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30/10/2013

RIEN QUE DU BEAU MONDE

 

Nous avons revu le grand type plusieurs fois après son gros coup de mou relaté ici ("Dérèglement momentané"). Toujours charmant et disert, racontant des tas d’anecdotes sur tous les sujets avec un humour constant. Il connaissait un nombre de personnes impressionnant et il avait sur chacune des tas de choses à raconter, sympathiques, gentilles et drôles. Il était intarissable, il fallait presque l'arrêter parfois. Sa classe de tai-chi-chuan était remplie de singuliers individus qu'il se fit un plaisir de nous faire connaître après un dîner bien arrosé ce soir-là. Tous les sexes, tous les âges, toutes les conditions sociales et intellectuelles réunies étaient représentées, donc, rien que du beau monde dans cette quarantaine d'élèves. Honneur aux dames en commençant par les donzelles un peu excitées (quant à la découverte de cette sorte de gymnastique bien que ce soit un art dit martial) jusqu'aux plus anciennes blasées à qui il ne fallait pas en raconter parce qu'elles savaient tout sur tout surtout et encore plus que tout le monde y compris le prof, vous voyez le genre. La Laura, la plus mignonne, affolait l'assemblée au moment de se mettre en tenue par une collection de soutifs des plus extravagants, la Geneviève, la plus ancienne, manifestait en ronchonnant qu'on était pas au cabaret de stripetise tandis que la gent masculine affolait les compteurs des nénettes principalement avec l'agent de police Marcelito (il s'appelait Roger et avouait un faible pour l'acteur italien) se prenant alors pour Tarzan ou Superman avec ses biscototos provocateurs. Les autres messieurs, des vieux qui voulaient ou croyaient vouloir rajeunir en jouant au p'tit djeune décontracté du gland et dont la plupart venaient pour les filles ou bien alors pensaient pouvoir se foutre sur la gueule avec plus d'élégance et en costume adéquat, des ados sûrs de leur prétendue perfection physique et heureux de la donner à voir... On dit qu'il faut de tout pour faire un monde ; dans cette équipe tenue d'une main de fer en crins de velours par maître Rodolphe, il y avait : un ancien transformiste de chez Michou, une danseuse de french-cancan sur le retour, un cadre supérieur d'une banque encore réputée, une charcutière spécialisée dans le boudin à l'ancienne, un ouvrier du bâtiment qui avait toujours une nouvelle histoire drôle à raconter qui n'amusait personne, une secrétaire perpétuelle provisoire de l'Académie Française, un goal gay, un clown triste et un nain jaune, une péripatéticienne périmée du périphérique, un cadreur mal encadré de France 3, une intermittente définitive du spectacle de rue, un blogueur bloqué sur le net, une directrice de casting de porno soft, une institutrice en retraite en retrait toujours bougonne... la liste serait longue à dévoiler entièrement. Tout ce beau monde cohabitait tout en se détestant cordialement avec une amabilité de façade toute en convenances qui provoquait parfois de grandes colères intérieures de Rodolphe qui savait garder néanmoins un calme que l'on dit toujours olympien dans ce cas-là.

Somme toute, il ne manquait plus que vous. Alors, vous venez ?, c'est tout près de chez vous.

© Jacques Chesnel

17:30 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (4)

20/10/2013

EMPOIGNADE (Hommage à Dubout)

 

Je n'aimais pas du tout la tournure que prenait la conversation, pas du tout, il me semblait qu'il y avait des limites à ne pas franchir et certains avaient l'air de ne pas vouloir en tenir compte. Il y avait un tel barouf, un si réactif boucan, une immense cacacophonie, un brouhaha ah ah immense, un furieux tintamarre, on n'arrivait plus à s'entendre, ni à s'écouter parler, un comble ! De temps en en temps, quelqu'un hurlait plus fort STOP et après un millième de seconde cela repartait de plus belle. Un petit chétif se leva et se fit rasseoir illico bouge pas mon gars, un grand balèze se mit debout et se replia sur lui-même bouge pas mon gars, un troisième du genre fluet éternua et se fit moucher ta gueule mon gars, un autre péta plus haut que son cul ferme-la mon gars, la grosse Simone dit zut, le gringalet grogna crotte et patati et patata et pataquès vociféra le reste de l'assemblée. Comment cela avait-il commencé, personne n'aurait pu le dire : peut-être par Quentin en tant que tel, par Guillaume qui ramène sa pomme sans arrêt, par Clément le maraudeur des mots, par Léon le roi de la frite verbale, par Cyril et son alphabet bizarre, Maurice et ses rimes riches, Jérôme le vrai môme, Charles qui parle pour ne rien dire, tous prêts pour un vrai ramdam avant pendant ou après le ramadan, apôtres du chambardement, hurluberlus du chahut cru et du tohu-bohu velu, houspilleurs de hourvari, tous d'accord-raccord pour dégainer plus vite que la parole, à sortir le couteau des mots et des maux, à lever l'étendard de la parlote et du verbe haut... Et cette fois, quel avait été le sujet de ce débordement à la Guy Debord à bâbord et tribord, on aurait mis chacun dans l'embarras car tous les sujets possibles avaient été abordés par-dessus bord et personne pour mettre le holà ou faire la ola de rigueur. Il y a eu une brève seconde de silence quand, à la télé restée allumée, le spiqueur annonça la victoire de l'équipe locale de foot par 4 à 0 OUAIS, c'était pour repartir de plus belle, de plus en plus fort de plus en plus plus en plus, jusqu'au bruit inhabituel dans ces circonstances : une gifle, signal du démarrage avec rage d'une giflitude collective prenant de l'ampleur dans l'amplitude et l'ampliatif... C'est alors que l'accorte et forte Simone qui s'était discrètement repliée avec la forte détermination qui la caractérise en roulant les épaules qu'elle avait débordantes, revint de la cuisine avec un plateau chargé de chopes de bière à la munikoise et beugla d'une voix de stentor et avec emphase :

QU'ON SE LE DISE, BORDEL, MAIS YEN AURA PAS POUR TOUT L'MONDE...

Excusez-moi, je vous laisse deviner la suite.... agitée.


© Jacques Chesnel

14:35 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

16/10/2013

DEUX FENÊTRES

 

Il y a des fenêtres qu’on regarde sans les voir. Il y en a tant, pourquoi celles-là ?, ces deux là ?

JOUR

Chaque fois que mes yeux se posent sur cette fenêtre, volontairement ou par mégarde en regardant ailleurs, je perçois comme un frémissement derrière le rideau qui bouge insensiblement, comme un déplacement furtif de quelqu'un qui, derrière, subrepticement, ne veut pas se faire voir me regardant, moi... ou bien est-ce une illusion, un mirage. Carrée d'un 60 x 60 standard avec châssis en aluminium, cette ouverture est située au dernier niveau de cet immeuble typique de l'architecture des années 70 ou l'architecte dessinait d'abord les façades quitte à négliger une distribution des pièces intérieures abracadabrantes. Derrière le verre, un voile léger, discrètement opaque, quelquefois une légère aura de lumière même en plein jour. Ce léger tremblement de rideau était-il le fait d'une personne ne voulant pas se montrer ou bien quelque mouvement volontaire ou non, d'un enfant pour un jeu, d'un animal, chat malicieux ou queue agitée d'un grand chien ou...  Je ne cessais de me poser ces questions, ma curiosité étant à son comble parce que cette légère vibration, ce minuscule remous semblait se manifester à chaque fois que mon regard se dirigeait vers ce carreau singulier... ou bien était-ce, une illusion, un mirage. Je connaissais de vue la plupart des occupants de cet immeuble, croisés sur le parking ou rencontrés lors de la fête des voisins. Personne ne me semblait être celui ou celle qui jouait à cache-cache avec mon indiscrétion secrète. Mais...

 

NUIT

Il y a longtemps que j'avais découvert cette petite rue, plutôt ruelle, dans le vieux quartier de ma ville, celui épargné par les bombardements de la guerre. J'aimais m'y promener de temps en temps pour retrouver sans nostalgie mais avec un petit pincement au cœur les moments de mon adolescence au cours de laquelle j'avais connu mes premiers émois amoureux avec de chastes ou parfois fièvreux baisers des fiancées d'un jour ou d'une semaine. J'avais repéré cette vieille maison de grosses pierres mal jointes avec seulement une porte et une petite fenêtre carrée, son châssis en bois avec ses persiennes peintes d'un bleu délavé. Chaque fois que mes pas se dirigeaient instinctivement vers la bâtisse, le rideau de dentelles ou de macramé marquait comme une oscillation, un frissonnement faisant se mouvoir les motifs décoratifs de la tenture à l'ancienne. J'étais resté quelque fois en observation mais personne ne s'était manifesté... était-ce une illusion, un mirage ou une chimère?. Je suis revenu récemment  dans ce quartier, la masure avait disparue avec d'autres, faisant place à cet immeuble typique de l'architecture d'aujourd'hui où l'on se préoccupe autant du confort de l'habitant que de l'esthétique extérieure. Je revins dépité, sans véritable amertume mais avec le regret des baisers volés aux fiancées oubliées ou encore présentes dans ma mémoire. Rentré chez moi, je me dirigeai vers ma fenêtre pour voir celle d'en face où je constatai pendant de longues minutes que rien ne bougeait en ce moment, pendant de longs moments.

Et si derrière le voile se tenait cachée une mes anciennes petites amoureuses de cette petite rue, ruelle plutôt, elle, discrète, me sachant revenu de ce voyage évoquant une jeunesse lointaine. Et si...


© Jacques Chesnel

18:10 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (3)

02/10/2013

LES CHÉQUES & MAT

 

 

Nous informons notre aimable clientèle que n’acceptons plus les chèques

NOUS N’ACCEPTONS PLUS LES CHÉQUES !

C’est en faisant le plein de carburant à la station-service près de chez lui que Jérôme lut avec surprise cette information et qu’il pensa aussitôt que lui par contre n’acceptait pas l’échec suite au licenciement qui venait de ruiner ses espoirs de s’en sortir après tant d’années de galère dans cette banque de merde et qu’il n’allait pas l’afficher partout à la vue de tout le monde. Il se remémorait plusieurs affaires identiques, ce qui était insuffisant  pour le consoler. Il n’était pas allé mettre une note du même genre sur la porte du bureau de son chef de service avec un nous n’acceptons plus les mises à la porte pauv’con, non, il avait seulement pensé à balancer une magistrale paire de baffe dans sa gueule de raie pas nette (la raipanette), il avait mimé le geste peu aimable, vous auriez vu la bobine du gus avec son bras levé pour se protéger malgré tout ne me fra fra frappez  hein ? tiens paf paf deux fois dugland alors tu gueules pas nous n’acceptons plus les paires de gifles… et puis tant qu’on y est est-ce qu’on ne va pas aller placarder nous n’acceptons plus vos augmentations du prix des carburants injustifiés sur les murs de la société GLOBAL avec son pdg tête-à-claques et sa moustache en balai-brosse à la con (encore un paf paf). Au moment où un peu partout souffle dans le monde un vent de rébellion souhaitable et souhaité, Jérôme pensait que ce serait bien de se trimballer avec des pancartes NOUS N’ACCEPTONS PLUS L’ÉCHEC, il s’imaginait la tronche de politiques, la bouille des p’tits vieux, la trogne des syndicalistes que Jérôme aimait bien pourtant mais qu’il trouvait vraiment tous couilles momolles raplapla planplan. Imagine, disait-il à une Muriel médusée comme un radeau, des centaines, des milliers de panneaux, pancartes, écriteaux, banderoles et bannières, prospectus, tracts, réclames de tous formats les plus grands de toutes les couleurs, les enfants avec des T-shirts et des p’tits shorts, les ados avec blousons ou minijupes, les bourges en loden vert et jupe plissée, les bonnes sœurs extasiées, les curés emballés, les footballeurs déniaisés, les commerçants souriants (denrée rare), tout un monde en liesse et en verve brandissant, arborant, agitant, exhibant, déployant, hissant haut les pavillons de la révolte NOUS N’ACCEPTONS PLUS L’ÉCHEC… putain, c’est le grand soir, enfin, la délivrance, la fin de l’esclavage, le monde nouveau est devant nous, allons zenfants, il est revenu le temps du muguet, le soleil se lève au beau fixe… et Jérôme se réveille avec un grand sourire, celui qui fait craquer sa Mumu qui alors prend délicatement son cher et beau zizi encore assoupi dans sa menotte droite si délicate et experte et qui lui murmure à l’oreille d’un ton néanmoins impératif:

JÉRÔME CHÉRIIIII, NOUS N’ACCEPTONS PLUS L’ÉCHEC !


©  Jacques Chesnel

18:48 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (3)