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23/11/2014

L'ÉPREUVE

On n'avait pas vraiment besoin de ça.

Dehors, c'était épouvantable, il faisait un temps de chien que même les chiens n'aimaient pas, surtout les chiens. A  l'intérieur, ce n'était pas mieux, Muriel avait des yeux qui lançaient des éclairs que Jérôme essayait vainement d'attraper au vol, surtout les éclairs. Tous les deux se demandaient ce qui avait pu provoquer hier une telle dispute, une telle violence, surtout la dispute, une nouvelle épreuve ; la cause ?, pendant cette soirée le regard coquinement allumé que Aurélie avait envoyé à Jérôme comme un signe, un signal, le geste provocateur quoique pas trop anodin de Muriel envers l'enchanteur Daniel, le verre de porto en trop, le petit four en moins, une parole perdue dix de trop retrouvées, l'histoire de cul incohérente et déplacée selon, le récit de voyage fantasmé/détourné, sans remonter jusqu'au mauvais réveil suite à une nuit agitée sans raison ou alors avec de multiples, surtout multiples.

Dehors, cela ne s'arrangeait pas, maintenant, la grêle qui frappe aux carreaux surtout sur tout, dedans une coupure d'électricité et merde ya pas de bougies, surtout de bougies qu'on oublie toujours d'acheter au cas où, c'était sur la liste des courses bordel comme le papier cul disparu comme par enchantement tu parles on n'est pas dans la merde, surtout dans la merde et voilà le bigophone qui se prend pour Nino Ferrer c'est bien le moment, surtout le moment.

Allô, Alain ?, ici Jérôme, allô Alain, c'est Jérôme, ya pas d'Alain ici merde et ce con qui insiste, il raccroche précipitamment et en se retournant fait tomber une chaise sur laquelle dormait Alan le chat, surtout le chat qui se carapate en miaulant furieux tandis que la lumière revient, il voit les larmes de Muriel ah non bon dieu pas ça, pas encore pas maintenant ce n'est pas le moment surtout pas maintenant, elle ravale ses larmes, renifle, éternue, et balance à Jérôme le sourire qui le fait fondre, surtout fondre, ce qu'il s'empresse de faire, elle vient vers lui en chaloupant un peu, ne prends pas ton air aguichant, trop tard, il craque, elle trébuche et tombe dans ses bras accueillants, surtout accueillants comme à l'accoutumée, elle marmonne, elle cherche ses mots et lui dit enfin : - tu ne trouves pas qu'on est un peu cons, regarde-moi, dis, c'était quoi au juste la question parce que je n'ai pas la réponse et toi, Jérôme ?

On avait vraiment besoin de ça.

Dehors, c'était simplement génial, on se serait cru en Californie avec un soleil pareil, aucun nuage, pas de vent, même que les oiseaux aimaient ça autant que nous, surtout nous. Tout baignait pour Jérôme et Muriel, leurs yeux s'adressaient des messages d'amour qu'il auraient voulu attraper au vol, surtout au vol, plus de trace de la dispute d'hier soir et des autres jours, surtout des autres jours, pas d'épreuve, rien à prouver. Alan avait retrouvé sa chaise préférée et ronronnait plus fort que d'habitude, un vrai moteur de gros avion. On avait l'impression que le jour n'allait jamais tomber, qu'il n'y aurait plus de nuit ni de clair de lune, seul petit regret, surtout la lune… Et c'est alors que Muriel prit délicatement le téléphone, composa un numéro et dit : allô, Alain, c'est moi... merde il a mis le répondeur, il doit être encore sorti fâché, quel drôle de type. Le chat est maintenant réveillé et se dirige lentement vers la cuisine en faisant la gueule la queue raide parce que personne ne l'appelle, Alan miaule désespérément, surtout désespérément, en se dirigeant vers la cuisine. Alors Muriel le prend dans ses bras, le caresse, le cajole, l'embrasse, le rassure et lui dit dans l'oreille en regardant amoureusement Jérôme : tu as raison, on a été un peu cons ces jours-ci, c'était quoi au juste ta question parce que je n'ai pas encore la réponse, et toi, Alan ?.

 

Jacques Chesnel

22:44 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)