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24/06/2014

ENCORE LE GRAND TYPE

  

Nous n'avions pas eu de nouvelles du grand type depuis un bout de temps, quand un soir au téléphone il demanda à parler à Muriel qui me fit non de la main mais qui finalement prit le bigorneau et me dit après avoir raccroché : «cette fois, il a vraiment merdé ».

Plusieurs fois, en revenant du yoga, Muriel avait raconté avoir eu connaissance de drôles comportements de son prof, étranges, bizarres, inexplicables, voire intrigants ou inquiétants, elle ne voulait pas en dire plus mais Jérôme voyait bien qu'elle était choquée, elle pour qui il en fallait beaucoup pour… Elle avait même avoué qu'elle se demandait si elle allait continuer à suivre ses cours… Jérôme, curieux de nature, restait étonnamment muet pour ne pas en rajouter, il avait su par une copine qu'il y avait eu des retards, des annulations, des absences injustifiées, des escapades avec la directrice du gymnase (ce qui avait fait jaser quand on connaissait la bougresse du genre éléphante woumane pour les nuls), des remarques libidineuses sur des jeunes stagiaires étranges et étrangères un peu surexcitées façon « girls » des séries télé américaines aux tenues extravagantes trop fluo et shorts trop courts, rien de bien méchant mais de quoi faire jaser quand même. Rodolphe s'était accroché avec deux garçons qui, disait-il, foutaient la pagaille en faisant les guignols que personne trouvait drôles à part certaines ricaneuses, à part celui qui l'imitait derrière son dos et qui faisait pouffer l'assistance par ses mimiques exagérées mais bien copiées, rien de bien méchant ; il s'était fait surprendre à fumer des joints dans les toilettes avec la technicienne de surface que tout le monde détestait sans savoir vraiment pourquoi ah ! si elle sentait fort des pieds et crachait de gros glaviots noirs dans un gobelet en carton pendant à son cou décharné au bout d'une ficelle, il avait embouti plusieurs bagnoles en voulant se garer complètement bourré et proférer des menaces incompréhensibles bon, on arrête là la liste de reproches et jérémiades.

On ne savait pratiquement rien de sa vie privée sinon qu'il avait été marié et divorcé depuis longtemps avant son arrivée au gymnase, on ne lui connaissait pas de liaison réelle ou imaginée mais on avait constaté un sérieux changement de comportement dernièrement, il était devenu aigri, renfermé ou au contraire trop exubérant, ce qui faisait dire au dirlo qu'il virait bipolaire, coléreux aussi pour des riens, des petites fautes des élèves. Et là, Muriel dit un soir à Jérôme : « bon cette fois il a vraiment merdé ».

Cela faisait trois semaines qu'on était sans nouvelles, il avait pratiquement disparu sans crier gare, mais ce qui était le plus inquiétant c'était également l'absence de Laura à ses cours, une gamine de quatorze ans inscrite depuis le début de l'année. La coïncidence était évidente, deux disparitions simultanées et si… jusqu'à cette photo de la gamine parue dans la presse à la demande de sa mère qui vivait dans la région de Colmar et qui, inquiète, avait prévenu la police , laquelle avait lancé un avis de recherche. Au bout d'une dizaine de jours, on avait reçu des autorités espagnoles une annonce que le couple avait été signalé et localisé à Ibiza. Jusqu'ici, une banale affaire comme on en voit souvent, un séducteur qui s'éprend d'une jeunesse qui s'embéguine pour son séduisant professeur et qui décide de partir avec pour vivre une folle aventure… sauf que, on le découvrit à l'enquête, Laura était sa propre fille née peu après son divorce et dont son ex-épouse lui avait caché la naissance.

- Putain, c'est pas vrai ce que me racontes-tu là, Muriel, on dirait le scénario du prochain film de Pedro Almodovar  ou quoi?, demanda Jérôme, abasourdi.

- Si tu crois que t'es le seul à penser au cinéma.

 

© Jacques Chesnel

18:59 Publié dans Mes textes | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Ce n'est pas un manque de peau.

Écrit par : Dominique Hasselmann | 05/07/2014

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