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02/09/2016

UN GROS POISSON

 

Cette nuit-là, les deux hommes pénétrèrent calmement dans le bureau du sénateur Plumier-Dalbret, allumèrent la lumière et se dirigèrent vers le tableau de Modigliani (un faux) derrière lequel se trouve le coffre-fort qu’ils ouvrirent connaissant la combinaison et, parmi plusieurs dossiers, retirèrent celui portant l’inscription « XBC31-15 ». Ils étaient manifestement bien renseignés, le boulot donc facile. Les deux hommes repartirent aussitôt en oubliant d’éteindre la lumière, une faute.

Albéric Plumier-Dalbret était sénateur depuis une trentaine d’années (comme le furent tous les hommes de sa famille nombreuse qui croyaient que c’était une profession autant qu’un honneur). Âgé maintenant de 64 ans, il cumulait avec satisfaction bien des postes plus ou moins honorifiques qui suffisaient à la haute opinion qu’il avait de lui-même : Président de ceci, Membre honorifique de cela…, bienfaiteur de… ; physiquement, il ressemblait à un de ces sénateurs de la 3ième République ventripotents dont on rit quand les voit dans les vieux films. Il enrageait de ne pas avoir été nommé ministre et vouait pour cela une haine profonde à Raymond Barre. Dans son département agricole, il défendait la culture intensive et était donc combattu par les écologistes. Louvoyant plus ou moins habilement, il avait fait parler de lui pendant la COP 21 sur laquelle il ricanait, se contredisait, finassait, son gros cul entre deux positions inconfortables qui agaçaient les plus virulents tenants d’une agriculture raisonnée et principalement bio. C’est alors que les avertissements, les sous-entendus, les menaces firent leurs apparitions dans la presse et sur la place public, les lettres personnelles de dénonciation commencèrent à arriver chez lui. Plus il en arrivait, plus il fanfaronnait, signe visible qu’il commençait à être soucieux sinon inquiet. Il se vantait d’avoir beaucoup d’amis mais ceux-ci étaient moins nombreux que ses ennemis dont il ne disait mot, il n’osait en connaître la quantité et les qualités. Son ménage (de circonstance avec Constance de) battait de l’aile depuis longtemps, plus de trente ans, il était cocu jusqu’à l’os, alors il se contentait de poulettes à deux balles vite-fait mal-fait quand « se vider les burnes », disait-il, devenait une nécessité, deux à trois fois par mois, quatre les années « bisextiles » dans un petit pied-à-terre où il prenait péniblement son panard peu vaillant.

 


Les prises de positions, les postures et impostures de M. le Sénateur commencèrent à en agacer plus d’un et cela s’envenima plus rapidement que prévu. Les lobbies accentuèrent leurs pressions, les détracteurs décidèrent de déclarer une sorte de guerre sans merci dans laquelle tous les moyens seraient bons à employer. Une vraie cabale anti Plumier-Dalbret vit ainsi le jour et les complots, commissions, factions et exactions commencèrent leur œuvre de destruction massive. C’est ainsi que plusieurs comités et associations envoyèrent les deux hommes sûrs de leur coup faire razzia, dans le bureau qu’ils connaissaient, sur les documents compromettants et qu’ils dérobèrent le fameux dossier au titre énigmatique « XBC31-15 ». Fiers de leur exploit et de leur butin, ils ouvrirent le dossier au cours d’une réunion mémorable : au lieu de ce qu’il recherchait, c’est-à-dire les connivences avec certaines organisations nocives, ils furent surpris de ne trouver… que des photos de pédopornographie, images ignobles et dégradantes en quantité suffisante pour le compromettre sur un sujet auquel ils ne s’attendaient pas (quoique…). Le gros poisson était tombé dans une autre sorte de filet… un mauvais coup de filet, pour un gros poison.

 

 

 

22:41 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (0)

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