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27/06/2011

CHRONIQUE LIVRES : KO-KO / ALAIN PAILLER

       KO-KO / ALAIN PAILLER

     Alter ego éditions / Collection Jazz Impressions

 

Koko.jpgCeux qui, comme moi, ont entendu cette composition de DUKE ELLINGTON quelques mois après la fin de la guerre en 1945 n’en sont pas encore revenus, tellement fort a été le choc. Les amateurs de Jazz en étaient restés à quelques 78 tours du Grand Duc religieusement écoutés avant ces quatre ans d’occupation où le jazz était en quarantaine, sous surveillance du pouvoir allemand, toléré à condition qu’il n’y ait aucune référence au Jazz américain noir (« nègre ») ou aux compositions écrites par des Juifs.

 Le mérite de cet ouvrage de 116 pages écrit par Alain Pailler, auteur de Plaisir d’Ellington (Actes Sud, 1998), de Duke’s place chez le même éditeur en 2002 et de La preuve par neuf (Rouge Profond 2007) est non seulement de nous remettre dans les oreilles ce chef-d’œuvre absolu, couronnement du style dit « jungle », mais aussi de nous éclairer sur de nombreux points grâce à cette étude approfondie dont la clarté et la précision sont autant d’atouts majeurs.

 Après une mise au point définitive quant à la contribution de Billy Strayhorn à l’univers ellingtonien, l’auteur nous prévient que la genèse de cette pièce (Ko-Ko) dont la structure harmonique est celle du blues… conçue à l’origine comme une pièce descriptive… traduction jazzistique de la frénésie vaudou… n’est pas facile à reconstituer. C’est pourtant ce qu’Alain Pailler va réaliser donnant moult détails impératifs sur cette pièce  comme l’histoire de l’orchestre, les discussions, apports et rapports avec ses musiciens, le lien avec l’Afrique, les spectacles dansés, le Cotton Club… tout en la replaçant dans le contexte musical de cette époque où les grands orchestres (la plupart pour la danse) font florès et l’objet de « batailles » mémorables. En complément d’une fine analyse de l’œuvre, nous suivrons grâce à l’auteur l’évolution et les différentes versions données par l’orchestre… ainsi que les appréciations et jugements de musiciens d’autres générations tels John Lewis, Charlie Mingus, Miles Davis, Don Sebesky… sans oublier la version (relecture, réapropriation) qu’enregistra  Steve Lacy à Paris en 1999. 

Le 21 août 1937 The New Yorker publiait un texte de l’auteur de Tales of the Jazz Age (1922), Francis Scott Fitzgerald : Un livre à soi.

Le 6 mars 1940 le Duke Ellington Orchestra enregistrait Ko-Ko, une musique bien à lui.

Point commun entre ces deux créateurs : le génie.

Voici donc un document essentiel sur une page de l’histoire du jazz… avec un grand H et un grand J.

                               ____________________

 

Dans la même collection Jazz Impressions, un ouvrage d’Alain Gerber, Longueur du temps, composé de longs poèmes en prose et en forme de langage musical où se mêlent souvenirs d’enfance et de voyages. Difficile d’apporter une objective appréciation  tant cela forme une aventure littéraire insolite que chaque lecteur peut partager ou pas. En ce qui me concerne, je suis passé complètement à côté ; question de respiration par le manque permanent de ponctuation ?.

 

Jacques Chesnel

26/06/2011

LA COUGAR À CHAT

 

« Suzanne, qui se faisait appeler Susanna sur les sites de rencontres, portait allègrement sa quarantaine assumée (plus près de la moitié) et ne cachait pas son appétit pour les jeunes gens, beaux, virils et tout… depuis la disparition prématurée de son mari foudroyé par un cancer à cinquante ans. Elle n’avait aucune difficulté à se ravitailler en viande fraîche (pour employer une expression entendue chez les vieux grigous). Elle appréciait particulièrement (entre autres fantaisies avouables on non) se faire lutiner dans la luzerne les beaux soirs d’été ou shampouiner le gazon le reste du temps. Il y avait cependant un problème avec certaines de ses nombreuses relations : son chat, un chartreux jaloux au dernier degré de la gent masculine qui défilait sans arrêt dans la maison. Il manifestait alors sa désapprobation par des cris perçants qui faisaient fuir certains courtisés par notre cougar affamée. Hector le matou ou bien miaulait fort désagréablement ou bien griffait profondément ou bien pissait dru sur les pantalons des visiteurs au moment des préliminaires avant la bagatelle finale qui se terminait par les rugissements et vagissements de la donzelle comblée. Les voisins s’amusaient de ce cirque continuel hormis quelques vieilles (du même âge ou presque que Susanna) qui regrettaient amèrement que cela ne leur arrive point en se demandant pourquoi nous. Les bacchanales étaient effrénées et sans f(re)in, les hurlements du greffier de plus en plus assourdissants, les jeunes gens de plus en plus jeunots et notre cougar se gargarisait de leurs étreintes de plus en plus vaillantes avec variantes originales, positions extravagantes, avec mises en scène et décors ingénieux propres à satisfaire ses désirs croustilleux, son appétit lubrique, laissant ses cavaliers avachis sur le tapis une fois les orgies terminées au son des criailleries du mistigri en furie. Bref, la petite maison du plaisir était devenu un vrai bordel avec une seule présence féminine outre le plein de damoiseaux, notre Susanna qui cherchait sans arrêt à booster sa libido affamée jamais (ou très rarement) satisfaite intégralement. Plusieurs de ses nombreux partenaires durent renoncer à ce tohu-bohu permanent, certains y laissant leur santé, d’autres a contrario assumant avec empressement les exercices et figures imposé(e)s. Il arriva qu’un jour, l’un deux proposa de mettre de la musique et de danser avec ou sans costumes surtout sans et ce fut alors biguine, bourrée et branle (danses bien nommées et très prisées), boléro lascif, calypso, charleston endiablé, fox-trot (appelé aussi frotte-tox par la tôlière) gavotte, habanera, hip-hop par en dessus par en dessous sans sous-dessous, java coquine, lambada, paso doble voire triple, quadrille à plusieurs, rigaudon cochon, samba frénétique, tango langoureux, valse à mille temps, zouk, tout cela accompagné des vociférations d’Hector de plus en plus insupportables… sauf quand l’un des éphèbes d’origine espagnole alors dans une position fort délicate et inédite pour lui suggéra de mettre un disque de cucaracha (le cafard) lui rappelant son pays et là, ô surprise, étonnement, ébahissement, stupeur, le minet subjugué par la mélodie mit fin subitement à son tapage et alla se coucher dans son panier papattes en rond ronronnant de satisfaction.

Et tout ce petit monde de se demander ce qu’il pouvait y avoir de commun entre la cucaracha et la cougar à chat ; ben tiens, je vous le demande parce que moi… »

Voilà l’histoire que me raconta un vieillard rabougri de cinquante ans éparpillé dans son fauteuil ; c’était l’un des nombreux jeunes amants de Suzanne la cougar. Sur ses genoux, un gros chat gris me fixait curieusement de ses yeux jaunes ; Hector ?

 

©  Jacques Chesnel

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17/06/2011

CIRCONSPECTION

 

Quand le bouffon présenta au roi les chers flacons demandés et dit : « Sire Con, vos lotions », il crut faire une circonvolution. Le monarque, fraîchement circoncis et totalement dans le cirage, en fut tout circonspect et vu la circonstance lui demanda d’arrêter ce cirque puis d’éloigner  tous ces circassiens autour de lui, ce que fit immédiatement le fagotin au teint si cireux. Il avait parlé des lotions avec Circé toujours dans le circuit des circonlocutions : il fallait circonscrire le problème rejetant toutes motions ou nouvelles notions des lotions et potions sous cautions, ne pas se laisser circonvenir (ne pas laisser aussi les cons venir, Sire) dans un rapport circonstanciel : circulez braves gens, ya tout à voir, évitez la circonférence (pour ne pas tourner plus qu’en rond), dit la magicienne avec un rictus circonscrit et contrit et pour tout dire un peu con (si si) également.

Le saltimbanque remit donc son circaète aux formes circonflexes en circulation et, avec les restes des potions et tous autres tions inimaginables, partit en boitillant soigner sa cirrhose sous les cirrostratus qui se pointaient à l’horizon sans donner à son Sire Con les raisons de sa circumduction.

                 Ça vous laisse circonspect ? ; à vrai dire, moi aussi.

 

Circonspection.jpg

© Jacques Chesnel                       Illustration © Jean « Buz » Buzelin

 

 

11:24 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

16/06/2011

CHRONIQUE CD EDWIN BERG (trio) / VOL. II

 

EDWIN BERG (trio) / VOL. II

Edwin Berg (piano), Eric Surmenian (contrebasse), Fred Jeanne (batterie)

                                                            

Aujourd’hui, on ne compte plus les trios piano-contrebasse-batterie ; il y en a tellement, voire même pléthore ; par contre parmi ceux qui comptent vraiment, celui-là se trouve en compagnie des plus talentueux ainsi que le précédent Perpetuum le laissait entendre déjà. La volonté du trio est clairement proclamée : une musique d’aujourd’hui tournant résolument le dos à ce néoavant-gardisme simpliste que remet en cause Guy Lelong (dans son article paru dans Libération du 2 juin) au sujet de la musique contemporaine. Il s’agit bien ici de jazz, acoustique (résolument jazz dans sa réflexion/ conception/exécution) dont ces musiciens parcourent, développent et assument l’histoire sans avoir recours aux débordements que parfois la mode ou le besoin d’épater entraînent. Il ne s’agit nullement d’une position réactionnaire mais bien d’une continuité dans ce qu’il faut bien appeler la recherche de la beauté suivant des canons précis (notamment la qualité de ce qui suscite un plaisir esthétique, n’ayons pas peur des mots, de ces mots-là conjoints), ce qui n’exclut pas l’esprit d’aventure(s) et la prise des risque(s) pour atteindre l’art de tous les possibles tout en demeurant investi dans la sphère jazzistique.

 

Ce nouvel opus confirme donc le talent de ce trio à/au travers des onze titres dont trois du leader, trois d’Eric Surmenian et les Poussières d’ange de Fred Jeanne, tout cela en compagnie d’arachnéennes et radieuses versions de deux standards dits  incontournables sublimés par Bill Evans (The way you look tonight et Who Can I Turn To ?), une interprétation de Con Alma, jouée avec « âme », débarrassée de son côté parfois trop tintamarresque ou inutilement fanfaronne, ainsi qu’une émouvante chanson qu’interpréta Serge Reggiani Ma Dernière Volonté.

 

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Je réitère mes propos sur l’exquisité de ce vrai trio aux antipodes des inconsistantes attitudes billevansiennes, jarrettiennes et autres « braderies »  pianistiques et affirme sans barguigner que nous sommes en présence là de quelques instants de de poésie à écouter sans tarder.

(Axolotl Jazz records / Bee Jazz)

 

Jacques Chesnel

Photo ©Jean-Claude FRANCOLON.

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15/06/2011

COUTANCES 2011, 30ième ROLAND SOUS LES POMMIERS

 

Le jazz étant aussi une forme de sport, le tournoi de tennis de Roland Garros se déroulant dans le même temps, ce compte-rendu de trois jours choisis parmi la profusion de concerts tous plus ou moins alléchants (vraiment plus), se fera donc sous le signe de Roland.

. Premier concert et premières balles neuves: ALDO ROMANO : 10.

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Carte blanche à ce musicien italien, batteur, compositeur, guitariste et chanteur (né au jazz sous la houlette du free) pour honorer et fêter ses cinquante ans d’une carrière bien remplie qu’il retraça, en abrégé étant donné son parcours, en compagnie des musiciens ayant formés ses différents groupes.

D’abord « Palatino » (groupe formé en 1988) avec Stéphane Belmondo (remplaçant Paolo Fresu) avec ce phrasé et cette sonorité au bugle qui le caractérisent aux côtés d’un Glenn Ferris au trombone jubilatoire, manifestant et communicant sa joie d’être là et Michel Benita au jeu toujours aussi fluide. Aldo, souriant, décontracté autant que visiblement ému drivant le tout de mains de maître (coups droits, revers slicés et nombreux aces). Deuxième set avec un Enrico Rava à la fois plus jeune et plus vieux sage que jamais, méritant parfaitement sa renommée de « Miles Davis transalpin », sonorité spécifique, lyrisme constant, la classe élégante de Baptiste Trotignon, Aldo sourit de plus en plus, le public aussi. Dernier set, balle de match : le Don Cherry Quintet. Retrouver (et retrouvé) l’esprit de la musique de ce trompettiste de légende avec lequel Aldo se produisit ; point (et foin) de nostalgie : Fabrizio Bosso déchaîné, débit haletant, phrasé serré, balles juste sur la ligne, sonorité acérée, Géraldine Laurent n’est pas en reste, volubile, hargneuse, services liftés, Henri Texier (autre vieux compagnon) assurance tous risques garantie, Aldo exulte, le public de même et trépigne en sus, comme nous. Pour le final, un bon vieux blues monkien pour/entre/avec 10 musiciens aux anges, rien de tel pour une fin de partie. Tout le monde debout, nous aussi.

 

. Deuxième concert : MICHEL PORTAL BAÏLADOR 6.

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A la balance, Portal n’a pas le sourire, on a appris son intervention chirurgicale due à de mauvais calculs (rénaux) la semaine précédente. Son sourire est revenu au début du concert, entouré des musiciens du disque, sextet international. Il jouera principalement de la clarinette basse et du soprano se retournant souvent vers Bojan Z qui fait office de directeur musical, Michel aligne les notes comme autant de balles, ça danse un peu, ça ne swingue pas beaucoup, (M.P. a-t-il d’ailleurs jamais vraiment swingué ?) Bojan se démène avec efficacité et a le set bien en mains dans les cordes, Ambrose Akinmusire étonne et détonne par ses effets alternés de blues/gospel/free, belle sonorité dans les graves, un peu claironnante dans les aigus, Lionel Loueke, trop discret est très applaudi (fort heureusement) lors de ses interventions délicatement colorées, Scott Colley et Nasheet Waits assurent avec le professionnalisme qu’on leur connaît. Le public est ravi, c’est le principal.

 

.Troisième concert : RON CARTER « Golden striker trio » : 3.

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Le grand Ron avance avec majesté sur la scène en compagnie du pianiste Mulgrew Miller, un monstre du piano et du guitariste virtuose Bobby Broom, remplaçant Pat Martino (qui doublait déjà Russel Malone initialement prévu). Et là, un des miracles qui (bien que non croyant) se produit parfois : une heure et demi de pures délices musicaux, intelligence, sensibilité, musicalité, charme, émotion à travers ces standards revisités comme ce My Funny Valentine, dans un silence de cathédrale. Plein de musique, de sons, de mélodies, de visuel aussi, sur les longues mains de Ron, ses longues phrases enchevêtrées, sa grande souplesse et cette superbe sonorité, la présence magique de Mulgrew Miller sa pesanteur (le corps) sa légèreté (musicale), les moments de guitare dans la grande tradition des années 50/60 de Bobby Broom ; guitariste connu comme étant celui de la dernière formation de Sonny Rollins. Devant une salle comble, subjuguée puis énamourée : quelque chose qui ressemblait au bonheur pour tous, intégralement.

. Cette année, il faisait beau, à Roland, à Coutances, dans tous les sens du terme pendant ces trois sets entendus/vus par Roland. Pendant les autres aussi à ce que j’ai entendu dire.

 

Texte © Jacques Chesnel                                       Photos © Patrick Audoux

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11/06/2011

Yves Buin / Barney Wilen, blue melody

 

Yves Buin / Barney Wilen, blue melody

 

BarneyWilen.jpgAuteur d’un ouvrage de référence sur Thelonious Monk réédité en 2002 chez le même éditeur, Yves Buin est également romancier et essayiste (sa bibliographie est   impressionnante), spécialiste de Jack Kerouac (Sur la route et autres romans chez Gallimard) dont il a écrit une biographie ainsi qu’une de Céline.

Cette toute première biographie de 120 pages est consacrée à Barney Wilen, cet « éternel jeune homme » à l’allure faussement nonchalante, né à Nice (de mère française et de père juif américain) en 1937, décédé en 1996, saxophoniste prodige ayant connu très jeune la célébrité en 1957 grâce à sa participation à l’enregistrement d’une musique « devenue culte, sinon mythique, celle du film Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle, sous la signature de Miles Davis ». En vingt chapitres courts mais denses judicieusement sous-titrés, Yves Buin retrace donc la vie multiple de celui qui fut considéré comme « le seul ténor européen susceptible de concurrencer les maîtres américains » et que le Japon consacra comme l’un des plus grands jazzmen.

Y. B décrit ses débuts dans les clubs niçois sous les encouragements de Blaise Cendrars, puis monté à Paris en 1954 en compagnie de la fine fleur des musiciens, évoluant déjà dans la filiation de Lester Young alors qu’il n’a pas encore 18 ans, il va se situer rapidement sur le devant de la scène parisienne (dans le style be-bop) grâce à la sagacité du producteur Marcel Romano qui le recommandera à Miles.

On suit alors avec curiosité cette carrière (méconnue de beaucoup de jeunes amateurs et musiciens) un temps interrompue, et sa résurgence en précurseur du free jazz européen s’ouvrant à l’influence de la pop music, jetant ainsi les bases et principes de ce qu’on dénommera free jazz rock (Dear Prof. Leary et AutoJazz / Le destin tragique de Lorenzo Bandini en 1972) ainsi que ses rapports avec l’Afrique où il séjourna (son disque Moshi, 1972), sa façon de surfer sur des chansons (French ballads, 1987)…

Deux interviews de 1961 et 1966 pour Jazz Magazine ainsi qu’un entretien avec Philippe Carles en 1972 (certaines considérations sur la musique sont toujours d’actualité, sur le swing : le swing participe plutôt de la magie, les images qu’il voit quand il souffle, la relation l’improvisation/composition),  ainsi qu’une discographie qui va de 1954 avec Roy Haynes à Passione en 1995, complètent ce récit. Rappelons que Barney reçut en 1987 le Grand Prix de l’Académie Charles Cros pour son disque La Note Bleue sorti en même temps qu’une BD de Loustal et Paringaux inspirée de sa vie.

A propos de jazz, B.W. disait je vous raconte des histoires de fantômes. Y.B., lui, nous raconte celle d’un musicien incomparable, d’un homme exceptionnel, qu’on ne doit pas laisser séjourner aux oubliettes du temps.

 

Edition : Castor Astral music

 

Jacques Chesnel

05/06/2011

TOUT FOUT L’CAMP (Ginette & Maurice)

-     Alors comme ça, Ginette, vous allez fêter vos cinquante ans de mariage ?

-     ben oui, à ct’occase on va mettre les p’tits plats dans les grands et Maurice toujours aussi vert grâce au viagra m’a dit qu’y aurait pas que les plats si vous voyez c’que j’veux dire

-     je vois je vois et j’vois pas pasque j’irais pas regarder par le trou de la serrure, c’est du domaine du privé

-     les gamins nous ont dit que ça faisait performance comme font les artistes de maint’nant car autour d’eux c’est plutôt la débandade si vous voyez encore c’que j’veux toujours dire

-     ça doit dépendre de la marque du viagra, gare à la contrefaçon, par contre j’en connais qu’à plus de quatre-vingts ans c’est toujours au beau fixe, jamais en rade, la flamberge au vent et la bonne femme qu’en redemande avec son  satisfaisite comblé

-     ils veulent dire les couples qui se défont au lieu de se défoncer, le vieux comme les jeunes, ça explose de partout autour d’eux, ça tombe comme la grave lotte avec du grabuge partout à cause des enfants en basage, des pensions pour l’alimentaire, de la maison ou de l’apart’ qu’on a pas fini d’payer et que principalement les mecs se barrent avec des jeunesses qui font la nique aux vieilles en les regardant de haut et les avocats qui se frottent les mains en se faisant du blé

-     regardez parmi nos voisins les plus proches, tenez, Solange et René qui l’eut cru l’auriez-vous cru ou lustucru, elle, s’envoyer en l’air avec le jeune abbé dans le confessionnal, lui, fourrager avec la postière dans leur grange ça passe encore, mais Georgette et Marcel c’est les pires dans l’anormalité pasque là ya pas à dire c’est du maoussecosto et inhabituel par chez nous, bon se taper des jeunots encore mais elle, se goinfrer avec la petite serveuse du café dans les foins au vu de tout l’monde les pattes en l’air et lui, s’entartiner le commis dans l’écurie avec les chevaux qui piaffent et hennissent pasquils sont pas d’accord sur la place qu’on leur prend, là on a tous été choqués d’un gros choc réprobateur en bloc quand on l’a appris par le facteur, vous savez celui qui fait Jésus le jour de la fête de la sansion pour monter au ciel dans l’église

-      et on s’étonne après ça d’un retour de bâton avec Boutain, la Christine et son nouveau parti sans rire

-     ah cette là on lui donnerait son bon dieu sans concession, mais elle a dit qu’elle non plus elle crachait pas dessus la chose, alors ?

-     on sait plus à quel saint se vouer à part sainte nitouche, saint frusquin, saint glin-glin ou saint bling bling

-     à propos, vous avez vu tout c’qui font chez not’ pape, ya un gars qu’a écrit un bouquin, sexe au Vatican, y aurait même des orgies à c’qu’il prétend et pas un pour protester

-     normal, ils sont à Rome, mais n’empêche avec leur Berlutemachin qui donne l’exemple, plus personne vont se gêner

-     même qu’on ressort Marthe Richard vue à la télé, j’trouve qu’elle a pris un sérieux coup d’vieux de sa bouille et avec ses maisons  closes qu’on voudrait rouvrir toutes grandes

-     et les appeler maisons ouvertes comme en Allemagne

-     chez nous ça va pas marcher, déjà que au comité municipal ya des bonnes femmes qui envisagent de faire la grève de la chose comme Lise Istrata, une italienne contre la guerre des gaules dans l’temps j’crois ben, alors moi j’vous dis pas de maison close ni d’ouverte ici sans ça les bonshommes  seront privés de ouinette, la porte cadenassée et popol gros jean comme devant à l’air libre et tout penaud, voilà tout

-     oui mais je m’demande si c’est fichu avec nous ?… alors vous pensez-t’y pas qu’en revanche ils iront là-bas comme un seul homme et nous pendant c’temps qu’est-ce qu’on s’met sous la dent, on aura l’air malignes avec not’ berlingot sous l’bras et l’abricot tout sec, c’est pas une solution et puis d’abord c’est pas la guerre

-     nan, mais si ça continue on dirait bien que ça y ressemble, non ?

 

©  Jacques Chesnel

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 illustration © Jean  “Buz” Buzelin

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