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24/06/2013

LE NUAGE ROUGE

 

-       Sept heures vingt-neuf, le temps

Le radio-réveil vient de s’allumer sur France-Inter et c’est la voix de Patrick Cohen qui prononce ces mots en ce jour de premier mai 2023. Chouette, Joël Collado annonce du beau temps sur tout l’hexagone et, en général, ce météorologue ne se trompe pas. Tant mieux parce qu’aujourd’hui une balade est prévue de bon matin pour se dégourdir un peu les gambettes. Vite, une douche, on se fringue rapido, le petit dèj’ à donf et hop c’est parti. Dans l’ascenseur le bonjour aux voisins qui font la gueule comme dab’, sourires crispés crispant et enfin libre. Collado a raison, le ciel est d’un bleu… à part ce gros nuage rouge tout seul dans l’azur, tiens ce n’était pas prévu mais personne ne semble le remarquer, personne la tête en l’air, personne le doigt levé vers le ciel, personne non plus pour regarder le doigt, tout le monde vaque ou va vaquer à ces occupations et moi courir bien que du coup je reste sur place, que se passe-t-il ?. Personne autour de moi n’a l’air affolé surtout pas ma petite voisine qui court tout le temps même quand elle n’est pas pressée et qui me dit un bonjour déjà essoufflé, je lui montre le nuage, elle hausse les épaules et s’enfuit en riant. Je mets une main devant mes yeux en alternance, est-ce une illusion d’optique, le début d’une maladie, un mirage, un reflet, un phénomène météorologique que Collado n’aurait pas prévu et vu de moi seul, un signe, une prémonition, un avertissement, ce n’est pas Jacques Kessler qui m’aurait fait ce coup-là. Hier soir, je suis allé sur la chaîne météo par précaution, le petit bonhomme perpétuellement agité n’a rien envisagé de tel, il a fait tous ses gestes convenus, repoussé les vents, évacué les tempêtes, attiré le soleil, annoncé les températures qui seront clémentes pour la saison, alors j’ai foncé chez Louis Bodin avec son sourire chauve qui a fait des pronostics identiques, alors ? Je fonce au centre de soins le plus proche, demande à voir le médecin de garde qui me raccompagne rassurant et moi pas rassuré car en sortant le nuage est toujours là, seule la forme informe n’est pas changée et le rouge toujours aussi rouge flamboyant, je cours, je cours toujours de plus en plus vite à perdre haleine et la laine, je fonce dans le tas et le vide, j’essaie d’échapper à ce gros nuage qui me court après, je décide de changer de parcours et entreprend de rentrer chez moi à toute blinde en changeant d’allure, épuisé mais curieusement de moins en moins inquiet car je viens de prendre une décision, oui, nuage ou pas, rouge ou pas, je m’en fous royalement, il n’y a pas d’explication, bon, de toutes façons je me suis toujours foutu de toute explication et merde je hais les explications, j'ai toujours préféré les mystères et c’est pas demain la veille que… et s’il était encore là, demain ?

 

13:16 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

16/06/2013

LE SURSAUT D’UNE SURSITAIRE

 

Muriel pensait à tort ou à raison que cette brouille n’était pas une broutille et qu’il n’y avait pas que de l’herbe à brouter.

Jérôme, quant à lui, pensait à raison ou à tort que cela ressemblait à une déroute et se demandait vers quelles routes on allait se diriger, l’autoroute étant saturée.

Pris dans une sorte de piège, Muriel et Jérôme ne savent plus comment s’en sortir, comment quitter ce marasme dont ils ont marre, ils ne savent plus où et comment se tourner, se retourner ou se détourner. Pas question de compter sur les parents ou la famille, l’incompréhension est totale, le rejet de tout compromis définitif, aucune échappatoire possible « on n’a jamais vu cela dans une famille comme la nôtrepas de ça chez nous… ils n’ont qu’a faire des enfants… cela se règle sur l’oreiller». Même des amis proches comme le couple Julien / Myriam qui avait connu pareille mésaventure ne savent quoi dire ou quoi faire, les recours semblaient inutiles, les secours impossibles (médecin, psy, religion), seul, bien seul, Jérôme restait impassible alors que lentement Muriel dérivait vers des contrées inconnues d’elle-même et de tous.

Et puis tout à coup, rapidement, tout a basculé, du mauvais côté : Muriel  a refusé d’abord de manger, elle a perdu en un mois plus de vingt kilos, elle a tondu ses cheveux qu’elle avait d’abord colorés de toutes les couleurs absentes de l’arc-en-ciel, les changements de fringue continus, ensuite elle ne voulait plus voir personne ni sortir de la chambre dont elle avait chassé Jérôme, puis du jour au lendemain elle se mit à dévorer tout ce qu’elle pouvait trouver, elle reprit son poids initial qu’elle augmenta de vingt kilos, d’anorexique elle devint boulimique, de Muriel elle passa à Twiggy puis de Twiggy à Gossip en quelques semaines, puis ce fut la parole ininterrompue, le flot, la déclamation, les proclamations, les cris, les hurlements, les vociférations interminables éructées au cours de déambulations sans fin, et brusquement changement d’attitude et de cap, Muriel sort et ne rentre pas, reste plusieurs jours introuvable, fugue, escapade, disparition, mauvaises rencontres, toutes ces hypothèses font frémir d’inquiétude un Jérôme aux abois…

…quand un matin Muriel rentre, l’air abattu, le regard vide, et sans un mot se jette sur son lit… Jérôme reprend alors espoir, follement, est-ce un sursaut ?... peut-on attendre un nouveau départ ?, comme les autres fois ?


©  Jacques Chesnel

20:48 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

05/06/2013

NEVER LET ME GO

 

Tout le monde le sait, enfin presque, j’adore les ballades, ces chansons tirées des comédies musicales américaines des années 20/30 à Broadway et interprétées par les plus grands musiciens de jazz le plus souvent avec bonheur ; je connais les mélodies ainsi que les paroles, je les sifflote souvent, les chantent faux sous la douche et prends mon pied à chaque fois. Muriel ricane dans son coin, elle m’appelle alors son petit Tony car elle adore Antony Dominick Benedetto autrement dit Tony Bennett et ça me flatte même si c’est une vanne et s’en est une. Je connais également quelques interprètes (principalement féminines) de ces chansons avec la bouche en cul de poule ou en fesse de canard ou en forme de trou du cul- qui-pète autrement dit troufignon dénaturant ainsi autant la mélodie que les lyrics qu’elles rendent comiques à cause de l’excès, du surpoids de guimauve. Quelques hommes également qui en rajoutent dans la déclamation ou la pleurnicherie, les moins ridicules n’étant pas les crooners Bing Crosby, Dean Martin, Perry Como ou le plus légendaire d’entre eux : Frederick Austerlitz plus connu sous le nom de Fred Astaire.

Jérôme pensait à tout cela, se remémorant également cette ballade Never Let Me Go, superbe ballade de Ray Evans & Jay Livingstone souvent interprétée et dont il connaissait plusieurs versions, notamment celle du trio de Keith Jarrett et de Bill Evans en piano solo qu’il préférait nettement. Lui revenaient aussi les diverses déclarations entendues suite à son dernier accrochage, la dernière escarmouche avec Muriel :

-       Ça aurait pu être pire

-       Je ne le vous fais pas dire

-       On dirait qu’ils se complaisent à se faire mal

-       Et comment tout cela va se terminer pasque hein

Tout cela venant de membres de la famille autant que d’amis proches ou plutôt de ce qu’il en restait suite à la débandade. Il se souvenait également qu’après la dispute, les trépignements et les pleurs, Muriel l’avait longuement regardé, questionné, fouillé, scruté, exploré, cherchant une réponse dans ses yeux et lui avait alors murmuré : ne me laisse pas partir, never let me go, retiens-moi, Jérôme, j’ai l’impression de couler, ne me lâche pas, je t’en prie, never let me go… tandis que Bill Evans égrenait les dernières notes de cette mélodie qu’il avait su si bien sublimer… comme dans le disque où le pianiste dialogue avec le chanteur Antony Dominick Benedetto plus connu sous le nom de Tony Bennett que Muriel aime tant.

 

© Jacques Chesnel

 

11:52 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (3)