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19/02/2016

ACCÈS SOIR

 

Depuis quelque temps déjà Muriel reprochait à Jérôme de ne pas assez sortir ; elle entendait par « sortir » : aller boire un verre en terrasse, voir un film, une expo, une pièce de théâtre, se faire un concert, pourquoi pas tiens aller en boîte, même (vœu secret) qu’il l’emmène danser mal gré son peu d’affinités pour cela… bref quoi en un seul mot SORTIR le soir après le boulot ou après le dîner, ne serait-ce que pour prendre l’air en se tenant par le bras comme les p’tits vieux toujours amoureux, hein ?, Jérôme ?. Oh cela arrivait quelque fois quand LUI décidait mais si rarement… et quand on entendait les amis raconter leurs sorties Muriel se sentait bien seule, Anna avait beau lui dire secoue-toi ma vieille ou bien prend l’initiative de lui proposer ou bien vas-y toute seul merde. Tout cela venait certainement de nos différences de goûts, se disait-elle comme pour se rassurer, récurrent problème dont elle parlait souvent avec Jérôme qui avait tendance à éluder ou à ne pas écouter avant d’entendre ou vice-versa. N’allons pas croire qu’il ignorait le problème qui était simple à résumer : il était devenu casanier, pantouflard même pot-au-feu et il ne voyait pas encore le moyen d’en sortir. Il avait tout à sa disposition pour la culture : le câble, le streaming et la VOD pour la télé, les archives de l’INA et de la cinémathèque, youtube et deezer pour la musique, sans compter sa bibliothèque, discothèque, vidéothèque, je sais tout cela Jérôme n’empêche, répliquait Muriel. Elle cherchait à le provoquer, à aiguiser sa curiosité flapie, son manque d’enthousiasme flagrant, son apathie généralisée, rien n’y faisait constatait-elle découragée, abattue, même les ébats sexuels qu’il préférait, pratiquait (elle aussi avec ardeur) et qu’elle multipliait jusqu’à épuisement le laissait indifférent elle au contraire avec ravissement .


Elle consulta, sur internet, les réseaux sociaux, les forums de discussions puis alla rendre visite au médecin référent familial pour son avis, elle écouta les conseils, les recommandations, les trucs ou pistes à explorer, les ruses ou artifices, combines et/ou manœuvres, détours et finasseries. Elle se sentait moulue, vermoulue, éreintée, cabossée et ne pensait plus qu’à une chose : trouver ce qui pourrait secouer, dérouiller, provoquer celui qui restait malgré tout l’élu de son cœur comme on dit dans les romans à l’eau de rose un peu rosse. Muriel constatait avec un petit sourire crispé qu’il s’enfermait de plus en plus souvent dans la pièce qu’il avait transformée en atelier quand il s’était découvert une passion de bricoleur faisant belle concurrence à Ikéa et ses kitàlacons. Il s’enfermait le soir au moment où elle aurait voulu sortir nous y revoilà. Muriel devait donc trouver rapidement un antidote, un truc, un outil, un instrument, voire un accessoire comme Jérôme en élaborait et détruisait immédiatement car jamais content de lui.

C’était maintenant décidé, il fallait lui demander de fabriquer un accessoire performant afin d’obtenir un véritable et durable accès soir car cela devenait maintenant nécessaire et urgent. Très.

12:48 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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