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24/08/2010

UNE VIEILLE CONNAISSANCE

 

Vous le connaissez sans doute ; vous le voyez tous les jours, il a une tête de terrain vague, une tronche de fieffé fielleux fier de son fief près de la fiente, de mec pas né à Meknès mais sorti on ne sait d’où de la gadoue, une vieille connaissance con de naissance avec condescendance qui distribue son venin quotidien comme d’autres le pain, qui tripote dans son tripot des idées nauséabondes abondantes, triste sieur se prenant pour un monsieur considérable indigne de considération, butor buté prêt à buter n’importe qui comme butin,  bateleur foireux de foire foraine chassant le forain, piteux pantin désarticulé faisant l’article, professionnel de la fausse prophétie,  trublion trouble jouant sur la trouille, matador matois m’a-tu-vu,  plouc pleutre, piteux pitoyable, fier-à-bras fripon frippé, filou filochard sans ribouldingue, croquignolo de basses œuvres, vil voyou vulgaire et vilain (pire qu’affreux, bête et méchant), pistonnard pompeux pompant, plastronnant de plate-bande, roquet riquet-à-la-houppe éructant, caïd cahotant cahin-caca, mirliflor à la voix melliflue, égosilleur de dégoût pour égout, vaniteux valétudinaire, racoleur de raclures, débiteur d’oracles racoleuses, horace tendance vorace fumasse, gentlemerde aux miasmes excrémentielles, souteneur de thèses de quatorzième sous-sol, rabatteur thésauriseur de thèses à peau de balle, rustre rudimentaire prêt à ruer, prédicateur prévaricateur racoleur, oiseux oiseau de mauvaise augure, bavard baveux  au bagout douteux, pitre perroquet pansu au poing sur le pif, atrabilaire de brocard bancal, canaille populiste de marigot, marivaudeur de faux vaudou, rafistoleur de gongorisme, apôtre d’apocalypse de bidet aux solutions bidons…

 

L’avez vous reconnu dans cet aimable portrait ? ; non ? ; ce n’est pas seulement lui… c’est pire.

Ils sont plusieurs. Ils nous attendent… demain peut-être.

 

©  Jacques Chesnel

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17/08/2010

AU PIED LEVÉ

 

Lorsque Jonathan, qui comme tous les matins vers six heures trente prenait son pied avec Manon, entendit à une émission de radio que chaque être humain possédait un pied plus gros que l’autre, il se retira d’arrache-pied pour voir lequel des deux c’était chez lui ;  Manon, qui était en train de prendre aussi son panard, jeta un regard anxieux sur les extrémités de ses membres inférieurs tout en regrettant que Jonathan ait levé le pied si rapidement ce qui n’était pourtant pas son genre plutôt têtu. Ils furent néanmoins soulagés de s’apercevoir qu’ils avaient le même plus gros : le gauche. Cela nous fait une belle jambe rirent-ils derechef et se mettant ensemble au pied du mur repartirent du bon pied, quand on a commencé faut bien finir, on va pas lâcher pied aussi vite… et ce fut vraiment bien… ce matin comme les autres.

Jonathan avait connu Manon il y a onze ans lorsqu’elle faisait le pied de grue dans un abribus sous une pluie battante ; il lui avait proposé de monter dans sa voiture sans lui forcer la main et devant son refus s’était senti bête comme ses pieds alors qu’il avait le cœur sur la main. Il insista doucement car la pluie redoublait et aucun bus n’était en vue. Elle accepta avec une moue qui le fit craquer. Sans vouloir lui casser les pieds, il lui demanda où la déposer ; ils allaient dans la même direction… et ce fut le début d’une belle aventure, du cousu main, un bonheur construit pied à pied où chacun y mettait du sien sans avoir pieds et poings liés, donc sur un même pied d’égalité, ce que famille et amis applaudissaient des deux mains (ne sachant comment le faire d’une seule, en tournemain et de main de maître). Ni Manon ni lui n’étaient de première main mais très rapidement ils mirent leurs pieds dans le même sabot tout en se prêtant main-forte. Dans les fantaisies amoureuses, Manon aimait avoir son Jonathan bien en main (difficlement à pleine main) ce qu’il attendait de pied ferme, sans le lâcher ; malgré les ans, l’habitude et le rituel, elle avait la main toujours aussi leste et lui partait toujours du bon pied sans se faire marcher dessus ; ils avaient trouvé chaussures à leurs pieds sans se les prendre dans le tapis. Lorsqu’en sous-main, ils prirent amant et maîtresse pour se faire la main et pour repartir (et retomber) sur leurs pieds, M et son J se mirent le pied à l’étrier pour préserver leur union sans se salir les mains ou en venir aux mains voire au coup de pied au cul ; heureusement leurs partenaires n’étaient pas de pieds-nickelés qui ne mirent pas leurs pieds dans le plat sans leur couper l’herbe dessous.

Tout allait donc pour le mieux jusqu’à ce que un inconnu, certainement un homme de main malveillant (aux ordres d’une ex de J ? ou d’un éconduit de M ?) s’en mêle et leur casse les pieds avec chantage, intimidation, menace de dénonciation, scandale… ; comme ils n’aimaient pas se faire marcher sur les pieds, ils firent des pieds et des mains pour trouver une solution. Unis comme les doigts de la main, ils décidèrent de faire main basse sur le quidam et de s’en débarrasser vite fait mais comment ?. Un vieux pote à Jonathan qui travaillait souvent en sous-main et toujours d’une main de fer fut chargé de leur donner un coup de main et de régler l’affaire ; il rapidement mit la main au collet du truand et lui fit passer les pieds devant jusque dans la tombe haut la main, on ne sut jamais de quelle façon. Bien fait pour ses pieds dirent nos amoureux en se frottant les mains, heureux de se les laver sans se casser les pieds. Conforté par l’heureuse conclusion de cette situation, leur amour repartit de plus belle avec ce fameux pied de nez sans se faire prendre la main dans le sac.

Jonathan et Manon prennent toujours leur pied (gauche) à six heures trente chaque matin comme les autres mais sans écouter les nouvelles à la radio… on ne sait jamais ce qui peut arriver aux autres membres de notre corps, pensaient-ils… sans changer de main.

©  Jacques Chesnel

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10/08/2010

CONVERSATION 25

CONVERSATION 25


-      ah vous voilà revenute enfin

-      m’en parlez pas, c’est pas trop tôt

-      vous avez l’air toute essoufflée

-      ya d’quoi avec la vie qu’on a mené, d’abord en Allemagne chez la famille de la correspondante de notre petit dernier qui fait la deuxième langue en allemand au lycée

-      oui j’ai bien reçu votre carte postale de Berline, c’était bien ?

-      oh oui mais fallait assurer pasque depuis la réunion avec les cocos ils font la fête de réconciliation tout le temps jour et nuit surtout les jeunes

-      comme en Espagne alors

-      sauf qu’il fait moins chaud mais qu’il y a de la bière qui coule à flots dans les gosiers que j’vous dis pas

-      comme à Muniche alors

-      les costumes de plouc à la con et la muzik boum-boum en moins tandis que c’est urbain

-      et vot’ mari ? lui qui…

-      on pouvait plus le tenir vous pensez, il criait sans arrêt « iche bine eine berlineur » que tout le monde se marrait sauf les parents de la gretchen qui sont pasteurs méthodiques intégrisses et il voulait rentrer pour pas louper le tour de France avec la caravale qui va avec

-      ya pourtant la télé là-bas

-      ils le retransmettent plus depuis qu’il ya plus de grands coureurs tontaines et teutons alors on est revenu fissa direction Tarbes chez un cousin germain pour l’étape du Tournalet

-      TourMalet, le col qui rapetisse tous les ans quand on le remonte

-      Nalet ou Malet c’est kisskiss parce que ça grimpe drôlement, on a essayé d’aller dans un lacet qui monte mais on a pas pu arriver près du sommet à cause des camping-cars et du monde, des espagnols, des basques surtout qui gueulent tout le temps en agitant leurs drapeaux comme le toérador pendant la cornida que j’aime pas ça mais j’ai pu crier vas-y vas-y sans arrêt à côté des drapeauteurs et d’un p’tit vieux qui s’inquiétait de savoir si Robic était déjà passé avec son casque à bourrelets que Maurice lui a répondu hé pèpère t’as plus d’un tour de retard, c’était en 47 que j’étais même pas né et que le p’tit vieux a répondu que pour lui c’était mieux avant avec les équipes nationalisées qu’on reconnaissait les coureurs même les derniers avec les maillots des champions

-      donc vous avez pas vu grand’chose

-      si le soir à la télé heureusement avec Jaja

-      Jaja ?

-      ben oui quoi, Jalabert, Laurent Jalabert dit le Panda, un vrai champion qui sait de quoi il cause lui, pas comme les autres gugusses qui font du remplissage de c’qu’on a pas vu et eux non plus que sur la télé avec les commentaires bidons et les intervious des gars qui sont crevés et qui disent n’importe quoi avant d’aller se doucher et de faire pipi pour la drogue

-      et la caravane ?

-      toujours pareil, les chars à la con pour la publicité à la aussi con, bof… et vous ? ces vancances ?

-      ben cette année on est resté à la maison parce qu’on économise pour notre voyage de noces en retard aux Antilles alors on a fait l’un passe, on veut pas lésiner sur les dépenses de l’hôtel et tout, on hésite entre la Martinique et la Guadeloupe

-      vous aurez peut-être la chance d’y voir le tour pasqu’il est question de faire des étapes là-bas, c’est quand même la France un peu, avouez que le tour à Fort de France et à Pointe à Frite ça aurait d’la gueule avec les doudous, les couleurs et les fruits

-      Pitre, Pointe à Pitre pas frite

-      si vous y tenez, bon, enfin vous avez remarqué qu’il ya pas de coureurs de couleur comme à l’athlétisse qu’on  s’demande bien pourquoi

-      y aura peut-être des vacations pour l’occasion avec un commencement à tout, maintenant ils transportent les coureurs par avion avec des pédalos fixes pour l’entrainement les suiveurs et les médeçins et tout c’qui va avec vous comprenez

-      et pour la caravane

-       yaura les consorts locaux publicitaires

-      vous voulez dire les sponsors

-      consorts sponsors c’est du pareil au même tant qu’ya du blé

-      là-bas c’est plutôt la canne à sucre

-      alors ça Maurice il aimerait aussi, le vélo et le ti ponche il assure les deux, la grimpette comme la descente

-      quelle santé !

-      en attendant, prose hit comme on dit à Berline.

©  Jacques Chesnel

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07/08/2010

LE PARI DE JEANNE OU LES DÉSEMPARÉS -7


LE PARI DE JEANNE ou LES DÉSEMPARÉS (suite)

7/ Jeanne

Elle entendit la sonnerie, sortit le portable de son sac, regarda l'écran : Héloïse, sa fille ; allô allô, fébrile, elle se trompe de touche sur l'appareil, interrompt la communication ; le téléphone sonne de nouveau, vite, et abasourdie lit : Franck, son mari. Son sang fit plusieurs tours, détours et contours avant de répondre.

Jeanne et Franck, mariés trop jeunes, trop tôt, avaient eu quelques années de bonheur, deux enfants et s'étaient séparés, divorce après douze ans de vie commune. Jeanne avait mal vécu cette rupture conséquence des multiples infidélités de son mari et avait décidé de vivre seule jusqu'à sa rencontre avec Louis. De son côté, Franck, qui ne reculait devant rien ni personne pour arriver à ses fins de designer reconnu avait beaucoup papillonné avant de faire la connaissance de Sophie récemment divorcée, personne efficace grâce à ses relations politicardes mais ne pensant, d'après ce qu'on murmurait - surtout Jérôme qui la détestait et l'appelait Sophiste voire Saucisse ou pire, Fossile - qu'à tous ces fameux foutus F : Fric, Faste, Fêtes, Fredaines, Falbalas, Fanfreluches, Fariboles, Fadaises, Foutaises et Foutre sans aucune Fantaisie, une vraie gourde, disait par ailleurs Héloïse, avec une allure de gourde, avec un gros cul de gourde, une tronche de gourde, bref gourdissime grave.

L'union entre Sophie et Franck fonctionnait bien à tous points de vue; y avait-il seulement de l'amour, la question ne se posait pas, seulement les deux B, boulot et baise, baiséboulot. Habillée pour toutes les saisons, la drôlesse.

- allô, allô, Jeanne… NOOOON !, ne raccroche pas

Jeanne émit un petit rire crispé

- raccrocher… où… quoi ?

- allô, Louis vient de m'informer que

- Louis ? pourquoi, mais pour… quoi… à toi ?

- Jeanne, où es-tu, que se passe-t-il ?

- je je ne sais pas

- oui mais où ? tu ne peux pas nous

- je ne peux pas quoi

- nous laisser comme ça dans l'angoisse

- attends, je

Il se mit à pleuvoir, brutalement, sans prévenir, une de ces pluies d'orage inattendu, Jeanne court se réfugier sous un arbre protecteur croit-elle, elle voit Apollon courir lui aussi, elle a peur, lui revient à l'eprit fugacement les manifs, leurs débordements, la répression policière, les discours et diatribes  sécuritaires, sur l'immigration galopante, les hordes envahissantes de voyous qu'on annonce pour affoler les petits vieux… et ce noir qui… va-t-il ?

A l'abri, enfin presque, elle reprend son souffle et la conversation d'une voix rauque :

- allô

- ah ! bon dieu de merde heu sois raisonnable, Jeanne

Le mot qu'il ne fallait pas prononcer, qu'elle ne voulait plus entendre, ne plus être raisonnable et raisonnée comme on lui disait puis si longtemps et pourquoi ? pourquoi, pour en arriver là, arriver où, dans ce jardin, désemparée une fois de plus… pourquoi se souvint-elle d'une phrase lue dans un roman policier des années 70 : il est très difficile de disparaître brutalement, il faut couper tous les liens qui vous rattachent à votre passé (note de l'auteur : il s'agit de Ne tirez pas sur Erroll Flynn de Stuart Kaminski), pourquoi voulait-elle au contraire rompre avec ce passé, tout oui, tout ce qui avait littéralement bouffé bousillé son existence, ce qui l'avait empêcher de devenir elle-même et non une contrefaçon modelée par les uns, démolie par les uns, ne se reconnaissant plus elle-même. Jeanne voulait se délester de ces images/souvenirs obsédants maintenant inutiles : à trois ans, nue sur la plage de Luc-sur-mer avec Maman (dix ans après à Cul-sur-Mère en maillot), à l'école mal aimée des maîtresses pour "esprit de rébellion !", son premier amour ce Fabrice un peu foufou qu'elle nommait gentiment Del Dingo, accrochages en fac et fugues à répétiton avec des blondinets asexués et benêts mais si craquants, les grands festivals de rock, regrettant celui l'île de Wight car trop jeune mais Jimi Hendrix et Miles Davis vus dans un film quel pied !, la cérémonie de son mariage où déjà l'incompréhension couvait, ses accouchements pénibles, la mort intolérable de Virginie maman-poule à côté de toutes les plaques, les engueulades avec Raoul papa-coq toujours dans d'autres basses-cours, avec Franck et ses infidélités fanfaronnantes à répétition, les dits et non-dits, les colères, les empoignades, la laissant seule, désemparée ; dans sa tête, c'est un ballet composé de peintures de Pollock, elle tremble maintenant, elle a froid, il ne pleut plus.

Franck, justement au téléphone

- Jeanne, tu ne peux pas…

- si je peux…

- Louis m'a appelé

- Louis ? encore ?

c'en est trop, stop, Jeanne coupe rageusement la communication. Elle se retourne, s'inquiète d'un silence inhabituel ; Apollon a disparu. Le téléphone sonne de nouveau : cette fois Héloïse… encore !. Allô.

 

(à suivre)

11:04 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)