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29/07/2013

LETTRES PROMISES

 

Quand Jérôme annonça à Muriel qu’il se mettait à écrire, elle lui répondit en souriant : super, comme ça tu vas pouvoir m’adresser les lettres que tu m’as promises il y a si longtemps. Depuis son licenciement récent, il s’était trouvé une sorte de passion pour son vieil ordinateur et son traitement de texte qu’il appelait souvent sa thérapeutique de sexe en compensation des fois. Il avait aussi farfouillé sur le net et découvert l’existence des blogs, ce qui l’avait littéralement scotché. Il y en avait vraiment de toutes sortes et pour tous les goûts à ne savoir quoi en penser en tant que pensums avec ces délires, affabulations, démonstrations, exaltations, excitations, confusions, aberrations, fureurs, parti pris et prises de partis, pamphlets, fanatisme, intolérances, satires… à vous donner le tournis… et Muriel qui intervient : « arrête Jérôme, tu vas encore te faire du mal avec toutes ces conneries ! , tu vas t’énerver pour rien comme d’habitude». Et puis, la découverte qui le laissa ébahi, éberlué et plus encore : les blogs littéraires, quelques-uns plus littéraires que les autres ou à connotations idoines dont il fit un jour l’énumération sans doute partielle mais en fonction de ses choix à une Muriel sidérée et si prompte à s’emballer rapido : le clavier cannibale, l’autofictif, le tourne-à-gauche avec les superbes photos de Dominique Hasselmann, les confidences de la délicieuse Clopine Trouillefou, La République des Livres de Pierre Assouline (ses textes et les centaines de commentaires sur ou hors sujet), Terre de Femmes, Blandine Longre (pour la poésie), celui de Jean-Pierre Longre (Notes et Chroniques), les panissières ou une autre façon de conter l’histoire, papiers d’arpèges et helenablue… le plus comique étant celui d’un ancien chroniqueur du mensuel La Virgule signant Pierre-Yves Jarrette dit PYJ ou Quislapète, blog consacré presque exclusivement aux écrivains d’un autre temps, d’une autre époque avec ressassement évident de vieux clichés, affichant son dédain et son mépris de/pour la littérature d’aujourd’hui (il n’est de bon écrivain que mort), engoncé/pétrifié dans ses certitudes, délivrant quelquefois avec condescendance ses appréciations et surtout ses rejets et bannissements, soutenu par une douzaine de commentateurs dont un fidèle Christian, constant et ponctuel, avec toujours une opinion dans le sens du poil de PYG, ses commentaires (comment taire ?) dit thyrambiques d’une écriture qui se regarde écrire, parfois pathos grand et diloquant, prêchi-prêcha, bla bla bla… Jérôme était intervenu plusieurs fois et s’était fait rabrouer tout autant et avait donc abandonné la lecture épisodique de ce magasin d’antiquités sentant fortement le formol et la vieille dentelle aux odeurs de moisi.

Maintenant, il était tenaillé par l’écriture, par le fort désir de s’exprimer et pour commencer se demandait s’il n’allait pas se mettre à rédiger toues les lettres promises à Muriel et qu’elle attend impatiemment depuis si longtemps…

Ma chérie,

Aujourd’hui, je t’adresse cette première lettre sur mon nouveau blog pour te dire  que…

© Jacques Chesnel

22:36 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

09/07/2013

JE NE MANQUE PAS D’AIRS

 

A vrai dire, je ne sais pas tellement où j’en suis question musiques et ce depuis le début de l’année, peut-être parce que je n’ai pas rencontré de grands emballements à part le premier CD de PING MACHINE Des trucs pareils et le dernier JARRETT/PEACOCK /DeJOHNETTE Somewhere. J’ai envie de revenir aux fondamentaux, oh entendons-nous bien, pas de retour vers les débuts du Jazz, le blues, le gospel, le New, le Swing, les grands orchestres, ces styles que je respecte infiniment mais qui sont d’un passé révolu dont je garde néanmoins un souvenir ému… non, plutôt vers ce qui a déclenché véritablement mon engouement et mon adhésion totale à la sortie de l’adolescence, le bebop, le cool, le Jazz West Coast, le hard-bop, la bossa-nova, Django, les quintettes de Miles, les débuts du jazz-rock, Wayne Shorter… Je ne sais plus tellement où j’en suis avec ces nouvelles musiques improvisées proches ou éloignées du Jazz que j’écoute avec intérêt certes mais qui n’arrivent pas à me contenter totalement.

Par contre, ce dont je suis absolument certain, c’est mon gout de plus en plus prononcé pour la mélodie, le chant et, pour employer un terme emprunté à la musique classique, un AIR, mot que mon dictionnaire définit ainsi : suite de sons musicaux formant une mélodie et donne comme exemple : « je me souviens des paroles de cette chanson, mais j’ai oublié l’air ». Eh bien, moi, tous ces airs sont profondément ancrés dans ma mémoire à un tel niveau qu’il n’est plus besoin de mettre les disques ou alors rarement pour pallier un manque, une faute d’attention.

Longtemps, nous nous sommes endormis Muriel et moi ‘Round Midnight puis réveillés le dimanche matin avec My foolish heart que je chantais  fortissimo ce qui nous redonnait des forces pour recommencer nos galipettes, le nombre de fois où j’ai fredonné ces Nuages envahissants, murmuré The shadow of your smile en contemplant le visage adoré,  je psalmodiais Birdland en compagnie de Jaco Pastorius, je vocalisais Fly me to the moon aux côtés de Frankie Sinatra accompagnés par l’orchestre de Count Basie, je braillais et pétais en même temps que Screamin’ Jay Hawkins un Constipation blues bienfaisant, j’ai épuisé toute ma réserve personnelle de larmes avec Sarah Vaughan et Misty, Slim Gaillard et Slam Stewart et bibi fricoteur avons fait le cot-cot-cot de Chicken rhythm, je me suis surpris à bredouiller The creator has a master plan avec Pharoah Sanders et jodler en duo avec l’ébouriffant Leon Thomas connu à Montreux ainsi que le cornemuseux Rufus Harley, son Bagpipe blues et The cutting edge du grand Sonny qui m’avait littéralement sonné, avoir ressenti de grands frissons à l’écoute de Mimi Perrin (A ballad) que j’essayais d’assister en vain, susurrer I love in vain à Dame Anita O’Day… oui j’ai tout cela et tant tant d’autres (oui, par centaines) enracinés dans un grand coin de ma mémoire… ce qui fait dire parfois à Muriel « tu sais, Jérôme, je vais finir par croire que tu as un drôle d’air avec tous ces airs sans en avoir l’air, j’espère bien que tu ne vas pas me le pomper, à la fin, hein ?».


©  Jacques Chesnel

 

18:29 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

02/07/2013

INATTENDU ENTENDU

 

On s’est tous fait insulter ou injurier un jour ou l’autre du moins je suppose, moi le premier et je me souviens comme si c’était hier ou demain de mon premier imbécile, c’était le soir du bac après une méga teuf on est parti dans les champs et les fourrés à côté du lycée, on s’est jeté dans les meules de foin, on entendait d’abord des rires, puis des soupirs, puis une grand claque que j’ai pris en pleine poire avec imbécile en prime parce que j’avais entrepris de soulever la robe de ma conquête trop tôt à son gout ou à son attente ou en raison de mon impatience, de ma fébrilité, de mon désir d’attirer à mes fins sans passer par la case préliminaires, ce que beaucoup d’entre nous ignoraient à cette époque en l’absence d’éducation sexuelle. Auparavant j’avais eu ma dose de toutes ces petites injures sympathiques comme andouille, taré, trouduc, plouc, pédé, raclure, abruti, débile, minable, pignouf, crétin, duconnot et autres gracieusetés dont je vous fais grâce. J’ai eu droit à mon premier salaud de la part d’un pote à qui j’avais chipé sa copine qui m’avait dragué et à laquelle je n’avais pas pu et su résister, je me souviens comme si c’était il y a un instant de mon premier connard venant de la part d’une grosse Mercedes qui n’acceptait pas d’avoir été doublée par ma petite MG décapotée dans laquelle trônait une Muriel resplendissante qui se vengea par un bras d’honneur vigoureusement bien dressé tu l’as vu celui-là ?, j’ai encore en mémoire la prononciation de ce « connard » suprême, la façon d’appuyer et de faire durer la seconde partie du mot, un p’tit con bref suivi d’un naaaard traineux et méprisant de la part d’un type rougeaud gonflé d’orgueil et puant de bêtise. J’ai souvenance aussi d’insultes à  caractère sexuel, petite bite, casse-couilles, trépané des burettes, grosse conasse, augmentés de vieille merde ou jeune fiente et autres délicatesses qui firent florès au fil du temps mais quand un soir j’évoquais ces mots doux devant mon grand-père en visite, il s’exclama ah ! de mon temps j’ai moi-même pratiqué faquin, malotru, polisson, gredin ou fripon ça avait une autre allure, non ?.

Le lendemain en sortant dans la rue j’ai failli renverser un cycliste en traversant la rue, il s’écria alors : tu peux pas faire attention espèce de « sacripant »… J’ai eu l’impression de prendre soudainement un coup de vieux.

©  Jacques Chesnel

22:55 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)