rita Hayworth, les comédiens l'immense Chaplin, notre Charlot international, Boyer le séducteur, l'irrésistible et troublant Laughton, Bronson, Berling et Vanel…

il doit y en avoir d'autres, mais pour l'amour de ma vie et moi, il n'y en a qu'un seul, on vous le donne en mille: CHARLES DENNER, oui, lui, NOTRE Charles à nous. (Ecartés le Lindbergh l'aviateur nazillon et Millon le salopard dit le con pour la rime).

On l'avait entr'aperçu dans quelques films, avec le magnétoscope on faisait arrêt sur image pour mieux voir sa silhouette, un valet dans Volpone aux côtés de son maître , oui c'est bien lui l'adjoint de l'inspecteur Cherier dans Ascenseur pour l'échafaud mais alors le premier grand choc: Landru de Chabrol, vedette principale, ses regards fiévreux, sa voix métallique, sa diction hésitante, fluctuante, séduisant Michèle Morgan, Danielle Darrieux, Stéphane Audran, puis la/sa rencontre avec François Truffaut avec La Mariée était en noir, Une belle fille comme moi (ah bon dieu, Bernadette Laffont en combinaison si courte ! que j'avais couru acheter la même pour l'amour de ma vie aussi belle pour moi que la Bernadette), et surtout l'inoubliable et inoublié dans L'homme qui aimait les femmes…

 

"C'est en jouant avec Ginette que j'ai découvert le goût des femmes" déclare Bertrand Morane adolescent… au cimetière de Montpellier où il est enterré décédé à 40 ans suite à un accident de voiture alors qu'il suivait une femme entrevue dans la rue, elles sont toutes là : blondes, rousses, jeunes, mûres, mariées ou veuves, compagnes d'un jour ou plus de ce chasseur solitaire sans famille, sans amis, avec dans son agenda ce mot : "personne à prévenir en cas d'accident", elles seront toutes là, les actrices Brigitte Fossey / Geneviève, Nelly Borgeaud / Delphine, Geneviève Fontanel / Hélène, Nathalie Baye / Martine… toutes les autres… pour ce "double" de François Truffaut, autant amoureux des femmes avec ces dialogues superbes : "les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie", "vous avez une façon de marcher, on ne peut rien vous refuser", toutes ces phrases consignées dans un livre qui sera publié post-mortem ; et la dernière prononcée par Brigitte Fossey, la narratrice : "Bertrand a poursuivi le bonheur impossible dans la quantité, la multitude… pourquoi nous faut-il chercher auprès de tant et tant de personnes ce que notre éducation prétend nous faire trouver en une seule ?"…

 

Nous avons, l'amour de ma vie et moi, vu et revu souvent ce film et notre admiration pour Charles Denner augmentait à chaque fois. J'avais quant à moi trouvé le bonheur, total, et je ne m'identifiais pas à celui qui affirmait " malheureusement, il n'est pas question de les avoir toutes" ; rien que regarder le si beau sourire et l'éclat des yeux de l'amour de ma vie me rassurait :

" heureusement que je t'ai rencontré… sans cela, Charles, celui-là, peut-être ? qui sait ?... gros bêta ".

 

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05/02/2016

CLÉMENCE

 

 J’ai cru longtemps que c’était uniquement un mot, un joli mot plein de douceur phonique avant de savoir que c’était aussi un prénom quand nous sommes allés avec mes parents pour la première fois rencontrer ma grand-tante qui habitait dans un bourg du bocage normand. C’était une grande et forte femme toute en rondeurs ce qui changeait agréablement de la sécheresse hautaine de sa sœur ma grand-mère maternelle que je détestais sans le montrer bien sûr parce que alors la beigne partirait vite. Habillée d’un ample corsage surmonté d’une guipure et d’une vaste jupe qui effleurait le sol, Tante Clémence (à chaque fois que je prononce son prénom cela s’illumine à l’intérieur de moi) était d’une gentillesse que la dureté et pourquoi pas le dire la vacherie de sa sœur rendaient encore plus appréciable. Il faut bien avouer que du côté du paternel je n’étais pas gâté non plus, sa maman, petite, revêche et moche était d’une constante méchanceté à mon égard, dénonçant à mes parents les moindres petites bêtises que je m’empressais de faire rien que pour voir où cela pouvait aller… Un exemple : la soupe aux poireaux-pommes de terre que faisait ma maman dans les temps difficiles, elle mettait tout le poireau y compris l’extrémité immangeable des feuilles vertes que je repoussais sur le bord de l’assiette et alors avec son air de vieille sorcière elle raclait le bord et remettait le tout dans le fond tiens mon gars pour te faire grandir que j’avais des envies de meurtre le nombre de fois que je l’ai tuée… Pas besoin de faire un dessin ou d’y aller par quatre chemins, vous aurez compris que je vomissais mes grand-mères, que je n’ai eu pour elles aucune affection et je crois bien que c’était du réciproque, je n’ai aucun mais alors aucun souvenir de l’ombre d’un geste de tendresse ou l’adresse d’un petit mot gentil, un dragon et une cafteuse j’étais gâté, les Dupond & Dupont de la méchanceté j’étais servi… alors que Tante Clémence, que j’ai peu connu il est vrai, non seulement sentait bon sur elle les fleurs de son jardin mais ses yeux et ses gestes reflétaient la gentillesse et l’amour. Elle aimait me raconter des histoires que je buvais bouche bée, des histoires pour enfant et aussi concernant son mari qui était parti à la guerre de 14/18 quelques jours après son mariage et qui n’était pas revenu, tué le 13 novembre, deux jours après l’armistice, l’annonce n’étant pas parvenue dans un coin isolé où il croupissait depuis un mois ; elle l’avait revu pendant deux courtes permissions et me disait que c’était les plus beaux jours de sa vie. Du haut de mes huit ans bien que je sois petit j’envisageais de devenir son nouveau mari rien que pour faire plaisir à Clémence et embêter mes grand-mères, je ne connaissais pas encore le mot salope à cette époque mais je pensais fort à l’inventer et à l’appliquer à ces deux mégères, je ne pratiquais pas beaucoup le mot amour Clémence me paraissant la personne à qui ce mot magique revenait de droit…

Aujourd’hui, quelques décennies après, l’amour de ma vie ne se prénomme pas Clémence, je garde secret son prénom adoré qui chaque fois que je le prononce (souvent) me ramène (quelquefois) à ma grand-tante à sa gentillesse à son odeur de fleurs et à sa jupe longue sauf que l’amour de ma vie a une autre odeur, un autre parfum encore plus attirant et que sa jupe est nettement plus courte.

 

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