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16/09/2015

ENCORE LES HISTOIRES

 

 On ne savait toujours pas « comment » cela avait commencé. Alors c’était les questions et chacun avait sa petite idée, on n’allait pas encore en faire toute une histoire comme d’habitude et pourtant à la réflexion… la question était plutôt de savoir « qui » avait commencé car souvent on ne se rappelait même pas du sujet ni de celui qui l’avait exprimé, c’est ce qui plaisait à certains les autres étant déroutés ou perdus ou bien rigolards. Et puis, se demandait-on, était-il nécessaire d’avoir un sujet, trouvait-on encore un sens à ce mot, si oui lequel ?, bonne question… Jérôme avait bien sa petite idée approuvée par Muriel mais souvent il ne savait pas la présenter, il redoutait, parce que les autres l’attendaient au tournant trop souvent ne sachant quoi avancer comme arguments valables. Cela plombait un peu les réunions mensuelles surtout au début, la présomption et la tension étaient parfois insupportables en attendant le premier « heu » ou le claironnant « bon » ou le pétillant « voilà » ou le probable  « c’est pas tout ça mais » ou plus vulgairement « rien » ce qui n’était déjà pas si mal. Quelquefois, cela tournait court, la séance était terminée bien avant qu’elle ne commence alors chacun repartait dans son coin avec sa petite histoire en bandoulière, son sujet favori dans la besace.

Tenez, la semaine dernière, il y eut plus d’histoires que de personnes pour les raconter, des fois c’était l’inverse et là on était bien embêté car on n’était pas vraiment venu pour ça. Tout le monde reconnaissait que Jérôme était celui qui faisait le plus d’efforts, on a encore l’exemple de son histoire sur l’attente de Godot (qu’est-ce qu’on a ri quand quelqu’un un a demandé pour la tante) ou sur les gnossiennes de Satie (surtout la quatrième, tiens ! pourquoi ?) ou sur les fameux et cronopes de Cortázar (on était perplexe enfin pas tous) ou sur les blagues de Desproges (qui arrivaient toujours quand on ne les attendait plus ou moins). Le pire était les jeux de mots vasouillards quand on n’avait plus rien à présenter, Muriel avait la parade elle levait le pouce de sa main droite et l’abaissait de manière significative c’était suffisant, Rodolphe l’appelait la garde-barrières et on riait certaines pouffaient. Des fois, ça partait sur les morts, alors la source était intarissable ou bien tarie on n’était pas sûr à l’avance malgré les spécialités de qui on savait, de qui on attendait, fallait faire attention aux bornes à ne pas dépasser, les pédés, les pédophiles, les putes, les flics, les agents immobiliers… parce que là…

Les séances devinrent irrégulières, l’assistance fluctuante, parfois on était trop d’autres pas assez, il n’y avait pas de moyenne. Cela pouvait partir sur la politique mais on est tous tombé rapidement d’accord : pas de ici entre nous et on respectait la clause n’en déplaise à certains pervers vite rentrés dans le rang. En d’autres occasions, les plus fréquentes, on évitait les faits-divers, les accidents du quotidien et la météo trop relativement changeante pour être prise au sérieux. Jérôme était choisi et devenu le type parfait du lanceur d’idées et d’alertes (à la mode) mais des fois le comité le reprenait car on le jugeait trop intellectuel (les frivoles), d’autres trop désinvolte (les intellos) mais n’allez pas croire, il était respecté hein !. Oh ! il y eut quelques frottements, des piques, des sous-entendus, des grognements, des ricanements aussi mais jamais de dispute, même quand ou même si oui…

Bon, demain c’est le grand jour, l’assemblée générale annuelle de l’ABA (Académie des Bavards Anonymes exceptionnellement présidée par une vedette de l’Acacadémie Française pour l’occasion), tout le monde sera présent (pointage oblige pas flicage ) si c’est comme l’année dernière on peut encore (se) poser des questions et si il y en a autant alors là je vous dis pas parce que les sujets ne manquent pas, les histoires abondent… reste à savoir lesquels.

Jérôme a quand même sa petite idée, Muriel croit savoir mais avec lui on n’est jamais sûr, alors...

Jacques Chesnel

14:15 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

Très drôle cette façon d'écrire pour ne rien dire, un tour de force, j'aime

Écrit par : Evelyne Dupré | 17/09/2015

Jean d'O. sera de la partie (fine ou carrée) : il est intarissable sur n'importe quel sujet !

Écrit par : Dominique Hasselmann | 18/09/2015

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